Les supporters verts vont tenter de vite passer à autre chose, mais vont conserver un temps ce sentiment perturbant : certes, la victoire lyonnaise est probablement méritée sur l’ensemble de la rencontre, mais on ne peut s’empêcher de voir dans l’enchaînement des décisions arbitrales un élément à part entière d’une défaite cinglante. Dès lors, la fameuse question se pose : « Et si… ? ».
Tentons donc de nous projeter dans une uchronie où les instances ont rendu possible l’arbitrage assisté par la vidéo. Évidemment, par commodité, nous devrons mettre de côté un point important : toute modification à un instant T provoquerait un déroulement totalement différent de l’ensemble de la rencontre. Du coup, cet exercice n’a pas pour vocation de « réécrire » le film du match et conclure que le score final aurait dû ou même pu être différent. D’autres le font très bien, ou plutôt très mal. Il est simplement intéressant de mettre à la lumière de la pratique - virtuelle - de cette forme d’arbitrage assisté des situations pour s’interroger sur les modalités d’application possibles. Or, coup de chance, ce derby offre au moins quatre actions assez emblématiques de ce qu’il serait possible de faire, ou pas.
Pour terminer ce long préambule, posons ce que nous appelons ici « arbitrage assisté par la vidéo » en retenant les modalités d’application préconisées par une majorité de ses partisans : un recours possible dans trois cas de figures (franchissement de la ligne - même si la GLT semble avoir apporté une réponse, faute commise et son degré d’intensité, en particulier dans la surface de réparation, et hors jeu ou pas lorsqu’un but est marqué). L’arbitre peut consulter son support vidéo à tout moment et les entraîneurs bénéficient de challenges dont le nombre importe peu.
Dernière remarque, d’importance, cette application se fait dans un contexte où les règles du football ne sont pas changées pour permettre cette application. Petit teaser : c’est de là que proviennent les surprises. Trois points seront particulièrement décisifs dans les règles actuelles. Primo, le football est un sport de chronologie. Cela signifie, pour une faute, que ce qui se passe en premier est ce qui sera sanctionné d’un coup franc. Par exemple, si je tire le maillot de mon adversaire qui, en retour, me colle une baffe, je serai averti, mon adversaire exclu mais la reprise du jeu sera un coup franc pour mes adversaires. C’est une différence fondamentale avec le rugby, où une faute postérieure, mais plus grave, entraînera un « renversement » de la pénalité. Secundo, si le jeu a repris, l’arbitre ne peut revenir sur sa décision. Il peut par exemple transformer un carton jaune en carton rouge (ou l’inverse !) s’il se rend compte qu’une blessure grave lui a échappé, mais il doit impérativement le faire avant que le jeu ne reprenne. Tertio et corollaire du premier point sur la chronologie, un coup franc ou penalty n’est possible que si le ballon est en jeu au moment de la faute. Le ballon n’est plus en jeu lorsqu’il franchit entièrement les limites du terrain ou lorsque l’arbitre siffle pour l’arrêter. Tout ce qui se passe alors que le ballon n’est pas en jeu reste sanctionnable disciplinairement (des cartons sont possibles). Ultime remarque : lors d’une remise en jeu, le ballon est considéré comme « en jeu » au moment où il a été botté (ou lancé sur une touche) et a bougé (vers l’avant pour un coup d’envoi ou un penalty) et pas au moment où l’arbitre donne son accord pour jouer.
- 9ème minute : Premier corner lyonnais
Cette action se déroule sur le premier corner du match. À la réception au milieu d’une forêt de joueurs, Yanga-Mbiwa réalise un bel ascenseur sur Beric, Ruffier est un peu bousculé, ne capte pas le ballon qui est repris par Lacazette. Sur sa ligne, Lemoine détourne le ballon du bras en cherchant à le dissimuler au maximum. L’arbitre revient à une faute préalable peu évidente sur le gardien stéphanois ou plus évidente sur le Slovène.
Ce qu’il aurait pu se passer avec un arbitrage vidéo : admettons que Fournier, pas content, utilise un challenge. Déjà, difficile sur cette action d’être catégorique : le nombre de joueurs concernés est très important (sept !) et Beauvue, derrière cet amas, semble pousser un peu tout le monde. Après visionnage, l’assistant vidéo indique à Chapron qu’il pense qu’il n’y a pas de faute lyonnaise. Dans ce cas, pensez-vous, c’est facile : on signale la faute commise par Lemoine ensuite, donc carton rouge et penalty. Que nenni ! Puisque l’arbitre a sifflé sur le contact et avant la main, le ballon n’était plus en jeu. La reprise du jeu aurait donc pu être balle à terre (la reprise du jeu préconisée quand l’arbitre s’aperçoit qu’il a arrêté le jeu à tort) et non penalty. À noter que, sur cette action, Lemoine aurait pu tout de même être averti pour comportement antisportif et donc exclu pour un second avertissement, mais pas pour avoir anéanti une occasion de but manifeste.
- 40ème minute : Premier but lyonnais
Après un dégagement mal assuré par les Verts, Morel envoie le ballon de la tête vers l’avant à 40 m des buts. Darder tente de le contrôler mais ne semble pas toucher le ballon qui, après un rebond, parvient à Lacazette. Celui-ci profite de la glissage de Perrin pour se retourner et piquer le ballon au-dessus de Ruffier pour l’ouverture du score. Problème : l’attaquant est hors-jeu au départ du ballon (la tête de son équipier), revient en position licite et s’empare du ballon. Manque de vigilance de l’assistant ? Ou a-t-il pensé que le ballon était touché par Darder, remettant ainsi Lacazette en jeu ?
Ce que dit la règle : pas besoin de s’embrouiller l’esprit avec des notions comme « tirer avantage de sa position » ou autres subtilités de la règle du hors-jeu. La position se juge au départ du ballon, quelle que soit la position du joueur à l’arrivée. Donc, contrairement à ce qu’on a pu presque entendre sur Canal + à la mi-temps, ce n’est pas parce que le but est joli qu’il en devient valable : Lacazette était hors-jeu et le but aurait dû être invalidé.
Ce qu’il aurait pu se passer avec un arbitrage vidéo : un fait notable, très peu de monde s’est rendu compte en direct du hors-jeu. Sur Canal +, ce n’est qu’à la mi-temps que l’on a percuté, soit 10 bonnes minutes plus tard. Les joueurs et le banc stéphanois n’ont semble-t-il pas contesté. Et, bien sûr, les arbitres n’ont pas détecté le hors-jeu non plus. Dès lors, ce but aurait-il fait l’objet d’un revisionnage ?
Dans le cas où l’arbitre et/ou un entraîneur peut demander le recours à la technique, il y a fort à parier que Galtier n’aurait pas fait appel à son « challenge », faute d’avoir perçu la position de hors-jeu : le but aurait très bien pu être accordé, malgré l’erreur !
Admettons que tous les buts soient revisionnés par sécurité (après tout, pendant les célébrations, le retour des joueurs dans leur camp, on a bien le temps de le faire) : sous réserve que les images arrivent bien à prouver que Darder ne touche pas le ballon, le but aurait été refusé et le jeu repris par un CFI pour l’ASSE.
- 78ème minute : Faute de Ferri sur Beric
Bob Beric, cerné, reçoit le ballon dos au but à une vingtaine de mètres plein axe. Faute de solution, il conserve le ballon, s’excentre près de la ligne de touche et est découpé par Ferri, venu de trois quarts arrière. La faute est sifflée, un avertissement donné au Lyonnais. L’attaquant stéphanois, hors du terrain, se tord de douleur en se tenant le genou.
Ce que dit la règle : avertissement ? Exclusion ? La frontière est souvent assez mince entre un tacle fautif « par imprudence » et un « excès de combativité » jusque dans les définitions. Dans le premier cas, « le joueur exécute son geste sans prendre garde du danger pour son adversaire » et doit être averti. Dans le second, « il fait preuve de beaucoup trop de combativité et risque de blesser son adversaire » et doit être exclu. En l’espèce, la décision de Chapron est peut-être trop rapide. Soucieux d’apaiser les tensions du match, il montre immédiatement le carton jaune à Ferri. Peut-être aurait-il pu au préalable se soucier du blessé ? Et, même, la règle ne dit-elle pas qu’il peut revenir sur sa décision et modifier la couleur du carton s’il constate une grave blessure ? C’est évidemment possible en théorie. En pratique, un arbitre n’est pas médecin. Alors, autant il lui sera possible de changer un jaune en rouge s’il constate de visu des crampons profondément imprimés sur une cuisse, une hémorragie à l’arcade ou une fracture du tibia, autant, se rendre compte d’une rupture des ligaments croisés est beaucoup plus difficile pour lui.
Ce qu’il aurait pu se passer avec un arbitrage vidéo : il est possible que Galtier décide de demander un visionnage des images. De mon point de vue, Ferri commet cette faute avec une intensité et un angle qui ne laisse que peu de place au doute sur son excès de combativité. Fait aggravant, il semble évident qu’il fait faute totalement volontairement, alors même qu’il n’y avait pas de danger particulier sur cette action. Et il est aussi clair qu’il y va pour faire mal à un adversaire qui ne peut pas anticiper le coup. Après une revue par un assistant vidéo, il est plus que probable que Ferri aurait été exclu.
- 79ème minute : Faute Yanga-Mbiwa sur Perrin
Dans la foulée de cette faute, le coup franc est envoyé dans la surface par Eysseric. Au premier poteau, Jallet se jette et expédie le ballon en corner. À une dizaine de mètres de là, près du point de penalty, Perrin s’effondre, la lèvre en sang. Il a reçu une violente claque de Yanga-Mbiwa.
Ce que dit la règle : pas besoin d’épiloguer, que Yanga-Mbiwa cherche trop brutalement à se dégager d’un tirage de maillot ou qu’il colle une beigne volontairement en loucedé à Perrin, la sentence aurait dû être la même, à savoir une exclusion. L’action se passant dans la surface de réparation, alors que le ballon, même loin, est en jeu, le jeu aurait dû reprendre par un penalty pour Sainté. Le problème est qu’aucun des arbitres n’a vu ou même pu voir ce qu’il s’était passé : l’assistant ne voit que le dos des joueurs concernés, le central est forcément focalisé par les joueurs autour du ballon. Quant au quatrième et au second assistant, ils sont trop éloignés et il aurait fallu un coup de chance pour que l’un des deux perçoive quelque chose.
Ce qu’il aurait pu se passer avec un arbitrage vidéo : on se dit « Chic, c’est l’exemple rêvé »! L’arbitre, voyant la lèvre ouverte va se douter qu’il s’est passé quelque chose et faire appel à son assistant vidéo avant de faire jouer le corner. Effectivement, Yanga-Mbiwa n’a aucune chance d’échapper au carton rouge qu’il mérite.
Mais comment reprend-on le jeu ? La logique voudrait qu’on accordât un penalty aux Verts. Cependant, en regardant de plus près, on constate au moins 5 à 8 fautes commises en quasi-simultané SUR LE MÊME PLAN DE CAMÉRA ! Revenons à notre notion de chronologie : cela signifie que, sur cette action, l’assistant vidéo aurait dû rechercher qui commet la première faute sur qui, à partir du moment où le ballon a quitté le pied d’Eysseric. Bon courage !
Niveau bilan, pas question d’affirmer que les Verts auraient dû obtenir au moins un match nul sur ce match et Lyon terminer à neuf. L’analyse met certes en évidence des décisions qui auraient probablement été différentes (à condition qu’un recours eût été posé), mais montre surtout que les règles du football, à l’heure actuelle, ne sont pas forcément prêtes pour une utilisation cohérente d’une assistance vidéo, et ceci en dehors de toute critique habituelle des opposants (temps perdu, différences entre football du « haut » et du « bas »…). Et même si les règles sont modifiées pour rendre l’évolution possible, notamment en revenant sur la notion de chronologie stricte, cela pourra-t-il s’appliquer à des matchs non assistés par la vidéo ? Quoi qu’il arrive, règles et consignes aux arbitres (attendre avant de siffler…) ont intérêt à être sacrément précises et bien appliquées pour ne pas générer autant d’injustice qu’actuellement.
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