Entraînée par un Marseillais, dotée d'un sacré potentiel offensif et d'un excellent état d'esprit, l'équipe d'aujourd'hui ne vous rappelle rien ? Acceptant de se prêter longuement au jeu des comparaisons, Robert Nouzaret va vous rafraîchir la mémoire ! Les neigeux Sainté-Montpellier et les gardiens de but sont au menu du premier des sept volets de l'entretien que nous a accordé l'ancien entraîneur des Verts.
Sainté reste sur une victoire sous la neige contre Montpellier, j’imagine que ce scénario doit te rappeler quelque chose…
Oui, ça m’a rappelé un excellent souvenir parce que ça se passait à Saint Etienne et ensuite parce que c’était une victoire obtenue difficilement contre le même adversaire dans des conditions, pas identiques car il n’y avait pas autant de neige, mais avec beaucoup de situations climatiques… Il y avait eu un suspense unique jusqu’au bout car il me semble que le cinquième but qu’on a marqué était plus dû aux conditions climatiques et à l'état du terrain qu’à notre supériorité.
Oui, c’est José Aloisio qui marque un but de raccroc…
Voilà . Je pense que le dernier match de Saint Etienne s’est joué surtout avant les chutes de neige. La différence était faite. Après les chutes de neiges à la mi-temps et la seconde mi-temps, c’était juste spectaculaire et ça a confirmé la supériorité de Saint-Etienne.
Tu as donc regardé ce match, qu’est-ce que tu en as pensé ?
Je pense que Saint Etienne depuis quelques matchs donne vraiment l’impression d’avoir un état d’esprit. Ils n’ont pas une équipe extraordinaire, mais ils ont une équipe complémentaire. Avec un fort potentiel offensif, ce qui n’est pas négligeable. C’est un bon mélange d’ingénieurs et d’ouvriers avec un état d’esprit au dessus de la moyenne. Grâce à Galtier, certainement, et aussi au public qui se retrouve un peu dans ce genre de valeurs. Une équipe qui gagne et se retrouve quatrième au classement général, c’est une bonne chose pour les Stéphanois.
A l'époque du 5-4 il y avait eu plus de buts et moins de neige, mais le contexte était différent, ton équipe restait sur une mauvaise série après une super première moitié de saison marquée notamment par le fameux 5-1 contre Marseille. Le dernier Sainté-Montpellier est plus venu valider la très bonne forme des Stéphanois depuis le début de l’année.
Oui, à l’époque on avait des hauts et des bas et on était plus dans une situation à s’éloigner de la zone difficile qu’à jouer les premières places comme Saint-Etienne à l’heure actuelle. On avait plus concrétisé ça vers la fin, on avait fini la saison à la sixième place.
Lors de ce 5-4, Bruno Carotti avait marqué un but pour Sainté. Quelle image gardes-tu de ce joueur que tu as retrouvé par la suite en tant qu’entraineur de Montpellier ?
Je l’ai eu à Saint Etienne, à Toulouse et à Montpellier et je continue à avoir des relations avec lui [ndp2 : il est toujours directeur sportif de Montpellier]. C’est tout d’abord un excellent joueur, qui a eu chaud dans sa carrière puisque lorsqu’il était à Montpellier, l’année où on devait décider d’un contrat pro ou non, on lui avait proposé de rester une année de plus avec un statut amateur. Il a eu l’intelligence d’accepter et ça lui a permis d’obtenir la signature d’un contrat pro une saison après, et à partir de la il a vraiment débuté sa carrière. Je suis encore en contact avec lui parce qu’il s’occupe du recrutement à Montpellier. Cette année, on s’est fait prêter un joueur de Montpellier pour venir à Arles et on a pris à l’intersaison un jeune du centre de formation donc on avait des relations assez épisodiques.
Lors de ce fameux 5-4 de la saison 99-00, Michel Mézy entraînait Montpellier. On l’a vu râler un peu lors du dernier Sainté- Montpellier râler. Selon lui, il aurait été plus sage de reporter la rencontre. Quel est ton point de vue ?
Je pense que c’est de bonne guerre. Ils ont tenté, essayé d’influencer le corps arbitral parce que le règlement fait qu'on repart à 0-0 si le match est arrêté. Donc ça leur donnait une occasion de pouvoir refaire un autre match. Mais bon, je pense que l’arbitre a tenu compte du fait que Saint-Etienne menait 3-1 et que la neige, c’est moins dangereux que le gel. En l’occurrence il ne s’est rien passé d’extraordinaire grâce au bon état d’esprit des joueurs.
Un bon état d'esprit aussi avec la musique des Bronzés font du ski qui a été passée pendant que les Stéphanois déblayaient le terrain. Qu'as-tu pensé de cette scène ?
Je pense que c’est sympathique, je crois que c’est mieux de montrer ça que des gens qui râlent ou qui cherchent à changer le cours des choses. Je crois que si le corps arbitral avait compris que vraiment il y avait un danger, il aurait arrêté. Mais la neige, à partir du moment où le ballon roule, je pense que c’est moins dangereux que le gel.
As-tu trouvé que malgré les conditions de jeu le match avait été plaisant ?
C’était un match qui correspondait bien à l’état d’esprit de Saint Etienne. C'est une équipe qui s’engage beaucoup, qui fait beaucoup de pressing, qui est très forte dans les duels, qui est capable en contre d’être très dangereuse. Saint-Etienne a un potentiel offensif avec Brandao et Aubameyang qui est extraordinaire. Il y a beaucoup de joueurs qui parcourent un terrain énorme, qui récupèrent des ballons en quantité très importante pour avoir ce potentiel offensif. Je crois que c’est une équipe qui est un peu à l’image de notre équipe de l’époque, qui était très complémentaire dans un état d’esprit adapté à des conditions climatiques de ce style-là .
Si on devait se prêter aux jeux des comparaisons, penses-tu que l’équipe actuelle de l’ASSE est mieux armée et plus talentueuse que celle que tu as eu sous ta direction en 1999-2000 ?
Je pense ni plus ni moins. Je pense qu’elle est dans l’esprit. Notre force était la complémentarité, chaque joueur avait un poste bien précis qui s’adaptait à celui qui était à côté de lui. Je crois que le Saint-Etienne de cette saison confirme un peu les étincelles des saisons précédentes depuis que Galtier est là . Il y avait un peu plus de hauts et de bas. Je pense que là , ils ont trouvés leur rythme de croisière et à mon avis ils vont aller jusqu’au bout. Mais bon, notre équipe était un peu dans ce style la. Communion avec le public, staff technique près des joueurs et des dirigeants. Je pense que la complémentarité des deux présidents, bon moi c’est une situation avec laquelle je n’étais pas d’accord. Je trouve que c’est déséquilibré et dangereux. Je pense qu’ils ont dû mettre beaucoup d’eau dans leur vin et que chacun s’est remis bien à sa place. Là aussi, ça permet de parler beaucoup plus football que d’intrigue, et ça aussi je pense que ça doit être un plus pour l’aspect sportif.
On sait que ça n’a pas toujours été le cas à Saint-Etienne, qui a toujours été un club plus marqué par l’instabilité et les guerres de pouvoir.
Si on fait le bilan depuis pas mal d’années, les échecs ou les périodes difficiles ont surtout été les conséquences d’ego mal placé, de pouvoir mal placé, alors que la stabilité c’est l’idéal.
Au niveau des gardiens de buts, on a un gardien de dimension internationale, Stéphane Ruffier. A quel niveau le situerais-tu dans la hiérarchie des gardiens français ?
Pas loin des meilleurs. La seule chose que je ne connais pas beaucoup de lui, c’est l’aspect mental. Et à mon avis souvent dans ses déclarations ou dans ses attitudes, c’est ce qui pourrait le plus le gêner un jour. Alors que Jérôme Alonzo à l’époque donnait l’impression d’être plus équilibré en dehors du terrain. Quand j'écoute parler Ruffier, quand je vois ses attitudes pendant un match quand ça ne se passe pas comme il le souhaite, il a des attitudes qui ne sont pas à la hauteur de son talent.
Et tu penses que cela peux lui porter préjudice par rapport à d’autre gardiens ?
Oui, par rapport à la sérénité d’un Mandanda. Bon, Landreau il est hors catégorie par rapport à son expérience, au métier qu’il a.
Pour de nombreux supporters stéphanois, d’un strict point de vue sportif, il n’a rien à envier aux gardiens internationaux. Il est peut-être supérieur depuis le début de saison à un Mandanda.
C’est un grand gardien d’avenir, qui a montré déjà beaucoup de ses qualités déjà à Monaco et à Saint Etienne. Mais, peut être que je me goure complètement, je ne le connais pas à 100%, c’est difficile de donner une analyse de joueurs que tu n’as pas tous les jours à l’entrainement. Et dont tu ne peux te faire une impression qu’avec ce que tu vois et entends. Et donc ce n’est pas toujours les sensations les plus justes.
Est-ce qu’à ton sens le fait d’avoir un gros vécu en Ligue des Champions est devenu un prérequis pour s’imposer en équipe de France ? Penses-tu que le sélectionneur puisse hésiter à prendre en numéro 3 un jeune gardien ambitieux avide de bousculer la hiérarchie?
Le fait qu’il ait du caractère, même mauvais n’est pas un défaut. Mais moi, en tant que sélectionneur, je prends trois gardiens sans me soucier de leurs états d’âme. Parce que si le premier se blesse le deuxième doit être aussi bon, et si le deuxième se blesse le troisième aussi. Je ne vais pas penser : "lui il est ambitieux donc il va créer des problèmes". Ca, ça se règle d’une manière différente. Au départ, le critère, c’est la valeur individuelle. En ce qui concerne Ruffier, il est évident que comparativement à Lloris, à Mandanda ou à Carrasso qui jouent plus souvent des coupes d’Europe, qui jouent en équipe de France régulièrement, bien sûr que c’est un avantage. Mais il est plus jeune, et il va faire son trou et peut être que Saint-Etienne va lui permettre de faire une coupe d’Europe.
Pour revenir à Jérôme Alonzo et Jérémie Janot, quelle image gardes-tu de ces deux gardiens ?
J'en garde une très bonne image. Le seul regret que j’ai vu la progression et l’évolution de Janot c’est que j’aurais aimé être l’entraineur qui lui a fait confiance. Alors que le premier entraineur qui lui a fait confiance je crois que c’est Fred Antonetti. Parce qu'à l’époque je le considérais comme un très bon numéro 2, et que l’on cherchait beaucoup plus à remplacer Alonzo parce qu’il avait des lacunes dans le domaine aérien par un joueur plus compétitif dans ce domaine, et que je pensais toujours à Jérémie Janot comme numéro 2 et jamais comme numéro 1. Et ça je le regrette car quand je l’ai vu attaquer sa carrière de titulaire il en a surpris plus d’un et moi en premier.
Quelques mots sur sa longévité ?
Janot c’est un peu le même cas que Ruffier à l’époque. Et je crois que lui a eu l’intelligence de mettre beaucoup d’eau dans son vin dans sa vie, dans son hygiène de vie, dans son professionnalisme, ce qui lui a permis d’avoir la carrière qu’il a eue et peut-être ne comptait pas avoir. Et la preuve c’est qu’il a toujours envie de jouer et qu’il y a toujours des clubs qui cherchent à le récupérer pour le poste de gardien mais aussi pour autre chose.
Merci à Ulysse42 pour la retranscription de ce premier volet.