Jean-Philippe Primard revient sur le bon début de saison de l'équipe réserve de l'ASSE.

Après 10 journées, l’équipe réserve de l’ASSE occupe la 2ème place du classement, à cinq points du leader (Gap). Quel bilan fais-tu du début de saison de ton équipe ?

Le bilan est intéressant et plutôt positif, surtout si on se remémore notre tout début de saison ! On a perdu à domicile contre Bastia lors de la première journée et on a enchaîné avec un match nul assez laborieux à Andrézieux. Grâce à un doublé de Tiéné, on a gagné le match suivant contre Albi mais ensuite on a perdu 3-0 à Gap. Cette défaite était lourde mais logique, il n’y avait pas photo. L’équipe que j’ai alignée contre Gap était jeune, mais ce n’est pas une excuse : on n’a pas été bons et dès le lendemain matin j’ai tenu à recadrer longuement mon groupe. J’ai fait savoir à mes joueurs que j’attendais d’eux un tout autre comportement sur le terrain. Contre Gap, ils n’étaient pas dans le coup. Ils étaient absents, résignés, éteints. Je leur ai demandé d’afficher une plus grande solidarité et d’être plus combatifs dans l’adversité. Le match suivant, on a fait 0-0 à domicile contre Cassis-Carnoux. On n’a pas su faire la différence alors qu’on a joué plus d’une mi-temps en supériorité numérique.

Le déclic a enfin eu lieu à Toulouse. On a vraiment fait un bon match là-bas, avec une équipe très jeune. Il n’y avait pas un seul pro hormis Moulin et Faye. Toulouse a ouvert le score en début de seconde période mais on renversé la situation en marquant deux buts dans le dernier quart d’heure. Ce succès a été très important pour la confiance de mes joueurs, qui ont enchaîné avec une victoire contre Nice, un nul à Hyères et deux victoires contre Luzenac et Ajaccio. On reste donc sur une série de quatre victoires et un nul. Le bilan est par conséquent positif. Notre assise défensive est satisfaisante : lors de nos cinq derniers matches, on n’a concédé qu’un seul but. Au milieu de terrain et en attaque, c’est pas mal mais on peut faire mieux. Dans le jeu on a progressé par rapport au tout début de saison mais on est encore très perfectibles. Je suis satisfait de l’état d’esprit de mes joueurs. Ils savent que dans ce championnat de CFA, ils doivent disputer des matches difficiles. Ils savent que face à certains adversaires, ils vont devoir souffrir et s’accrocher. Ça a été le cas à Hyères par exemple, on a été solidaires là-bas pour décocher un bon nul.

Sur un plan personnel, comment vis-tu tes nouvelles fonctions d’entraîneur de la CFA ? En quoi se distinguent-elles de ta précédente expérience avec les 18 ans ?

Mis à part le fait que j’ai désormais sous ma direction des joueurs plus âgés, il n’y a pas de gros changements par rapport à mes précédentes fonctions. Disons que la transition s’est faite d’autant plus facilement que les joueurs m’ont suivi. Les joueurs que j’entraîne aujourd’hui, je les ai pour la plupart entraînés dans l’équipe des 18 ans. Je les connais bien, ils me connaissent bien. Je n’ai pas vraiment eu de temps d’adaptation car j’ai pris mes nouvelles fonctions dès ma nomination à la tête de la CFA. Mais ce nouveau poste ne change pas radicalement par rapport à mon expérience antérieure. Les grands principes ne sont pas différents. La différence porte sur le niveau de la compétition : je suis passé d’un football de jeunes à un football de seniors, d'un football d'adolescents à un football d'adultes. Je compte désormais plusieurs professionnels dans mon effectif. Je trouve que le niveau de la CFA est assez relevé. De bons joueurs évoluent dans ce championnat, certains sont expérimentés. Par ailleurs, en championnat de 18 ans, je n’ai pas le souvenir d’être tombé contre un adversaire qui était largement supérieur à mon équipe. Cette saison, j’ai connu ce cas de figure à Gap. Mais je me rends compte que c’est la seule équipe qui est clairement au-dessus de nous depuis le début de la saison. Contre la plupart des autres équipes, on a au moins fait jeu égal. C’est encourageant.

Comment expliques-tu le début de saison très moyen des 18 ans, entraînés désormais par Abdelaziz Bouhazama ? Cette génération semble moins talentueuse que certaines équipes que tu as dirigées…

A part Emmanuel Rivière, la génération des 1990-1991 n’a pas vraiment brillé ces deux trois dernières saisons. Du coup elle est encore un peu à la peine en ce début de saison en championnat des 18 ans. Je pense que ce groupe est un peu tendre par rapport à certaines équipes que j’ai dirigées. Certains joueurs ont du potentiel mais ils tardent à l’exprimer et à franchir un palier. De plus, les 1989 qui s’entraînent avec la CFA n’ont pas apporté ce qu’on attend d’eux lorsqu’ils redescendent jouer avec les 18 ans.

Dans quel(s) domaine(s) ton équipe doit-elle encore progresser ?

Individuellement, mes joueurs doivent tous progresser. Pour prétendre jouer à l’échelon supérieur, mes jeunes joueurs doivent encore améliorer leur technique, leur tactique et leur physique. Mon équipe peut progresser dans sa façon de gérer les matches, dans l’alternance jeu court/jeu long. Elle doit s’améliorer dans la construction du jeu. Collectivement, l’équipe peut mieux faire. Il faudrait qu’on arrive à mieux gérer les phases offensives en améliorant notre vitesse d’exécution. Défensivement, j’espère qu’on continuera à confirmer notre bonne série actuelle.

Quelles individualités se sont particulièrement illustrées depuis le début du championnat ?

Franchement, aucune individualité ne s’est révélée depuis le début de la saison. Attention, ça ne veut pas dire que les joueurs ne progressent pas ! Certains progressent lentement, d’autres plus rapidement mais aucun n’a véritablement explosé. Le seul qui a sans doute franchi un palier depuis le début de la saison, c’est Emmanuel Rivière. On sait que ce joueur a du potentiel, ça fait d'ailleurs plusieurs années qu’il est surclassé. La saison dernière, il a eu du mal en CFA. Mais cette saison, il s’impose. C'est prometteur.

Agé d’à peine 18 ans, Emmanuel Rivière est considéré comme l’un des plus gros espoirs du club. Peux-tu nous donner ton avis sur ce joueur ? Quelles sont ses principales qualités ? Que doit-il encore améliorer dans son jeu ?

Manu a beaucoup de qualités. C’est un attaquant qui fait énormément d’appels. Il est très disponible et joue en profondeur sur le front de l’attaque. C’est un combattant. J’apprécie son comportement car on sent qu’il a faim, il ne lâche rien. Il est puissant et capable de faire la différence par des dribbles ou grâce à sa vitesse. Il marque des buts parfois surprenants. Il doit encore travailler son efficacité devant le but et sa frappe. Il tire au but plus souvent qu’avant et il doit poursuivre dans cette voie pour être encore plus performant dans la finition. Il doit encore travailler son jeu de décrochage, il reste perfectible dans son jeu de remise, quand il est dos au but.

L’ASSE lui aurait déjà fait signer un contrat pro. Info ou intox ?

Heu, je ne suis pas vraiment au courant mais je crois que c’est en train de se faire. Il me semble que le club lui a fait une proposition. Enfin bref, les deux parties sont intéressées donc je pense que ça va se faire si ce n’est déjà fait.

Comme Emmanuel Rivière, le latéral de 19 ans Yoan Andreu s’illustre aussi bien sous le maillot vert que sous le maillot bleu de l’équipe de France. Tient-on en ce joueur le futur Willy Sagnol ?

Le futur Willy Sagnol, je ne sais pas. Yoan est un défenseur très technique, il est performant dans la relance et il est à l’aise avec les deux pieds. C’est un défenseur intéressant dans les phases de contre-attaque. Il sait dribbler. Malgré un gabarit assez moyen, il a un bon jeu de tête et de très bons appuis. Mais il doit travailler son jeu de défense pure. En un contre un, il n’est pas toujours très à l’aise et il lui arrive parfois de se faire éliminer un peu trop facilement par les attaquants adverses remuants. C’est un joueur très intéressant mais il doit améliorer son placement et sa technique défensive pour franchir un palier supplémentaire. Un défenseur, on le juge pour 60 à 70% sur ses capacités à bien défendre. Yohan doit travailler ce point.

On croyait Anthony Badel perdu pour le football après ses graves blessures et il vient de revenir dans ton groupe. Peux-tu nous dire quelques mots sur ce joueur ?

Je connais Anthony depuis très longtemps, je l’ai même entraîné en moins de 15 ans. C’est un garçon qui n’a pas eu de chance car il n’a pas été épargné par les blessures depuis qu’il est dans notre centre de formation. Il y a deux ans, il n’était pas loin d’être dans le groupe pro mais il s’est blessé assez gravement au genou. L’ASSE a décidé de na pas laisser tomber Anthony. On l’a conservé une année supplémentaire afin qu’il se refasse une santé chez nous. Comme il va mieux, je l’ai réintégré récemment au groupe. Je l’ai fait jouer récemment lors des matches amicaux contre Lyon et Clermont. Il a pas mal joué, et il n’est pas exclu qu’il postule d’ici quelques semaines à une place de titulaire.

Laurent Roussey a-t-il fixé des objectifs à la CFA en termes de résultats et/ou d'organisation de jeu ?

Laurent Roussey ne m’a pas vraiment fixé d’objectif en termes de résultats. Le seul objectif, c’est le maintien. L’équipe réserve de l’ASSE se doit de rester en CFA. On fera bien sûr en sorte d’assurer le maintien au plus tôt, pour éviter de se faire des frayeurs comme l’an dernier. Une fois le maintien acquis, on verra si on se fixe d’autres objectifs et si on pourra viser les toutes premières places. Mais ce serait du bonus. Le principal objectif que Laurent nous a fixé à Alain Blachon et à moi, c’est de faire progresser les joueurs pour que les meilleurs d’entre eux puissent devenir à terme des professionnels.

Comment se passent les convocations de pros en CFA ? A quel moment de la semaine apprends-tu quels pros sont convoqués en CFA ? As-tu ton mot à dire ?

Je n’ai pas vraiment mon mot à dire mais c’est normal, la priorité du club c’est évidemment l’équipe une. En fonction du groupe qu’il compte retenir pour chaque match de Ligue 1, Laurent me dis jeudi ou vendredi quels pros je dois intégrer dans mon groupe pour les matches de la CFA.

Reçois-tu des consignes de Laurent Roussey concernant l'utilisation de ces joueurs pros (poste, temps de jeu, etc...) ?

Laurent me donne souvent des consignes car il souhaite que certains joueurs peu utilisés en Ligue 1 gardent le rythme en jouant en CFA. Mais il m’arrive également de lui proposer de faire jouer tel pro à tel poste dans mon équipe en fonction des joueurs que j’ai à disposition. Même s’il est décisionnaire, il y a un vrai dialogue entre nous et une réelle concertation.

Y-a-t-il une rivalité entre réserves professionnelles au sein de la poule ?

Non, pas vraiment. C’est intéressant de s’étalonner face à d’autres réserves professionnelles, mais c’est bien également de se mesurer aux autres équipes. Pour moi il n’y a pas vraiment de distinction et je ne ressens pas de rivalité particulière entre réserves professionnelles.

Que penses-tu de l'apport des pros aux matchs de CFA ? Préfères-tu que ce soit à dose homéopathique ou bien considères-tu que c'est bien pour tes très jeunes joueurs ?

Je considère que l’apport des pros est une bonne chance. En fait, j’ai deux catégories de pros dans mon effectif : les jeunes pros comme Jessy Moulin, Yohan Benalouane et Malick Faye d’une part, les pros expérimentés d’autre part. Les premiers ne sont quasiment jamais retenus dans le groupe de Laurent Roussey, du coup ils ont un rôle important à jouer dans mon équipe. Ils sont censés être au-dessus des jeunes joueurs et ils doivent apporter un plus et se comporter en leaders. Les deuxièmes sont parfois retenus dans le groupe de Laurent. Quand ils ne le sont pas, ils renforcent ponctuellement mon équipe pour garder le rythme de la compétition. C’est intéressant pour eux mais aussi pour mes plus jeunes joueurs, qui peuvent apprendre à leur contact. Diawara par exemple a rassuré la défense par sa présence, son expérience. Fouss n’hésite pas à conseiller ses jeunes coéquipiers. Si on a une bonne assise défensive depuis le début de la saison, c’est en bonne partie grâce à lui.

Es-tu satisfait du comportement des pros ? Les sens-tu motivés quand tu fais appel à eux ?

Je suis satisfait du comportement des pros. Ils jouent le jeu quand on fait appel à eux en CFA. Tiéné a fait de bonnes prestations, en réalisant notamment un beau doublé contre Albi, et maintenant Laurent fait régulièrement appel à lui. J’ai aligné David Gigliotti et Lasse Nilsson à Hyères. Ils ont pris des coups, ils ont souffert mais j’ai bien aimé leur comportement et leur état d’esprit. Je ne les ai pas sentis démotivés. Quant à Douala, il a fait la différence lors de notre match contre Ajaccio.

Comment Fouss vit-il le fait d'être aujourd'hui de fait cadre de la CFA ?

Fouss a un comportement exemplaire, son état d’esprit est irréprochable. Il est sûrement déçu de ne pas jouer en équipe première mais il ne montre pas ses états d’âme. Il donne le maximum en CFA et ses bonnes prestations ont rejailli sur l’ensemble de mon équipe. J’ai été content qu’il ait l’occasion de jouer contre Marseille et je trouve qu’il a fait un bon match contre l’OM. Fouss me fait un peu penser à ma fin de carrière de joueur à Sainté. J’étais souvent aligné en équipe réserve mais par professionnalisme, je m’efforçais de donner le meilleur de moi-même en équipe B.

Peux-tu nous donner ta vision des évènements du cahotique et pathétique match face au GFCO Ajaccio ?

J’ai lu et entendu beaucoup de choses sur ce match. Certains ont tendance à monter ces incidents en épingle alors que ce match ne s’est pas si mal passé. OK il y a eu des incidents mais il faut les relativiser. Guarin a été provoqué, c’est vrai qu’il a pris quelques coups dans les duels mais dans l’ensemble il n’a pas cédé aux provocations. Vers la 30ème minute, il s’est fait tacler irrégulièrement. Son adversaire a pris un jaune mais lui aussi car il a réagi de façon un peu vive à la faute du joueur corse. C’est lorsque l’arbitre a sifflé la mi-temps qu’un incident s’est produit. Je n’ai pas vu précisément ce qui s’est passé mais j’ai vu un attroupement de quatre ou cinq joueurs corses remontés contre quelques spectateurs stéphanois, quelques noms d’oiseaux ont été échangés et l’un des spectateurs a été frappé par un joueur d’Ajaccio. Au retour des vestiaires, l’arbitre nous a informés qu’il avait expulsé l’auteur du coup de poing. Sur la première action de la deuxième mi-temps, notre attaquant Raphaël Lecomte a été victime d’un vilain tacle. L’arbitre a sorti le jaune mais à mon sens ça méritait clairement le rouge. J’ai eu un peu peur que le match dégénère mais finalement la deuxième mi-temps a été assez calme, à un bémol près : Guarin a pris une gifle de la part d’un défenseur corse à un quart d’heure de la fin. Personnellement, je ne m’en suis pas rendu compte mais cette scène n’a pas échappé à Laurent Roussey. Laurent est alors intervenu, il m’a demandé de remplacer Guarin dans un souci d’apaisement.

L' "affaire" sera jugée par la FFF le 15 novembre. Il est demandé aux deux clubs d'apporter des explications écrites :
- pour le GFCO Ajaccio : altercation avec le public, agressions, insultes, attitude inconvenante et irresponsable
- pour l'ASSE : équipe adverse prise à partie par le public, agression, intrusion de L.Roussey sur l'aire de jeu
Penses-tu que l’ASSE risque d’être sanctionnée ?


Je ne vois pas pourquoi on serait sanctionné ! On a appris cette demande d’explications par internet. Dès qu’on recevra la convocation écrite, on va se réunir pour élaborer notre réponse. Pour moi, cette affaire, c’est beaucoup de bruit pour rien. Certains spectateurs ont peut-être prononcé des insultes mais bon, l’ASSE n’a pas failli dans son organisation et il ne faut pas exagérer, il n’y a pas eu d’agression. De toute façon, le plus important, c’est le rapport de l’arbitre et du délégué. En tout cas, sur le terrain, en toute objectivité, il ne s’est rien passé de grave. OK il y a eu ponctuellement quelques situations un peu chaudes, quelques petites altercations. Mais rien de plus selon moi. Bref, attendons tranquillement le jugement de la fédération.