A la veille du match Saint-Etienne-Nantes, le journaliste Maxime Cogny vous invite à (re)découvrir la rivalité entre les Verts et les Canaris.
Cinquième volet de son étude : "Deux clubs, deux stades"
5 - Deux clubs, deux stades
« Un club, un stade, une ville ». Dans peu de villes de France on retrouve ce triptyque. À Saint-Étienne si. Son stade, Geoffroy-Guichard - du nom du créateur de Casino, père de Pierre, le fondateur de l’ASSE -, rentre dans la catégorie des stades mythiques. Il ne tient pas son surnom de "Chaudron" pour rien. « Cette appellation remonte à 1974, année des premiers renversements de situation en Coupe (match de Split, perdu 4-1 à l‘aller, remporté 5-1 au retour, ndlr) », explique Pascal Charroin, directeur du département STAPS à l’université de Saint-Étienne. Le stade Geoffroy-Guichard devient donc le Chaudron cette année-là, chauffé à blanc par un public en ébullition, un douzième homme remonté comme une pendule par l’enjeu des joutes européennes notamment. « Le Chaudron encore, parce que c’était là où se fabriquait la potion magique nécessaire pour remonter n’importe quel score », poursuit Pascal Charroin.
Entre 1970 et 1984, le stade connaît des évolutions marquantes. C’est en 70 que d’importants travaux sont achevés, portant la capacité du stade à 36 000 personnes. Neuf ans plus tard, la modification de la pente des gradins debout, autrement dit du kop, à l’anglaise, ou de la populaire permet de vendre 3 000 places supplémentaires à chaque rencontre. Mais une autre date est déterminante : décembre 1972. Cette année-là, les nouveaux bureaux du club sont inaugurés : la façade ouest, de couleur verte, accueille à présent sur trois étages toute la partie administrative. Depuis cette date, l’ASSE est regroupée en un seul endroit : stade, bureaux, terrains d’entraînement sont situés au nord de la ville, au beau milieu d’une zone industrielle, à proximité du site d’exploitation de GIATT. Cette zone, reconvertie depuis, est aujourd’hui appelée technopole. L’usine qui jouxte le stade, et son haut fourneau qui recrachait une épaisse fumée noire au cours de certains matches, existent toujours. C’est précisément ce type d‘organisation, où toutes les structures du club sont réunies en un seul endroit, qui est peut-être l’un des secrets de la réussite sportive de Saint-Étienne.
« Si j’étais président de club, je m’arrangerais pour que tout soit comme à Saint-Étienne, confie Jacques Vendroux. Les joueurs se changeaient au même endroit dans la semaine pour l’entraînement et le jour du match. Ils avaient leurs repères ! Pour aller au secrétariat, régler une broutille, même chose, ils n’avaient pas besoin de faire dix kilomètres en voiture, commente l’actuel directeur des sports de Radio France. A Nantes, les joueurs s’entraînent au Parc de Procé ou à Basses-Landes, et jouent à Marcel-Saupin. Les bureaux sont en centre-ville (lire "Thierry Tusseau vous invite au FC Nantes"). Plus que Marcel-Saupin, le stade Geoffroy-Guichard est un véritable lieu de culte. Avant un match, même aujourd’hui, on ressent l’existence d’une "foi verte" qui n’existe nulle part ailleurs en France. C’est dans le Chaudron que les supporters verts sont en fusion et en communion avec leur équipe. Le supporter vert de passage à Saint-Étienne, même si ce n’est pas un jour de match, se doit de passer devant le stade.
A Nantes, le stade Marcel-Saupin - du nom du principal fondateur du club - existait avant même le FC Nantes. Pourtant, l’histoire de ce stade, construit en 1937 sur les bords de la Loire, en centre-ville est riche en événements. Le stade, totalement reconfiguré en 1969, voit le FC Nantes affronter l’AS Saint-Étienne. Luxe pour l’époque, on y dénombre 13 000 places assises (dont 11 000 numérotées) et 16 000 places debout. On parle souvent de l’invincibilité des Verts dans leur antre de Geoffroy-Guichard, mais ce sont pourtant les Nantais à Marcel-Saupin qui détiennent le record, avec, du 15 mai 76 au 7 avril 81, quatre-vingt victoires et douze matches nuls. Au cours de ces quatre-vingt-douze rencontres, les Jaunes marquent en moyenne 2,57 buts par match. Un score à faire pâlir d’envie les actuels supporters du championnat de France.
L'ancien stade Malakoff paraît même une forteresse imprenable pour les Stéphanois, puisqu'en arrachant le point du match nul au cours de la saison 79-80, il s'agit du premier point ramené de là-bas depuis près de vingt ans. Les supporters de Nantes, réputés moins chauds que leurs homologues de Saint-Étienne, sont situés dans le stade très près de la pelouse. Ce qui confère, selon Patrice Rio, défenseur central du FC Nantes, « un avantage de cinq ou six points à l’entame de chaque saison ». Si le stade des Jaunes n’est pas un stade mythique au sens strict du terme, les petites histoires et les légendes ne manquent pas sur les bords du Canal Saint-Félix. Il se dit que Jean Vincent, l’entraîneur des Canaris de 76 à 82 (et par ailleurs sélectionneur du Cameroun) aurait reçu de la part d'un marabout un sachet contenant du sable magique. Sable destiné à porter chance aux Canaris. Jean Vincent, négligemment, l’aurait dispersé près d’un poteau de Marcel-Saupin après plusieurs matches. Le FC Nantes, quelques minutes plus tard, était battu sur son terrain par Auxerre, qui mettait ainsi fin à l’impressionnante série d’invincibilité des Nantais.
Le FC Nantes, à la différence de l’AS Saint-Étienne, n’évolue plus aujourd’hui dans son stade d’origine. Les Canaris obtiennent leur dernier titre à Marcel-Saupin au cours de la saison 1982-83. « Le stade Saupin, lui, vit ses plus belles années : celles qui sentent la merguez et les frites, lorsque les cafés du boulevard installaient sur des tréteaux une buvette improvisée, à la mi-temps, pour servir muscadet et vin rouge. Mais lors des rencontres importantes, contre Saint-Étienne, Marseille, ou Bordeaux, le stade se révèle trop petit pour accueillir tous les supporters, et les plus imprudents des recalés escaladent les projecteurs pour s'installer sur le toit. Le FC Nantes va devoir déménager. » (source : http://www.stades/mythiques.com)
La saison 83-84 est la dernière des Jaunes à Saupin. Lors de l’ultime journée de championnat, le FC Nantes rencontre Saint-Étienne. Nous sommes le 28 avril 1984. Les Jaunes s’imposent sur le plus petit des scores, face au Verts. But de Vahid Halilhodzic. Saint-Étienne est rétrogradé en deuxième division. C’est le début de la fin pour les Foréziens, qui vont mettre de longues années avant de ressortir la tête de l’eau. Depuis cette date, le club de Nantes évolue en périphérie de la ville au stade de la Beaujoire-Louis-Fontenau. Marcel-Saupin, vit peut-être ses derniers jours, la réserve du FC Nantes y joue tous ses matches à domicile. Le stade, qui appartient à la municipalité, n’est pas à l’abri d’une démolition, et y a déjà échappé de peu il y a quelques années. Un jour, peut-être, des bureaux ou un hôtel s'élèveront en lieu et place de cette enceinte chargée d’un glorieux passé.
Auteur : Maxime COGNY
Sources : http://www.stadesmythiques.com/ et http://www.geoffroy-guichard.fr.st/