Fousseni Diawara est vert d'avoir été éliminé cruellement de la CAN. Vert quand il pense que Max a failli rater cette compétition. Vert comme le Red Star. Vert comme l'ASSE. Entretien.


Fouss, as-tu digéré la cruelle élimination du Mali à la CAN ?

Sincèrement, c'est encore très difficile. Je ne sais pas si j'arriverai à digérer cette élimination facilement. C'est vraiment une grosse déception de sortir de cette manière, sur un tirage au sort. Mais, c'était le règlement : on le savait avant de jouer. Il fallait qu'on gagne sinon ça allait être du pile ou face. Malheureusement, dans l'affaire, on est l'équipe qui a tout perdu. On est très déçus, tous les joueurs ont été touchés par cette élimination. Moi, c'était ma dernière CAN et arrêter de cette manière-là, c'est très difficile. Enfin, on verra bien si j'ai une dernière sélection…

Tu n'avais pas annoncé l'arrêt de ta carrière internationale ?

Si, normalement j'arrête, mais il y a un match amical au mois de mars et, peut-être que je pourrai le jouer pour finir autrement, sur une autre note que ce mauvais coup du sort.

Malgré ta légitime déception, as-tu suivi la fin de la compétition ? Que penses-tu du sacre de la Côte d'Ivoire de Max Gradel et Ismaël Diomandé ? 

J'ai suivi la fin de la compétition. Je pense qu'il y a eu un fait marquant, l'élimination de la Tunisie sur une grosse erreur d'arbitrage. A partir de là, on a compris qu'il y avait des choses à améliorer. On le sait déjà, mais là, c'était trop gros. Cela n'engage que moi, mais ce n'est pas vraiment une faute d'arbitrage : peut-être que, à un moment donné, la Guinée équatoriale a été avantagée, mais on a pu voir en demi-finale, lors du 3-0, qu'elle n'était pas spécialement au niveau des demi-finales, mais ça, c'est autre chose ! Si on veut vraiment parler football, la Côte d'Ivoire est une équipe qui n'a pas douté. Elle a commencé très doucement la compétition. Je pense que la victoire contre l'Algérie a été un tournant, car ils ont pris confiance et conscience de leurs possibilités. En finale, il fallait être fort mentalement et c'est le gardien qui s'est distingué. 

Qu'as-tu pensé de Max ?

Il a fait une très bonne CAN. J'ai eu l'occasion de discuter avec lui car on était dans la même poule. C'est un joueur que j'apprécie, en tant que footballeur mais pour ses qualités humaines. Il rigole beaucoup, et j'apprécie ça chez lui. On a pu s'apercevoir de l'importance de cette compétition pour nous, les Africains, et ça, il faut le dire haut et fort : c'est une compétition qui nous tient à cœur. Je le dis, moi, mais c'est pareil pour tous les Africains. Aujourd'hui, quand un joueur va à la CAN, les clubs ne sont pas contents. Dimanche soir, on a vu un joueur comme André Ayew pleurer. Tout le monde a vu sa peine : cela montre l'importance que ça a pour nous. J'étais triste de voir un joueur pleurer comme ça, quand je pense à certaines personnes qui veulent empêcher les joueurs d'aller à la Coupe d'Afrique. Max, au début de la CAN, était blessé, mais il y a un médecin compétent au sein de l'équipe de Côte d'Ivoire, il y a un ostéo, des kinés. Aujourd’hui, Max a bien fait d'aller à la CAN, il a remporté cette compétition. Ça aurait été grave qu'il ne participe pas à la compétition pour rester se soigner à Saint-Etienne. 

On te sent remonté, Fouss !

Oui, je pousse un coup de gueule parce que je suis honnête, j'aime bien dire ce que je pense. Empêcher Max d'aller à la Coupe d'Afrique, c'était l'empêcher de gagner cette compétition. Il a mis deux buts importants, il a réalisé une jolie passe décisive, il a eu une place importante dans cette équipe. Je pense, à l'avenir, que ce soit à Saint-Etienne ou dans d'autres clubs, il faut respecter ça. Si les joueurs africains partent en janvier et pas au mois de juin, il y a des raisons : au mois de juin, il fait 50° en Afrique, il y a des pays où il pleut. C'est incroyable ce qu'il pleut : on ne peut pas jouer au football au mois de juin. Le calendrier africain demande qu'on joue au mois de janvier. Même si ça a des conséquences sur le recrutement ! Il y a des joueurs américains qui vont, tous les 3 ans, je crois, à la Copa América. Quand Lionel Messi y va, le Barça n'est peut-être pas content, mais ils ne disent rien. Il faut respecter tout ça, les joueurs africains qui partent à la CAN. Moi, hier, les larmes de tristesse d'André Ayew m'ont interpellé. Max, on a dit qu'il était blessé au départ et qu'il était forfait pour la CAN : il a couru, il s'est entraîné, il a joué et aujourd'hui, il va revenir à Saint-Etienne pas blessé. Ça prouve qu'avec les médecins du staff de la Côte d'Ivoire, qui sont professionnels, on peut aller à la CAN se soigner, revenir et ça va lui permettre d'être bon en cette fin de saison. De même pour Ismaël Diomandé qui n'a pas beaucoup joué. 

Christophe Galtier, en conférence de presse, a récemment essayé de désamorcer l'affaire, et il s'est félicité de voir la Côte d'Ivoire remporter le trophée.

Moi j'ai le souvenir de joueurs comme Zidane qui s'était blessé avant la Coupe du Monde, lors d'un match de préparation en Corée. Il y a des joueurs qui étaient blessés et qui ont déclaré forfait au dernier moment : Ribéry est parti en sélection et a eu des problèmes avec le Bayern. On a constaté qu'il ne pouvait pas jouer et il est revenu. Galtier voulait peut-être protéger son joueur, mais il faut faire confiance aussi, sinon, ça n'avance pas. Il n'y a jamais de confiance mutuelle, il y a toujours un climat pesant. Si les relations club-sélection se passent bien, le jour où le club a besoin de Max pour jouer une finale de Coupe, et qu'il doit rater trois jours de stage, la sélection va le laisser aller. Mais si ça ne se passe pas bien, ils vont refuser car c'est une date où il doit être au rassemblement de la sélection et il ne jouera pas la finale. Il faut que chacun mette du sien. 

Depuis la Guinée équatoriale, tu as pu suivre le 16e de finale entre tes coéquipiers tourangeaux et Sainté ?

Je l'ai suivi en direct sur mon téléphone, on était plusieurs joueurs à suivre le match à table. Ça a été un beau spectacle avec plein de buts. Dès que je suis rentré à Tours tout le monde m'en a parlé. Recevoir une grande équipe comme Sainté pour un club comme Tours, c'est une très bonne chose, ça a été une grande fête dans la ville, le stade était plein. Et puis, il y a eu huit buts ! Tout le monde était content et pour les jeunes ce fut une bonne expérience.

On imagine que Baky Sako a maté le match avec toi.

Oh que oui ! A chaque fois qu'on se voit avec Baky, on parle de Sainté ! Le club l'a marqué tout comme moi et comme tous ceux qui ont pu y passer. Il a suivi le match avec moi, bien sûr ! D'autres joueurs de la sélection malienne sans rapport avec Sainté ont suivi ce match avec nous. J'aurais aimé y être. Mais j'aurais été encore plus frustré si la rencontre avait eu lieu à Geoffroy-Guichard ! Là je n'y étais pas, ce n'est pas grave, j'étais à la CAN pour ma dernière expérience internationale. Avant de partir à la CAN, j'avais dit à mes coéquipiers de Tours : « vous allez voir on va jouer contre Sainté ! » Et voilà !

Ce coquin de sort te fait un nouveau clin d'œil : après avoir éliminé ton club actuel, l'ASSE va défier demain ton club formateur, où tu as joué neuf ans. Tu seras à Jean-Bouin ?

Oui, j'ai été invité par les dirigeants du Red Star pour cette rencontre. Steve Marlet, qui est le directeur sportif, m'a appelé et ça m'a fait énormément plaisir qu'il pense à moi ! Je serai au match au stade Jean Bouin. Je suis très content, ces deux clubs me tiennent vraiment à cœur. Le Red Star pour mon enfance, ma formation, mon éducation : c'est mon identité, ma jeunesse. Ça a été, pour moi, un très bon club formateur. Je suis fier d'avoir évolué dans ce club, d'y avoir grandi. Sainté, c'est la découverte du monde professionnel, la ferveur, la possibilité de côtoyer un grand public, de grands joueurs, de grands entraîneurs. Ce ne sont que de bons souvenirs que je garde de mon passage au club.

Tu supporteras qui du coup ?

Je serai vraiment partagé. C'est comme si on me demandait de choisir entre mon père et ma mère ! Je ne peux pas. Je mets les deux clubs sur le même pied d'égalité. Ce sont mes deux clubs de coeur, en plus, ça tombe bien, ils ont les mêmes couleurs, vert et blanc. Je suis incapable de dire pour qui je serai demain, c'est tout bonnement impossible !

Le ministre de l'intérieur a interdit aux supporters stéphanois de se déplacer. Que t'inspire cette décision ?

C'est injuste ! Je n'arrive pas à comprendre. J'ai vu que le président Romeyer était monté au créneau. Les supporters aussi... Ils ont raison de se battre ! Il suffit de bien les encadrer, après tout. Ils ont montré plusieurs fois que c'était possible. Certes il peut y avoir des incidents, ça arrive, mais la vérité d'un jour n'est pas celle du lendemain. On prive du coup les gens de voir un spectacle, des supporters de soutenir leur équipe. Les supporters savent quand même se tenir ! On nous dit que le stade Jean-Bouin n'est pas aux normes. Mais des stades sans grillage, il y en a en Angleterre où il y a beaucoup de supporters. Ils arrivent à se tenir. Quand ils sont bien encadrés, avec des stadiers, il n'y a pas de problème. 

Et que penses-tu du boycott de ce match par les supporters du Red Star ?

Je comprends l'attachement à leur stade. C'est comme si on obligeait Sainté à jouer au Puy ! Bauer, c'est le stade mythique ! Les supporters s'y reconnaissent. Par ailleurs, le Red Star est en bonne voie pour monter en Ligue 2, ce serait bien qu'il y ait un projet d'un stade plus moderne au même endroit, pour que les fidèles puissent toujours s'identifier à leur club de cœur. Demain, on ne va pas demander aux supporters de Liverpool de quitter Anfield ou ceux de Sainté quitter Geoffroy-Guichard. On sait que changer de stade, surtout dans un nouvel endroit, à de lourdes conséquences. L'exemple d'Arsenal qui est passé d'Highbury à l'Emirates en est une des illustrations. Tout le monde sait que l'ambiance n'a plus rien à voir. Refaire le stade au même endroit est la meilleure solution, comme l'a fait Sainté.

Si on te dit que cette saison Sainté va remporter sa septième Coupe de France et le Red Star va monter en L2, tu réponds quoi ?

Je signe des deux mains ! Mais si le Red Star gagne la coupe de France, je voudrais en compensation que Sainté se qualifie en Ligue des champions !

 

Merci à Fouss pour sa disponibilité et aux potonautes Stéphanois et Naar pour la retranscription.