Finaliste malheureux de la Coupe Gambardella en 2011 et en 2012, Bilel Aouacheria espère que les protégés de Razik Nedder ramèneront le trophée à Sainté ce week-end.
Cela fait bientôt cinq ans que tu as quitté l'ASSE. Gardes-tu un œil sur ton club formateur ? Suis-tu avec attention les résultats des Verts, que ce soit l'équipe première ou les jeunes ?
Ah oui, toujours ! Depuis que je suis parti, je n'ai jamais décroché avec Sainté. A un moment donné, quand tu as passé douze ans de ta vie à jouer pour ce club, que tu vis là-bas... Je vais encore là-bas du reste, ma famille est là-bas, j'ai tout qui est là-bas ! J'ai suivi les pros bien sûr mais aussi tout le parcours des U19 en Gambardella. Ça me rappelle notre parcours à nous, je me remémore un peu toute l'épopée. C'est vraiment un truc extraordinaire. Dans une carrière, ou plutôt un début de carrière, ta formation, un parcours comme ça c'est unique. En plus, nous, l'avoir fait deux fois, ça rajoute encore plus ! Sur le moment, on ne réalise pas trop, mais avec le recul c'est vraiment un moment super !
Avec le recul, qu'est-ce qui prédomine : la satisfaction d'avoir fait deux très beaux parcours ou la déception d'avoir hélas échoué deux fois en finale ?
Un peu les deux... On a fait de beaux parcours et c'était plaisant de constater l'engouement qui montait au fil des tours. Je me souviens qu'autour du terrain Aimé Jacquet, il y avait beaucoup de fans, les Magics Fans, les Green Angels avec leurs fumigènes. C’est cool. Arriver en finale c'est bien, mais bon, gagner c'est mieux ! Après le parcours, tu retiens les émotions, tu te rapproches à chaque fois de la finale, tu te dis "bon on y est presque", trois matches, deux matches et après c'est la finale. Après à la fin t'as encore cette déception de ne pas avoir gagné. Quand tu gagnes, ça peut peut-être déboucher sur un contrat pro, on ne sait pas. Souvent les générations qui gagnent sont vues d'un autre œil par les responsables.
Dans la génération stéphanoise qui va jouer la finale samedi, six joueurs ont signé pro mais un seul a du temps de jeu significatif en équipe première. Deux garçons n'ont fait que de courtes apparitions et les trois autres n'ont pas encore joué avec les pros.
Oui, j'ai remarqué ça. William Saliba s'est imposé cette saison dans l'élite, Kenny avait fait quelques apparitions en L1 la dernière année de Christophe Galtier. Charles Abi est entré une ou deux fois en fin de match cette saison. Stefan Bajic, Wesley Fofana et Bilal Benkhedim continuent de faire leurs armes en réserve ou avec les U19. A notre époque, c'était très différent, il n'y avait que deux joueurs qui étaient déjà pros, Kurt et Idriss. Après la finale d'autres ont signé comme Isma et Polo.
Laquelle des deux finales perdues te laisse le plus de regrets ?
Honnêtement, les deux finales. La première, on perd aux pénos donc c'était un peu plus serré, je me souviens qu'il y avait une très belle génération monégasque en face. C'était un peu plus partagé. La deuxième je pense qu'il y avait moyen de mieux faire, d'autant qu'on était déjà venu un an avant donc dans la préparation. Vraiment, il y avait moyen de mieux faire... Les deux finales sont vraiment difficiles à digérer.
Comment as-tu vécu le contexte de ces finales, le fait de jouer au Stade de France ? Avec le recul penses-tu que vous avez bien réussi à faire abstraction, à vous enlever la pression ?
Franchement, c'est compliqué... Quand t'arrives à cet âge-là, t'as 17-18 ans, tu te dis : "Bon, je vais jouer au Stade de France". Inévitablement, tu peux pas oublier le contexte. Je pense qu'il y avait moyen de faire différemment. La première finale, je me rappelle que j'avais un peu un rôle de joker. Je suis entré sans pression particulière. J'avais fait une bonne entrée, j'avais tiré sur le poteau, je pense que j'aurais dû bénéficier d'un pénalty mais l'arbitre ne l'a pas sifflé. J'étais vraiment rentré libéré. La première finale j'étais focus sur mon football. Pour la deuxième, j'avais un statut différent, j'étais avec les deuxième année de ma génération. Je me souviens que j'avais mis de nouveaux crampons, je m'étais préparé, je voulais être plus beau que bon. Quand tu ne te focalises pas sur les bonnes choses, à un moment donné dans ta préparation et sur le match ça se ressent. Le coach m'avait même sorti à la mi-temps car je ne faisais que glisser tout le match.
Fort de cette expérience, quels conseils donnerais-tu aux petits Verts qui joueront samedi au Stade de France ?
Je leur conseillerais de ne pas se disperser, de se concentrer sur ce qu'ils maîtrisent, le terrain. Il ne faut pas essayer de surjouer, il faut is'efforcer d'oublier un peu le contexte. S'ils sont arrivés en finale, c'est qu'ils ont les capacités. En face aussi. C'est plus sur l'état d'esprit que ça peut se jouer, s'ils continuent comme ils l'ont fait jusqu'à présent je pense que ça va aller. C'est une très belle génération, à chaque fois ils ont sorti des gros clubs, ce sera plus dans leur tête que se fera la différence.
Quels joueurs t'ont tapé dans l'œil, toi qui a suivi de près le brillant parcours des Verts en Gambardella ?
Déjà le central, William Saliba, je trouve que c'est un très, très bon joueur, avec un bon futur. J'aime bien aussi Kenny Rocha, il est technique. Il y a Charles Abi qui a montré de belles choses. Il y a Bilal aussi, le numéro 10, il a une belle technique. Il y a d'autres jeunes joueurs de talent. Franchement, ils ont une belle génération avec des joueurs qui peuvent faire quelque chose, ça va être à eux de donner une suite à tout ça, mais ils ont une très belle génération. J'espère qu'ils vont aller au bout, ça fait longtemps que l'ASSE n'a pas gagné, ça remonte à 1998, c'est ça ?
Oui, c'est la génération Julien Sablé.
21 ans après, ce serait bien de ramener le trophée à Sainté pour valoriser un peu plus cette formation. Ça ferait du bien et ils le méritent. Razik aussi. Je le connais personnellement, il est d’un quartier voisin du mien. Lui il est de La Rivière, moi je suis du Soleil. Cela fait un bon petit moment qu'on se connaît. Il a commencé en bas, avec les U13, on se parlait déjà un peu. Il venait parfois faire des séances avec le coach Abdel quand j'y étais. Je suis très content pour Razik, il a gravi les échelons année après année, il a beaucoup bossé pour en arriver là. Il a eu beaucoup de mérite. A la base, c’était un simple éducateur. Il s’est formé, il a travaillé, il a prouvé et aujourd'hui il est justement récompensé. C’est super ! C’est un exemple, c'est sympa de voir un jeune de quartier réussir comme ça à Sainté !
C'est aussi pour lui que tu aimerais que les Verts gagnent le trophée samedi.
Oui, je serais vraiment content. Pour les joueurs, pour Razik, pour tout le club. Sainté, c’est vraiment mon club. J’aime beaucoup ce club. J'y ai quand même passé 12 ans. A chaque fois que je rentre du Portugal, je vois les matches. Sainté, c’est Sainté. Je reste fan. D’ailleurs, je suis toujours sur Poteaux Carrés. Vous êtes supers ! Vous êtes passionnés et ça se sent, vous faites un gros boulot pour couvrir l'actu du club, de la formation aux pros. Vous parlez même de la pré-formation, de l'école de foot, des anciens... Et ça ne date pas d’aujourd’hui. Je me souviens que vous parliez déjà de nous quand j'avais 14 ans. C’est vraiment beau !
Merci Bilel, c'est sympa ! On ne lâche rien, et toi non plus du reste, comme on le rappelle régulièrement dans nos potins. On peut ne pas signer pro à Sainté mais rebondir ailleurs..
Si on avait gagné la Gambardella, peut-être que ça aurait débouché sur un contrat pro. On te considère différemment quand tu la gagnes. Il y a des générations qui gagnent et suite à ça, ils passent en pro. Mais ça ne définit pas non plus une carrière. Il y a bien sûr des vainqueurs de la Coupe Gambardella qui arrivent ensuite à faire de belles carrières en pro, comme Rémy Cabella et Yann M'Vila. Mais il y en a aussi beaucoup d'autres qu'on ne retrouve plus ensuite chez les pros. Dans le football, il y a beaucoup de facteurs qui déterminent une carrière. Tu peux être talentueux mais après il y a beaucoup d'autres facteurs : la tête, parfois aussi, le facteur chance : être là au bon moment, avoir un coach qui t’apprécie et qui te lance. Après, je pense qu’il faut persévérer. Je rêvais de signer pro à l'ASSE, ça n'a pas pu se faire mais je n’ai rien lâché.
Tu sens que t'as beaucoup progressé depuis que t'as quitté Sainté ?
Ah oui ! On dit que la formation française est très bonne, c’est l'une des meilleures en Europe, c'est vrai. Mais au Portugal, elle n’est pas pal non plus. Quand je suis parti de Sainté, le plus haut niveau que j’ai joué, c’était CFA maximum. Je suis passé par la D2 portugaise. Cela fait deux ans que je joue en Liga portugaise. J'ai évolué à tous les niveaux, en termes de densité, de discipline, collectivement, individuellement. Ils sont très rigoureux donc forcément, tu progresses !
Depuis ton départ de l'ASSE, d'une certaine façon tu nous es resté fidèle car tu n'as pas arrêté de jouer en vert et blanc !
Ces couleurs me sont chères et je continue de les défendre au Portugal! (rires) J'ai signé mon premier contrat pro à Corvilha, en L2. J'ai joué deux saisons là-bas, avant de jouer un an en équipe réserve au Sporting Portugal. J'ai ensuite signé à Moreirense, en L1, c'est ma deuxième saison-là-bas. J'ai commencé cette saison comme titulaire mais j'ai eu une blessure à l'ischio, ma première blessure en tant que titulaire, ça m'a freiné, j'ai été près de deux mois à l'arrêt. L'équipe pendant mon absence a bien tourné, du coup j'ai moins de temps de jeu. Voilà, c'est la vie de footballeur, sinon je me sens bien, tout va très bien !
Ton équipe fait une belle saison et n'est devancée que par les quatre cadors de la Liga Sagres !
Effectivement, on est cinquième derrière Benfica, le FC Porto, le Sporting Portugal et Braga. C'est la meilleure saison de l'histoire du club. On est en course pour la Ligue Europa - je crois que la cinquième place est qualificative pour les tours préliminaires - mais on ne sait pas encore si on va la jouer ou pas, je ne sais pas si le club a fait les démarches pour s'inscrire auprès de l'UEFA avant janvier. C'est toujours mieux de jouer l'Europe, si tu peux jouer, te qualifier et faire quelque chose au niveau au-dessus.
A Sainté, tu as occupé différents postes offensifs. Tu es resté un joueur polyvalent ou tu t'es fixé à un poste en particulier ?
C'est un peu pareil, la première saison ici j'étais un peu côté gauche, côté droit et devant aussi, j'ai souvent joué numéro 9 ou à deux attaquants. Là cette saison, je suis sur un côté, droit ou gauche. Le coach préfère m'aligner plutôt à droite. Personnellement je n'ai plus de préférence, avant je préférais jouer à gauche. Je suis droitier mais je me débrouille pas mal du gauche !
Comptes-tu rester encore à Moreirense ? Comment vois-tu la suite de ta carrière ?
Il me reste encore un an de contrat en fin de saison. Après, on fera le point cet été avec le club. Je verrai, franchement je veux le meilleur projet pour moi. Je ne suis pas trop sûr de rester au Portugal. Tout le monde veut jouer dans les meilleurs championnats. Après, il y a ce que tu veux et ce que tu peux faire aussi. Sur le terrain, chaque joueur, si tu l’écoutes, il va te dire qu’il veut jouer la Ligue des Champions. Après, c’est pas comme ça : il y a des étapes. Aujourd'hui Moreirense est un bon club pour moi dans le sens où il me permet de franchir des étapes. La Liga Sagres est un bon championnat. Après, si je pouvais revenir en France ou évoluer en Angleterre, jouer dans les meilleurs championnats... C’est là où on veut tous aller.
La Ligas Sagres reste quand même un bon championnat !
Oui, le championnat portugais a de la valeur. Il y a un sacré vivier. Quand tu vois les transferts vers Manchester, Barcelone. Dans le championnat portugais, il y a de la qualité. Il est un peu sous-côté parce qu’il n’est pas aussi médiatisé que d’autres mais quand tu vois les transferts qu’ils font... Il y a des grands joueurs qui sont passés par ici qui sont aujourd'hui dans les meilleurs clubs du monde. C’est ça qui m’a attiré, à la base, quand je suis parti de Saint-Etienne. Le Portugal, ça peut être un tremplin pour une carrière.
Merci à Bilel pour sa disponibilité et sa fidélité ainsi qu'aux potonautes Faiseur de Tresses et TitusPullo77 pour la retranscription