En juin 2006, alors qu’il appartenait à Bordeaux et s’était enterré lors d’un triste prêt sur la plage de Sète, l’ardéchois Renaud Cohade avait fait un essai chez les Verts. Après s’être pris un avion par le bumper Hasek, il a six ans plus tard enfin gagné le droit de jouer l’extra ball !


Depuis son essai infructueux, ce fan de Marseille (« quand j'étais petit, j'avais même le maillot Panasonic de l'OM » déclarait-il en début d’année à So Foot) ayant frappé ses premiers ballons à Anduze, cotôyé les jeunes vilains de treize à dix sept ans et joué son premier match pro à Nîmes en deuxième division lors de la saison 2002, s’est construit une solide réputation de bon joueur de Ligue 1 à Strasbourg et surtout Valenciennes. Son statut de joueur libre en période de vaches maigres a achevé d’en faire un des joueurs à la mode en ce début de mercato, son nom circulant notamment à Lyon et Marseille.

Son arrivée à Sainté n’est pourtant qu’une demi-surprise. Fin février, la Voix du Nord évoquait déjà un accord sur un contrat de trois ans. Le démenti de Romeyer semblait sur le coup aussi convaincant qu’une promesse éléctorale. D’autant moins que Lolo Batlles, sitôt les crampons raccrochés, s’était fendu d’une déclaration très claire : « C’est un joueur de grande qualité. J'ai joué contre lui, je sais la qualité qu'il a. Il serait bien à Saint-Etienne ». Par ces quelques mots notre divin chauve semblait adouber celui qu’on présente aujourd’hui capilairement et footballistiquement comme son digne successeur.


Mais si ses séduisantes statistiques (7 buts et 4 passes décisives en 35 matchs, 5ème joueur de champ de la saison aux étoiles France Football) accréditent l’idée que ce milieu axial a tout pour remplacer notre Lolo, il demeure néanmoins un doute sur son profil exact.

 

Interrogé par le journal officiel du Racing Club de Strasbourg il y a quatre ans, il se décrivait alors clairement comme un milieu défensif : « Le milieu de terrain défensif est chargé de récupérer un maximum de ballon dans les pieds de l’adversaire et surtout de savoir anticiper le jeu. Il faut qu’il joue le plus simplement possible pour ne pas perdre la balle. En gros, le milieu défensif est le poumon de l’équipe. Il est le travailleur de l’ombre et il arrive que, sur certains matchs, nous ne sommes pas jugés à notre juste valeur. Nous faisons le pressing et cela profite souvent à nos coéquipiers sans que les gens le voient. Mais nous faisons notre boulot pour le bien de l’équipe. » Sa fin de période alascienne marque néanmoins une évolution de son jeu que traduisent alors ses déclarations façon Julien Sablé période Baup : « Rodrigo joue plus bas que moi en restant positionné devant la défense. Ce qui me permet de plus me porter vers l’avant. Contrairement à la saison passée, j’arrive à me mettre face au jeu pour construire et à me créer des actions. »

Interviewé en début de saison dernière par la Voix du Nord, il confirmait sa nouvelle polyvalence : « Je gère mieux mes matchs, je m'éparpille moins. Quand j'étais jeune, j'étais trop fougueux. Là, techniquement et tactiquement je me suis aguerri, à l'impact aussi. Et je m'adapte aux systèmes. Je peux jouer milieu défensif ou relayeur, les deux me plaisent. » L’homme a bon goût, qui considère Steven Gerrard comme son modèle (« c'est un milieu qui marque, s'arrache sur tous les matchs. Il a une qualité de passe extraordinaire. »)

 

Dans chacun de ces deux clubs, Strasbourg et Valenciennes, Cohade a manifestement laissé un très bon souvenir. Celui d’un joueur ayant su mûrir (« quand j'étais jeune et caractériel, ça déteignait sur mon jeu »), sachant servir un collectif, et suffisamment intelligent pour bien collaborer avec chacun de ses entraîneurs : Â« Ã  Bordeaux, c'est Michel Pavon qui m'a lancé. Un mec super honnête. À Strasbourg c'était Jean-Marc Furlan. Il fait du très bon boulot. Quand j'étais jeune et caractériel, ça déteignait sur mon jeu. Il me disait d'être positif. Il avait raison. Après, j'ai vécu la montée avec Jean-Pierre Papin. Formidable. Il s'entraînait plus que nous ! Avec Philippe Montanier aussi, ça s'est bien passé. Il m'a appris beaucoup. Comme Daniel Sanchez. Lui, il donne sa confiance et sa sérénité. »



S’il apprécie ses entraîneurs, ces derniers le lui rendent bien, Daniel Sanchez fin février expliquait ainsi au sujet de ses deux fins de contrats, Sanchez et Cohade : « je me dis que tant qu’ils n’ont pas signé ailleurs, tout est possible dans le foot. On n’a pas des moyens extraordinaires mais on leur a proposé des contrats intéressants. Les joueurs savent. Mais s’ils ont mieux ailleurs, que voulez-vous qu’on y fasse ? Ce sont deux joueurs qui me satisfont. Si je peux les garder ce serait une très bonne chose, mais je ne maîtrise pas tout. »

Il se dessine ainsi de Cohade le portrait d’un joueur correspondant parfaitement au profil des précédentes pioches de Galette (Marchal, Batlles, Mignot, Cément, Lemoine, Brison…) : joueur de club, fiable et à l’esprit sain. Dès lors son recrutement semblait écrit. Comme le serait celui de Romain Danzé...

 

Recrutement prévisible donc, comme le furent ses premières déclarations sur le site off expliquant les raisons de son arrivée à Sainté : « La volonté que m’ont manifestée les dirigeants stéphanois et Christophe Galtier pour que je rejoigne l’ASSE. J’ai eu plusieurs discussions avec le coach qui m’a présenté son projet sportif. Cela m’a séduit » qui ne sont pas sans rappeler celles de sa signature à Valenciennes en 2009 : « j'ai eu le coach au téléphone, on a échangé, son discours m'a plu. » ; elles-mêmes guère éloignées de ses motivations pour aller à Strasbourg en 2006 : « Strasbourg, qui venait de descendre en Ligue 2, m’a proposé le challenge. Le discours de Papin m’a vraiment plu. »

Derrière ces figures de style apparemment maîtrisées se cache un joueur lucide sur ses qualités et sur ses points de progrès (« plus de vivacité ! Être capable de plus éliminer. J'aimerais aussi marquer plus. C'est tellement bon pour la confiance. »)
Parmi ses qualités, de ce tableau au classicisme assumé (et payant), ressort néanmoins la faculté intéressante du bonhomme -au vu de nos manques de spécialistes en la matière- à assumer le rôle du tireur de pénals, en particulier lors de sa période strasbourgeoise (11 de ses 15 buts entre 2006 et 2009, mais également deux fois face aux Vilains avec VA).

Au-delà de ses stats, le parcours de Cohade, les clubs qu’il a fréquentés comme le statut de pièce maîtresse qu’il a acquis à VA (« maître à jouer » dixit la Voix du Nord), témoignent d’une montée en régime progressive au rythme d’objectifs qu’il s’est fixés avec lucidité et qu’il a systématiquement su atteindre : ainsi évoquait-il dans son interview au quotidien ch’ti en cours d’année sa volonté de « marquer plus » ce qui fut aussitôt fait, puis évoquant l’avenir son « envie de jouer l’Europe ».

 

Rendez-vous est donc pris pour mai 2013. Après l’extra-ball, on n’a rien contre une petite partie gratuite…