Seconde partie de notre entretien avec Luc Bruder. Le directeur du centre du formation stéphanois évoque cette fois ses satisfactions, ses objectifs, les résultats et l’aspect sportif en général.

Quels sont les points de satisfaction au niveau de la formation stéphanoise ?
La satisfaction est qu’on a réussi grâce à la politique de nos dirigeants à faire en sorte que le centre de formation respecte le cahier des charges et qu’à ce titre il est redevenu en catégorie 1. Cela doit nous permettre aujourd’hui d’améliorer la qualité du contenu de notre formation.

Concrètement qu’a apporté ce passage du centre de formation en catégorie 1 ?
On peut avoir un encadrement qualifié, c’est-à-dire des gens diplômés avec de l’expérience, ce qui n’était pas le cas auparavant. Quand on est capable de bien accompagner nos jeunes, d’avoir une ligne directrice constante au niveau de la formation, on a des résultats sur le moyen et long terme. Les résultats ne s’obtiennent pas au bout de 1, 2 ou 3 ans. Un cycle de formation c’est 5 ans minimum. Si on reste cohérent dans notre politique, les résultats viendront d’eux-mêmes.

Quels sont les objectifs sportifs fixés aux équipes de jeunes en début de saison ?
Il n’y a aucun objectif de résultat. Nous sommes dans une politique de formation. Les seuls objectifs que je donne aux éducateurs sont de pouvoir offrir du temps de jeu à chaque jeune. Les résultats sont la conséquence d’une qualité de jeu et c’est là-dessus qu’on leur demande d’être exigeants. Après il y a des dimanches où ça veut sourire, des saisons où on est en situation favorable, mais je respecte notre objectif premier qui est d’améliorer chaque jeune sportif qui nous est confié. On cherche à développer leurs qualités et de faire en sorte que celles-ci produisent en compétition des choses intéressantes.

Êtes-vous préoccupé par les résultats médiocres de la CFA cette saison ?
Bien sûr parce qu’il faut maintenir ce niveau de compétition. C’est vrai qu’on est préoccupé. Depuis la reprise on est sur une dynamique meilleure grâce au travail et à l’application à la fois des joueurs et de l’encadrement.

Le début du championnat a été difficile pour la réserve, maintenant ça va peut-être mieux avec l’expérience acquise par les jeunes.
Oui les débuts ont été difficiles, il y a eu un peu de manque de réussite. L’expérience s’acquiert. Il faut espérer que les situations mal gérées par nos jeunes soient retenues et qu’elles ne se renouvellent pas.

Les résultats des 18 ans sont plus encourageants, ils sont en tête de leur groupe.
C’est la bonne surprise compte tenu du groupe assez difficile dans lequel on se trouve (NDLR : le groupe compte notamment Lyon, Marseille, Monaco, Montpellier, Nice, Toulouse). Là il y a une certaine régularité dans les résultats et pour le moment ils sont effectivement bien positionnés dans leur championnat. La satisfaction est qu’on a réussi à faire jouer beaucoup de 1ère année, voire de 17 ans qui pointent maintenant leur nez dans l’effectif. Après est-ce qu’on va aller au bout ? On verra bien.

Toujours à propos des 18 ans, pouvez-vous nous donner des précisions par rapport à leur élimination sur tapis vert en Coupe Gambardella ?
L’élimination nous a fait très mal. La qualification avait été acquise sur le terrain avec une équipe composée à 80% de 1ère année donc nés en 1989. Elimination sur tapis vert suite à une réclamation d’un club professionnel vis-à-vis d’un autre club professionnel. Je crois que c’est une première dans ce milieu. Surtout que dans notre esprit nous avions le droit de faire jouer des jeunes qui rentraient partiellement en jeu la veille en CFA. C’est ce qui se passe en championnat 18 ans régulièrement. Et là cette possibilité n’est pas offerte en coupe. Notre mauvaise interprétation des règlements, qui n’est pas que la nôtre puisqu’à notre grande surprise on peut dire que 75% des clubs avaient la même interprétation que nous. Malheureusement la commission nous a donné tort tout en reconnaissant qu’il y avait un certain flou dans les règlements. Dans les mois qui viennent j’espère que ce flou sera dissipé. Au-delà de ça, je regrette vivement l’attitude de nos ex-amis Sochaliens qui rentrent dans une dynamique où tout se règle en justice ou dans les commissions des règlements. Alors que le football, à l’image de ce que dit Platini, doit rester un jeu. Pour nous le résultat s’acquiert sur le terrain, d’autant plus qu’on n’avait pas triché. Si encore on avait triché je le comprends, mais là ce n’était pas le cas. Donc chacun, en fonction de sa sensibilité, se fera son opinion sur cette malheureuse affaire qui nous fait mal.

Avez-vous fait appel de cette décision ?
Non, on n’a pas fait appel car ce n’est pas dans la culture du club.

Avez-vous souvent des contacts avec la DTN par rapport aux sélections nationales ?
Des contacts réguliers sont mis en place. On fait une demande si on a un joueur susceptible de rentrer dans les sélections nationales. Dernièrement nous avons proposé Yoan Andreu sur les U-18. Cette proposition a été retenue et j’espère qu’elle sera confirmée dans les semaines à venir.

Suivez-vous attentivement le parcours des joueurs prêtés (Sarr, Houri, Vincent, Losilla) ?
Bien sûr, régulièrement. Encore ce week-end où Raon-L’Etape jouait du côté de Pau, j’avais mon observateur Midi-Pyrénées présent sur place pour voir le contenu du jeu des deux joueurs prêtés à Raon-L’Etape (NDLR : Houri et Vincent).

Pensez-vous que les prêts sont une bonne solution pour les jeunes au moment où ils arrivent à la charnière entre CFA et groupe professionnel ?
Oui car aujourd’hui, pour des jeunes qui signent leur premier contrat professionnel, la CFA n’est plus une compétition qui leur permet de progresser. Alors nous avons demandé avec d’autres formateurs de faire en sorte que les réserves professionnelles puissent, pour celles qui le souhaitent et qui gagnent leur place sur le terrain, jouer en National. C’est une réflexion qui a lieu au niveau de la Fédération. Il y a les pour et les contre comme toujours. C’est la raison pour laquelle il faut travailler sur les prêts des jeunes pour les envoyer en L2 ou en National afin qu’ils puissent maturer, avoir du temps de jeu et progresser.
 
Pouvez-vous nous donner 5 ou 6 noms de jeunes "à suivre" et qui, selon vous, pourraient percer à terme ?
Je ne donnerai pas de noms à suivre car l’expérience a montré qu’on se plantait assez souvent. La programmation et le développement des jeunes sont de l’humain donc il y a plein de critères qui font que ça bouge. Et puis d’autre part ce serait manquer de respect vis-à-vis de ceux qui ne sont pas cités. On a un groupe de jeunes qui progresse régulièrement. Quelques éléments vont-ils aller jusqu’au bout ? On le souhaite et on travaille pour ça.

Parmi ces nombreux paramètres, les blessures peuvent notamment rentrer en compte.
Les blessures, les rencontres que ces jeunes peuvent avoir. Que ce soit des rencontres féminines ou les fameux agents qui interfèrent dans le travail quotidien des éducateurs et des entraîneurs. Donc il y a beaucoup de choses qui peuvent jouer.

Au rang des meilleurs espoirs du club figure notamment Emmanuel Rivière qui a 16 ans, bientôt 17, et joue déjà en CFA. N’avez-vous pas trop de difficultés par rapport aux sollicitations dont il doit faire preuve ?
Il faut toujours rester vigilant. Vous savez que c’est un garçon qui a un potentiel. Il y a encore bien du travail à faire dessus. Il a, semble-t-il, une certaine sérénité, une certaine assurance, il est patient. Donc voilà une base qui doit lui permettre de franchir petit à petit les paliers. Mais là encore patience et exigence doivent se marier.

Ressentez-vous une certaine fierté lorsqu'un jeune du centre brille ou semble percer au plus haut niveau comme Perrin ou Gomis ?
L’ensemble des éducateurs, de celui qui a accueilli ces jeunes à l’école de foot lors de leurs premiers avec le ballon jusqu’au dernier du maillon, peut effectivement se sentir satisfait de voir un jeune jouer en pro et réaliser de bonnes choses. Maintenant je dirais que chacun des maillons de la chaîne a fait modestement son travail ou transmis sa passion pour les gens qui étaient bénévoles lors de cette action formative. Chaque éducateur n’est pas seulement heureux lorsque l’un d’entre eux joue au plus haut niveau. Je crois que j’éprouve aussi beaucoup de satisfaction à rencontrer des jeunes que l’on a eu en formation et qui aujourd’hui dans la vie se sont construits. Ce sont des hommes bien qui ont diverses responsabilités souvent professionnelles. Le passage au centre de formation leur a permis d’acquérir cet esprit de compétition, cet esprit de remise en cause qu’ils ont parfaitement su utiliser dans leur ascension professionnelle autre que celle de joueur de football pro.

Pour terminer, quel est votre pronostic pour la fin de saison concernant l’équipe première ?
Je pense que si le club continue à progresser à la fois dans ses structures, ses possibilités financières, et que sur le plan sportif on arrive à gagner quelques places au classement pour se situer dans les cinq premiers, je pense que le club aura fait une très bonne saison. Par expérience je sais qu’un club se construit pierre par pierre. C’est difficile car quelques fois on met trois pierres et il faut en enlever une si elle est un peu bancale. Il faut là encore être patient pour que l’AS Saint-Etienne retrouve un lustre que l’on espère d’antan, et surtout qu’elle puisse continuer à donner à tous les gens qui aiment ce club ces moments de bonheur que l’on rencontre uniquement dans un stade de football lorsqu’un public et une équipe sont à l’unisson.

Nous remercions Luc Bruder pour sa disponibilité.