Guy Mengual (à gauche sur la photo), qui a joué avec Claude Puel à Monaco avant de collaborer quatre ans avec lui à Nice, s'est confié à Poteaux Carrés avant le match qui opposera les Verts aux Aiglons dans le Chaudron dimanche prochain à 17h00.
Aujourd’hui directeur sportif d’un club qui joue en vert et blanc (l’Etoile Sportive Contoise), tu supporteras ces couleurs lors du prochain match à Geoffroy-Guichard ?
(Rires) Je ne vais pas associer les couleurs. Moi je supporte Claude. J’ai bien dit Claude, hein, pas Saint-Etienne ! J’ai fait 12 ans à l’AS Monaco et 12 ans à l’OGC Nice. Ces deux clubs me tiennent quand même à cœur. Ceci étant je veux que Claude fasse une très belle saison et réussisse à Saint-Etienne. Il le mérite.
Saint-Etienne, ça évoque quoi pour toi ?
Saint-Etienne, ça évoque déjà ma jeunesse. Je suis né en 1959, adolescent j’ai bien sûr comme tout le monde vibré en regardant les Verts lors de leur fabuleuse épopée en Coupe d’Europe. Dix ans après leur finale contre le Bayern à Glasgow, je suis arrivé au FC Sète où j’ai collaboré pendant deux ans avec Dominique Bathenay. Là-bas je l’ai connu joueur la première année puis il a été entraîneur-joueur avant de devenir entraîneur à part entière. Je n’ai pas l’impression que les jeunes d’aujourd’hui regardent les plus anciens de la même façon aujourd’hui mais pour nous Bathenay était un monstre à l’époque, c’était incroyable de le côtoyer. Moi j’étais admiratif de Saint-Etienne. Évidemment j’avais encore en mémoire son tir sur la barre à Hampden Park et son but magnifique à Anfield.
Saint-Etienne, ça évoque aussi la finale de Coupe Gambardella de 2012. J’étais à l’époque l’entraîneur des U19 niçois. Le club n’avait jamais remporté cette compétition, la plus prestigieuse chez les jeunes. C’était une belle affiche face à une bonne équipe de Saint-Etienne. L’ASSE avait déjà été finaliste l’année précédente, les Verts avaient perdu aux tirs au but contre Monaco. Sainté partait favori car je crois qu’en championnat on avait perdu les deux matches. Mais on a gagné la finale 2-1 [Pierre-Yves Polomat avait réduit le score après le but du break d'Alexy Bosetti, auteur d'un quadruplé hier avec Le Puy en N2, ndp2]. J’ai eu un peu de peine pour Abdel Bouhazama, l’entraîneur stéphanois de l’époque, avec lequel j’avais de très bons rapports. Mais ça faisait énormément plaisir de ramener à l’OGC Nice un trophée que le club n’avait jamais eu à son palmarès.
Dans la foulée tu as intégré le staff de Claude Puel.
Oui, quand Claude est arrivé à Nice, il m’a demandé d’être son adjoint en charge des attaquants, pour faire des spécifiques avec les joueurs offensifs. Claude est un ami, cela fait plus de 40 ans qu’on se connait. Je l’ai rejoint au centre de formation de l’AS Monaco en 1978. A l’ASM j’ai surtout évolué avec la réserve mais j’ai aussi joué quelques matches en pro avec Claude l’année où on a été sacré champions de France, en 1982. On est toujours resté en contacts. Après une longue expérience de formateur à Monaco et à Nice, j’étais content de retrouver le monde professionnel aux côtés de Claude, cette fois au sein d’un staff. Frédéric Gloria était le premier adjoint de Claude, moi j’étais le deuxième, Lionel Letizi s’occupait des gardiens et Alexandre Dellal avait en charge la préparation physique.
Que gardes-tu de ces quatre années passées dans le staff de Claude Puel ?
Cette expérience a été concluante, professionnellement et humainement. On a vécu des bons moments. L’avantage, c’est que je connaissais déjà Claude. Ceux qui ne le connaissent pas le trouvent un peu froid alors qu’en fait c’est un garçon très gentil, qui aime blaguer. Ce côté-là de sa personnalité, je le connaissais. Au club, ils ont tous été ravis de son apport. L’OGC Nice a franchi un palier pendant son passage de 2012 à 2016. Claude est quelqu’un de bien, il partage énormément, il est très ouvert contrairement à ce qu’on peut penser. On se fait parfois une fausse image de certaines personnes.
Quel type d’entraîneur est Claude Puel ?
Il est entraîneur comme il était joueur. Claude ne lâche rien. Sur le terrain, il va tout donner. Il a un gros tempérament, une mentalité de compétiteur. Il aime les challenges, c’est un gagneur. Claude s’accroche tout le temps, il est très déterminé. Il est réputé pour sa grande exigence et pour le coup, là, je confirme. De toute façon c’est l’exigence qui fait la différence dans le haut niveau. Claude est travailleur, méticuleux et tenace. Cette ténacité, il l’a démontrée lors de sa carrière de joueur. Il a joué 17 ans en pro à l’AS Monaco. Il était rarement dans l’équipe type annoncée par les journalistes en début de saison mais à la sortie il faisait quasiment tous les matches. Au final, il en aura joué plus de 600, tu te rends compte ? Respect. Et même en tant qu’entraîneur, il a gardé cette hargne. Je me souviens qu’il participait aux jeux avec les pros, il était présent sur le terrain. Même aujourd’hui, à 59 ans, crois-moi, il cavale encore ! (rires)
Claude Puel est aussi réputé pour sa capacité à faire progresser les jeunes.
C’est vrai, Claude a cette remarquable faculté de déceler chez un jeune joueur les qualités qu’il a et cette capacité à le faire progresser avec ces qualités. Claude sait percevoir le potentiel d’un jeune joueur et sait le former à un poste pour en tirer la quintessence. C’est sa grande force. Ce que j’ai apprécié aussi chez Claude, c’est sa capacité à bien gérer son staff. Claude sait déléguer, il est à l’écoute de ses adjoints, il est dans la concertation. Après, bien sûr, c’est lui qui a le dernier mot. Avec lui on était beaucoup dans l‘échange au sein du staff, on parlait beaucoup. On était vraiment très proches et soudés. Je pense que ça a joué aussi dans les résultats qu’on obtenus. Sur les quatre ans passés ensemble, on a quand même accroché deux fois la quatrième place synonyme de qualification en Coupe d’Europe alors que ça faisait très longtemps que le club n’avait plus été sur la scène européenne.
Quels jeunes joueurs ont particulièrement progressé lorsque Claude Puel entraînait les Aiglons ?
Il y en a tellement ! Je ne vais pas tous te les citer mais le premier qui me vient en tête est Jordan Amavi, qui fait d’ailleurs partie de la génération qui a gagné la Gambardella en 2012. Claude cherchait un latéral gauche au centre de formation, on n’en avait pas. J’avais suggéré que Jordan, qui jouait plus haut avec moi, puisse prendre ce rôle car dos au but il avait des difficultés. Mais Jordan a deux grosses qualités : il court très longtemps, il a une grosse VMA, et il va très vite. Il avait juste à progresser défensivement. Jordan s’est reconverti avec succès à ce poste de latéral gauche.
Neal Maupay est un autre joueur du centre de formation qui a été lancé avec succès par Claude. Neal a le même tempérament que Claude. C’est un lâche-rien, un bulldozer. Neal était arrivé à l’OGC Nice dès l’âge de 10 ou 11 ans et il a toujours été surclassé. Alors qu’il n’avait que 15 ans, je l’ai fait jouer en U19 nationaux aussi bien en championnat qu’en Gambardella. Il était d’ailleurs entré en jeu lors de la finale contre Saint-Etienne dont on parlait tout à l’heure. Il avait beau être bien plus jeune et plus petit que les autres, il ne se faisait pas bouger ! C’est un roc, il en veut. Je suis vraiment content de le voir réussir en Premier League. Il a beaucoup progressé devant le but.
On peut aussi mentionner un autre joueur étant passé plus récemment que Neal par Saint-Etienne : Franck Honorat. Il est de la même génération que Neal, tous les deux sont nés en août 1996. Il était avant-centre et on l’a naturellement poussé sur le côté pour exploiter au mieux ses qualités, notamment sa vitesse de course. Claude l’a lancé en L1 un petit peu plus tard que Neal mais n’oublions pas tout de même que Franck n’avait que 17 ans quand il a fait ses débuts en pro. Il aura un peu moins joué à Nice que Neal mais depuis il fait lui aussi son petit bonhomme de chemin. Il a énormément progressé et a retravaillé avec Claude la saison passée.
Un autre nom me vient en tête : Vincent Koziello. Je ne sais pas si dans un autre club ce joueur serait sorti. C’est un 1995 qui a rejoint le club en provenance de Cannes. La première saison chez nous, il avait 18 ans et il a joué avec la réserve. Claude l’a lancé la saison suivante et au final il aura joué une bonne centaine de matches en équipe première. Il était petit et frêle mais ne se faisait pas bouger. Il a eu l’occasion de se remplir. Il avait marqué à Geoffroy-Guichard le soir où Hatem Ben Arfa avait mis un sacré doublé. On n’entend plus beaucoup parler de Vincent aujourd’hui. Il est parti en Allemagne, je ne pense pas que c’était un championnat pour lui. Après avoir quitté Cologne, il a fait une petite pige au Paris FC et maintenant il joue au CD National, à Funchal, en L1 portugaise.
Je mentionnerai un dernier joueur et on s’arrêtera là : Stéphane Bahoken. Un peu comme Neal Maupay, c’est un joueur qui a rejoint l’OGC Nice très jeune, à 12 ans. C'est un 1992 qui a fait toutes ses classes au Gym. Au début, quand il y avait un peu de vent, il tombait tout le temps. C’est Claude Puel qui l’a lancé [il avait fait quelques apparitions la saison précédente avec Eric Roy, ndp2]. Mais comme il était barré par la concurrence à Nice, il est parti en National à Strasbourg. Il a grimpé en même temps que le club alsacien au point d'être devenu une valeur sûre en Ligue 1. Je vois les buts qu’il marque avec Angers, c’est un garçon qui a énormément progressé. Je suis content pour lui.
Suis-tu avec attention ce que fait Claude à Saint-Etienne ?
Bien sûr. D'abord, quand il a quitté Nice, j'ai continué de le suivre et de le soutenir en Angleterre, quand il était à Southampton et à Leicester. Forcément ça m’intéresse de voir ce qu’il met en place chez les Verts. Il est arrivé à l’ASSE dans un contexte difficile, avec un effectif déjà en place. Il n’aime pas trop ça, n’importe quel entraîneur n’aime pas trop ça. Quand t’arrives quelque part, tu préfères pouvoir choisir tes joueurs. Maintenant, Claude savait où il mettait les pieds, il savait qu’il devait s’adapter. En fait, quand on regarde la carrière de Claude, on s’aperçoit que les débuts n’ont pas toujours bien démarré mais qu’à la sortie il a eu des résultats. Claude a besoin qu’on lui laisse du temps pour bâtir et mettre en place ses idées, son projet. J’espère qu’il va pouvoir mener à bien son projet à Saint-Etienne. De toute façon, Claude, il s’impose. Il a du tempérament.
Il s’impose mais en même temps il doit composer avec la réalité économique du foot d’aujourd’hui. Et il n’a pas pu garder comme il le souhaitait son meilleur défenseur.
C’est sûr, je crois que tous les entraîneurs sont confrontés à ces difficultés. Ce n’est pas évident de voir partir ses meilleurs joueurs. Mais quand un club de Premier League propose 40 M€, c’est difficile de refuser, surtout dans le contexte actuel où de nombreux clubs ont des difficultés financières. Je peux comprendre que ça crée une certaine frustration chez les supporters. Voir partir un jeune formé au club sans l’avoir vu longtemps à l’œuvre en équipe première, ce n’est pas facile à accepter.
Maintenant, je pense que Saint-Etienne a toujours dans son effectif de nombreux jeunes que Claude va garder encore un bon moment pour les faire progresser. Wesley Fofana n’est plus là mais il y a beaucoup de jeunes talents dans cet effectif stéphanois. Claude a recruté des joueurs qui se sont révélés en ce début de saison comme Yvann Maçon et Yvan Neyou. Il lance aussi pas mal de jeunes formés au club. L’ASSE a un bon vivier de jeunes, les Verts ont gagné la Gambardella en 2019 et sont bien représentés dans les différentes sélections de jeunes.
Claude a fait le choix d’enlever de l’équipe certains cadres expérimentés. Leur absence ne s’est pas trop fait sentir, on n’a pas vu la différence en fait. C’est une bonne chose. Claude a fait des choix, il les assume. Il faut être patient mais franchement, moi j’y crois. J’ai une totale confiance en Claude. Il est comme ça, il ne lâchera rien. On est encore en contacts, de temps en temps on s’appelle. Il est déterminé à réussir à Saint-Etienne mais qui en douterait ? Claude n’est pas parti en touriste à Saint-Etienne, il est là pour bâtir dans la durée et pour faire progresser le club.
Comment vois-tu le match qui l’opposera à son ancien club le 18 octobre dans le Chaudron ?
Ce sera sans doute un match serré. En gagnant contre Nantes, Nice est revenu à hauteur de Saint-Etienne. Mais j’ai trouvé que les Aiglons ont été un peu en difficulté dans le jeu en ce début de saison. Ils ont gagné leurs deux premiers matches contre Lens et à Strasbourg en étant hyper réalistes. Amine Gouiri leur a sauvé la mise le premier match mais on voit qu’ils ont des difficultés de finition. Ceci étant, il y a de la qualité aussi dans cet effectif niçois. Je pense que Saint-Etienne et Nice sont à peu près du même niveau.
Merci à Guy pour sa disponibilité