Superbement lancé par Payet avant la demi-heure de jeu, Rivière se retrouve face àSorin au prix d'un bel effort. Il bénéficie d'un contre favorable pour frapper ensuite dans le but vide et ouvrir le score. Alors qu'on ne lui demandait rien, le réalisateur télé mettra presque vingt minutes pour (enfin !) trouver le plan qui montre que le jeune attaquant vert touche le ballon du coude.
On va rapidement se débarrasser de notre analyse de l'action. Clairement, le contact est totalement invisible par les arbitres : le central est masqué par le corps de Rivière puisqu'il est situé en retrait de l'action et l'assistant n'a pas une vision optimale depuis le côté. De plus, ce dernier a d'autres priorités : le hors-jeu, être capable de détecter une éventuelle faute du gardien et son emplacement (dans ou hors de la surface…). Un arbitre situé derrière le but aurait, à la rigueur, pu prétendre percevoir quelque chose, mais rien n'est sûr à cette vitesse, alors que le contact est vraiment fugace et que lui aussi aurait pu être concentré sur la sortie du gardien.
Depuis l'angle de la télévision, même à vitesse réelle, on a le sentiment d'un contact "pas clair", qui ne sera pourtant pas forcément confirmé par les multiples ralentis proposés dans la foulée. Le but est, de toute façon, accordé. Rideau, on ferme le ban. Enfin, on pensait en avoir fini car, juste avant la mi-temps et alors que le supporter stéphanois rumine l'égalisation auxerroise, la "breaking news" tombe, implacable, sous la forme d'un énième ralenti qui, enfin, après toute cette attente fébrile, à la limite de l'hystérie collective, le démontre : on voit nettement Manu Rivière TOUCHER LE BALLON DU COUDE, le sauvageon ! Stoppez les rotatives, on change la Une en urgence !
Trêve d'ironie, il faut sincèrement être tordu pour aller chercher la petite bête là -dessus. Et le réalisateur a même mis les commentateurs sur le cul : en leur imposant cette image à commenter, ils sont pratiquement forcés d'admettre, sans grande conviction, que "ça pouvait se siffler". Il faut se mettre à leur place. Pourquoi diable ressortirait-on un ralenti si tard après le direct s'il n'y avait pas quelque chose d'important à y détecter ? En fait, l'action fait vite pschitt toute seule, tant il est évident que le contact entre le ballon et le bras de Rivière est totalement fortuit et inévitable. Pire, il ne l'aide en rien dans son contre favorable : sa poitrine s'en serait aussi bien chargé. Rappelons que la règle précise que l'on doit sanctionner d'un coup-franc direct le joueur qui touche délibérément du bras le ballon et les consignes passées sur l'augmentation faussement involontaire de la zone de contact n'y changent rien. En l'espèce, l'arbitre a pris la bonne décision.
Ce nouvel exemple témoigne bien du "danger" que peut représenter la réalisation télé dans sa recherche frénétique de la vérité à travers les images. Pour le coup, la main de Manu n'est absolument pas sanctionnable. Mais imaginons un instant qu'elle l'ait été. Quel impact peut avoir la découverte vingt minutes après la faute de celle-ci ? Les réalisateurs se prennent de plus en plus pour des Doc Brown, façon savant fou. Après le super-ralenti sur le recoiffage de Cristiano Ronaldo, après le troisième ralenti de faute au milieu de terrain alors que le jeu a repris depuis dix secondes, voici le ralenti à effet retard. Si on tient vraiment à mettre en place la vidéo (pour autre chose que la ligne de but), on se prépare de sacrés maux de tête et d'incroyables voyages dans le temps. À vingt-quatre images par seconde et sans DeLorean…
Pitchdobrasil