Reprenons et détournons la rengaine amoureuse d’un chanteur à moustache pour dézinguer la bien-pensance tf1-meneso-patriotique
La bien-pensance qui voudrait qu’on ne siffle pas un joueur qui porte le maillot de l’équipe de France, fut-il vilain. Celle qui à l’entrée des équipes, pour faire monter la sauce avant la pub, trouve toutes les ambiances « formidables », celle qui feint d’ignorer que tous ces drapeaux bleu-blanc-rouge ont été généreusement distribués à l’entrée du stade, ôtant toute spontanéité à cette bruyante –mais très éphémère- clameur.
Celle qui se cogne totalement de la triste aseptisation des tribunes.
Ainsi donc il serait anormal, stupide, immoral, et anti-patriotique de siffler la cagette and co ?
Ainsi donc serait il écrit quelque part dans le petit livre (bleu pour le coup) du supporter qu’il est interdit de siffler un sportif dès lors qu’il porte les couleurs de la France ?
Outre le fait qu’il est par définition salutaire d’adopter un point de vue contraire à celui de Menes ou Jeanpierre (Christian, pas François), et que nos dirigeants auraient tellement gagné à tourner sept fois leur langue dans leur bouche plutôt que de la sortir pour lécher les instances, Poteaux Carrés vous propose trois autres bonnes raisons d’avouer entre amis, en famille, au boulot, avoir sifflé les Vilains contre le Danemark ou au moins cautionné ces sifflets (non ne nous remerciez pas, c’est plaisir) :
1/ N’oublions pas pour commencer que siffler un joueur Lyonnais est simplement un tout petit vomi (rendu si vous préférez) pour tant de prêtés : pêle-mêle Gonalons qui répète à qui veut l’entendre qu’il ne va jamais à Saint-Etienne -hormis pour un derby-, car il ne voit pas ce qu’il y ferait, Lacazette qui en public, micro en mains, sur le bal-con(s) de l’hôtel de ville a traité les Stéphanois de bâtards, et tous ces bas-du-front qui à longueur d’interviews expliquent n’avoir jamais perdu un derby, quand il ne faut pas trois clics sur p² pour retrouver trace d’une claque qu’ils ont prise à l’Etrat, à Geoffroy ou à Gerbeland. Les Lyonnais nous méprisent, sans que les médias s’en offusquent, et il faudrait donc les applaudir au prétexte qu’ils portent un maillot Bleu ?
2/ Puis sous le feu nourri des critiques de vos amis, rappelez leur que toute personne normalement constituée devrait s’interroger sur l’existence de bons et de mauvais sifflets. Car après tout, s’il est abject de siffler ces vilains Bleus, pourquoi ne pas s’émouvoir lorsque ces sifflets interviennent en d’autres occasions, pour d’autres raisons ?
Certains sifflets sont ainsi manifestement tolérés (lorsqu’un joueur rate un but tout fait, ou est remplacé après une prestation insipide, ou –souvenez vous de dugarry- lorsqu’il sert de bouc-émissaire) quand d’autres sont manifestement proscrits (quand ils sont destinés à un joueur portant le reste de l’année les couleurs d’un club rival).
Que penser de ce jugement de valeur ?
Quelle divinité, quelle instance supérieure a défini les niveaux d’acceptabilité des sifflets ? Où trouver les barèmes ? Et s’ils existent, en même temps que les drapeaux bleu blanc rouge avec nom du sponsor au dos, ne pourrait on, pour le confort de tous les distribuer aux spectateurs avant le match ?
Car enfin, imaginez demain cet échange entre une fille et son père venus voir les Bleus : « papa, je sifflerais bien Valbuena, parce qu’il a le nez de travers, c’est autorisé ? ». « Oui, ça tu peux, mais surtout abstiens toi de le siffler, si c’est parce que tu n’aimes pas le Dynamo de Moscou… ».
Finalement qu’est ce qui est le plus condamnable : siffler un joueur parce qu’il est moche, con, lyonnais ou mauvais ? Et que faire quand il cumule toutes ces tares, ce qui n’est pas rare.
Vous ne manquerez pas non plus d’élargir le débat à d’autre sports. Que penser des sifflets par exemple que subit jadis un Henri Leconte en finale de Roland Garros ? Riton, coupable de paroles, certes maladroites, mais néanmoins (circonstance atténuante) prononcées d’une part quelques minutes après un match qui l’avait probablement totalement anéanti, et d’autre part à l’issue d’une quinzaine somptueuse (donc à saluer)… Riton méritait-il ces huées ?
3/ Enfin, à cet interlocuteur indigné face à votre manque de soutien total et sans condition aux Bleus, vous n’oublierez pas de répondre liberté. Celle du supporter, qui paye et peut, n’en déplaise à tous les moralisateurs et censeurs si prompts à donner les bons et mauvais points, dire ou écrire ce qu’il pense, dès lors que ses propos ne sont pas, juridiquement parlant, condamnables. La mise en scène organisée par les Green Angels contre Lorient avec apparition successive de banderoles dénonçant les agissements de la Ligue en fut un exemple parfait et salutaire. Parfait, car il montrait que le supporter était doué de réflexion, salutaire, car les banderoles posaient des questions, ouvraient un débat que les médias du sport ignorent honteusement.
Vos interlocuteurs doutent encore. Vous ne les avez pas convaincus ?
Sortez alors votre botte secrète, et citez la Pravda : Le matin de France-Danemark, Duluc, qui, par sa double condition de Vilain et taulier de ce quotidien énervant, ne nous a pas toujours habitué à pratiquer l’honnêteté intellectuelle, a qualifié de folklore cette affaire, exprimant son souhait qu’on n’accorde pas plus d’importance que cela à ce qui n’est pas un événement, seulement le reflet d’une rivalité qui, ne l’oublions pas, fait le sel de ce sport.
Voila. Geoffroy-Guichard est un stade qui vit. Qui encourage comme aucun autre, et qui, parfois s’autorise à siffler. Cela s’appelle la passion. Et c’est ça qui est bon.