Ancien milieu de terrain des Verts et du PSG, Dominique Bathenay s'est confié à Poteaux Carrés avant le match qui opposera ses deux anciens clubs ce vendredi au Parc des Princes lors de la 5e journée de L1.
Regrettes-tu d’avoir tiré aussi fort le 12 mai 1976 sur barre transversale, qui modère aujourd’hui le forum de Poteaux Carrés ?
Je n’ai aucun regret. J’aurais préféré que ça passe juste en-dessous mais c’est comme ça, c’est la vie ! Les poteaux carrés sont bien conservés, ils sont au musée des Verts et ont trouvé une nouvelle vie sur la toile avec vous donc tout va bien (rires)
42 ans après, on te reparle encore de ce tir de la 34e minute que tu avais décoché après avoir mis dans le vent Franz Beckenbauer ?
Oui, c’est générationnel. Il arrive encore aujourd’hui que ceux qui ont vu cette finale m’en reparlent. Les plus jeunes aussi, un peu car ça se transmet de génération en génération. Beaucoup de gens ont gardé en mémoire cette période, ce match-là. Les poteaux carrés, contre le Bayern de Munich. Ils sont au courant. Tous. On nous en reparle souvent, forcément. Mais en ce qui me concerne on me parle plutôt d’un but marqué dans un autre match…
Celui que tu as mis à Anfield, évidemment ! C’est le but plus marquant de ta carrière ?
Le plus marquant, je ne pense pas, mais c’est celui qui a le plus marqué. Marquer un but, c’est toujours une joie intense, quelque chose d’assez exceptionnel. J’avais déjà marqué contre Liverpool au match aller, on se souvient moins de ce but mais il est pas mal non plus.
J’ai mis quelques jolis buts sur des frappes de loin avec Paris. J’ai également marqué en équipe de France. Mais peut-être qu’au final mon but le plus marquant est le premier, que j’ai mis à Gérard Migeon, contre Marseille à Geoffroy-Guichard, lors de la dernière journée de la saison 1973-1974. Une belle frappe dans la lucarne. J’avais à peine vingt ans. Pour revenir à mon but à Anfield, c’était un moment à part, en Coupe d’Europe, à une époque où il n’y avait pas tant de télé que ça. C’est pour ça que ce but a marqué encore plus les esprits. Cela fait partie de la mémoire collective de cette époque-là.
C’est à l’instinct que tu as déclenché cette frappe soudaine ?
Oui, on savait que les ballons anglais étaient un petit peu différent. On savait que si on pouvait frapper de loin, il ne fallait pas hésiter à tenter sa chance. Comme j’avais une bonne frappe, je m’en suis servi. C’est venu comme ça, un peu à l’instinct.
On se souvient de ta célébration assez sobre, les bras levés, qui tranche avec les extravagances des nombreux buteurs d’aujourd’hui.
C’était un plaisir intense de marquer. Mais on sait qu’on marque pour une équipe, ce n’est pas que pour soi. Maintenant chacun célèbre à sa façon, chacun essaye de trouver une façon nouvelle et différente susceptible de créer un buzz. La célébration de mon but était simple. J’avais égalisé mais je savais que rien n’était fait. La suite du match l’a hélas prouvé…
Tu es bien sûr associé à des matches légendaires au dénouement plus heureux qu’à Hampden Park et à Anfield. Tu as notamment marqué lors de deux inoubliables 5-1, contre Split en Coupe d’Europe et contre Nantes en Coupe de France.
Oui, ça fait bien sûr partie des matches très marquants de cette époque. Surtout Split. On était vraiment très mal embarqué, plus personne ne croyait en nous. Ce match marque le début de l’épopée, de la « légende » des Verts. Rien que de l’évoquer avec toi, ce match me donne encore des frissons. Tous les gens qui étaient là en gardent un souvenir immense. Le stade n’était pas plein mais il y avait quand même près de 30 000 spectateurs à Geoffroy-Guichard. Tout le monde dit avoir vu le match à la télé alors qu’il n’a pas été diffusé ! (rires) Ce match a fait date dans ma carrière, c’est sûr !
Mais je garde aussi de bons souvenirs de cette demi-finale retour de Coupe de France contre Nantes. A l’époque, cette équipe des Canaris pratiquait le meilleur football, le meilleur jeu. Il y avait une grande rivalité entre nous, mais c’était une rivalité saine. C’étaient deux écoles qui s’affrontaient. On avait bien ramassé à l’aller à Marcel-Saupin. On avait pris de sacrés courant d’air… Mais le match retour nous a été plutôt favorable…
Quand tu repenses à tes vertes années, tu retiens avant tout les matches renversants en Coupe d’Europe ?
C’est vrai que les matches contre Split et le Dynamo Kiev restent dans les mémoires.
Personnellement, je retiens aussi notre 0-0 à Eindhoven, qui nous a qualifié pour la finale. C’était un match dur, intense. On a montré une solidarité à toute épreuve. C’était une joie collective intense, en tout cas je l’ai ressentie comme ça. On a souffert ensemble, on a lutté ensemble, on a décroché ce résultat ensemble face à des joueurs redoutables dont plus de la moitié jouaient en équipe de Hollande.
C’est probablement ça que je retiens avant tout de mes vertes années, la formidable aventure humaine qu’on a vécue. On n’était peut-être pas la plus belle équipe mais on était la plus valeureuse, la plus solidaire, la plus combative, avec des joueurs de talent aussi, hein ! On allait toujours au bout de ce qu’on pouvait donner, c’est pour ça qu’il y a eu des retournements de situation. On ne partait jamais battus, on ne s’avouait jamais vaincus. Plus de quarante ans après, on se retrouve encore souvent avec mes coéquipiers de l’époque, on se revoit avec plaisir. J’en ai revu pas mal cette semaine justement. Cette histoire collective nous a unis à vie, c’est ce qui fait la beauté du sport.
Pourquoi as-tu quitté Sainté pour rejoindre Paris ?
On avait signé les premiers contrats à temps de l’époque. D’autres avaient signé plus longtemps car ils s’étaient engagés avant moi. Arrivé au bout des quatre ans, l’ASSE n’a pas fait le nécessaire pour nous garder donc on est partis. C’est comme ça… On avait fait gagner beaucoup d’argent à Saint-Etienne, mais ils ne voulaient pas nous le donner. Ils l’ont donné aux autres.
Après avoir passé 7 ans à l’ASSE, tu as joué 7 ans au PSG. Que retiens-tu de ton septennat parisien ?
J’ai rejoint un club qui était complètement différent que Saint-Etienne. Il avait à l’époque des années-lumière de retard en termes d’organisation, de structures mais il avait des joueurs sympas et de qualité. Pendant trois ou quatre ans on a eu pas mal de difficultés mais ça s’est toujours bien passé. J’ai évolué avec des joueurs qui avaient énormément de talent, notamment dans le domaine offensif. Je pense notamment à Mustapha Dahleb, Ivica Surjak, Carlos Bianchi. C’étaient des hommes, ils prenaient leurs responsabilités. C’était une période où quand les supporters venaient au Parc, ils étaient sûrs de voir des buts mais ils ne savaient pas dans quel sens ! (rires) Et je retiens bien sûr la fameuse finale de Coupe de France contre Saint-Etienne en 1982.
Tu as soulevé la Coupe en tant que capitaine du PSG. C’était le premier trophée remporté par le club de la capitale.
Oui, cette finale restera un moment fort dans l’histoire dub. Le scénario avait été assez incroyable. Pour son dernier match sous le maillot vert, Michel Platini avait réalisé un doublé. Mais Dominique Rocheteau nous avait permis d’arracher la séance de tirs au but au bout du bout de la prolongation. La pelouse avait été envahie. Même si ce trophée a été acquis aux dépens de Saint-Etienne, cette finale est assurément l’un de mes plus beaux souvenirs de joueur. J’avais pris l’habitude de gagner pas mal de choses avec Saint-Etienne, mais à Paris ce n’était pas le cas. Cela faisait quatre ans que j’étais au PSG et c’était le premier trophée que je gagnais là-bas. Gagner la Coupe de France au terme d’une finale un peu épique, pleine de rebondissements, ça a été une grande satisfaction. J’étais très ému parce qu’on avait quand même un peu galéré pendant quatre ans.
A Sainté comme à Paris, tu as eu comme coéquipier Dominique Rocheteau. Quels souvenirs gardes-tu de lui ?
Je suis arrivé en même temps que Dominique à Saint-Etienne, on a même fait une année chambre ensemble. Ce n’est pas quelqu’un de très disert, de très bavard. On se disait bonjour le matin, bonsoir le soir. Il était très discret, renfermé. Il ne parlait qu’avec le ballon sur le terrain. Il est venu nous rejoindre à Paris. Il a évolué en tant qu’homme, en tant que joueur. Il a fait de belles années à Paris et en équipe de France.
Alors que l’Ange Vert est actuellement directeur sportif, tu as eu une brève expérience d’entraîneur à Sainté. Qu’en retiens-tu ?
Je n’en garde rien. Je suis arrivé les trois derniers mois de la saison 1995-1996. Ça allait très mal entre les supporters et le club. La situation sportive n’était pas bonne. Il n’y avait rien qui allait. Et à la sortie il n’y a rien qui a vraiment changé. C’était très mal embarqué, on n’a pas pu sauver le club de la relégation. Ce n’est pas une bonne période pour moi. Je n’ai pas retrouvé le club que j’avais laissé…
En tant que joueur, tu as préféré ta période stéphanoise ou ta période parisienne ?
Ce sont deux belles périodes de ma vie et je prends du plaisir à retourner dans le Chaudron ou au Parc. J'ai peut-être un peu plus apprécié ma période à Paris car j'étais un peu plus âgé. Je me suis rendu compte de la difficulté, de plein de choses... A Saint-Etienne j'étais jeune, j'ai commencé à jouer à 19 ans, tout allait bien. On a gagné pas mal de choses, c'était pratiquement dans la normalité. A Paris on a rencontré beaucoup de difficultés. Je ne vais pas dire que ça s'est fait dans la douleur, ce serait exagéré. Mais j'étais plus âgé qu'à Sainté, j'étais certainement plus conscient des choses. Il faut se remettre dans le contexte de l'époque. Quand on est arrivé en fin de contrat chez les Verts, l'ASSE n'a pas compris que nous aussi on avait évolué. On n'était plus les gosses de 18 ans, on avait 25 ans, on avait fait un parcours. Ils pensaient qu'il suffisait de nous demander de rester pour qu'on soit content...
Quels souvenirs gardes-tu de l'ambiance au Parc des Princes, toi qui avais connu le Chaudron ?
Quand on jouait contre Saint-Etienne à Paris, les trois quarts du stade étaient verts. C'est comme ça, dans beaucoup de stades c'était pareil. Le public à Paris était un peu difficile, il était tout acquis à la cause des Verts. C'est compliqué à Paris, on est scruté par tout le monde, il y a toute la presse de la France qui est là, tous les gros journaux sont là. Il n'y a pas de presse régionale qui peut un peu défendre les Parisiens. Bon, ça a changé, hein ! J'ai le souvenir qu'il y avait toujours beaucoup d'ambiance. Mais Geoffroy-Guichard, ça reste à part. C'est un vrai Chaudron, les gens son juste derrière les buts, ils sont beaucoup plus proches du terrain, ce qui n'est pas le cas au Parc.
Quel regard portes-tu sur le PSG d'aujourd'hui ?
C'est un club qui se donne les moyens de ses ambitions. Le PSG veut gagner la Ligue des Champions, il ne s'en cache pas. Etre champion, ça les intéresse mais pas plus que ça. Les Parisiens préfèreraient finir troisièmes et gagner la Champions League. Le PSG a beaucoup changé par rapport à l'époque où j'y étais. Il avait déjà commencé à changer avec les années Canal Plus. Il y a eu toute une évolution. Contrairement à ce qu'a dit Ibrahimovic, il y a eu de grands joueurs passés avant lui comme Weah et Ronaldinho. Le club est bâti pour l'Europe et s'en donne les moyens, il y a des joueurs de classe mondiale dans cette équipe.
Comment juges-tu l'évolution de l'ASSE ?
L'ASSE est passée par des hauts, des bas. Des très bas, des bien haut. Depuis quelques années, avec Galtier comme entraîneur, les Verts s'étaient positionnés dans le haut du tableau. Ils ont fini quatrièmes ou cinquièmes. Je ne vais pas dire à leur place mais pratiquement... Mais parfois il n'y a pas beaucoup de différence entre le 5e et le 15e donc il faut faire attention. Il faut être lucide là-dessus. La saison passée, on a vu que les Verts sont passés près de la catastrophe pour X raisons que je ne vais pas détailler, d'autant plus que maintenant je suis assez loi. Les Verts ne veulent pas refaire les mêmes erreurs. L'ASSE fait partie des quelques clubs qui peuvent briguer les 4e, 5e et 6e places. Je n'ai pas encore vu jouer les Verts cette saison donc c'est difficile pour moi d'avoir un avis tranché sur les forces et les faiblesses de cette équipe. Comptablement, le début de saison est très correct. Après quatre journées, l'ASSE est le seul club invaincu avec le PSG justement. Mais les Verts n'ont gagné que leur premier match. De très bons joueurs ont été recrutés à la trêve hivernale. Les M'Vila et autres Debuchy sont des joueurs de qualité qui ont apporté un vrai plus car ce sont d'anciens internationaux qui ont encore un très bon niveau. Il faut que les Verts poursuivent leur dynamique enclenchée depuis début 2018. Le fait que Jean-Louis Gasset poursuive l'aventure offre certaines garanties, il va faire garder les pieds sur terre à tout le monde. Il faut être ambitieux et savoir jusqu'où on peut aller. Je pense que les Verts ont une équipe équilibrée, qui peut bien faire comme elle l'a montré ces derniers mois.
Mbappé sera suspendu, Neymar très probablement ménagé. N'est-ce pas le bon moment pour prendre le PSG, qui aura peut-être la tête à Liverpool ?
Je n'en suis pas convaincu. C'est souvent faire des mauvais calculs que de pointer les absences des adversaires ou de s'interroger sur leur motivation. Même sans Neymar et Mbappé, quand on regarde le banc, c'est pas mal quand même ! Il n'y a que des internationaux. Il y a beaucoup d'excellents joueurs dans cet effectif parisien. Le PSG peut se permettre de mettre trois ou quatre joueurs au repos sans dénaturer leur équipe. C'est d'ailleurs ce qui fait la force des grandes équipes européennes.
Est-ce que ton coeur sera plutôt vert ou parisien ce vendredi ?
Mon coeur est nulle part. J'aime bien Paris, j'aime bien Saint-Etienne. Maintenant je regarde les matches avec un oeil détaché. Je ne suis pas au coeur de Saint-Etienne, je ne suis pas au coeur de Paris même si je réside dans la région parisienne. Mon coeur m'appartient à moi et à ma famille. Je profite de ma retraite pour voyager, m'occuper de ma famille, faire des activité ludiques. Retravailler dans le foot, pour moi, c'est du passé. A un moment donné, il faut savoir s'arrêter. A moins que le Real Madrid ou Manchester United ne m'appelle. En tout cas je n'ai plus l'âge pour aller au fin fond de l'Afrique. Il y des destinations plus agréables, plus sympas, qui pourraient m'intéresser au niveau football et cadre de vie. Mais comme je pense qu'elles ne viendront pas, je profite de la vie.
Ton prono ?
Je suis un très mauvais pronostiqueur. Je dirais match nul. Comment ce serait bien qu'il y ait des buts, je vais dire 2-2. Par contre je ne peux pas te dire le nom des buteurs, désolé ! (rires)
Merci à Dominique pour sa disponibilité