Le 29 novembre dernier, la nouvelle est quasiment passée inaperçue. Noyée dans le flot incessant d'informations qui caractérise le football du XXIème siècle, elle fait presque figure d'anachronie. Ce jour-là donc, Jérémie Janot, l'homme d'un seul club,  a annoncé la prolongation d'un an de son contrat avec l'AS-Saint-Etienne. Réflexions sur l'une des bonnes nouvelles de cette fin d'année 2011....


Janot, déjà dans l'Histoire du club

De Carnus à Castaneda en passant par Curkovic, l'Histoire de l'AS-Saint-Etienne s'est écrite avec de grands gardiens. Beaucoup d'entre eux ont remporté des titres sous la tunique verte et restent associés à ces périodes de victoires dans la mémoire collective des supporters.

Jérémie Janot n'appartient pas tout à fait Ã  la même catégorie. Né en 1977, il n'était pas encore là lors des derniers titres de l'ASSE. Sans négliger la ligne "champion de France de Ligue 2" qui est inscrite à deux reprises dessus (1999 et 2004), le palmarès de Janot avec l'ASSE est presque vierge. Ce n'est donc pas pour les titres remportés sous le maillot vert que les supporters se rappelleront de Jérémie Janot dans de nombreuses années encore.

Non, il faut chercher ailleurs les raisons de l'attachement du gardien au maillot vert et du public stéphanois à son gardien.

Janot, dernier rempart d'un club souvent menacé

Jérémie Janot, c'est dans un premier temps aux yeux de ceux qui suivent de près l'AS-Saint-Etienne une figure des années de vaches maigres. Sa carrière sous le maillot vert débute en Ligue 2, lors de la triste saison 1996-1997. Il dispute cette saison-là 14 matchs et s'efforce de sauver ce qui peut encore l'être. L'équipe est à la dérive, elle est au bord de la relégation. Janot prend sa chance et ses responsabilités. Il est le dernier rempart contre les attaquants adverses. Le dernier rempart contre la chute du club en National. Le dernier rempart contre l'explosion pure et simple de l'ASSE ?

 

Malgré son dépannage réussi, le jeune gardien n'a pas complètement convaincu les têtes pensantes du club et son heure ne viendra réellement que beaucoup plus tard. Lors des deux saisons suivantes de Ligue 2, il ne joue que 10 matchs et ne se trouve sur le terrain  que de manière épisodique en 1999, l'année de la remontée du club en Ligue 1.

Les deux saisons consécutives en Ligue 1 ne modifient guère la situation de Jérémie, qui continue de faire banquette (19 matchs en tout). Bien que seulement n°3 derrière Alonzo et Montanier, Janot en profite tout de même pour effectuer ses grands débuts en Ligue 1 dans un stade Geoffroy-Guichard frigorifié et enneigé en février 2000 lors d'un match course-poursuite remporté de justesse par les Verts contre Montpellier (5-4).

Las, en juin 2001, les Verts retombent en Ligue 2 et vivent une saison catastrophique, flirtant encore dangereusement avec le spectre du National. Janot ne joue qu'un seul match en 2001-2002. La saison suivante est du même acabit et l'ASSE galère dans les bas-fonds d'un championnat âpre et compliqué.

 

Mais pour Jérémie Janot, la saison 2002-2003 a un parfum particulier car pour la première fois depuis qu'il porte le maillot vert il devient le gardien n°1 du club. Le nouvel entraîneur, Frédéric Antonetti, lui accorde sa confiance et Janot s'installe pour un long bail dans les cages vertes. La saison suivante, avec un Janot titulaire, les Verts terminent champions de France de Ligue 2 et remontent enfin en Ligue 1. Janot, qui a débuté sous les couleurs vertes depuis déjà 8 saisons à l'époque, s'impose comme un leader sur le terrain et dans les vestiaires.

 

De 2004 à 2011, Jérémie Janot devient le gardien indéboulonnable des Verts. Il enchaîne les saisons comme titulaire, les entraîneurs successifs du club lui maintiennent leur confiance. Il ne perd sa place que sur blessure en 2007-2008, ce qui fait le bonheur de sa doublure Viviani qui semble un moment le supplanter. Mais quelques mois après son retour, en compétiteur acharné, Jérémie parvient à retrouver son poste de n°1 et le conserve jusqu'en juin 2011. Il connaît alors la montée d'adrénaline avant les grands matchs de championnat, l'excitation de la Coupe d'Europe (même si ce n'est que brièvement), la difficile lutte pour le maintien dans l'élite, l'intensité des derbys contre le voisin lyonnais, et bien entendu ces moments de grâce où le gardien donne l'impression d'être imbattable. Bref, tout ce qu'un joueur de haut niveau a envie de vivre durant sa carrière.

Janot, un gardien difficile à (a)battre

On constate donc que la carrière de Jérémie Janot sous le maillot vert ne ressemble en rien à un long fleuve tranquille. En  16 saisons, de ses débuts à la saison actuelle, Janot, tant sur le plan collectif que sur le plan individuel, a connu des hauts et des bas, des choix discutables, des contrariétés, des critiques justifiées ou non sur tel ou tel aspect de son jeu, mais aussi des périodes d'euphorie et des réussites.

 

Pendant plusieurs saisons, les différents staffs techniques qui se sont succédés à la tête du club n'ont pas vraiment fait confiance à Jérémie. Celui-ci est donc longtemps resté cantonné dans un rôle de doublure, voire de troisième gardien. Il a ainsi vu défiler les recrues à son poste, recrues qui repoussaient chaque fois un peu plus son rêve de devenir titulaire dans les cages de l'ASSE. Tour à tour Casagrande, Debec, Alonzo, Montanier, Levystky, Kameni, Viviani, Planté, Ruffier et quelques autres ont été recrutés (avec plus ou moins de réussite) pour concurrencer Janot dans la hiérarchie des gardiens du club.

 

A chaque fois, Janot joue son rôle de remplaçant sans se plaindre, se montre accueillant et loyal avec ses collègues portiers et donne tout à l'entraînement pour pousser le titulaire dans ses retranchements et l'entraîneur à prendre en compte sa "candidature" au poste de n°1. Après avoir longtemps patienté dans l'ombre d'Alonzo, de Levystky ou de Casagrande, Janot, nous l'avons dit, finit par décrocher sa place de titulaire en Ligue 2 lors de l'exercice 2002-2003. De "chasseur", il devient alors à son tour le "chassé" et c'est désormais à lui de défendre sa place, d'être poussé à progresser par sa doublure. Jérémie entretient dans l'ensemble de bons rapports avec ses concurrents et ne manque jamais de glisser un petit mot pour eux dans ses interviews pour les remercier de créer de l'émulation à l'entraînement et, par conséquent, de l'obliger à être bon pour rester titulaire.

Janot, premier rôle redevenu humble second rôle

"Tout le monde annonçait une guerre des goals dans le Forez. C'était nul. On était les deux seuls à être surs que notre cohabitation allait bien se passer. Elle ne nous a jamais inquiétés. On s'est toujours respectés". La phrase est de Stéphane Ruffier, à l'automne 2011. L'ancien gardien de Monaco a débarqué dans le Forez à l'intersaison 2011 après une vilaine relégation vécue sur le Rocher. Pour les dirigeants stéphanois, engager un néo-international comme Ruffier a été une opportunité à saisir. L'ASSE n'avait pas vraiment un besoin urgent de recruter un gardien car Janot tenait encore largement la route dans les cages. Mais Jérémie a 34 ans, il est plus près de la fin de sa carrière que du début, et malgré tous les services rendus et l'immense fidélité au club dont il fait preuve depuis toujours, la question de sa succession allait se poser tôt ou tard.

 

On aurait pu penser que cette situation ne plairait guère à Janot, repassé brutalement à l'intersaison second rôle après avoir des années durant joué le rôle principal. C'était mal connaître le natif de Valenciennes, qui a su humblement et loyalement s'effacer pour laisser Ruffier prendre le poste et s'y imposer. Certes Janot reste un compétiteur et il est prêt à surgir du banc en cas de défaillance, de blessure ou d'absence de l'ancien Monégasque, mais il ne revendique rien, ne fait pas de déclarations tapageuses pour pourrir l'ambiance, travaille en silence, et bien évidemment pousse Ruffier à se bonifier s'il veut rester titulaire. Janot a du respect pour Ruffier et il est bien conscient que ce dernier est un gardien plus jeune que lui, qui compte une sélection en équipe de France (statut que ne pouvaient revendiquer ni Viviani ni Planté par exemple) et qui n'est pas un parfait inconnu n'ayant pas encore fait ses preuves en Ligue 1. De son coté, Ruffier respecte également Janot, qui a un passé qui parle pour lui au sein du club, qui fait partie des meilleurs gardiens du championnat depuis des années et qui peut sans doute donner des conseils intéressants pour progresser encore.

Conclusion : Janot, gardien éternel du Temple vert

On ne peut encore dire avec certitude si la prolongation de contrat d'un an signée par Jérémie Janot fin novembre 2011 constitue son dernier bail dans le football de haut niveau. Dans le football actuel, il est impossible de savoir si, même en approchant les 35 ans, un joueur n'acceptera pas un jour de faire une pige sous un autre maillot (Janot a par exemple eu des touches avec le promu Evian l'été dernier....et puis on ne sait jamais, que fera-t-il s'il reçoit un coup de fil du Barça ? :-)  ).

 

Mais on peut tout de même penser que ce "dernier" contrat ressemble à un dernier paragraphe, encore en cours d'écriture, pour conclure le chapitre "Janot gardien de but de l'ASSE". La carrière de Jérémie sous le maillot vert se terminerait alors comme elle avait commencé, dans le travail et l'humilité, le survêtement maculé de terre après avoir répété les exercices déjà mille fois répétés sur les terrains d'entraînement la semaine, puis en piaffant d'impatience et d'envie d'entrer en jeu au bord de la pelouse de Geoffroy-Guichard le samedi soir. 16 ans plus tôt, Jérémie Janot était un jeune gardien de but remplaçant qui rêvait d'avoir sa chance lui aussi un jour sur cette pelouse mythique. Aujourd'hui Jérémie Janot est un gardien de but accompli, respecté, auteur d'une carrière exemplaire, fidèle parmi les fidèles à l'AS-Saint-Etienne, qui a connu toutes les sensations que peut connaître un sportif sur cette pelouse mythique. Certains ne croyaient pas en lui pour Ã©voluer au plus haut niveau, il a donné sa réponse sur le terrain lorsqu'on lui a fait confiance, il a tout donné pour son club et il est prêt à donner encore si on a besoin de lui.

 

Lorsque le moment sera venu pour lui de retirer définitivement les gants et de songer à sa reconversion, il ne restera plus à Jérémie qu'à regarder avec fierté le chemin parcouru, à passer le témoin, à transmettre aux jeunes gardiens du club ce qu'il a appris. Il saura alors leur expliquer ce que signifie être un joueur de l'AS-Saint-Etienne.