Dans le foot actuel, l'argent est un élément incontournable : non seulement combien on en a, mais aussi comment il est utilisé.


L'arrêt prématuré de la saison précédente a généré un important manque de revenus pour les clubs, qui a été aggravé cette saison avec la suite de la crise sanitaire et le fiasco Mediapro. Comment s'en sort l'ASSE dans ces conditions ? Voici quelques éléments de réponse à base des bilans comptables publics, enregistrés au Registre du Commerce et des Sociétés par la SASP AS SAINT-ETIENNE (le club) et l'ASSE GROUPE (le club, l'immobilier dont il est propriétaire, le Chaudron Vert et d'autres sociétés annexes). L'analyse porte principalement sur la saison 2019-20, dont les comptes viennent d'être publiés, mais aussi sur des données provenant des saisons précédentes.
 
 

De combien d'argent dispose l'ASSE ?

 
On peut analyser les actifs et passifs du club ou bien d'autres aspects comptables, mais à l'heure actuelle la chose la plus importante semble être la trésorerie, l'argent dont il dispose. Et ça permet notamment de répondre à pourquoi il y a peu de joueurs achetés :
 
 
La dernière saison de Galtier a été une saison d'équilibre, avec quasiment la même trésorerie en entrée et sortie, avec peu d'achats, mais pas trop de ventes non plus. Et avec quasiment aucun crédit à rembourser (sauf l'immobilier pour l'Etrat) en plus des 800k€ - 1M€ de dividendes vers les sociétés mères.
 
La saison 2017-18 a été mal gérée et le club n'aurait presque pas survécu sans emprunter 10M€ remboursables sur les trois années suivantes (en gros 3,4 / saison). Le déficit structurel a été tel que même en incluant les ventes des joueurs, le club a perdu 3 millions. Ces 10M€ empruntés lui ont permis de faire des achats et malgré ça, la trésorerie a quand-même diminué de 5M€ (30%) au cours de la saison...
 
La saison pleine avec Gasset à la tête de l'équipe a vu passer des transactions importantes. Le club a dépensé plus que d'habitude pour acheter des joueurs (p.ex Cabella, Khazri), a eu une activité "normale" presque à l'équilibre (bon classement en fin de saison) et a eu pas mal d'argent suite à des ventes (Selnaes, d'autres). L'ASSE a commencé le remboursement du premier crédit et à encore emprunté, 20M€ (sur 4 ans, environ 5,1 / an) : lors des saisons 2019-20 et 2020-21 le club doit ainsi rembourser deux crédits en même temps, 8,5 M€ par saison. Ainsi, la trésorerie du club a fait +17M€ sur la saison - on peut presque dire que le crédit de 20M€ n'était pas nécessaire, mais probablement la vente de Selnaes en cours de saison n'était pas prévue non plus...
 
Pour la saison suivante, la première impactée par la crise, les grosses ventes à l'été 2019 ont sauvé le club. Les 37M€ encaissés par le club suite aux transferts des joueurs ont comblé des pertes structurelles très importantes pour arriver en positif de seulement 4M€. Le club a encore emprunté 10M€ (ce que lui a permis de couvrir les remboursements des prêts précédents) et a aussi dépensé de l'argent pour l'achat des joueurs à hauteur de 17M€. 
 
Avant de décrire plus en détail ce qui s'est passé lors de cette saison 2019-20, la structure des revenus et des transferts du club mérite un petit detour.
 
 

Chiffre d'affaires (CA) et transferts 

 
Si on regarde le CA du club pour la saison 2018-19, il est de 90,7M€. Il a plusieurs composants, qui varient assez peu d'une saison à l'autre avant la crise :
 
 
On sait le club très dépendant des droits télé, les sponsors jouent un rôle pas négligeable non plus. Mais ces éléments ne suffisent pas à la survie du club, c'est le trading des joueurs qui lui permet de rester à l'équilibre. 
 
Ventes pour équilibrer les comptes. Ainsi, pour la saison 2018-19, le résultat d'exploitation hors ventes est de -15,6M et il est compensé par des ventes à hauteur de +17,1M€ (le 18,9M€ ci-dessus moins 1,8M€ amortissements joueurs cédés). Pour la saison précédente les valeurs sont similaires, -17,4M€ hors vente, +17,8M€ de ventes. Quant à la saison 2019-20, les chiffres sont sans appel : -30,9M hors vente, +37,1M de ventes. Bref, le club a absolument besoin de vendre, beaucoup même, pour survivre. 
 
Paiements étalés. A noter que les transferts sont souvent étalés sur plusieurs saisons. Par exemple, les 37,1M€ de ventes dans l'exercice comptable 2019-20 ne signifient pas autant d'argent pour des joueurs transférés seulement lors de cette saison. Ainsi, au 30 juin 2019, le club avait encore de l'argent à récupérer des transferts passés, 18M€. Ce sont donc "seulement" 19M€ qui ont été récupérés dès la première saison pour les transferts de Saliba, Cabella et autres.
 
Bien sûr, ça va dans les deux sens. Au 30 juin 2019 le club devait encore 14M€ pour des transferts passés (9M€ de transferts + 5M€ pour les agents). A la fin de la saison, il a payé 17,3M€, donc réellement seulement 3,3M€ pour des nouveaux achats.
 
 

Qu'est-ce qui s'est passé lors de la saison 2019-20 ?

 
De manière presque surprenante, le CA de la saison 2019-2020 a augmenté de 10M€ comparativement à la saison précédente, passant de 91M€ à 100M€. La ventilation est elle sensiblement différente :
 
 
Une autre source de revenus. On constate bien sûr une baisse des revenus billetterie et des recettes commerciales, la baisse des droits TV liée à l'arrêt de la saison est elle compensée par la ligne redevance et royalties. Les revenus liés aux ventes de joueurs explosent et passent à 44M€, soit plus du double de la saison précédente. Côté charges, la masse salariale s'est réduite de 5M€, traduction de la volonté de l'équipe dirigeante de réduire ce poste du budget, pour faire face aux difficultés liées aux revenus. A noter, l'ASSE dispose toujours d'une ligne de crédit de 8M€.
 
Un nouvel emprunt a été réalisé, de 10M€ sur 3 ans à 1,9% soit 3,4M€ à rembourser par an et a terminé de rembourser le premier emprunt de 10M€ durant l'exercice. Notre endettement a augmenté, mais nos ventes de joueurs aussi. Une grosse partie des emprunts devrait être remboursée cette année, et nous avons les moyens de le faire entre la trésorerie et les paiements échelonnés des diverses ventes attendues.
 
Les créances clients / dettes fournisseurs au 30 juin 2020 nous donnent une bonne indication à quoi s'attendre cette saison. On doit encaisser 30M à moins d'un an (vente joueurs principalement), 11M à long terme, et on doit décaisser 38M (sans compter des dettes fiscales qu'on a tous les ans en fait), dont emprunt 20M, achat joueurs 7M, immobiliers 10M à moins d'un an, 12M à long terme (emprunt). Si pas de nouvel emprunt (à part celui garanti par l'Etat) sur 2020-2021 on a dû considérablement assainir notre taux d'endettement avec la vente de Fofana, conjuguée à une réduction de la masse salariale. On comprend d'ailleurs pourquoi les ventes de Saliba et Fofana n'ont pas été réinvesties en achat joueurs, 20M à rembourser sur un an c'est juste énorme pour un club comme l'ASSE.
 
 
Pour ne pas entrer de nouveau dans ce cercle de surendettement, un travail est effectué pour réduire les charges en attaquant notamment le poste principal qu'est la masse salariale (l'effet devrait être encore plus grand en 2020-2021). Cette réduction des coûts est tout simplement nécessaire face à l'effet double vague baisse du CA (COVID + Mediapro) et hausse des charges financières (remboursement d'emprunts). Il est encore trop tôt pour dire si les mesures prises seront suffisantes, mais il apparaît clair qu'on n'aurait pas pu continuer avec une politique de salaires aussi élevés. Vendre chaque saison nos meilleurs joueurs est nécessaire, dans un cadre d'endettement élevé, la baisse de la masse salariale allant dans le sens de réduction de cette dépendance au marché des transferts.
 
 
 

Conclusions

 
Pour faire très simple, le club a depuis un moment un modèle économique dans lequel des ventes annuelles sont absolument nécessaires pour finir à l'équilibre. Les 3 dernières années, des emprunts ont été nécessaires pour soutenir le train de vie du club. La vente de Saliba a été obligatoire pour compenser les dettes financières souscrites. Et celle de Fofana pour compenser les énormes pertes générées par les crises, sanitaire et des droits tv. Et ça n'aurait probablement pas été assez sans une réduction de la masse salariale et le strict minimum dépensé lors des mercatos.
 
Même si on a essayé de simplifier au maximum, la lecture et l'interpretation des chiffres dans cet article peuvent être compliquée. On essayera au mieux de répondre aux questions des lecteurs sur le forum.
 
 
 
Par Elliev et Pilou