Ancien attaquant de l'ASSE et de l'Amiens SC, Bertrand Fayolle s'est confié avant le match qui opposera les deux clubs dans le Chaudron ce dimanche à 17h00.


Peux-tu nous remémorer le contexte de ton arrivée à l’ASSE en 1998 ?

Je jouais pour le club de L’Etrat en division d’honneur. J’ai eu la chance d’avoir Jean-Louis Desjoyaux comme président à l’époque. Il a échangé avec le directeur sportif de l’ASSE qui était Gérard Soler. En plus de joueurs professionnels talentueux , les Verts cherchaient à recruter des joueurs locaux intéressants pour que le public revienne un petit peu au stade. Le club sortait de trois saisons compliquées, il avait même failli descendre en National. J’ai eu la chance d’être contacté, de faire des matches d’essai. Ça s’est bien passé et j’ai pu signer pro à Sainté. Ils ont fait la même chose après pendant la préparation avec Adrien Ponsard.

Tu allais avoir 23 ans. Caressais-tu encore l’espoir de signer pro avant d’être contacté par Sainté ?

Ah non, je pensais que c’était fini ! J’avais joué en moins de 15 ans et en moins de 17 ans nationaux à l’Olympique de Saint-Etienne mais je n’avais pas été approché par des centres de formation. J’avais juste eu des contacts avec Louhans Cuiseaux mais ça ne s’était pas fait. Quand les Verts m’ont sollicité, j’étais plombier chauffagiste, j’étais parti pour jouer en amateur. Signer pro à l’ASSE, c’était inespéré, c’était la chance de ma vie ! J’ai saisi cette opportunité incroyable. J'ai démissionné.

Comment s’est passée ta découverte du football professionnel ?

Au début ça m’a fait bizarre ! Avec L’Etrat, je m’entraînais deux fois par semaine. Avec les Verts, c’était deux fois par jour. Robert Nouzaret avait été sympa avec moi pendant la préparation, je ne participais pas à toutes les séances pour ne pas me griller physiquement. J’ai eu un programme adapté tenant compte de mon parcours atypique. J’ai découvert les voyages en avion, je ne l’avais jamais pris avant. J’ai découvert les stages à l’étranger, les grands stades. C’est mon rêve qui se réalisait.

Et quelle réalisation ! Dès ta première saison en pro, tu as connu les joies d’une montée dans l’élite !

Cette saison 1998-1999, c’est le meilleur souvenir de ma carrière. Même si je suis monté après avec Nancy, c’était différent. Monter avec Sainté, la ville où je suis né, vu tout l’engouement qu’il y a autour des Verts, c’était extraordinaire. Avant de défendre le maillot vert, j’étais déjà supporter de l’ASSE. J’allais voir les matches à Geoffroy dans le kop Nord. J’ai eu la chance de faire partie de ce groupe qui a permis au club de retrouver l’élite, c’est inoubliable.

J’ai aussi eu la chance de tomber sur un entraîneur qui n’a pas hésité à me lancer dans le grand bain du football professionnel. Je dois tout à Robert Nouzaret, je l’ai encore de temps en temps au téléphone. J’en profite aussi pour saluer son staff de l’époque, Rudi Garcia, Yves Brécheteau. Je suis également reconnaissant envers Gérard Soler et Alain Bompard. Cette montée, c'est une réussite collective.

Je suppose que tu n’as pas oublié le jour de ton premier match en pro ?

C’était à Caen, le 15 août, le jour de mes 23 ans. Peu après l’heure de jeu, j’avais remplacé Fabrice Lepaul, qui avait ouvert le score. Le Stade Malherbe avait égalisé en fin de match mais ça reste un super souvenir. Franchement, quand j’ai signé pro, je ne pensais même pas être sur une feuille de match. Je venais tellement de nulle part… Avec le recul je me dis que c’était justement ma force. Avec Adrien, on ne s’est pas posé de questions, on était en pleine insouciance. On était aussi porté par le stade. Les supporters ne venaient plus voir des noms de famille, ils venaient voir des collègues qu’ils avaient croisés sur les terrains depuis tout jeune car on est des Stéphanois de pure souche. J’ai croqué dans la pomme à pleines dents, on a réussi une superbe saison.

L’équipe dégageait beaucoup de sympathie, beaucoup de supporters s’identifiaient à Adrien et toi.

Complètement. Au-delà de nous deux, j’ai senti que quelque chose de spécial s’était créé entre notre équipe et le public. Il faut dire qu’à l’époque ce n’était pas aussi fermé qu’aujourd’hui. On avait un contact quotidien avec les supporters. Quand il y avait des périodes un peu moins bonnes, des résultats un peu moins bons, le fait de discuter avec les supporters à la sortie de l’entraînement nous faisait avancer. Quand on nous disait dans les yeux qu’on n’avait pas été bon le week-end d’avant, qu’on n’avait pas mouillé le maillot, on comprenait bien le message et ça se répercutait plus facilement.

Les supporters nous remontaient tout ce qu’ils ressentaient, ils nous serraient la main à chaque entraînement. J’appréciais beaucoup ces échanges, cette proximité. Je pense aussi qu’on inspirait de la sympathie car on était que de bons potes et que ça se traduisait sur le terrain. Y’a des coéquipiers de l’époque que je ne vois pas pendant longtemps mais quand on se croise on a l’impression de s’être quitté la veille. Humainement, on avait vraiment un super groupe…

… qui a fait un super parcours auquel tu as contribué en claquant six pions. Tu te les remémores tous ?

Bien sûr ! A commencer par le premier, contre Beauvais, à Geoffroy-Guichard. Pour moi c’est le plus marquant. Je venais de nulle part, je venais de DH, et je marque le coup franc victorieux à la 88e minute. Je vais au ballon, il y a Kader Ferhaoui et Gilles Leclerc qui sont là. Deux trentenaires expérimentés. Je me mets au milieu et je leur dis : « Je la sens bien. » Les deux me regardent et me disent : « Si tu la sens, mets-la nous au fond ». Peut-être que dans le foot d’aujourd’hui avec la mentalité d’aujourd’hui, on ne laisse pas le ballon à un jeune inexpérimenté qui n’a fait que quatre apparitions en L2. J’ai eu la chance d’être dans un groupe formidable et très pro qui a parfaitement intégré les jeunes en leur témoignant de la confiance.



Tu as marqué ton deuxième but lors d’un spectaculaire match nul à Nîmes ?

Ah oui, je m’en souviens bien, on avait fait 3-3 aux Costières. On avait marqué deux buts dans les dix premières minutes mais les Crocodiles étaient revenus à 2-2. J’avais redonné l’avantage aux Verts à dix minutes de la fin mais les Nîmois avaient à nouveau égalisé en fin de match. J’avais marqué un but sur un coup franc excentré. Il me semble que c’était Omar Belbey qui était dans le but à ce moment-là car leur gardien venait tout juste de se faire expulser.



Ton troisième but en vert a été le plus beau.

Oui. C’était à Châteauroux. J’avais inscrit le premier but de la victoire d’un retourné acrobatique. Le contexte de ce match était particulier car cette semaine-là, la mère de Julien Sablé s’était tué sur la route. A chaque fois qu’on me parle de ce but, je repense à Julien et à sa maman. Julien fait d’ailleurs partie des joueurs avec qui je suis resté un peu en contact, je l’avais notamment félicité quand il avait eu la chance d’être entraîneur de l’équipe première, même si en fait ce n’était pas vraiment une chance...



Tu as ensuite inscrit le premier doublé de ta carrière en pro.

Exactement. J’en ai mis plus tard avec Valence mais ce soir-là j'avais mis les deux buts de la victoire dans le Chaudron contre Caen : le premier du droit d’une reprise de volée et le second du gauche.



Ton dernier but en vert a été le moins beau.

C’est pas faux ! C’était à Grenoble, j’avais égalisé vers la fin du temps réglementaire en renard des surfaces après une tête d’Aloisio repoussée par le gardien. C’était un match de merde, on peut le dire ! (rires) Le terrain était enneigé. La Coupe, à Saint-Etienne, ça n’a jamais été un bon souvenir. Ce match-là, on l’avait gagné après prolongation grâce à Alex. Mais Lorient nous a éliminés le tour d’après aux tirs au but. La saison d’avant, alors qu’on était en tête de D2, on avait été éliminé sans gloire par Jura Sud dès notre entrée en lice.



Quand t’es arrivé à l’ASSE, t’as senti tout de suite une alchimie au sein du groupe ? Tu pressentais que la saison allait s’achever en apothéose avec une montée et le titre de champion de D2 ?

Ce serait un peu facile de dire ça maintenant. Je pense que ce groupe s’est construit au fur et à mesure des stages de préparation, du championnat. Il s’est construit aussi sur le fait que les remplaçants étaient décisifs quand ils rentraient. Cela amenait de l’élan à tout le monde, de la concurrence aussi car finalement Robert Nouzaret ne faisait pas de cadeau : le mec qui n’était pas bon la semaine ne jouait pas le week-end. On a commencé la saison par quatre matches nuls, puis on est monté en puissance. On a fait des séries de victoires, on a pris confiance. On avait aussi l’avantage d’avoir des anciens qui équilibraient le groupe, ils faisaient en sorte qu’on ne se prenne pas pour d’autres. Je me souviens de ce que m’a dit le capitaine Kader Ferhaoui quand on est monté en Ligue 1 : « là tu viens de manger du caviar, profites-en, tu ne mangeras pas toujours du caviar !» Il avait raison. Vingt ans après, je me rends compte que c’était la meilleure saison que j’ai vécue. Et c’était ma première en fait !

Quel coéquipier t’a le plus impressionné à Sainté ?

Pas évident de n’en citer qu’un ! Je dirais Alex et Aloisio. Ils formaient une sacrée paire. Alex avait énormément de talent, José était vraiment un très bon attaquant. Steph Pédron aussi, c’était fort. Avec nos Brésiliens, on savait pourquoi on ne jouait pas le week-end. On n’avait pas besoin d’aller dans le bureau de Robert Nouzaret et lui dire : « Je ne comprends pas pourquoi je ne joue pas ». Ils étaient vraiment un ou deux tons au-dessus. Moi qui ai joué pratiquement 9 ans en Ligue 2 et qui ai fait quelques apparitions en Ligue 1, je me rends bien compte que j’étais plutôt un joueur de L2. Alex et Aloisio étaient clairement au-dessus.

Ils t’ont fait prendre conscience de tes limites ?

Je crois que j’étais déjà lucide sur mon niveau. La L1 en tant qu’attaquant était un niveau trop élevé pour moi. Je n’avais pas fait de centre de formation donc je n’avais pas les qualités athlétiques requises pour m’imposer dans l’élite. Je sautais un peu moins haut que tout le monde, je courais un petit peu moins longtemps, un petit peu moins vite. Je pense que tactiquement et techniquement j’ai toujours été à l’aise. C’est que ce qui a fait ma force en Ligue 2 d’ailleurs. Comme dans ce championnat ça allait un peu moins vite, j’ai pu tirer mon épingle du jeu et faire ma carrière sans problème. En Ligue 1 t’avais déjà de vrais athlètes. Je me souviens notamment à l’époque des Thierry Henry, des Nicolas Anelka... Au haut niveau, pour exister, tu dois être athlétiquement au top.

Alex est la preuve du contraire, non ?

Non car tu peux avoir des qualités athlétiques sans être un golgoth. Au-delà de ses grosses qualités techniques, Alex avait des qualités athlétiques : il allait vite, il avait une détente intéressante. Alex avait aussi un très bon coup de reins, une vitesse d'exécution dans ses enchaînements, il était solide sur ses appuis. Quand je parle de qualités athlétiques, je ne parle pas de gabarit. Pour t’imposer au plus haut niveau, tu n’es pas obligé d’être taillé comme Aloisio ou Lukaku. Les qualités athlétiques dont je parle, tu les développes surtout quand t’as quinze ou seize ans dans les clubs pros en t’entraînant quotidiennement. Je me souviens qu'à l'ASSE lorsqu’on faisait des tests de VMA ou de vitesse, je n’étais jamais dans les premiers. J’étais moyen partout. De 14 à 20 ans, quand les fibres sont là pour se développer et que tu ne les développes pas, tu ne peux plus combler ce retard. Peut-être aussi que mon corps ne me permettait pas de développer les qualités athlétiques du très haut niveau.

T’auras quand même fait deux apparitions en Ligue 1 !

Exact ! Je suis entré en jeu à Geoffroy lors de notre défaite contre Lens et j’ai ensuite été titulaire aux côtés d’Aloisio lors de notre victoire à Troyes car Alex était absent. Cette saison-là, ma seconde à l’ASSE, j’ai surtout joué en CFA2. On est d’ailleurs remonté en CFA en survolant le championnat. Il faut dire qu’on avait une grosse équipe, avec pas mal de joueurs qui avaient évolué en L2 la saison précédente. Je pense notamment à Jérémie Janot, Patrick Guillou, Gilles Leclerc, Romarin Billong. On s’investissait toujours autant, on était là pour aider le club. C’était Patrick Revelli qui entraînait la réserve à l’époque. Mais comme j'ai eu la chance de devenir joueur pro sur le tard, je voulais jouer avec les pros. Je ne voulais pas faire partie d'un groupe de L1 et jouer seulement deux ou trois matches dans l'année. C'est pour ça que j'ai quitté Saint-Etienne.

Ta carrière t'a amené à jouer deux saisons dans un club que l'ASSE recevra ce dimanche dans le Chaudron.

Tout à fait. Mais avant de défendre les couleurs d'Amiens, je suis passé par quatre autres clubs. J'ai d'abord eu des expériences assez brèves à Sion puis à Clermont avant de jouer trois saisons à Valence. Après avoir fini deuxième meilleur buteur de Ligue 2 là-bas, Nancy m'a recruté. J'ai participé à la remontée de l'ASNL en Ligue 1, il me restait une année de contrat mais comme je savais que je n'allais pas jouer en Ligue 1, je suis parti à Amiens.

Quels souvenirs gardes-tu de ta période picarde ?

J'en garde globalement de bon souvenirs même si j'ai un petit regret : ne pas avoir réussi à monter en Ligue 1 avec ce club alors que j'y étais arrivé avec Sainté et Nancy. Je suis content que l'Amiens SC évolue dans l'élite depuis 2017 mais on avait failli monter dix ans plus tôt. On avait fini quatrième derrière Metz, Caen et Strasbourg. Cela faisait plus de dix ans qu'un club ne montait pas en Ligue 1 avec 69 points et c'est tombé sur nous. On avait pourtant fait une très belle saison dans un club très familial, dans lequel il est facile de s'intégrer. Mon autre saison a été plus compliquée, même si sur le papier on avait une belle équipe. Je me sentais bien à Amiens, je pensais avoir une opportunité de pouvoir faire ma reconversion là-bas, mais ce n'est pas allé au bout. Du coup j'ai terminé ma carrière pro à Gueugnon. Alain Ravera, qui m'avait déjà eu à Valence est venu me recruter. Lui aussi a connu l'ASSE d'ailleurs car il a été quelques mois entraîneur adjoint d'Oscar Garcia puis de Julien Sablé il y a deux ans.

Ton expérience amiénoise est-elle comparable avec ce que tu as connu à Sainté ?

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Non. Sainté, c'est incomparable ! J'ai vécu à Amiens une belle expérience sportive et humaine mais on ne peut pas comparer ces deux clubs. C'est deux mondes différents. Ce club m'a permis de jouer quelques mois avec Titi Camara. Il a démarré sa carrière chez les Verts, c'est à Amiens qu'il la terminée. J'ai pris des choses de lui même si nos parcours sont différents, lui a évolué dans des clubs comme l'OM et Liverpool. Je suis content de l'avoir connu. A Amiens, j'ai aussi retrouvé Steph Hernandez. On s'est connu à Sainté, à l'époque c'était un jeune qui arrivait dans le groupe pro. Même si j'étais plus âgé, j'ai intégré le groupe en même temps que lui et que d'autres jeunes comme Fabien Boudarène et Julien Sablé. Forcément, j'avais plus d'affinités avec Steph qu'avec Titi vu notre passé commun.

Ce dimanche tu supporteras qui ?

Évidemment les Verts ! J'ai apprécié mon expérience à Amiens mais je reste avant tout un supporter stéphanois. Je continue bien sûr de suivre Sainté, même si le foot a pas mal changé depuis vingt ans. Il est de plus en plus tourné vers le business. Il faut suivre le train mais le train va vraiment trop vite par rapport aux possibilités de chacun des clubs. Il y a toujours beaucoup d'engouement autour de Saint-Etienne, mais le club a des limites financières qui vont faire qu'on ne pourra pas passer certains caps. Il faut être réaliste par rapport à ça même cette année c'est un championnat bizarre, tout le monde peut battre tout le monde. Les autres saisons après dix journées il y avait déjà une certaine hiérarchie qui se dessinait. Aujourd'hui tu peux recevoir le dernier et perdre.

On vit un football plus fragile et on se rend compte que les changements d'entraîneur ne sont pas révolutionnaires. C'est quand même les joueurs qui sont sur le terrain, qui marquent les buts et qui font la dif'. L'arrivée de Claude Puel, c'est bien pour le club, mais Ghislain Printant a fait ce qu'il a pu. Même avec un autre entraîneur, le début de saison se serait passé peu ou prou de la même manière. Les entraîneurs sont dépendants des joueurs. Je pense que dans la nouvelle ère du football qui s'est installée depuis quelques années, c'est difficile de trouver de la stabilité. Aujourd'hui tu perds deux match de suite et c'est la crise, quel que soit le club. On a beaucoup dit que Printant n'était qu'un numéro deux, que ce n'était pas un numéro un. Mais ça je n'y crois pas trop. Jean-Louis Gasset a été très longtemps numéro deux et ça ne l'a pas empêché de réussir en numéro un.

On voit bien que Claude Puel veut mettre sa patte mais que c'est difficile. On a remporté dans les arrêts de jeu deux matches qu'on ne méritait pas forcément de gagner. Ce jeudi on a fait match nul à la maison contre Oleksandria, qui n'est pas une grosse équipe. On a eu de la réussite lors des trois derniers matches de championnat mais on sent que tout est encore fragile. Je reste malgré tout optimiste pour la suite de la saison. L'ASSE est loin d'être la seule équipe qui a des difficultés cette saison, hormis Paris qui est hors concours aucune équipe ne se détache vraiment. Certaines équipes qu'on n'attendait pas ont bien démarré mais auront du mal à tenir la distance. Angers par exemple va sans doute rentrer dans le rang, Reims aussi. Je pense que Sainté va remonter doucement mais sûrement et finira dans les six premiers du championnat. Vu l'effectif qu'ils ont, je ne vois pas de raison que sur la durée ça ne fonctionne pas.

En tant qu'ancien attaquant stéphanois, quel regard portes-tu sur l'attaque stéphanoise cette saison ?

Je trouve qu'il y a beaucoup de roulement. Il faut dire qu'il y a beaucoup de joueurs qui sont arrivés avec des niveaux de forme différents. Wahbi est arrivé très fatigué car il a joué la CAN après une saison pleine avec son club. Romain Hamouma a encore été embêté par quelques blessures. La stabilité sur les postes offensifs c'est quand même pas mal. Avoir des automatismes avec des joueurs, c'est toujours le plus important. On ne se découvre pas des automatismes en un jour. Il y a des nouveaux joueurs comme Bouanga qui sont arrivés, il faut qu'ils trouvent des automatismes. Quand on voit les grosses équipes, ce sont pratiquement tout le temps les mêmes attaquants qui sont titulaires et les mêmes qui rentrent en cours de match. Les titulaires sont souvent des joueurs qui font la différence à l'instant T. Je pense que c'est plutôt une coïncidence de méformes et de blessures qui explique les difficultés offensives actuelles.

Pour moi il y aussi un aspect psychologique qui pose problème, la qualité des joueurs n'est pas en cause. Aujourd'hui, ce n'est pas Bertrand Fayolle qui va apprendre à Romain Hamouma, à Wahbi Khazri, à Denis Bouanga ou à d'autres à marquer des buts. Eux, ce sont des joueurs de Ligue 1 confirmés. C'est une histoire de confiance, et la confiance elle vient par les matches amicaux. J'ai vu que pendant les matches amicaux certains étaient un peu moins en forme. Il y a eu quelques blessures. Et puis c'est compliqué de récupérer car il y a des matches tous les trois jours avec la Ligue Europa. On a vu d'ailleurs ce que Claude Puel a fait contre Lyon. Il s'est dit : "Si je fais jouer l'équipe qui a joué jeudi, je suis mort." C'est pour ça qu'il a titularisé Loïs Diony et Charles Abi. Ils ont travaillé comme des fous pendant une heure et ça a permis de gagner le match à la fin avec les entrées de joueurs plus frais qui avaient joué le jeudi. Si tout le monde retrouve la forme et qu'il n'y a pas de blessé, Claude Puel va trouver son équipe type et il n'y aura pas de souci.

Que t'inspire Robert Beric ? Malgré ses indéniables qualités de buteur, son cas fait débat chez les supporters...

Malgré tout ce qui peut se dire aujourd'hui, quand on a eu besoin de lui, il a été là, on ne peut que le féliciter. C'est un buteur "à l'ancienne", ce sont ses qualités qui font qu'il est comme ça. Il faut l'accepter comme il est. On ne révolutionnera pas Beric, on ne pourra lui demander de faire des courses en profondeur et de jouer sur un côté. Pour moi c'est plutôt un joueur qui va être utilisé en fonction de la forme des collègues autour de lui ou suivant l'équipe contre laquelle on va jouer. De mon point de vue, ce sera toujours un joueur important de l'effectif. Il sera toujours dans le groupe, soit pour rentrer, soit pour être titulaire. C'est un joueur sur qui on peut compter, en plus il a un très bon état d'esprit. Il est complémentaire avec les autres attaquants, au coach de trouver la formule qui fonctionne le mieux aujourd'hui.

Pour franchir un palier et accrocher une place en Ligue des Champions, il faudrait un avant-centre d'un calibre supérieur, non ?

Bien sûr. Mais il faut prendre conscience que dans le football d'aujourd'hui, il faut être très riche pour recruter des attaquants de top niveau. Lyon a mis près de 40 M€ pour acheter Depay plus Dembele, mais on voit qu'aujourd'hui que ça ne suffit pas à obtenir de bons résultats. Fékir est parti et n'a pas été remplacé. Le jour où un joueur hyper talentueux comme Matuidi ou Aubameyang qui se met à flamber, Sainté n'a pas les moyens de le garder. L'ASSE a déjà vendu pour 30 M€ William Saliba car le club avait besoin d'argent. Si les Verts avaient des moyens démesurés, ils garderaient ce défenseur pour pouvoir passer un cap. Mais Sainté ne peut pas garder ses meilleurs joueurs. L'ASSE n'est pas un cas isolé. Lille a vendu plusieurs joueurs, notamment Pépé. Aujourd'hui ce n'est plus le même Lille. L'aspect financier fait qu'il faut accepter de vendre pour devenir meilleur. C'est compliqué car tu vends pour essayer de renflouer les caisses mais ensuite il te faut essayer de retrouver un bon joueur pour remplacer celui qui est parti. La progression budgétaire ne s'accompagne pas toujours d'une progression sportive. Quand tu vends pour 30 M€ et que t'essaies de trouver un joueur équivalent pour moins de 5 M€, ce n'est pas évident. C'est même très, très complexe !

Après ta carrière de joueur, as-tu vécu une reconversion très complexe ?

Quand j'ai arrêté ma carrière de joueur professionnel, je pensais ne savoir faire que du foot. Je voulais rester dans le foot, comme quasiment tous les footballeurs. Mais les opportunités de la vie et des clubs ont fait que je n'ai pas pu intégrer un club pro en tant qu'éducateur. J'avais proposé gratuitement mes services à l'ASSE en 2009 pour me former après avoir eu mon diplôme fédéral. Mais le club n'a pas donné suite. Je me suis alors installé à Valence, là-bas le club m'a ouvert les portes. J'ai fait une année et demi en DH, on est remonté en CFA2 et je suis devenu entraîneur adjoint salarié du club. On est remonté tout de suite en CFA. J'ai eu la chance de coacher Foued Chafik, qui est latéral à Dijon et Romain Saïss, qui joue en Premier League à Wolverhampton. J'étais aussi l'entraîneur de l'école de foot, et j'entraînais dans les sections sportives collèges et lycées qu'on avait créées à Valence.

Pour quelles raisons as-tu quitté le monde du foot ?

Le foot amateur n'est pas simple, j'avais des contrats très précaires d'un an. Comme je n'ai pas eu d'opportunités dans les clubs professionnels, à 38 ans j'ai eu envie de faire autre chose. Le patron de chez Ford à Valence, Frédéric Zamith, qui est encore mon boss aujourd'hui, était golfeur, moi aussi. On s'était rencontré plusieurs fois. Il cherchait un commercial pour les sociétés. Il m'a embauché, j'ai fait ça pendant cinq ans, de 2013 à 2018. Il a racheté la marque Jaguar Land Rover à Valence et il m'a demandé d'être commercial. Je travaille donc pour le groupe GRIM depuis un an et demi.

Tu as connu les Green puis les greens, et maintenant tu travailles pour le compte de Grim... Tu t'éclates dans ce métier de commercial ?

Oui. Je n'avais pas une formation de commercial à la base mais j'ai un naturel avenant et ouvert. Le commerce est basé là-dessus. Je pense que mon vécu de dix ans dans le foot professionnel m'a été utile. J'ai été amené à côtoyer une population qui va du chef d'entreprise millionnaire aux supporters du club. On côtoie énormément de monde pendant notre carrière. Aujourd'hui je vends des voitures qui coûtent 30 000, 40 000 ou 50 000 € mais je n'ai pas peur du tout d'avoir affaire à des chefs d'entreprises qui ont beaucoup d'argent. Je n'ai pas d'état d'âme par rapport à ça. Mon expérience de footballeur pro m'aide au quotidien car j'ai été amené à rencontrer des présidents de club multimillionnaires, cela ne m'empêchait pas d'avoir des relations amicales avec eux.

Je bosse naturellement, ça se passe très bien Récemment j'ai également organisé un "sport am green team", c'est la rencontre entre un sportif et trois amateurs qui forment une équipe de golf. En général ce sont des chefs d'entreprises qui invitent des clients. Je me suis régalé à organiser cet événement, qui s'est déroulé il y a trois semaines à Lyon. J'avais notamment invité Jacques Santini, Bruno Saby, Sébastien Amiez. dans un coin de ma tête, je me dis que peut-être un jour je travaillerai dans l'évènementiel.

 

Merci à Bertrand pour sa disponibilité