Geoffrey Dernis nous parle de son ancien coéquipier brestois Johan Martial, défenseur central à l'essai à l'ASSE depuis la reprise de l'entraînement. "Passe-Partout" profite également de cet entretien pour évoquer la crise grecque et nous annoncer la fin de sa carrière de joueur.


Peux-tu nous présenter ton ancien coéquipier brestois Johan Martial, actuellement à l'essai avec l'ASSE ?

 

Quand je suis arrivé à Brest, à l'été 2012, Johan était à mes yeux le joueur qui avait le plus de talent. Il m'avait vraiment bluffé les deux premiers mois que je l'ai vu à l'œuvre. Malgré son jeune âge, il avait vingt ans à l'époque, pour moi il n'avait rien à faire en L2. Il a un énorme potentiel. C'était un défenseur qui allait vite, qui était très fort, qui était très costaud. Il avait une très bonne relance. Je le voyais intégrer rapidement une grosse écurie de la Ligue 1.

 

Pourquoi tu parles de lui à l'imparfait ?

 

Peut-être parce qu'il est imparfait ! (rires) Pour s'imposer dans l'élite, ça aide d'avoir de grosses qualités mais ça ne suffit pas. Ce garçon-là a toutes les qualités footballistiques pour jouer en L1, sans aucun problème. Son gros souci, c'est que le foot l'ennuie. Quand je l'ai connu à Brest, il n'aimait pas s'entraîner, se faire mal. Il lui est arrivé de se faire porter pâle quand il fallait faire quatre heures de bus. Moi j'ai beaucoup de mal avec ce type de comportement. Tu peux avoir toutes les qualités du monde, si t'es pas un mec sérieux et que tu ne te fais pas violence, tu passes à côté de l'essentiel. Quand t'as vingt ans, tu ne dois pas te prendre pour un autre. Pendant deux ans, je l'ai mis en garde, je lui ai dit qu'il jouait avec sa carrière. Je n'ai pas l'impression qu'il m'ait écouté.

 

Ce comportement explique-t-il son faible temps de jeu depuis deux saisons ?

 

Oui, en bonne partie. Je suis parti de Brest mais j'ai appris que ça ne s'est pas amélioré. Bien sûr il y a d'autres raisons : Johan a été blessé, il a été opéré suite à sa pubalgie. Mais je me souviens qu'indépendamment de ça, Alex Dupont l'avait mis de côté. A la veille d'un long déplacement à Châteauroux, il avait simulé une blessure. Toute la semaine, il s'est économisé sur le terrain. Alex Dupont était fou de voir ça, du coup il l'a écarté. Est-ce que son comportement va changer ? Je l'espère pour lui, sinon ce serait vraiment un énorme gâchis. J'ai rarement côtoyé un défenseur aussi doué dans ma carrière et pourtant j'en ai vu un paquet !

 

Tu le trouves plus fort qu'un Loïc ou un Mouss ?

 

En potentiel pur, oui. C'est un Loïc Perrin mais certainement en plus fort à son âge. Il a un très bon sens du placement, un excellent jeu de tête. Il va très vite, anticipe, lit  bien le jeu, il est super propre dans ses relances… Johan est un joueur complet mais sur ce que j'ai vu de lui à Brest, dans sa tête il n'est pas encore prêt pour le haut niveau et toutes les exigences qui vont avec. Aujourd'hui il a 24 ans, il est temps pour lui de se faire enfin violence pour passer enfin un cap. J'espère vraiment pour lui qu'il y arrivera. Avec d'autres anciens, on lui a conseillé à maintes reprises de changer son comportement. Moi je suis un mec très comportemental. Je préfère les gars moins doués mais dont tu sais que tu peux tirer 100%. Johan doit apprendre à se faire violence sur le terrain comme dans la vie de tous les jours. Le foot professionnel, ce n'est pas un loisir, c'est un travail. Jouer ou t'entraîner seulement quand t'as envie, ça passe en DH mais pas en L1.

 

Peut-être qu'il va avoir le déclic à Sainté ?

 

Le public de Geoffroy-Guichard aime les joueurs concernés, qui se dépouillent sur le terrain, qui donnent tout même quand ils ne sont pas dans un bon jour. Les supporters stéphanois adorent les mecs qui s'arrachent et donnent tout pour le maillot vert. J'espère et je pense que Christophe Galtier va lui en toucher deux mots. C'est un entraîneur qui dit les choses. Il a dû certainement se renseigner sur le joueur et sur l'homme, c'est pour ça qu'il le met à l'essai pendant plusieurs semaines. Galette espère certainement un électrochoc chez ce garçon pétri de qualités. Une fois encore, c'est tout le mal que je lui souhaite. Ce serait top qu'il saisisse la chance que Sainté lui donne.

 

Porter le maillot vert, ça va peut-être le métarmophoser, c'est une expérience incroyable !

 

A qui le dis-tu ! (rires) Je suis toujours avec intérêt le parcours de l'ASSE. J'étais d'ailleurs dans le Chaudron en avril dernier pour Sainté-Montpellier. J'ai d'ailleurs posté quelques photos à cette occasion sur mon compte twitter. Je suis très fier de ce que font les Verts et j'espèret qu'il spourront faire encore mieux les prochaines saisons. Sainté mérite d'aller encore plus haut et de retrouver la Ligue des Champions. Ce club-là, ces supporters-là m'ont marqué à vie. L'ASSE est devenue une équipe très compliquée à jouer. Les Verts sont toujours présents, bien en place. Ils viennent d'enchaîner trois saisons, dans le top 5, ce n'est pas rien ! Le plus dur maintenant c'est de franchir le cap pour monter sur le podium. On connaît les contraintes financières de Sainté. Aujourd'hui, en France, dès que t'as un bon joueur tu le vends pour faire rentrer de l'argent. Mais j'espère de tout cœur que le club arrivera à franchir ce palier. C'est bandant et j'y crois car Christophe Galtier fait un super travail. J'espère qu'ils iront loin en Coupe d'Europe. Nous on avait fait un joli parcours en 2008-2009 mais on avait été très nuls en championnat ! (rires)

 

Geoffrey, évoquons ta situation personnelle pour clore notre entretien. Tu es allé te faire voir chez les Grecs avant de revenir prématurément chez toi à Montpellier en fin d'année dernière. Que s'est-il passé ?

 

Le président de Larissa était un peu fou. J'ai évolué en France dans de beaux clubs, bien structurés. Moi j'étais parti en Grèce dans l'optique d'aider une équipe qui voulait remonter. Je savais qu'il n'y avait pas un gros niveau, que c'était un club en reconstruction. A ce stade de ma carrière, ça m'intéressait de vivre une aventure à l'étranger, sans me prendre la tête. Je ne comptais pas rester dix ans là-bas, mais plus de six mois quand même ! (rires). En arrivant là-bas, j'ai constaté qu'il n'y avait rien de professionnel. Le président a changé quatre fois d'entraîneur en deux mois. Moi ça m'a vite fatigué. C'est dommage. Il y a eu des soucis avec les droits télé, avec les supporters. Le championnat était décalé tous les deux mois. Comme on ne jouait pas, le président ne voulait pas nous payer. Moi je lui ai dit : "je ne suis pas là pour faire des histoires mais dans ces conditions je vais rentrer tranquillement à la maison." Il n'y avait rien de professionnel, je m'entraînais sur des champs de patates. Les dirigeants ont lancé des promesses qu'ils étaient incapables de tenir. J'ai préféré mettre un terme à cette mascarade. Je ne regrette pas d'avoir tenté cette expérience. Si ça c'était bien passé, avec des dirigeants réglos et fiables, je serais resté plus longtemps. Il y avait un cadre de vie très sympa, les gens étaient adorables, il y avait un groupe de joueurs super cools. Mais je ne pouvais pas rester, il aurait fallu un minimum de professionnalisme. Pour être bien en Grèce, je pense qu'il faut être dans un bon club de Super League. En D2, franchement, ça ne vaut pas le coup.

 

Tu as vécu dans un pays qui fait beaucoup parler de lui en ce moment…

 

C'est le moins qu'on puisse dire ! (rires) Moi, ayant vécu là-bas quelques mois, je sais comment ça se passe. Les problèmes grecs dévoilés à longueur de journée par tous les médias, je les connais ! J'ai vu comment vivent les gens, j'ai constaté comment ils voyaient les choses. J'étais directement dedans, je sais comment ça se passe. Je ne suis pas surpris que l'Etat ait des soucis et que la politique grecque fasse tant parler. L'Union Europénne doit-elle soutenir la Grèce ? Les Grecs doivent-ils s'assumer et se démerder ? Moi, ce que je vois, c'est que les Grecs sont bien contents qu'on les aide mais en même temps ils aimeraient qu'on les laisse tranquilles. Ils ont besoin de l'argent de l'Europe, mais en l'occurrence ils n'acceptent rien d'autre à côté. C'est là où le bât blesse. Ça crée un gros décalage entre la Grèce et les autres Etats membres de l'Union Européenne. Je me suis rendu compte que le peuple grec a envie d'être tranquille.

 

Cherches-tu un nouveau défi pour boucler ta carrière de joueur ?

 

Depuis que je suis rentré en France, aucun club ne m'a contacté. J'aurai 35 ans à la fin de l'année. Dans ma tête, j'arrête tout, l'heure de la reconversion a sonné. Je vais débuter ma deuxième vie. J'ai un projet que je mûris depuis plusieurs années et que je vais monter à Montpellier. Je suis en train de le mettre en place. Je ne reste pas dans le milieu du foot, je ne serai pas entraîneur ou adjoint, mais cela reste en rapport avec le sport. Je préfère ne pas en dire plus tant que tout n'est pas finalisé.

 

Merci à Geoffrey pour sa disponibilité.