Notre envoyé spécial affecté à la surveillance de Bafétimbi Gomis allait sombrer dans un profond sommeil dans le container aux ordures ménagères qui lui servait de cachette. Après des nuits de calme apparent dans le quartier de l’avant-centre félon, il se disait que vraiment il aurait été bien mieux dans son lit, à rêver d’une tornade verte qui détruirait le stade de Gerland, et laisserait place nette à une nature enfin libérée d’une horrible pollution.

10.08.2007

Notre envoyé spécial affecté à la surveillance de Bafétimbi Gomis allait sombrer dans un profond sommeil dans le container aux ordures ménagères qui lui servait de cachette. Après des nuits de calme apparent dans le quartier de l’avant-centre félon, il se disait que vraiment il aurait été bien mieux dans son lit, à rêver d’une tornade verte qui détruirait le stade de Gerland, et laisserait place nette à une nature enfin libérée d’une horrible pollution. Il ferma les yeux, et très vite son imagination anima son cerveau, et il vit, avec incrédulité puis délectation, ce stade ridicule s’effriter, puis être littéralement aspiré dans un tourbillon fracassant, et disparaître dans le néant d’une nuit sans lune, dans un nuage de poussière et une odeur pestilentielle. Il était bien… Il souriait… Ses paupières étaient lourdes. Tout était calme à présent… Personne ne saurait rien de son sommeil… De toute façon, il n’avait rien à attendre, car ce n’était pas cette nuit encore qu’il se passerait un évènement méritant la une sur cinq colonnes.

Soudain, il sursauta… Un grincement terrible le sortit de cette volupté… Il souleva lentement le couvercle du container, et vit, entre les deux pans de la peau de banane qui lui tombaient devant les yeux, une masse sombre qui sortait de l’immeuble d’en face, regardait à droite, à gauche, scrutait le ciel et observait les toits environnants. Deux yeux lumineux éclairaient le visage du personnage inquiet. Plus aucun doute : il s’agissait bien là de notre suspect, Bafétimbi Gomis en personne, qui, craignant sans doute d’être reconnu par un noctambule attardé, chaussa des lunettes noires pour passer incognito, et s’engagea dans la rue obscure en trottinant sur la pointe des pieds comme Sylvester, son héros préféré du cinéma animé, et rencontra de plein fouet dans un bruit sourd, suivi d’un « putain de merde Â» sonore, le panneau de stationnement interdit planté au coin de la rue.

Dès que le suspect disparut dans l’angle et s’engagea sur la gauche, notre journaliste sortit précipitamment de son container, épousseta ses vêtements couverts de détritus alimentaires sous le regard ébahi, d’un chien errant et perplexe, et se lança sur les traces du fugitif. Déjà une bonne minute qu’il avait disparu de sa vision, et il frémit soudain à l’idée de le perdre. Mais c’était sans compter sur la bêtise de notre homme aux lunettes noires, qui, pour préserver son supposé anonymat, y voyait comme dans un four et avançait péniblement en percutant tous les obstacles fleurissant sur les trottoirs : poubelles, bouches à incendie, feux tricolores, véhicules en stationnement… Jusqu’à ce qu'il rencontre une fille de petite vertu, courageuse d’attendre le client par cette froide nuit d’août dans une ville déserte, et à qui il répondit à son « tu viens, chéri Â» professionnel par un cri terrible de surprise, et qu’il percuta de l’épaule, l’envoyant valser les quatre fers en l’air, et atterrir le derrière dans les géraniums qui tapissaient la pelouse devant la statue de Jeanne d’Arc.

Notre poursuivant n’eut aucun mal à retrouver Bafétimbi Gomis qui ponctuait son trajet d’insultes et d’interjections fleuries et de bruits et percussions en tous genres.

Le suspect arriva enfin, tant bien que mal, devant l’église de la Sainte-Trinité des Cons, aisément reconnaissable par les trois statues qui encadraient son entrée : la première représentait Frédéric Piquionne se consumant sur un bûcher ; la seconde, Papus Camara rôtissant dans les flammes de l’enfer ; la troisième sans visage, anonyme, dévorée par les fauves dans une arène romaine. Suivant le vieil adage : « jamais deux sans trois Â», le curé du lieu, non sans humour, avait demandé au sculpteur local de laisser la dernière statue sans trait, de façon à ce qu’on la termine seulement lorsque le troisième con de la ville aura été défini. Bafétimbi Gomis ôta ses lunettes, regarda cette troisième effigie avec effroi, se surprit à penser qu’il pourrait bien être le con en question, imagina son propre visage à la place de l'emplacement vide, et murmura : « Nooon, mon Dieu, pas moi… Pitié ! Â» Puis il s’engouffra à l’intérieur de l’église.

Notre envoyé spécial attendit quelques secondes, puis entra à son tour avec précaution, et se cacha derrière le pilier au sommet duquel trônait Saint-Greenwood, martyr du Nord, patron des journalistes. Il vit Bafé Gomis en larmes, agenouillé devant un Christ au regard sévère puis qui se mit à prier. Voici en exclusivité pour Poteaux Carrés sa supplication édifiante :

« Je confesse à Dieu tout-puissant,
je reconnais devant mes frères, mes dirigeants, ma famille, mes amis, mes ennemis, la presse, les supporters, mon banquier, mon concessionnaire Audi, Papaguy, Papaolas,
que j'ai péché en pensée,
en parole,
par action et par omission. Â»

À ce moment, notre journaliste stupéfait vit Bafé se lever, lancer les bras au ciel, puis se frapper la poitrine en poussant des cris inhumains sortis du tréfonds de son gosier… Puis il s’agenouilla à nouveau et continua ainsi :

« Ouiiiii, j'ai vraiment péché. C’est pas de la rigolade.

C'est pourquoi je supplie la Vierge Marie,
le Président Narkosy, Roselyne Cachalot, Monsieur le Maire Michel Tripatouillère, Monsieur le Préfet de la Loire, le Sous-Préfet Auchan, le Géant Casino,
tous ceux qui font autorité dans ce pays,
les anges et tous les saints,
et vous aussi, mes frères,
de prier pour moi le Seigneur notre Dieu.

Mon Dieu, j'ai un très grand regret de vous avoir offensé,
parce que vous êtes infiniment bon, infiniment aimable, que vous payez bien, dans les délais,
et que le péché vous déplaît.
Je prends la ferme résolution, avec le secours de votre Sainte Grâce et de Coachlolo,
de ne plus vous offenser et de faire pénitence.
Amen.
Votre main dans la mienne !

Bon, maintenant, mon Dieu, il faut que je développe pour être sûr que vous ne veniez pas m'annoncer demain que je n’ai pas tout dit.

J’ai péché en pensée.
J’ai eu des pensées impures. Passons sur celles intimes et inavouables ici en présence de Marie Madeleine, Marie Ségolène et Marie tout court. J’ai crû tout d’abord que j’étais exploité ici dans le club de mon cœur. J’ai crû que mes dirigeants étaient des imbéciles, surtout l’asymétrique. En fait, c’est faux, ils font ce qu’ils peuvent, mais ce n’est pas facile pour eux. Quand on est pas aidé dans la vie, il faut se battre tout seul pour paraître moins qu’on est, et plus qu’on est pas, et j’en sais quelque chose. Ensuite, j’ai crû qu’ailleurs, l’herbe était plus verte. À Lyon, par exemple. Ce n’était pas vrai. À Lyon, il n’y a pas d’herbe. Ou bien alors, s’il y en a, on en trouve dans des caves, bien sèche, bien emballée dans des petites sachets. On y trouve aussi des quenelles survitaminées, même qu’un jour j’en ai mangé, et qu’après j’ai fait cent fois le tour de la Place Bellecour en 10 minutes, en m’arrêtant à chaque tour pour aller pisser contre la statue de Louis XIV. Enfin, j’ai pensé qu’à Lens, on payait mieux qu’ici chez les pauvres. C’est vrai. Mais moi, maintenant que vous m’avez parlé, je préfère rester avec les pauvres, car je suis de leur famille, puisque pauvre comme eux, au moins d’esprit, donc heureux si je vous suis, avant que ce ne soit plus grave.

J’ai péché en parole. Ce n’est pas de ma faute. Je pèche en parole depuis que je suis né. Je déblatère. J’élucubre. Comme maintenant d’ailleurs. Euh... Nooooon, mon Dieu, pas maintenant… Là je suis sincère… D’ailleurs, quand je parle, ce n’est pas moi qui parle, c’est ma langue, ou mon agent, parce que moi je n’ai pas eu l’option « cerveau Â» quand je suis venu dans ce monde cruel où je crève. J’y suis venu brut, comme une Logan, sans les vitres électriques et sans la clim. Après, il ne faut s’étonner que par grande chaleur il y ait surchauffe. Je voulais travailler aux chantiers navals à la Ciotat, à côté de chez moi, mais ça a fermé juste quand je suis né. Alors je me suis sacrifié. J’ai choisi de faire des études de footballeur. Et voila où ça m’a mené. Dans cette ville pourrie. Euh... Noooooon, mon Dieu, je déconne… Je vous le disais bien, je ne suis pas maître de mes mots… Parfois, ils sortent tout seuls…. Dans le désordre aussi… En fait, ici je suis bien. Je n’ai qu’un désir, celui d’y rester, et même d’y passer ma retraite à guetter les cigognes du sommet des crassiers.

J’ai péché par action.
Ou plutôt par inaction. Durant toutes les semaines de préparation, j’ai refusé de m’entraîner avec les autres. Si eux veulent se comporter en esclave à bosser sous un soleil de plomb, ici ou à Monaco, moi j’ai assez donné… Ou si ce n’est pas moi, mes ancêtres ont donné pour moi. Et que je sache, avec le Président Narkosy, on ne paye plus l’impôts sur les successions. Alors pourquoi je m’entraînerai au soleil ? Hein ? Je vous le demande. Donc, à cause de la chaleur, par fainéantise aussi, je n’ai repris l’entraînement que lorsque il a plu... De l’eau et des commandements d’huissier, aussi. Voila. Mais déjà, lors de la dernière saisons, je péchais par action. En ne menant pas à leur termes les actions de but. Je ratais les cages volontairement sans le vouloir. Attention, je ne flinguais pas les oiseaux comme l’autre criminel monégasque. Non, ça m’a pris comme ça. Comme les primes qui ne tombaient plus. Comme mon salaire qui n’était pas revalorisé. Comme le public qui ne m’applaudissait pas assez.

J’ai péché par omission.
J’ai omis de dire à Papaguy que je ne voulais pas aller Lens, me geler les neurones chez les Vikings. Je lui ai fait croire que je voulais y aller pour faire monter les enchères, et je pensais bien que nos deux Picsou allaient suivre. Mauvais calcul. Ils sont pingres comme des Ecossais, même qu’ils voulaient m’envoyer jouer à Glasgow, encore plus au Nord. En fait, j’aime Saint Etienne, les Verts, ce club de mon cœur. J’ai juste omis de le dire aux supporters. Maintenant, quand je le dis ils ne me croient pas. Il faut dire qu’ils n’ont pas omis d’être rancuniers. Et maintenant j’ai la trouille. Même que samedi je joue contre Valenciennes, et j’ai peur de la réaction de ce public primaire de primates primitifs… Euh, pardon, je veux dire de ce public patient que j’ai fait sortir de ces gonds par ma persistance dans mon dédain et mon mépris. Mais ce n’étais pas moi. C’était mon agent et mon argent. Surtout mon argent. Euh… Non, je déconne… Surtout mon agent… D’ailleurs, je vais le virer cet abruti. Tiens, je vais prendre un Grec comme moi, Courbis. Un orthodoxe pieux. Bon, il fait le signe de croix à l’envers, mais avec un peu d’entraînement et de bonne volonté, il finira bien par le faire à l’endroit pour vous plaire.

Voila, mon Dieu, je vous ai tout avoué. Maintenant que vous m’avez pardonné, j’ai l’âme sereine, l’esprit léger mais la bourse plate et les poches presque vides. J’ai mon dernier billet de 50 euros… Par hasard, vous ne pourriez pas me faire une petite multiplication, rien que vous voir, rien que pour moi. Â»

Bafétimbi Gomis se releva, gonfla ses poumons et entonna un cantique d’une voix de castra vénitien :

Tu es Petrus, et super hanc Petram aedificabo Ecclesiam meam,
Et portae inferi non praevalebunt adversus eam
Et tibi dabo claves buti Valenciennorum !


Traduction pour les mécréants :
Tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon Eglise,
Et les porte de l’Enfer ne prévaudront point contre elle,
Et je te donnerai les clés des buts de Valenciennes !


Puis Bafé Gomis se signa, se dirigea vers la sortie de l’église, et lorsqu’il frôla, sans me voir, le pilier derrière lequel j’ai assisté à tout le cérémonial, je devinais un sourire vicieux sur son visage et je l’entendis murmurer assez fort néanmoins pour que je comprenne :

JE LES AURAI, UN JOUR...
JE LES AURAI !...