Monsieur le Président je vous fais une bafouille, que vous lirez sûrement si vous avez…
Tain je m’égare !
Déjà c’est pas Le déserteur que je veux fredonner. Le thème de ma lettre, cher Alexandre, ce serait plutôt Le chant des partisans. Pis président tu l’es c’est vrai, mais j’ai envie de te tutoyer. Non pas qu’on ait gardé les cochons ensemble, mais on a vu notre premier match des Verts ensemble. Tu ne te rappelles pas ? Si si, je t’assure. Tu en as même parlé, dans une interview au Parisien en 2005 : « Je me souviens de mon premier match à Geoffroy-Guichard, un ASSE - Valenciennes remporté 5-1 en 1980. Il faisait 15°C. » C’est pas un peu bizarre d’évoquer la température ? Surtout que 15°, y a quoi de remarquable ? Perso plutôt que le fond de l’air, le souvenir qui m’en est resté est celui de la démonstration de Platoche ce soir-là. Un quadruplé, comme qui rigole. D’ailleurs, sauf votre, enfin, ton respect, c’était en 1981, pas en 1980. Ou alors c’était le 4-0 de 1980 auquel tu fais allusion ? Quand même pas le 5-0 de 1978 ? Je comprends que la mémoire défaille, à ta décharge question carton, à l’époque y avait de quoi fabriquer des cargaisons de valises pour Linda, mais là encore je m’égare. Cela dit, ça fait rêver…
Dans cette interview, Alex - j’ai envie de t’appeler Alex, toujours aucun rapport avec la garde des gorets, mais question souvenirs, ce blaze, il envoie du lourd aussi, non ? - tu faisais le récit, précis, de ce moment où tu as convaincu ton père de reprendre le club ce soir d’octobre 1997 : « Le club était à la dérive. J'ai appelé mon père pour lui suggérer de présenter un dossier de reprise. Il a mordu à l'hameçon. »
Hameçon, dérive, quitte à filer la métaphore aquatique, je te parlerais bien de deux marins d’eau douce qui naviguent à vue depuis si longtemps. Depuis leur arrivée, il y a dix-sept ans, on en a eu des saisons, des torrides et des blêmes ajouterait Bertrand s’il avait encore le droit à la parole. Quand t’as Roro et Bozzo aux manettes, comme elle vient cette angoisse, comme elle vient cette peur de le tempête de trop, de l’avarie fatale. Si le sang reste vert, le désir est noir, et on a beau fredonner, fatalistes, que le vent nous portera, il serait bien que ce ne soit pas vers les côtes de la Ligue 2.
Tu sais, la Ligue 2, on y était et on n’y brillait pas particulièrement quand ton paternel avait fini par accepter de relever ton défi. Bon, ok tu en gardes un souvenir exceptionnel : « J'étais très proche de cette génération des Alonzo, Guillou, Bilong, Ferhaoui, Potillon, qui est remontée en L 1 en 1999. Il y avait dans cette équipe une qualité humaine individuelle et collective que je n'ai jamais retrouvée ailleurs. »
Entre nous, quitte à ce que tu imites papa, on aimerait quand même que tu ne pousses pas le mimétisme jusqu’à attendre qu’on y plonge, en Ligue 2, pour venir à notre secours.
Secours, ça rime avec détour dans ton parcours certes. Très gravelainien, ton parcours si je puis me permettre. Tu as fait un spectaculaire tour du CAC 40. Canal+, Europe 1, la Fnac, Carrefour. Une success story à la française ! Les superlatifs pleuvent : partout où tu passes, comme un Attila inversé, les boîtes reverdissent.
Reverdir, comment te dire … tu me vois venir non ? Franchement un président qui sait réfléchir, qui sait communiquer, qui sait agir, on cracherait pas dessus. Sérieux, comme nous, tu dois le voir l’immense gâchis, comme nous tu ne dois pas décolérer face à l’immense n’importe quoi qui préside aux destinées du monument en péril qu’est devenu notre club. Rassure-toi, question oseille, les pinpins l’ont dit et répété : jamais ô grand jamais ils ne toucheront un centime sur le dos du club, croix d’bois, croix d’fer, valeurs vertes, tout ça tout ça. Bon là je te le fais de mémoire, mais promis, on cherchera les déclarations précises pour leur mettre sous le nez s’il le faut.
Dans cette fameuse interview tu avais enfin dit ta fidélité à nos couleurs : « La force et la profondeur de l'engouement populaire autour des Verts sont incroyables. Un coin de mon cœur est là-bas. »
Arrivé au carrefour de ta vie, n’est-il point temps d’aller le chercher ? Ne serait-ce pas l’heure de te souvenir de l’enfant que tu as été, celui que le papa emmenait à Geoffroy quand il ramenait un beau bulletin ?
Suis un peu en avance, mais l’ouverture de la pêche est le 13 mars prochain. Il est temps de jeter un nouvel hameçon non ?