Et si l’arme secrète contre l’ASSE, c’était de marquer Loïc Perrin ?


Ce week-end, Saint-Etienne n’a pas su conserver son avantage à Reims, et a finalement concédé le match nul. Plus inquiétant, les Verts ont souffert dans le jeu face à une équipe mal classée, et auraient pu être battus. Cette contre-performance peut d’autant plus surprendre que la bande à Galette semblait inarrêtable après un début d’année 2013 en boulet de canon. Coup de pompe ponctuel ? Peut-être. Gnaque particulière de champenois en lutte pour leur survie ? Sans doute. Mais il est possible que, comme Pablo Correa avec ETG l’année passée, Hubert Fournier ait trouvé une formule efficace pour contrer l’organisation verte. 


I – La recette de Fournier

A – Sauter le milieu de terrain 

A la récupération, les Rémois se sont appuyés sur un principe simple : une phase de préparation à base de passes latérales entre joueurs défensifs doit aboutir à une ouverture longue afin de créer des duels attaquants / défenseurs. Exemple : longue balle dans l’axe pour créer un duel aérien Courtet/Bayal. Deuxième exemple : longue balle dans le dos pour vérifier si Fortes court plus vite que Brison. En cas de perte de balle : pressing organisé pour empêcher la relance - mais n'anticipons pas trop. Objectif : ne pas avoir à se mesurer au milieu stéphanois, jugé plus fort.

C’est si simple que cela en paraît simpliste. Voire dangereux : le but stéphanois est intervenu sur un flottement dans la phase de préparation. Perte de balle plein axe par un milieu défensif, ça ne pardonne pas. Sans doute Hubert Fournier en a-t-il lui-même fait le constat à la pause. En effet, au retour des vestiaires, le schéma s’est enrichi d’une phase intermédiaire : la recherche systématique d’un point de fixation sur le côté. A partir de là, deux possibilités : la défense stéphanoise bloque l’aile, alors on s’appuie sur un joueur en retrait pour changer de côté par une transversale ; ou bien ça passe, et on centre - sachant qu’il y a du monde dans la surface. Dans les deux cas, il est aisé d’obtenir des coups de pied arrêtés.

B - Peser dans la surface 

Le contraste était marquant : là où Aubame était souvent tout seul à rôder dans la surface de vérité, les Rémois se comptaient le plus souvent à trois – on retrouve cette volonté de créer un maximum de duels entre attaquants et défenseurs. Peser dans la surface, cela veut dire aussi être présent sur coups de pied arrêtés. A ce petit jeu, Reims a été très dangereux. Des combinaisons ont été travaillées (par exemple : tout le monde appelle au premier poteau, sauf un joueur – et comme par hasard, c’est ce dernier qui est servi dans l’espace libéré) et l’on n’hésite pas à y aller en nombre. La défense stéphanoise a semblé bien peu à l’aise samedi soir sur les phases arrêtées, alors qu’elle est globalement très solide depuis le début de saison : c’est un exercice périlleux que de défendre efficacement dans cet exercice.

C- Empêcher la relance

Le jeu de Reims dimanche s’est caractérisé par un pressing à la fois agressif et haut sur le terrain, directement sur la ligne de défense Verte. Ce choix, très ambitieux, a déjà été tenté contre l’ASSE. Je pense notamment à Bastia, qui s’en est mordu les doigts : mal ordonnés, les Corses n’arrivaient pas à empêcher la relance. Celui de Reims, en revanche, a été particulièrement bien pensé.

Première pierre : neutraliser Clément. Ce n’est pas la première fois que l’adversaire accorde une attention particulière à l’ancien parisien. En effet, si le numéro 6 stéphanois a tant brillé en début de saison, c’est aussi qu’en tant que pointe arrière du milieu à trois, il bénéficie d’une grande latitude pour écarter le jeu ou servir d’appui afin de mettre un de ses défenseurs en capacité de relancer tranquillement – on pense notamment à Loïc Perrin. Justement, deuxième pierre : Hubert Fournier a visiblement demandé à ses attaquants de suivre de très près le capitaine stéphanois ! Ainsi, Perrin n’a pas pu être aussi actif qu’habituellement dans la construction. Son compère Bayal, plus libre, n’est pas assez juste techniquement pour être dépositaire de la relance sur toute une rencontre et n’a pas pu compenser. 

Arrive alors la 3è et dernière pierre : réduire les possibilités de passes courtes faciles. Ainsi, les ailiers rémois n’étaient jamais loin des latéraux Verts (est-ce un hasard si Fournier a titularisé un habituel arrière gauche face à Clerc, dont on connaît l’apport offensif ?). La défense et Clément neutralisés, il reste Lemoine et Guilavogui à tenir. Ce fut d’ailleurs très mal fait au début de match : Krychowiak étant trop près de sa défense et Ramaré trop près de son attaque, les milieux Verts s’en sont donnés à cœur joie, soutenus en plus par Cohade repiquant régulièrement dans l’axe. Lorsqu’en cours de première mi-temps les deux rémois vont mieux se positionner, le milieu stéphanois va petit à petit disparaître ; les Verts vont être contraints de balancer. Reims va alors récupérer assez facilement les ballons.


II – Quelle(s) parade(s) ?

Vous l’aurez compris – et vous l’avez vu : cette attitude est très ambitieuse, et très risquée. Si le premier point (empêcher la récupération) est déficient, tout peut s’écrouler : avec la vitesse des attaquants stéphanois en contre, sa propre défense peut devenir un vrai gruyère. La première parade est donc ce qui aura manqué le plus à Aubameyang dimanche : le réalisme dans le dernier geste. 

Mais il existe d’autres moyens pour rendre inopérant la recette Fournier, si d’autres voulaient s’en inspirer. A commencer par la présence d’un vrai pivot devant, c’est-à-dire un joueur capable de gagner des duels dos au but, de contrôler le ballon et de le tenir pour permettre à l’équipe de remonter. Bref : un gars capable de bonifier les dégagements à la va-vite d’une défense pressée en relances en bonne et due forme. C’est une chose que ne sait pas faire Aubameyang, mais que maîtrise Brandao – manquant à Delaune. Nul doute que Bodmer va apporter dans ce registre, même si son entrée n’aura pas été exceptionnelle dimanche.

Reste la principale innovation de Reims : le marquage simultané de Clément et Perrin. Pour Perrin, il n’y a guère qu’une possibilité : que l’autre défenseur central s’améliore dans le jeu long, ou bien faire confiance à Ruffier. C’est une tendance longue que de voir les gardiens participer de plus en plus à la construction dans les grandes équipes ; c’est peut-être une corde à ajouter à l’arc stéphanois.

Pour Clément, deux réponses sont en train de se mettre en place. La première implique une réorganisation du milieu : la pointe tourne vers l’avant, et Sainté ne joue plus avec un 6 mais avec un 10. C’est un changement qui se réalise de plus en plus naturellement, mais qui modifie l’équilibre de l’équipe : il ne peut être fait à la légère. 

La seconde est encore embryonnaire : c’est celle de la permutation. Permuter, c’est quelque chose de courant pour les attaquants, un peu partout. A Sainté, on voit également de plus en plus permuter les deux milieux pistons (dimanche : Lemoine et Guilavogui). Dimanche, à plusieurs reprises, Clément et Guilavogui ont échangé leurs positions, afin de rendre inopérant le marquage individuel sur le n°6. Une fois bien en place, c’est un petit truc supplémentaire, pas du tout spectaculaire, qui pourrait renforcer la cohésion de l’équipe.


III – Qu’en conclure ?

Meaux a prouvé qu’il était possible de tenir Sainté en jouant très regroupé (ah, cette faiblesse récurrente sur CPA !) ; Reims vient de démontrer qu’on peut aussi prendre les Verts en jouant de manière ambitieuse. Surtout, le système de jeu stéphanois commence à être bien connu et analysé par nos adversaires : il faut encore et toujours chercher à le faire évoluer par petites touches pour l’améliorer et diversifier les possibilités. Fournier et ses joueurs valeureux nous rappellent que le football est d’abord un sport du mouvement : rien ne peut y être figé bien longtemps.