Après l'arrêt Bosman, le football a connu une seconde affaire liée aux transferts. Le Druide nous l'explique plus en profondeur....

C’est à la suite du dépôt de plusieurs plaintes en 1997-1998, que la Commission européenne a ouvert une procédure contre le système des transferts de la FIFA, notamment au regard du droit à la concurrence. En effet, le montant de l’indemnité de transfert est fixé par les deux clubs (l’acheteur et le vendeur) de manière arbitraire. On considère que ce type d’accord constitue une entente illicite si l’on se place sous l’angle du droit communautaire de la concurrence. Cette indemnité est à la fois un obstacle à la libre-circulation des sportifs et une atteinte à la concurrence, de la même façon que l’était celle exigée en fin de contrat avant l’arrêt Bosman. C’est la raison pour laquelle la Commission européenne, la FIFA, et la FIFPro (le syndicat international des footballeurs) ont entamé des discussions de 1999 à 2001 pour aboutir à un nouveau système de transferts compatible avec le droit communautaire en ce qui concerne la libre concurrence et la libre circulation des joueurs. L’élaboration de ce nouveau système s’est faite en deux temps.

Dans un premier temps, des discussions entre la FIFA et la Commission européenne se sont déroulées pour déboucher sur la conclusion d’un gentlemen’s agreement le 5 mars 2001. Ensuite, la seconde phase correspond à la nouvelle réglementation de la FIFA entérinée le 5 juillet 2001 et entrée en vigueur en septembre de la même année.



A. Le gentlemen’s agreement :


Le point de départ, c’est le fait qu’un joueur professionnel ne pouvait pas rompre unilatéralement son contrat de travail en cours d’exécution. Cette interdiction constituait une violation de l’article 39 du Traité instituant la Communauté européenne (Traité CE), et était notamment contraire au droit de se déplacer librement dans les Etats membres pour répondre à des emplois offerts.


1) Les dispositions en cause :

Il s’agit principalement de l’impossibilité pour le joueur de résilier son contrat de travail de manière unilatérale. Pour la Commission européenne, cela limite les sources d’approvisionnement des clubs en matière de joueurs. La concurrence entre les clubs s’en trouve alors gênée. Au lieu d’avoir un marché où la loi de l’offre et de la demande domine, la FIFA avait un système rigide de transferts de joueurs. D’autres reproches étaient faits à ce système de transferts internationaux, notamment pour les types de transferts non étudiés lors de l’affaire Bosman :
- transfert d’un joueur non ressortissant de l’Union Européenne au sein de l’espace économique européen ;
- transfert d’un joueur extra-communautaire vers l’Union Européenne ;
- transfert d’un joueur ressortissant de l’Union Européenne vers l’étranger ;
- transfert d’un joueur communautaire à l’intérieur de l’Union Européenne au cours de son contrat.
On retrouvait également le contrat type joueur/club établi par l’UEFA, l’obligation de systèmes nationaux de transferts, ainsi que l’interdiction de s’adresser aux juridictions de droit commun pour les fédérations nationales, les clubs et les joueurs pour un litige concernant un transfert.
Il faut noter qu’il ne s’agissait pas de négociations entre les différentes parties mais bien de discussions, car la Commission européenne n’a pas le pouvoir de négocier le contenu et la mise en oeuvre du droit communautaire. Il ne pouvait pas y avoir de concessions de la part de la Commission européenne vis-à-vis du droit.

2) Son contenu :

Ce gentlemen’s agreement est un document qui a servi de base à la nouvelle réglementation de la FIFA en matière de transfert et de statut du joueur. Il prévoyait plusieurs dispositions :
- un système d’indemnité de formation pour les joueurs de moins de 23 ans ;
- des mécanismes de solidarité pour permettre de redistribuer une part des transferts aux clubs formateurs ;
- le possible transfert des mineurs sous conditions ;
- un code de conduite garantissant la formation que les autorités du football doivent faire appliquer ;
- une période de transfert par saison plus un marché à la mi-saison ;
- un seul transfert par joueur et par saison autorisé ;
- la durée des contrats comprise entre un et cinq ans ;
- la protection des contrats pendant trois ans pour les joueurs de moins de 28 ans et pendant deux ans au-delà ;
- un système de sanction pour que les ruptures unilatérales de contrat ne soient possibles qu’en fin de saison ;
- une indemnité financière compensatrice possible en cas de rupture unilatérale d’un contrat, par le club mais aussi par le joueur ;
- des sanctions sportives pour les ruptures de contrat unilatérales non justifiées pendant la période protégée ;
- la création d’un corps d’arbitrage (pour tenter de régler un litige), volontaire et qui n’interdit pas le recours devant les juridictions nationales.

3) Sa portée :

Il faut noter que le nouveau système de la FIFA n’est en rien protégé d’une mise en cause de sa validité par rapport au traité de la Communauté européenne. Au regard de l’article 39, les limitations à la résiliation unilatérale du contrat de travail apportées par le nouveau système porte atteinte à la libre circulation des travailleurs. Cependant, on peut justifier cela par des raisons sportives et non économiques. Ce fut le cas dans l’arrêt Lehtonen rendu par la CJCE le 13 avril 2000. Cela concernait la non qualification d’un joueur finlandais de basket-ball pour une compétition belge car son contrat avait été signé après une date limite. La CJCE a estimé que le respect de l’équité sportive justifiait une telle décision de la fédération en question. On peut considérer que les écarts au principe de libre circulation contenus dans la nouvelle réglementation semblent être les moins mauvais pour assurer la régularité des compétitions.
Enfin, on peut souligner que la décision de la Commission européenne ne présage pas de la compatibilité de la nouvelle réglementation de la FIFA avec les droits nationaux. Chaque Etat membre doit vérifier l’adéquation du nouveau système avec ses principes juridiques.



B. Les principales dispositions de la réglementation FIFA du 5 juillet 2001 :

Cette réglementation a été produite par la FIFA le 5 juillet 2001 et est entrée en vigueur le 1er Septembre 2001. Le football est ainsi devenu depuis l’arrêt Bosman un marché où la concurrence est déloyale pour des raisons avant tout fiscal puisque l’on sait qu’un joueur coûte en moyenne deux fois plus cher en France qu’en Angleterre. Cet arrêt a ainsi multiplié le nombre de transferts internationaux favorisant ainsi les plus gros clubs étrangers dans les compétitions européennes. Nous verrons ainsi dans une première partie quelles sont les formalités spécifiques pour un transfert international puis dans une seconde partie les dispositions qui ont été prises pour protéger les clubs formateurs.


1) Les formalités d’un transfert international :

Le contrat doit être écrit et d’une durée comprise entre une et cinq années. Cette mesure a été mise en place pour éviter les durées abusives qui se mettaient en place dans le football contraignant les clubs qui veulent acheter un joueur à débourser de fortes sommes d’argent pour racheter les années de son contrat.
Le transfert nécessite en théorie l’accord de trois parties qui sont le joueur, le club employeur et le futur club du joueur. Pour que le contrat soit signé, il faut en outre, dans le cadre d’un transfert international, que la licence du joueur soit enregistrée auprès de la fédération nationale et que le joueur obtienne un certificat international de transfert.

1.1. L’enregistrement :

La licence du joueur doit être enregistrée dans l’une des deux périodes annuelles qui se situent pour l’une à la fin de la saison et pour l’autre au milieu de cette dernière. Il peut y avoir une dérogation pour les clubs qui se trouvent dans une difficulté financière dans un but de gagner rapidement de l’argent. Cette mesure a été prise pour éviter la liquidation définitive
d’un club.
De la même façon, dans un souci de ne pas compromettre la carrière d’un joueur, il est possible, pour ce dernier, d’être transféré dans le cas d’une rupture unilatérale de son contrat par son club et pour laquelle il est établi que le joueur n’est pas fautif. Il faut aussi signaler que la FIFA, dans le même objectif, a autorisé les joueurs qui ne possèdent pas de club à l’issue de la période des transferts de signer un contrat.
Il faut noter également que le club qui souhaite embaucher un joueur sous contrat avec un autre club doit informer simultanément le club employeur et le joueur avant d’engager des négociations. Il s’agit ici en fait d’une obligation de loyauté de la part du club recruteur qui en cas de violation de celle-ci peut entraîner pour ce dernier une amende de 50000 francs suisses.
Une limitation a été apportée enfin à la libre circulation des joueurs puisqu’un seul enregistrement par joueur et par saison est autorisé. Autrement dit, les joueurs ne peuvent plus être transférés plusieurs fois dans la saison comme ce fut le cas auparavant. Cet enregistrement est ainsi nécessaire pour tous les transferts, qu’ils soient nationaux ou internationaux, cependant il y a une spécificité pour ces derniers qui concerne les certificats internationaux de transfert.

1.2. Le certificat international de transfert :

Ce certificat a été mis en place par l’article 5, alinéa 3 du règlement du 5 juillet 2001. Il est obligatoire pour tout joueur arrivant de l’étranger et est délivré par la fédération de l’ancien club à la nouvelle fédération dont il dépend. Cette dernière doit en outre prendre contact avec le club pour savoir quelle est la nature de la rupture du contrat de travail. Dans le cas où le certificat ne serait pas transmis dans les trente jours qui suivent la demande de la fédération accueillante, celle-ci est alors autorisée à délivrer un certificat provisoire au joueur qui deviendra définitif un an après la demande de la fédération accueillante.
Ces mesures ont été mises en place pour éviter les dérives qui concernaient les transferts internationaux et qui se sont multipliées suite à l’arrêt Bosman. La FIFA a mis en place dans ce cadre un passeport du joueur dans lequel est exposé l’historique de la carrière du joueur.
La FIFA a ainsi souhaité mettre en place une harmonisation européenne des règlements qui fait qu’un joueur ne peut disputer une rencontre officielle avec son nouveau club dans le cas où celui-ci aurait reçu de la part de son ancienne fédération des sanctions disciplinaires.

1.3. La rupture unilatérale du contrat de travail :

La rupture unilatérale est en principe impossible pour l’une ou l’autre des parties. Ainsi, un joueur ne peut rompre son contrat par souhait d’aller dans un autre club. Celui-ci s’expose à des sanctions sportives et/ou financières. La FIFA a instauré toutefois une exception pour les joueurs qui ont disputé moins de 10% des rencontres officielles du club. Cette juste cause sportive est appréciée en fonction de l’âge, de la qualité de titulaire ou de remplaçant, de ses exigences sportives, de son poste…
En ce qui concerne le club, il ne peut rompre le contrat du joueur que si celui-ci a commis une faute grave ou s’il y a un cas de force majeure.

2) Les mesures protectrices :

Elles ont été mises en place pour récompenser et encourager les clubs formateurs à remplir leurs missions d’éducation.

2.1. Les conditions de transferts internationaux des mineurs :

Les transferts ont ainsi concerné dans les années qui ont suivi l’arrêt Bosman des tranches d’âge de plus en plus jeunes et la FIFA a ainsi réglementé ces pratiques. Un joueur mineur doit, pour faire l’objet d’un transfert international, être suivi par sa famille dans le pays de son nouveau club. Il peut y avoir une dérogation à ce principe dans le cas d’un transfert d’un joueur appartenant à l’union européenne à l’intérieur de celle-ci. Dans ce cas, le club qui reçoit le joueur devra présenter un projet de formation et d’éducation cohérent qui devra être contrôlé par sa nouvelle fédération.

2.2. L’indemnisation de formation :

Le transfert international donne lieu en effet à une indemnité compensatoire de 5% à 10% du montant aux clubs qui ont participé à la formation entre 12 et 23 ans. Cette compensation varie en fonction de l’âge auquel le joueur a évolué dans le club concerné et en fonction de la durée. Ce paiement doit intervenir dans les trente jours qui suivent le transfert. Ce système a notamment été critiqué par la formation française qui reproche à la FIFA de ne pas avoir mis en place l'indispensable règlement d'application, sans lequel les conditions de versement des indemnités de formation ne sauraient être considérées comme précisées de façon satisfaisante. La FIFA justifie cette situation par l'incapacité de certains responsables nationaux à réunir les données nécessaires au calcul de ces indemnités. Pour remédier à cette lacune, elle a fixé un barème provisoire, par origine géographique et par catégorie de centres de formation. Entre trois et quatre catégories sont identifiées en fonction de la charge financière présumée qu'entraîne la formation :

MONTANT DES INDEMNITÉS DE FORMATION
- PAR ANNÉE ET PAR JOUEUR -
BARÈME PROVISOIRE
Afrique
2e catégorie USD 30.000
3e catégorie USD 10.000
4e catégorie USD 2.000
Asie
2e catégorie USD 40.000
3e catégorie USD 10.000
4e catégorie USD 2.000
Europe
1e catégorie Euros 90.000
2e catégorie Euros 60.000
3e catégorie Euros 30.000
4e catégorie Euros 10.000
Amérique du Nord et Amérique centrale
2e catégorie USD 40.000
3e catégorie USD 10.000
4e catégorie USD 2.000
Océanie
2e catégorie USD 30.000
3e catégorie USD 10.000
4e catégorie USD 2.000
Amérique du Sud
1e catégorie USD 50.000
2e catégorie USD 30.000
3e catégorie USD 10.000
4e catégorie USD 2.000

La formation française a critiqué ce barème estimant que le coût réel de formation serait supérieur à 90000 euros.

CONCLUSION

Les dispositions de la FIFA n’ont ainsi pas considérablement changé un système qui est difficile à faire évoluer en raison des enjeux économiques que représente le football aujourd’hui. Au niveau des juridictions étatiques, il est en effet toujours difficile d’appliquer des lois qui ne sont pas en conformité avec le caractère spécifique du sport. Pour les fédérations quant à elles, il est délicat de changer des règlements bien mis en place. Celles-ci n’ont en fait d’autres choix que de réguler des pratiques qui sont en théorie interdites.

Dossier basé sur un travail de Jean-Christophe CARO et Nicolas Sauze.

 

Le Druide.