Revenu dans le staff de Noisy-le-Sec (National 3) pour prêter main forte à son frère Nasser, Liazid Sandjak (52 ans) garde des souvenirs plus que mitigés de ses passages au PSG et à l'ASSE. Mais l'ancien attaquant stéphanois suivra avec attention le choc qui opposera les deux clubs ce vendredi soir au Parc des Princes.
Peux-tu nous rappeler ton expérience parisienne ? Quel a été ton parcours et qu'en retiens-tu ?
Le PSG, ça a été mon club formateur. Je suis arrivé là-bas en juillet 1986, comme stagiaire et j'y ai passé une année et j'ai tout de suite joué chez les pros et j'ai remplacé des stars de l'époque, Rocheteau, Vermeulen, ceux qui avaient été champions l'année d'avant. J'ai tout de suite fait mon trou, façon de parler, en entrant dans le groupe pro, ce que je voulais. J'ai donc enchaîné avec un contrat pro, mais par la suite, ça a été délicat pour moi, parce que, si on regarde bien mon parcours au PSG, je n'ai jamais été titulaire une saison. Le temps de jeu fait que tu deviens un joueur moyen, un bon joueur ou un joueur exceptionnel, on me l'a saboté au PSG. Moi, je pars du principe que quand vous jouez tout de suite, que vous rentrez dans le club, que vous êtes en 3ème division, vous êtes un buteur, un vrai avant-centre, que vous êtes recruté pour ça, que vous pouvez jouer dans le couloir gauche offensif en 3ème division, qu'avec Amara Simba on marque plus de 25 buts, qu'on est premiers du groupe Nord, que vous remplacez Halilhodzic, Rocheteau, Xuereb, une armada d'attaquants, champions olympiques, internationaux, on aurait dû m'accorder plus de confiance. Le problème, c'est que tout le monde m'a vu parce que j'ai joué de gros matchs, contre le Matra Racing notamment, j'ai prouvé que je pouvais être dans le groupe, mais le pire c'est qu'ils ne m'ont pas laissé à droite ou à gauche, en prêt. Ils ne voulaient pas que je parte, ils m'ont empêché d'apprendre mon métier en gros.
C’était déjà dur à l’époque se s’imposer en équipe première quand on était issu du centre de formation ?
Les jeunes, aujourd'hui avec la loi Bosman, ils se sauvent tous, mais à l'époque je leur devais deux ans comme stagiaire et quatre ans comme professionnel. Alors qu'aujourd'hui, dès que vous signez pro, on vous donne tout : on vous donne une place, on vous prête quelque part pour aller jouer parce que vous avez besoin de temps de jeu, puisque vous êtes un jeune joueur. Je suis donc resté six ans, comme ça, avec tous les entraîneurs qui sont passés, dans un grand club de stars qui sont payés assez cher pour jouer, et vous, vous êtes le petit jeune derrière dont le contrat ne bouge pas. Vous êtes une roue de secours, vous n'êtes pas cher, vous leur appartenez, vous êtes toujours là, mais vous ne progressez pas. C'est facile, même si vous êtes bon, d'enlever toujours le même. Je suis donc parti ensuite à Nice, et si vous regardez mon parcours, dès qu'on m'a laissé jouer, j'ai fait monter Nice. Je peux avoir une certaine frustration, mais je ne leur en tiens pas rigueur, parce que ça m'a formaté quelque part. Avec les entraîneurs qui sont passés, Artur Jorge, Tomislac Ivic, Gérard Houiller, Gérard Banide et Henri Michel, ce ne sont pas n'importe qui. Je suis resté à m'entraîner, être sérieux, essayer de gagner ma place. C'était dur avant, il n'y avait que deux remplaçants : ça m'a formé, donné l'envie de réussir, de prouver. Heureusement qu'ils m'ont laissé partir sans rien demander. Je me suis relancé à Nice et sur les trois années, j'ai flambé.
Malgré tout, as-tu des bons souvenirs de matchs, de coéquipiers parisiens que tu as appréciés ?
J'étais avec des anciens. J'avais 20 ans quand j'étais dans le groupe et les autres professionnels, des gars comme Bats, Safet Susic, Bosser, Tanasi, Omar Séné des gars de 28-30 ans, une génération déjà en place. Donc je n'avais rien à voir avec eux, même si j'étais avec eux. Ils avaient déjà une douzaine d'années derrière eux. On se voyait au stade, il n'y avait pas grand chose à côté sauf avec un ou deux, comme Amara Simba et Pierre Reynaud que je vois de temps en temps, comme dernièrement au Stade de France.
On imagine que ta période stéphanoise (1995-1996) n'est pas celle que tu retiendras le plus ?
C'est vrai, ce n'est pas Saint-Etienne que je n'ai pas aimé, c'est ce qui s'est passé autour en fait. Il y avait plein de problèmes, financiers notamment. Quand j'arrive, ils devaient descendre mais ils ont été repêchés, ils ont remplacé Caen. Moi, j'étais libre. Le président Vernassa et Baup me voulaient à tout prix. Moi, j'avais envie d'apporter ce que je pouvais, parce que, pour moi, Saint-Etienne, c'était important. Sainté c'est quand même Sainté ! En partant de Nice et en allant là-bas, c'était pour faire quelque chose de bien. Dès que je suis arrivé, j'ai parlé avec Vernassa et Baup : je me disais, que défensivement, ils avaient pris beaucoup de buts l'année précédente et là, on allait repartir sans défenseurs chevronnés. Ils me rétorquaient qu'ils avaient Manucci, Soucasse.... On avait assez d'attaquants pour marquer des buts. Il manquait un chevronné derrière dans l'axe central. Cette année-là on a bien débuté, mais on prenait toujours un but de plus à chaque fois. Ça m'avait rendu fou, tu te bats, tu te bats, avec des jeunes qui n'en ont rien à foutre, qui n'ont rien prouvé en 3ème division, comme je l'avais dit à certains là-bas. Quand tu as la chance de jouer en CFA, tu fais tes preuves en CFA avant d'arriver chez les pros, comme moi. Donc j'avais un peu les boules pour certains.
Le style de jeu a dû te changer par rapport à ce que tu venais vivre pendant trois saisons chez les Aiglons.
Nous à Nice on défendait dur, et on marquait devant. Quand je suis arrivé à Sainté, on m'a dit qu'on voulait du beau jeu. Mais si on voulait rester en D1, il fallait acheter des défenseurs d'un certain niveau. On était dans le rouge, ils m'ont recruté moi, parce qu'il n'y avait pas de transfert à payer. J'ai même refusé la sélection pour la Coupe d'Afrique, en Afrique du Sud, pour nous en sortir. J'ai donné de ma personne et, à la fin, il a fallu que je parte à Neuchâtel alors que j'avais signé pour trois ans. J'avais 28-29 ans quand j'ai signé et je croyais que ça allait bien se passer. Sinon, j'ai bien aimé le Chaudron, j'ai adoré les gens là-bas. Ils me ressemblent, ils sont simples, ils sont tranquilles, humbles. J'ai fait le maximum et j'aurais aimé rester un peu plus longtemps. Mais on ne pouvait rien faire avec des joueurs qui ne sont pas chevronnés derrière. Nous, à tout moment, on pouvait marquer et faire la différence. Si quand tu ne prends pas de but, tu peux marquer à n'importe quel moment. Galtier l'a bien fait là-bas : un jeu bien fermé et sur une opportunité tu marques. Au haut niveau, il faut gagner, c'est ce que l'on demande.
As-tu pensé, malgré tout, que le club allait se sauver ?
Oui, je l'ai pensé jusqu'au bout. On luttait avec 3 ou 4 équipes. Il fallait faire le bon résultat. On menait 1-0 dans l'avant-dernier match qu'il fallait gagner contre Martigues. On prend un but casquette à la 90ème (72ème en fait). Je m'en rappellerai toujours. On devait gagner là avant le dernier match à Nice, où si on n'avait pas perdu, avec Lille qui avait perdu, on pouvait se sauver. Ça m'avait foutu les nerfs, grave !
Malgré ce contexte, tu avais fait une saison honorable avec 9 buts inscrits. As-tu gardé quelques images positives ?
Oui, oui, notre début de saison qui était bien. On avait ramené le public. On avait joué un match amical contre Milan et le stade était blindé. On les avait battus, il y avait Baggio, Maldini. On avait fait un super match et derrière on avait tapé Guingamp.
Le match amical contre le Milan AC, c'était comme un match de Coupe d'Europe. Tout le monde avait senti le parfum. Ça nous avait boostés et le début de saison était parfait. On avait battu Bastia qui était premier.
Et, ça s'est détérioré au fur et à mesure. Chacun a eu ses problèmes et n'a pas su porter l'équipe vers le haut. Même si j'ai fait ce que j'ai pu, je ne vais pas dire que je ne suis pas dedans.
Il y avait pourtant des joueurs de qualité comme Lubomir Moravcik. Est-ce un des joueurs qui t'a le plus marqué ?
C'est un très bon joueur, mais il y en avait d'autres. On a perdu Sébastien Perez tout de suite. Il était là au début mais il s'est fait les ligaments croisés. Il y avait Romarin Billong. Despeyroux nous a laissé en route à cause d'un problème de genou. Il aurait pu être celui qui drive les jeunes.
Il y avait dans cette équipe des jeunes qui ont fait des carrières internationales, Grégory Coupet, Willy Sagnol...
Oui, oui. Mon tort c'est d'avoir dit à Baup : « Mais lui, il ne joue pas ? » en parlant de Sagnol. En début de saison, il était avec nous déjà. Moi, je préparais mon premier d'entraîneur et j'allais en classe en centre-ville tous les jeudis. Il y en avait un autre qui jouait stoppeur, dont j'ai oublié le nom, qui avait le même âge que Willy Sagnol et qui a fait une carrière internationale. On avait quand même quelques joueurs et lui, Willy, il n'est venu que sur le tard, quand on a eu des problèmes. C'est vrai qu'il y avait de bon joueurs, Coupet, Ohrel, Jean-Philippe Séchet. Mais ça n'a pas suffi car il manquait la cohésion défensive et ils étaient trop jeunes. Elie Baup voulait faire un jeu qui plaise aux spectateurs, mais quand tu laissais des jeunes sans expérience derrière, c'était délicat. Surtout à l'extérieur. Je me rappelle d'un match au Havre où on fait match nul 2-2, et on prend des buts casquette à la fin. On a fait plein de matchs où on méritait de gagner.
Tes souvenirs restent très vivaces, même si tu n'as fait qu'un passage d'une année.
Moi, j'avais à cœur de faire de bonnes choses avec eux, pour Sainté. J'y étais allé pour faire quelque chose de bien. Je me rappelle plein de choses qui sont ancrées dans ma mémoire. Tu sais, je me rappelle même les matchs que je faisais à Noisy, avant de partir au PSG.
Le Chaudron t’a marqué ?
Oui, j’aime beaucoup ce stade. Je me souviens qu’à l’époque où Henri Michel était l’entraîneur du PSG, il m’avait titularisé en 1991 à Geoffroy-Guichard aux côtés de Safet Susic et Daniel Bravo. On aurait dû gagner ce match, on avait vendangé quelques occases. C’est moi qui avais ouvert le score d’une talonnade. J’avais mis un sacré but à Gilbert Ceccarelli. Sous le maillot vert j’ai mis quasiment tous mes buts dans le Chaudron. J’en ai mis que deux à l’extérieur dont un à Gerland lors du derby.
Que t’inspire le PSG aujourd’hui ?
Quand on regarde Paris aujourd’hui, c’est plus qu’une locomotive. Quand tu vois les joueurs qui composent cette équipe… On peut espérer les choper au début de saison, en attendant que la machine se mette en route. Mais même là, ça reste délicat. J’ai regardé un peu Saint-Etienne, ils ont eu du mal un moment mais ça commence à revenir bien. L’arrivée de Jean-Louis Gasset a changé la donne. Je crois en lui, je crois en sa rigueur, dans sa façon de faire jouer son équipe. Tu sens que les joueurs le suivent, c’est une très bonne chose. Il y a de bonnes recrues qui sont arrivées à Sainté depuis le début de l’année. Les Verts ont des atouts pour faire quelque chose ce vendredi. De là à faire un pronostic favorable… Les Parisiens tiennent bien le ballon. En tout cas ces matches-là transcendent. Il ne faut surtout pas que les Verts aient peur de mettre le pied ! Quand tu affrontes Paris et que tu ne rivalises pas dans le domaine physique, t’auras rien. La balle, tu ne va pas l’avoir longtemps. Quand tu veux rivaliser, il faut courir plus, il faut fermer plus les espaces, il faut que le groupe soit cohérent et compact. Si ces ingrédients sont réunis, les Verts peuvent faire un résultat au Parc, ils peuvent tirer un nul. Lors de leur dernier match au Parc, les Parisiens ont longtemps eu du mal contre Angers. Mais ils ont quand même su faire la différence. À tout moment ils arrivent à trouver une solution pour marquer. Et quand cette équipe marque un but, c’est rare qu’elle lâche l’affaire derrière. Elle se transcende deux fois plus et tout devient plus facile. Il faut essayer de les mettre dans l’entonnoir et après, pourquoi pas marquer ?
Quels sont les atouts de Sainté qui pourraient faire vaciller le QSG ?
Khazri, c’est pas mal du tout. Il y a de bons éléments offensifs à Sainté, des milieux qui savent organiser le jeu. Mais il faudra se donner, il faudra être fort physiquement. Tu dois redoubler d’efforts pour accrocher Paris. Tu dois fermer les espaces très vite, récupérer rapidement les ballons et les exploiter au mieux en te projetant rapidement vers l’avant. Tactiquement on peut faire un coup face à eux. Mais il faut que tout le monde se marie ensemble ce jour-là, avec des bouteilles de bonbonne, parce que sinon… Il faut y croire. Sainté a déjà fait des résultats là-bas. En plus ce match fait suite à une trêve internationale et précède un match de Ligue des Champions pour Paris. On ne sait pas trop comment le PSG va aborder ce match contre les Verts. Sainté peut s’appuyer sur son expérience. La charnière manque de vitesse mais Perrin et Subotic compensent par leur expérience. Beaucoup de gens ne le voient pas, ils critiquent mais ces joueurs stabilisent derrière. Je trouve dommage que Bamba ne soit pas resté, maintenant il flambe à Lille. J’aime ce joueur, il est percutant, il apporte de la vitesse, de la profondeur. Des qualités appréciables dans une équipe. A Sainté actuellement il y a beaucoup de joueurs qui aiment avoir le ballon dans les pieds. Loïs Diony, je l’aime bien ce garçon, il est sympa. Mais il faut qu’il fasse ce qu’il sait faire, pas plus, sinon ça va être compliqué pour lui. Techniquement, il est quand même un peu limite, il faut dire ce qui est ! Il faut qu’il demande les ballons en profondeur, qu’il joue simple et qu’il soit efficace devant le but car il se crée quand même des occasions. De ce que j’ai vu, dans le jeu, l’équipe stéphanoise joue beaucoup dans les pieds, elle décale mais n’utilise pas trop la profondeur. Si les Stéphanois ne trouvent pas quelqu’un qui prend la profondeur, ils auront des problèmes par la suite.
L’ASSE peut compter sur des joueurs de couloir comme Salibur et Hamouma...
Moi, Salibur, je le voyais plus avant-centre qu'autre chose. Hamouma a perdu confiance depuis un bout de temps, alors que c'est un super joueur, comme il l'a montré dans le passé. Soit il est cramé et il n'a plus envie, parce que, chaque fois que je le vois, il est transparent alors que c'est un mec qui va vite, qui joue, qui marque des buts. Mais c'est un très bon joueur. Mais l'équipe est complète, elle l'a montré l'année dernière. Il y a ce qu'il faut pour faire quelque chose de bien. Ce match qui arrive contre le PSG est un match vecteur pour la suite. C'est le genre de match où tu sens que l'équipe peut monter vers le haut ou prendre une claque et descendre vers le bas. Ces matchs-là sont importants pour le groupe, pour l'entraîneur, pour tout le monde. S'ils arrivent à faire quelque chose, pour la suite, ce sera super pour eux.
A quelle place vois-tu Sainté en fin de saison ?
Ces dernières années, ils ont toujours été dans les cinq premiers, mis à part l'année dernière où c'est parti en eau de boudin les six premiers mois. Je pense qu'ils peuvent être dans le Top 5. Avec Monaco, Marseille, ils peuvent rivaliser. Il faut des matchs à gagner comme contre le PSG. Si les verts y arrivent, ils vont montrer à tout le monde qu'ils sont capables et ils vont gagner en confiance. De toute façon, il faut taper toujours un Lyon, un Marseille pour que l'équipe prenne confiance. Strasbourg, l'an dernier, ils ont réussi à battre le PSG à domicile et ils s'en sont sortis ensuite, ils n'ont pas arrêté de gagner. C'est important pour une équipe plus ou moins en reconstruction. La plupart des joueurs stéphanois évoluent ensemble depuis un bon bout de temps maintenant, ils se connaissent et peuvent faire quelque chose. Je pense que Khazri a de la bouteille, c’est un réel buteur. Même Cabella de temps en temps mais, quand on lui savonne un peu les chevilles, il a tendance à disparaître un petit peu de la circulation. Cela reste un bon joueur. Il y a de la qualité à Sainté.
Merci à Liazid pour sa disponibilité et à Stéphanois pour la retranscription