Neuvième épisode des confessions d'Helder Postiga à son docteur, par Rising42. A savourer sans modération !


Allooooooo ! Docteur !

Je vous appelle de la maison. Je rentre tout juste du stade. Quel temps, Docteur ! Samedi il faisait très doux, un vrai temps à jouer au football, mais ce matin, quand je me suis levé à 5heures pour aller à la première messe, j’ai glissé sur une plaque de neige gelée, et je me suis étalé sur le trottoir au milieu des poubelles. Du coup, le temps que je reprenne mes esprits, j’ai loupé la messe, mais j’ai quand même fait une prière, en brûlant une brassée de cierges, et en prenant bien soin de sortir de l’église en marche arrière et sur les genoux pour être exaucé plus sûrement.

J’ai passé une bien bonne semaine. J’étais en Allemagne avec la sélection nationale portugaise pour jouer un match contre une équipe riche du Tiers monde, l’Arabie Saoudite. Il faut toujours se méfier de cette équipe, car les joueurs font leur prière comme moi, mais cinq fois par jour. J’étais très heureux de retrouver mes copains portugais. Tout s’est bien passé. Nous avons gagné 3-0. Deux buts de Cristiano Ronaldo… Non, Docteur… Pas le grassouillet du Real… Le grand mince de Manchester. Et puis, un but de Nuno Maniche, qui est venu de Moscou pour aller à Chelsea. Nooooon, Docteur, il n’a pas fait escale à Düsseldorf !!!... Il était déjà à Chelsea quand il a été sélectionné. Il joue là-bas avec Carvalho. Vous êtes lourd, Docteur. Il y avait aussi Deco, vous savez ? Il joue à Barcelone. Et Luis Figo, qui est passé par Barcelone et Madrid avant de jouer à Milan. Ben oui, Docteur, ce sont tous des Portugais… Comme moi… Des travailleurs émigrés… Comme les Français maintenant… Moi j’ai joué toute la deuxième mi-temps à la place de Pauleta. Je n’ai pas marqué, mais Pauleta non plus, donc ça va. J’ai juste eu un petit souci, parce que je ne devais absolument pas parler à Tiago… Vous comprenez, Docteur, Tiago, il joue à Lyon… Et comme je suis délicat, moi, à l’inverse de Piquionne, je n’ai pas voulu fâcher les supporters verts. Alors je l’ai soigneusement évité… À l’hôtel, je prenais les escaliers quand il était dans l’ascenseur, et j’allais manger quand il avait fini. Sur le terrain, c’était complexe, car il joue juste derrière moi. Donc, chaque fois qu’il me donnait le ballon, je faisais mon signe de croix, et lui, il faisait la même chose juste après la passe. Vous auriez vu ça, Docteur, on se serait cru le 15 août à Fatima. Mais qu’est-ce qu’il est allé faire à Lyon, Tiago ?.... Je vous le demande… Figurez-vous, Docteur, que je me pose souvent la question… Avant, ce garçon était équilibré et distingué, mais depuis qu’il joue à Lyon, il est très bizarre… Il a un comportement de voyou… Sans doute la fréquentation de Cris… Et en plus il sent l’ail… C’est à cause du saucisson, paraît-il… Moi, je suis sûr que c’est pour se protéger des vampires qui logent à Gerland… De toute manière, je lui demanderai, mais seulement quand il aura été à nouveau échangé avec Essien, et qu’il sera retourné à Chelsea avant d’aller à Novosibirsk...

Pendant ce temps, l’équipe de France avait choisi de jouer contre une équipe du Tiers Monde… Mais une équipe pauvre… De l’Est… Comme ça c’est plus facile de gagner…Du moins c’est ce que les Français croyaient… Les séquelles colonialistes des puissances dominantes… Eh bien, pas de chance… Ils ont perdu… Remarquez bien que ce n’est pas étonnant… Il paraît que l’entraîneur de l’équipe de France a joué longtemps à Lyon… On voit parfaitement à sa tête qu’il y a beaucoup souffert… D’ailleurs, il n’a plus toute sa tête, puisqu’on m’a dit qu’il va venir jouer en juin avec la sélection française à Geoffroy Guichard contre la Chine, un autre pays du Tiers Monde… Et puis, il ne sélectionne que des hommes d’affaires… Tenez, Docteur, quand on voit Henry, Anelka ou Trézéguet passer leur temps à tirer sur le gardien adverse ou à rater les cages, il aurait mieux fait de les laisser à la maison pour discuter des meilleurs placements financiers avec leurs banquiers, et d’appeler Piquionne, qui, entre nous, a une plus grande aptitude pour gâcher des occasions inratables, et des liens affectueux avec les sélectionnés lyonnais. Docteur, moi je vous le dis, il ne faut jamais séparer ceux qui s’aiment. Et pour le même prix, Docteur, Piquionne, il vous fait le service d’ordre avec sa tête.

Je suis revenu juste après le match et j’ai retrouvé le froid... Basto qui, prêt à mourir sur le terrain, a laissé une jambe lors de la dernière bataille... Yahia, prêt à rien, et aussi bon à rien, qui a laissé une cheville avec la Tunisie... Le coach au regard plus noir que jamais, qui semble réfléchir à une vendetta… Janot, le smicard de Valenciennes qui a oublié d’où il vient... Sablé, qui philosophe sur son moi existentiel, qui croit que personne ne l’aime, et qui ne s’aime plus lui-même, se trouvant même moche… Feindouno, qui prépare ses prochaines vacances en lisant des guides de conversation en espagnol… Zokora, qui s’essaye à l’anglais avant même d’avoir réussi à prononcer clairement une phrase en français… Piquionne, qui suit des cours du soir pour la réinsertion professionnelle… Et les deux olibrius à l’écharpe verte qui préparent un prochain communiqué, et qui se chamaillent pour savoir lequel des deux prendra le plus les supporters pour des couennes… Hognon, qui rêve de botter le cul de tout ce beau monde, mais qui doit encore attendre 10 jours à cause de son entorse… Loïc, qui ne se pose pas de question et travaille sérieusement... Hellebuyck, qui broie du noir, pour changer, ce qui a eu pour effet de créer un vide autour de lui, éloignant par là même tous les Africains…. Omar, qui jappe, aboie et remue la queue espérant obtenir son billet d’avion, pour suivre une nouvelle piste sud-américaine, afin de dénicher une starlette pour tenir compagnie à Piatti dans les tribunes… Et Mazure qui, avant de refaire l’électricité du stade, passe une deuxième couche sur tout ce qu’il a peint jusque-là, et qui use pinceau sur pinceau en chantant cette chanson débile :

Y'a toujours un peintre, un copain,
Y'a toujours un peintre Italien,
Un peintre qui chante,
Qui chante en remontant ses pinceaux,
Et c'est beau !

J'arrive sur le chantier,
Encore tout ensommeillé,
Pour poser les fils de l'électricité.
Quel métier !
Mais pour me donner du cœur,
En préparant ses couleurs,
Y'a toujours un peintre qui chante et voilà !
On y va ! La La La !


Bref, Docteur, le train-train quotidien… Cela me rappelle mes vacances au Mozambique, chez ma tante Amalia qui vivait tout près de l’hôpital psychiatrique de Maputo.

En France, Docteur, vous avez de l’avenir… Moi, je vous le dis… Les Marseillais n’ont pas voulu aller jouer à Paris… Ils ont eu peur car il y avait des risques d’attentats… Alors, comme ils ne sont pas courageux, ils ont préféré envoyer leurs jeunes au casse-pipe. Comme les Portugais quand ils envoyaient les pauvres diables faire la guerre au Mozambique et en Angola, pendant que l’élite restait dans les bars du Chiado de Lisboa à se laisser glisser dans une nostalgie décadente en fumant le cigare . À part Yepes, je ne vois vraiment pas de terroriste à Paris… Mais, bon, ce que j’en dis, moi, tout le monde s’en fiche...

Donc voilà, Docteur, nous avons joué le match ce soir quand il faisait bien froid. Nous devions jouer hier, quand il faisait bon, mais, comme nous a expliqué le petit excité avec l’écharpe verte, et avec le nez qui s’allonge, nous avons été obligés de jouer le dimanche soir, avec notre accord, à cause d’un ordre strict de la Ligue, qui nous a demandé notre avis. Je ne sais pas si vous me suivez… Comme cela, le stade qui aurait pu être plein ne l’a pas été. Les deux Dalton pleurait les recettes perdues, tout en riant à l’idée de la recette imprévue de la télévision.

D’ailleurs, je crois que les supporters n’avaient pas été prévenus du report du match. Ils ont dû entendre la nouvelle à la radio, car nous avons commencé à jouer devant un Kop Nord vide, qui s’est rempli d’un coup, après quelques minutes de jeu. Et puis les chants ont débuté… Lancinants… Il y avait bien quelques textes, mais moins que d’habitude. Les supporters ont montré leur affection pour Canal Plus, et pour la Ligue, et pour Lyon...

Ce soir nous jouions contre une équipe de volatiles jaunes. Je croyais qu’en France, les volailles étaient toutes confinées dans leurs enclos… Il y a des légèretés dans les contrôles, moi je vous le dis... Samedi, Piquionne est arrivé à l’entraînement avec sur le visage le masque de Sylvester le Gros Minet, qu’il avait acheté pour le Mardi Gras… Pour nous préparer, il nous a apporté toute sa collection de films de Titi, que nous avons visionnés durant l’après-midi. Je n’ai pas tout compris encore une fois… Le coach nous a demandé de faire exactement l’inverse du gros Minet qui n’arrive jamais à attraper le canari. Tout était très flou pour moi… Jusqu’à ce que j’entende gazouiller les joueurs nantais dans les vestiaires, et que Loïc m’explique qu’en fait les Nantais sont des Canaris. À ce propos, Docteur, il faudrait que vous me prescriviez des pilules contre la grippe aviaire, ou un vaccin s’il existe, car j’ai dû serrer l’aile de certains Nantais, et je ne voudrais pas encore attraper leur virus, comme le Kop Nord en début de seconde mi-temps, qui sifflait et s’était transformé en volière… Ils ne sont pas contaminés ???... C’est vous qui le dites, Docteur !!! J’ai bien vu la tête de leur entraîneur, Le Dizet… Vous connaissez Le Dizet, Docteur ?...Oui ???... Aaah ! OK ! Vous avez appelé le 118 000… Alors vous avez pu entendre qu’il n’est pas très drôle, cet oiseau-là… Mais l’entendre, ce n’est rien… Il faut voir le spécimen de près… On dirait qu’il a enterré sa femme dans la journée en oubliant de récupérer dans ses poches son contrat d’assurance vie. Il a dû choper quelque chose de pas très sain… D’ailleurs il a transmis sa tristesse à tout le monde à Nantes. Tristesse et angoisse… C'est vous dire... Pour se donner du courage, avant de rentrer sur le terrain, on entendait les Nantais qui chantaient comme des canards :

En revenant de Nantes la digue la digue.
De Nantes à Montaigu la digue du cul !...


Comme quoi, ils se doutaient déjà de ce qu’il allait leur arriver. Je ne me rappelle plus de la suite, mais je sais que Piquionne, la langue pendante, rigolait

Bon bref. Nous avons fait un bon match. Du moins c’est ce que je crois. Bon par la combativité. Parce que pour ce qui est du reste, il faut bien dire que ce n’était pas trop brillant. Un Sablé et un Ilunga retrouvés… Les corners de Hellebuyck disparus… Un bon tir, un seul, de Feindouno… Et un gardien adverse en caoutchouc, qui rebondissait dans ses cages, repoussant tout. Quant à Piquionne, s’il s’est énormément battu, comme d’habitude, il a gâché tout ce qui était réalisable. Il était agité comme un dingo… Vous savez, Docteur, le chien sauvage d’Australie, qui court dans tous les sens, et se tape le cul par terre pour éteindre l’incendie qui l’habite… Ou alors comme le coyote fou, que j’ai vu lors de mes dernières vacances au Yellowstone en Idaho… Vous savez, Docteur, c’est terrible… Ces bestioles souffrent en fait, et extériorisent leurs souffrances par des courses frénétiques… En tout cas, je ne sais pas si Fred m’a confondu avec Mazure, mais il ne m’a pas donné le ballon une seule fois de tout le match… Malgré cela, j’ai tiré à deux ou trois reprises sur les poteaux… Qui n’étaient même pas carrés… Pas de chance, vraiment pas de chance… Et le miracle s’est produit, enfin… Je suis sorti à 10 minutes de la fin, pour céder ma place à Mazure, qui au passage m’a confié son pinceau jusqu’à son retour… Durant les arrêts de jeu, Piquionne intercepte une mauvaise passe de Delhommeau, et, transfiguré par sa seule seconde de lucidité, transmet la balle à Mazure qui tire comme une mule sur la tête de Signorino, qui ne peut qu’accompagner le ballon dans les cages. Buuuuuuut ! Je n’en reviens pas… J’en laisse tomber le pinceau dans le pot… L’arbitre siffle la fin du match… Le match est gagné… C’est mérité au vu des efforts et de la volonté consentis… Mazure sort du terrain en trombe, récupérant au passage son pinceau, car il voulait absolument finir de passer la deuxième couche sur la porte des vestiaires, avant de prendre sa douche. Quelle conscience professionnelle !

Voilà, tout le monde était content… Une grande joie qui aveugle la réalité un peu brouillonne… Il reste à confirmer… Dimanche à Marseille… Je vous donnerai de mes nouvelles de là-bas… Mais, ne vous inquiétez pas, Docteur, ça va mieux… Beaucoup mieux...

De Nantes à Montaigu, la digue la digueuuuuuuu...
De Nantes à Montaigu la digue la laaaaaaaaaaaaaaaaa !!!

Auteur : Rising42