Avant le match qui opposera ses deux anciens clubs de L1 ce dimanche après-midi dans le Chaudron, Mickaël Citony nous explique pourquoi il est resté vert.


Ton cœur sera plutôt rouge et noir ou plutôt vert ce dimanche ?
Complètement vert, sans hésitation ! C’est à Saint-Etienne que je me suis épanoui. Je n’ai pas eu cette chance à Rennes. Mon cœur est resté vert car j’ai vécu quelque chose de très fort à Sainté. Une montée ponctuée d’un titre de champion de France de D2, une demi-finale de Coupe de la Ligue. Je suis resté plus longtemps à Rennes mais les Verts, c’est incomparable !

Peux-tu nous rappeler les circonstances de ton arrivée dans le Forez ?
J’ai quitté le Stade Rennais pour l’ASSE au mercato d’hiver de la saison 2002-2003. Vadid Halilhodzic voulait me transférer car il voulait un autre attaquant, Alexander Frei. Frédéric Antonetti m’a contacté, il m’a dit qu’il était intéressé par mon profil. Quand Saint-Etienne s’intéresse à toi, tu n’hésites pas trop même si à l’époque le club était relégable. Le coach m’avait expliqué que le classement n’était pas révélateur car il y avait des matches en retard.

Tu as réussi tes débuts en vert en marquant dès ton premier match et tu as contribué au redressement du club.
Oui, mon aventure à Sainté a bien commencé. J’ai marqué de la tête dès mon premier match le but égalisateur de notre 2-2 sur le terrain du Mans, une bonne équipe qui est d’ailleurs montée en L1 en fin de saison. De notre côté on a réussi à sortir de la zone rouge et on fait une belle deuxième moitié de saison en terminant neuvième. J’ai provoqué un péno transformé par Cartoche quand on a battu Niort, j’ai fait une passe dé à Lilian lors de notre victoire contre Valence, et j’ai égalisé à Châteauroux sur un centre de Fred Mendy.

 



Cette belle deuxième moitié de saison explique-t-elle en partie la réussite de la saison suivante ?
Oui, ça a permis de créer une dynamique. Honnêtement, quand je suis arrivé à Sainté, j’ai vite pu vérifier ce qu’avait dit le coach Antonetti : le classement du moment ne reflétait pas la valeur du groupe. J’ai découvert des coéquipiers qui avaient beaucoup de qualités : Julien Sablé, Lilian Compan… J’étais très motivé à l’idée de continuer l’aventure avec ce groupe car je sentais bien qu’il y avait quelque chose de beau à faire la saison suivante. Le groupe n’a pas beaucoup changé à l’intersaison et a bénéficié de l’apport de recrues importantes comme Hérita Ilunga, Damien Bridonneau, Nicolas Marin, Fabrice Jau.

Tu as marqué ton troisième et dernier but en vert lors de cette remarquable saison 2003-2004 ? Tu t’en souviens ?
Bien sûr ! C’était contre Créteil à Geoffroy-Guichard, lors d’un match charnière car on avait mal démarré l’année. Après notre élimination par Dijon en Coupe de France, on avait concédé un match nul et vierge à domicile contre Nancy puis une défaite à Lorient, du coup on n’était plus sur le podium. On avait besoin de renouer avec le succès pour nous relancer dans la course à la montée. Les Cristoliens nous ont cueillis à froid en début de match mais j’ai égalisé d’une reprise de volée sur un centre de Nico Marin. On a finalement gagné 3-2, c’est Bafé qui a marqué le but victorieux pour ses débuts en vert !

 



Quatre jours plus tard, tu as joué 105 minutes dans un Chaudron en ébullition…
Oui, on rêvait tous d’emmener le peuple vert au Stade de France, ça aurait vraiment été une énorme satisfaction pour nous. Portés par un public en feu, on y a cru, surtout quand Lilian a marqué le but du 2-0 en reprenant mon centre d’un de ses coups de tête dont il avait le secret. Mais Sochaux s’est relancé en réduisant le score avant la pause et tu connais la suite… Malgré la défaite, cette demi-finale de Coupe de la Ligue est restée gravée dans notre mémoire et dans celle des supporters, qui auront dû attendre neuf ans de plus pour connaître le bonheur d’une finale au Stade de France…

 



Tu as également joué les 25 dernières minutes de cette inoubliable dernière journée contre Châteauroux.
Ce match occupe une place à part dans mon cœur car c’était l’apothéose d’une saison pleine, la juste récompense d’un travail de longue haleine initié comme tu l’as dit la saison précédente. Ce final de folie ça reste un énorme souvenir, un énorme kiff collectif. On avait la montée en poche mais ça nous tenait vraiment à cœur de finir sur un titre. Ce but du titre incroyable de Damien en fin de match, c’est la cerise sur le gâteau. Le scénario parfait. Encore aujourd’hui, quand je suis en contact avec des coéquipiers de l’époque, on se remémore ces moments-là. On a vécu ensemble un truc exceptionnel, c’est inoubliable. Quand j’emmènerai mon fils dans le Chaudron, je lui rappellerai ce qui s’est passé ici.

 



Au-delà de ces deux matches mythiques, que gardes-tu de tes vertes années ?
Le stade, le public, les supporters. Ils ont été énormissimes lors de ces deux matches hors norme mais au-delà de ça, ils sont fidèles, ils sont présents tout au long de la saison, à domicile comme à l’extérieur. Ce que je retiens de mon expérience stéphanoise, c’est cette inégalable ferveur du peuple vert. Avant que je signe à Sainté, mon père m’avait expliqué ce que c’était les Verts. J’ai la fierté d’avoir fait partie de ce club, je sais maintenant pourquoi on dit « les Verts ». Les Verts, ça veut dire quelque chose d’important. J’ai pu connaître ça, j’ai pu goûter ça, j’ai pu savourer ça. Ça a été les meilleurs moments de ma carrière avec ma période au centre de formation de l’AS Cannes. A Saint-Etienne, j’ai eu en deux ans tout ce que je rêvais d’avoir dans ma vie de footballeur. La ferveur du public, les stades remplis, ton nom scandé.... Avec Sainté, c'était la fête, à la maison comme à l'extérieur, où tous les stades de L2 étaient pleins.

Quels coéquipiers t’on le plus impressionné lors de tes vertes années ?
Didier Zokora m’a impressionné dès qu’il est arrivé à Sainté. J’ai vu des qualités hors norme, c’était un super milieu de terrain défensif. Maestro, c’était le top niveau ! Et bien sûr j’ai aussi été impressionné par Pascal Feindouno. Je pense que tous les deux auraient dû jouer beaucoup plus haut qu’à Sainté. Ils avaient d’énormes qualités, ils étaient vraiment faciles. Rien qu’à l’entraînement tu sentais qu’ils étaient au-dessus. Je me régalais de les voir jouer. A mon sens ils avaient le potentiel pour jouer dans un grand club européen.

Avec quel joueur stéphanois avais-tu le plus d’affinités ?

Hérita Ilunga. On se connaissait déjà depuis Rennes. On a joué ensemble au Stade Rennais. Comme je ne jouais pas beaucoup en équipe une en tant que jeune pro, je redescendais souvent avec la réserve et du coup je le retrouvais, sachant qu’il a deux ans et demi de moins que moi. De fil en aiguille, on est devenu potes. Il est parti à l’Espanyol de Barcelone. L’été 2003, en stage de préparation, le coach Antonetti m’a dit : « un des tes anciens collègues ayant joué à Rennes avec toi va nous rejoindre, t’en penses quoi ? » Et là je vois devant moi Hérita Ilunga. J’ai dit au coach : « Hérita, c’est une valeur sure. Je le connais, je sais qu’il va nous apporter beaucoup.» Ça s’est confirmé. Je crois d’ailleurs qu’il a été élu meilleur arrière gauche de Ligue 2. Il s’est ensuite imposé en L1, à Sainté puis à Toulouse, avant de jouer en Premier League. Hérita c’était mon collègue, de chambre, de sortie, de restaurant, de tout ! C’est devenu un ami et il l’est resté.


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As-tu gardé contact avec d’autres joueurs ?
Je suis resté en contact avec Lilian Compan, Nicolas Marin et David Hellebuyck. J’échange de temps en temps avec Bafé. J’ai également des nouvelles de Julien Sablé, c’est bien qu’il ait pris la tête du centre de formation. Il mettra la même détermination qu’il avait en tant que joueur. Je garde de très bons souvenirs de captain Sablé. C’était un catalyseur, un meneur, il savait nous transcender. Pour moi Julien restera toujours captain Sablé. Il symbolisait l’ASSE et ça ne m’étonne pas qu’il soit revenu au club, comme Lilian d’ailleurs, que j’avais déjà connu à l’époque du centre de formation de Cannes. Lui aussi nous a beaucoup apporté pour la montée. Je me rappellerai toujours de la tête de Lilian contre Sochaux en demi-finale de la Coupe de la Ligue. Fallait vraiment aller la chercher ! Il s’est envolé avec la rage de la mettre au fond.

Cito, que penses-tu d’Anto ?
Je ne le remercierai jamais assez de tout ce qu’il a fait pour moi. C’est lui qui m’a permis de connaître la ferveur stéphanoise. Le coach Antonetti m’a appris surtout les valeurs du football, comment y arriver, comment y accéder. Il y a des gens qui l’aiment, d’autres qui ne l’aiment pas. Il y a des gens qui adhèrent à son discours, d’autres qui n’adhèrent pas. Moi il m’a beaucoup apporté footballistiquement et humainement. Je lui dis merci. Il aurait mérité de poursuivre son aventure à Sainté. On n’a pas trop compris ce qui s’est passé. Il a fait un boulot de longue haleine, a remis le club dans le bon sens. Il croyait en nous, il nous a donné confiance. Il gérait parfaitement son groupe, il nous protégeait énormément. Il nous avait dit assez tôt qu’on serait champions de France de L2 vu nos qualités et on l’a fait ! Son départ nous a tous choqués, moi le premier car je savais que sans lui ma situation à Sainté risquait de se compliquer. Mais bon, c’est le football qui est comme ça. Frédéric Antonetti restera toujours pour moi un très grand Monsieur.

Elie Baup t’a titularisé lors des deux premiers matches de la saison 2004-2005. Tu es ensuite sorti de l’équipe avant de faire une ultime apparition en vert lors de la 7e journée à l’occasion d’une victoire contre Auxerre.
C’est bien ça. Moi je suis un compétiteur, je sortais d’une saison où j’avais disputé plus de trente matches sous la houlette de Frédéric Antonetti. A l’intersaison, il y a eu quelques mouvements de joueurs. J’ai joué les deux premiers matches mais la donne a changé avec les arrivées de Pascal Feindouno et Anthony Le Tallec. Pascal, c’est Pascal, il a talent fou, c’était compliqué pour moi d’être en concurrence avec un joueur d’un tel calibre. J’étais conscient que serait difficile de tirer mon épingle du jeu à moins d’une blessure ou d’une suspension. Je ne voulais pas revivre la situation que j’avais connue à Rennes : être en Ligue 1 sans vraiment y être, rester sur le banc, avoir un très faible temps de jeu. Quand t’as pris goût à jouer, tu veux jouer tous les week-ends ! Moi j’aurais rêvé dans l’absolu de terminer ma carrière à Sainté mais à un moment donné il faut être réaliste. S’entraîner sans jouer sauf avec la réserve, ça ne me satisfaisait pas. Je suis donc parti au mercato d’hiver. J’étais courtisé par de très nombreux clubs de Ligue, dont Sedan, où j’ai signé.

Dans ta carrière, tu n’auras donc joué que 6 matches de L1 : 3 avec Rennes et 3 avec Sainté. Avec le recul, estimes-tu que ton niveau était un peu trop juste pour pouvoir t’imposer dans l’élite ?
Je pense que j’avais les qualités requises pour jouer davantage en Ligue 1. Mais j’ai eu la malchance de tomber sur une concurrence très forte dans les clubs où j’ai évolué. Quand je suis arrivé à Rennes en Ligue 1, il y avait Shabani Nonda, El Hadji Diouf, Cédric Bardon, Jocelyn Gorvennec, Fabien Delaye, Lucas Turdo. C’était la période où le Stade Rennais flambait dans le secteur offensif et en termes de transfert. Pour les jeunes comme moi qui avaient 19 ou 20 ans, c’était très compliqué de jouer. Je n’étais pas au bon moment au bon endroit. Et à Sainté, quand t’as un phénomène comme Pascal Feindouno… Moi je ne peux pas dire que j’étais meilleur que Pascal, il faut être réaliste ! Il y avait aussi Fred Piquionne, Anthony Le Tallec, Bafé qui poussait derrière… Il y avait de très bons joueurs comme on a pu le voir par la suite. Si j’étais monté avec une équipe comme Troyes par exemple, je pense que j’aurais eu du temps de jeu car la concurrence aurait été moins forte.

Peux-tu nous retracer ta carrière depuis que t’as quitté Sainté lors du mercato hivernal de la saison 2004-2005 ?
C’est pas un cadeau ta question car j’ai beaucoup bougé ! (rires) J’ai d’abord joué six mois à Sedan. Ensuite j’ai joué une saison à Créteil, toujours en Ligue 2. Après j’ai joué en première division belge avec le FC Brussels. J’ai ensuite évolué en Suisse, à l’UGS Genève. Après avoir passé des essais au Wydad, un club marocain basé à Casablanca, je suis retourné en France. J’ai joué 18 mois à Beauvais puis 6 mois à Gueugnon. J’ai ensuite joué au niveau CFA, à Liège, au Pontet et à Chambly. J’ai continué de jouer au foot à un niveau plus modeste, en PH. Je joue à Valois-Multien un club de l’Oise en Picardie où j’ai retrouvé un autre ancien pro que j’ai connu à Rennes, Jean-Félix Dorothée. J’ai eu pas mal de blessures lors de ma carrière, notamment une fracture à la cheville, qui m’ont empêché de revenir à un plus haut niveau. Mais je continue de m’amuser sur le terrain et on a projet de faire monter le club en DH. A 37 ans, j’essaye de transmettre mon vécu aux plus jeunes. J’ai passé mes diplômes d’entraîneur et à côté du foot, j’ai une société de transport, « Prestige Cito ». Ça va faire deux ans que j’ai cette activité. J’ai des Vans et des Mercédès. J’ai comme clients aussi bien des entreprises que des particuliers.

 
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Plus de douze ans après avoir quitté les Verts, continues-tu de les suivre ?
Comme on dit, « Vert un jour, Vert toujours ! » Quand il y a un match de Saint-Etienne et que je suis disponible, je regarde. En championnat, je suis aussi Paris. A la base je suis du Val-d’Oise et Paris, c’est Paris ! Mais je demande directement ce que les Verts ont fait. C’est devenu automatique. J’ai vécu des moments tellement fort à Sainté que c’est naturel de suivre les Verts. C’est un grand club, je m’en suis rendu compte en ayant le privilège d’y jouer. Je suis fier de l’avoir aidé à ma petite échelle à retrouver l’élite qu’il n’a plus quitté depuis. J’ai suivi la progression de l’ASSE et je me suis réjoui de ses succès. La victoire en Coupe de la Ligue, les matches de Coupe d’Europe…

T’as eu l’occasion dans le Chaudron depuis qu’il a été réhabilité ?
Non, ça fait hélas un petit moment que je ne suis pas revenu à Geoffroy-Guichard. Mais je compte revenir dans le Chaudron. Je vais appeler Fred Emile bientôt. Je compte revenir pour faire découvrir le stade à mon fils. Je souhaite l’emmener au musée, j’ai envie de découvrir ce lieu avec lui. Mon fils a six ans, il commence à savoir lire et écrire. Il se rendra compte que son nom est marqué. Emmener mon fils à Geoffroy, c’est dans mes projets. Il vit à Liège, actuellement il est plus pour le Standard et un peu pour le PSG parce qu’il y Neymar. Mais moi je luis glisse souvent : « Papa, c’est les Verts ! Les Verts ! Les Verts ! ». Il va s’en souvenir, il sait que j’ai joué pour Sainté. Je me dis que lorsqu’il aura vu un match à Geoffroy, il ne pourra que devenir supporter des Verts !

As-tu vu les Verts depuis le début de saison ?
Oui, je suis allé les voir au Parc lors de la quatrième journée. Ils ont posé pas mal de soucis au PSG en première mi-temps. Ensuite ça a été plus difficile mais ils n’ont pas démérité. Je trouve qu’il y a un bon groupe. Les Verts réalisent un bon début de saison et pourront sans doute se mêler encore à la lutte pour les places européennes. Je pense que les Verts peuvent faire mieux que l’année dernière. Loïc joue encore à un très bon niveau. Je l’ai connu à ses débuts en pro, il est arrivé dans le groupe en même temps que Bafé. J’ai senti de suite que ces deux petits jeunes étaient promis à une belle carrière. C’était des graines de champion, des petits assidus qui savaient ce qu’ils faisaient. Ils savaient surtout où ils voulaient aller et se sont donnés les moyens de réussir.

Hormis Loïc, quels joueurs apprécies-tu particulièrement dans l’effectif actuel de l’ASSE ?
On l'a encore vu à Dijon, Loïc ça reste le pilier de l’équipe, avec Stéphane Ruffier. J’aime bien Bryan Dabo. On le sent libéré cette saison. La saison passée il a très peu joué, il rongeait son frein. Là, il se lâche et montre de belles qualités. Il est très dynamique et a la caisse pour jouer dans un registre box to box. J’apprécie aussi Romain Hamouma, c’est un attaquant talentueux. Il est percutant et technique, c’est dommage qu’il ait souvent des pépins au mollet. Le petit Jonathan Bamba est également très intéressant, il est vif et il a du ballon. J’aime bien aussi les latéraux, ils ne sont pas mauvais du tout ! Je trouve qu’ils vont vite et prennent bien leur couloir. Que ce soit Ronaël Pierre-Gabriel, qui vient du centre de formation, ou Saidy Janko, que je ne connaissais pas. Il y aussi Assane Diousse qui semble prometteur, même s’il n’a pas joué au Parc. Il y a de bons jeunes à Sainté, avec une belle marge de progression. Ça donne envie de les suivre !

 

Merci à Mickaël pour sa disponibilité