Asaf Eyal est un membre fondateur des « Red Workers », qui se définit comme un groupe « d'aide sociale » dans la communauté des « Ultras Hapoel » promouvant l'entraide au sein de l'ensemble des supporters du Hapoel Tel Aviv. Il y a trois ans, le site du Réseau Supporter de Résistance Antiraciste ( http://www.rsra.fr/ ) publiait une interview de lui, dont nous citons de larges extraits. A l'occasion du match Hapoel-Sainté, Asaf complète cette interview et nous parle des « Red Workers » aujourd'hui.
Osvaldopiazzolla
Asaf, Peux tu te présenter ?
Je m’appelle Asaf Eyal, j’ai 31 ans et je supporte l’Hapoel Tel Aviv depuis que j’ai six ans. Je suis abonné depuis mes 15 ans. Actuellement je suis étudiant en philosophie et psychologie et je suis impliqué dans un projet d’aide aux enfants en Israël. Je suis un membre fondateur des « Red Workers » de l'Hapoel Tel Aviv.
Quelle est l'histoire politique de l’Hapoel Tel Aviv ?
L'Hapoel Tel Aviv Football Club a été fondé en 1923 par un mouvement d’inspiration socialiste : “HA-POEL” (les travaillistes). A partir de ce moment, le club a toujours été reconnu pour son implication avec les partis politiques de gauche ainsi que les syndicats. De nos jours, le club est devenu privé. Un grand nombre d’hommes politiques de gauche ou d’activistes d’extrême gauche ou encore de célébrités supportent l’Hapoel Tel Aviv. De manière générale la grande majorité des supporters de l'Hapoel sont proches de la philosophie de gauche. Yitzhak Rabin, notre cher premier ministre a été assassiné en raison de sa philosophie de gauche et de son abnégation à vouloir installer la paix, lui aussi était un grand supporter de l’Hapoel Tel Aviv.
En quoi consiste le mouvement « Red workers » ?
Notre but principal est de rappeller aux jeunes supporters l’histoire de l'Hapoel et sa philosophie historique, leur rappeller quelles sont nos racines et ce que cela implique dans nos actions. A côté de cela nous avons pour but de lutter contre le racisme et encourager la coexistence pacifique entre israéliens et arabes. Nous fonctionnons selon une philosophie « sociale » et aidons les autres supporters de l’Hapoel qui connaissent des difficultés financières. Les « Red workers » aident les « Ultras Hapoel » à trouver du travail, ou dans leurs études. Aussi, nous essayons de transmettre le flambeau à la jeune génération, tout en préservant l’histoire du club et de ses supporters. Une de nos actions les plus spectaculaires a eu lieu à Sachnin (voir plus bas). Nous invitons aussi des réfugiés du Darfour qui vivent à Tel-Aviv. On s'occupe d'eux régulièrement en leur fournissant vêtements et autres choses de première nécessité.
Quelles sont vos relations avec les autres mouvement Ultras antiracistes en Europe ?
Les « Red workers » ont commencé leur connection avec le mouvement antira/antifa en 2005, lorsque nous avons participé au deuxième tournoi antira à Sankt Pauli, sur leur invitation. On avait fait, lors d'un derby juste avant, un grand show à base de tifos et de choréos plein de symboles et de messages socialistes/communistes. Ils ont été impressionnés que ce genre de mouvement Ultra existe en Israel. Nos liens d'amitié actifs depuis lors sont avec les Ultras St Pauli (USP), Ultras Inferno 96 (Standard Liege), Gate 9 Omonia Nicosie ou les Ultras Ternana 07. Nous avons beaucoup d'autres contacts avec d'autres groupes mais ceux ci représentent les liens d'amitiés officiels.
Peux tu résumer le panorama politique du football israélien actuel ?
Dans le football israélien seuls trois groupes peuvent être considérés comme réellement ultra : Les « Ultras Hapoel » (Environ 500 membres, plutôt jeunes et à gauche) ; « The 12th Player » : l’un des groupes du Maccabi Tel Aviv, également autour de 500 et également plutôt jeunes et radicalement à l’extrême droite. Les « Green Apes » : le groupe ultra du Maccabi Haifa, autour de 200 membres, plutôt jeunes, désorganisés et sans idéologie dominante. Le Beitar Jerusalem compte un très grand nombre de supporters mais il n’existe pas vraiment de groupe ultra structuré.
Nous, les « Red Workers » représentons la pensée de gauche, la coexistence pacifique avec les arabes, l’antiracisme et contre la violence. Evidemment certains Ultras de l’Hapoel sont violents mais ils sont une minorité. Les autres supporters israéliens sont souvent racistes, nationalistes et il n’est pas rare d’entendre des slogans tels que « mort aux arabes » et autres amabilités du genre, et ce, surtout du côté des supporters du Maccabi Tel Aviv et du Beitar Jerusalem. Ils sont aussi capables d’actes racistes envers les joueurs africains y compris ceux de leur propre équipe.
Y-a-t' il des connections entre les supporters du Beitar Jerusalem et le Beitar en tant que mouvement politique ?
Il n'y a pas de connection officielle. Je pense que la majorité des supporters du Beitar Jerusalem ne savent pas ce qu'est le mouvement politique Beitar. Ils sont souvent très jeunes et leur culture politique est faible y compris sur des sujets comme le sionisme ou l'histoire d'Israel. Ils sont extrêmistes dans leurs actes, mais sans pensée politique. Ils se contentent de suivre les tendances racistes et de droite des médias dominants.
Quelles sont les connections entre le Beitar Jerusalem et Benyamin Netanyahou ?
C'est un supporter du Beitar Jerusalem. Je ne crois pas qu'il y ait plus d'implications de sa part. La plupart des partisans du Beitar Jerusalem votent pour lui naturellement lors d'élections.
Comment sont traités les joueurs arabes par la foule en Israël ? Comment sont vus les joueurs arabes qui jouent dans la sélection nationale israélienne ?
Les supporters du Beitar Jerusalem et du Maccabi Tel Aviv font souvent des remarques racistes envers les joueurs arabes (qu'ils soient musulmans ou chrétiens). Cela vaut aussi pour les joueurs musulmans ou chrétiens internationaux qui jouent pour Israel. Ils les détestent, ils ont des chants racistes spécialement pour eux. Dans ces deux groupes de supporters, les remarques racistes sont organisées. Chez les autres, elles ne sont qu'occasionnelles. Les supporters du Beitar et du Maccabi sont racistes et nationalistes, en masse et par définition.
Existe-t-il des supporters arabes ? Sont-ils engagés politiquement, particulièrement sur le sujet des Palestiniens ?
L'Hapoel est le club favoris des arabes et des musulmans dans le pays. Une grande partie de nos supporters sont des arabes de Jaffa ou d’autres populations arabes. Nos relations sont excellentes, il n’existe pas de différence, et nous nous acceptons évidemment très bien. Nous sommes de très bon amis, travaillons et sortons dans les mêmes endroits. Une certitude est qu’il est impossible d’être arabe et supporter du Maccabi Tel Aviv ou du Beitar Jerusalem.
Ils ne sont pas du tout engagés politiquement. Ils ne proclament rien au stade à propos de la Palestine, et je pense même qu'ils n'ont pas grand chose en commun avec les palestiniens : ce sont des arabes qui vivent à jaffa ou Haifa, et non dans les villes palestiniennes.
Les supporters de Bnei Sachnin (qui est un club arabe en première division israelienne) ne sont pas plus organisés politiquement. Ils ont un petit groupe ultra avec qui nous avons d'excellentes relations, nous les aidons du mieux que nous pouvons. Ils se sentent concernés par le succès de leur équipe, sans aucune motivation politique.
Peux tu décrire ton action avec les supporters de Bnei Sachnin ?
Il y a de cela quelques mois, nous avons été invités par les supporters de Sachnin. Sachnin est un village arabe musulman au nord est d'Israel. Leur équipe est en première division israelienne, et ils doivent endurer en déplacement de nombreux chants racistes de la part des supporters adverses. Certains supporters de Sachnin et de Hapoel Tel-Aviv sont rentrés en contact et ont fini par organiser une action antiraciste. Juste avant le match entre Bnei Sachnin et Hapoel Tel Aviv, un groupe de cinquante d'entre nous a été invité pour une journée à Sachnin, avec match amical entre supporters et repas ensemble. Les « Red Workers » avons organisé le déplacement. Nous avons été accueillis par le maire et toute l'équipe municipale et avons pu déployer lors du match notre banderole antiraciste commune.
Entretien réalisé par osvaldopiazzolla et le RSRA