Dans la deuxième partie de l'entretien qu'il nous a accordé, Romain Revelli revient sur son expérience d'adjoint de Christophe Galtier.


Comment s'est passé ton passage de la formation aux professionnels ? (Barre transversale)

 

Très simplement. Christophe est arrivé avec Alain Perrin. Christophe travaille beaucoup, il regardait ce qui se faisait en dessous, il m'a vu sur le terrain avec les moins de 17 ans. Au niveau humain, aussi, comme il était assez proche de la formation, moi j'ai bien accroché avec Christophe. En fait, il a fait avec moi ce qui était génial, ce qu'il faut faire dans les clubs. J'ai retenu cela, je l'ai fait à Evian lorsque j'ai pris mon adjoint. C'est de la promotion interne. Il avait besoin d'un deuxième adjoint puisqu'il en avait déjà un avec Alain Blachon. Voilà, il m'avait vu travailler. Au niveau du caractère, on s'entendait bien. Il s'arrêtait près de mon terrain, il regardait mes exercices, il me corrigeait, il me disait que c'était bien, on échangeait.

 

Quelle était la distribution des rôles entre Galtier et ses adjoints à ton époque ? Qui s'occupait des exercices aux entraînements, qui supervisait les adversaires, qui s'intéressait plus aux aspects tactiques et qui à la motivation des joueurs, etc. ? (Pilou)

 

Avec Christophe, ce qu'il y a de bien, c'est que c'est très collégial. Tu n'es pas adjoint pour mettre les coupelles, tu participes beaucoup à tout. Il demande beaucoup à ses adjoints. La motivation du joueur, c'est sûr que c'est lui qui fait les causeries. Mais si un jour tu dormais dans le vestiaire, si tu étais mal réveillé et ne poussait pas la machine, il savait te le dire car c'était mon rôle d'adjoint. Toutes les séances se faisaient en commun, et, ça, c'était magnifique. On passait des après-midi entières dans le bureau, deux heures à deux heures et demi, à préparer la séance du lendemain, la partie tactique. Moi souvent, je faisais de la vidéo parce qu'il y avait un gros travail. Lui il venait voir un petit peu et finaliser, voir si on avait des idées et ça avait une incidence sur l'entraînement. Là c'est pareil, on était du matin au soir ensemble et c'est vrai que lui, son fonctionnement est bien, même si c'est lui qui tranche, il est plutôt collégial. D'ailleurs, il aime bien demander son avis à l'entraîneur des gardiens, à tout le monde, même sur sur la fin, c'est lui qui ... Comme je l'ai dit, c'est la richesse d'un staff, comme celui de Saint-Etienne qui est un très bon staff dans la compétence, avec beaucoup de personnalité. Tu as des entraîneurs adjoints qui peuvent être presque des entraîneurs, et il faut faire attention. Tu peux avoir des choses qui s'entrechoquent. Il faut que chacun reste à sa place car cela peut poser quelques problèmes.

 

Quel est ton meilleur souvenir en tant qu'adjoint ? (Poteau droit)

 

Des super souvenirs, quand Christophe a eu l'idée, quand on a gagné à Lyon, de jouer à trois derrière. Tous les échanges qu'on avait eus, parce qu'ils jouaient en losange à l'époque. La préparation de gros matches, comme ils font en ce moment contre Manchester, j'imagine. Un jour il m'appelle et me dit « On va à Milan demain, il y a Milan-Naples dimanche soir ». On a fait un aller-retour. De voir Milan, il a eu ensuite l'idée de jouer comme-ci, comme-ça…. Des tas de choses ! Il y a la victoire en Coupe de la Ligue, énorme. Il fallait toujours battre des records, chaque saison, on montait : moi avec lui j'ai fait septième, cinquième, quatrième et cinquième. Chaque fois voir à Noël quel nombre de points on avait et toujours à fond dans la compétition.... C'était parfait.

 

Et s'il faut dégager quelques mauvais souvenirs, hormis la fin ? (Poteau gauche)

 

Des souvenirs difficiles ? La première année, il y avait notre ami Albert et quand il a été parti on a eu une période difficile. Je me rappelle Albert, on était tous ensemble, on avait eu trois à quatre défaites de suite, c'était au début vers l'automne, on jouait Toulouse à la maison et c'était un peu tendu. Je sais que moi, ça m'avait secoué, les joueurs aussi se rebellaient, remettaient un peu tout le monde en question, les adjoints… Les joueurs sont un peu comme ça aussi. Heureusement on n'avait pas perdu ce cinquième match parce que je sentais que ça aurait été dur. Je me souviens on avait fait un 0-0 contre Toulouse, il faisait très froid. Ça avait calmé un peu et puis on était reparti. C'était une série difficile.

 

Quel est le joueur de l'ASSE qui t'a le plus marqué parmi tous les pros que tu as eu sous ta direction ? (alexioninho)

 

Je pourrais en citer plein, mais un que j'aime dans tout ce qu'il fait, c'est Fabien Lemoine. Là il va revenir, il a eu des soucis. Pour moi, c'est le haut niveau parce que c'est un footeux dans ce que j'aime : les plongées, l'animation offensive, le jeu entre les lignes, la qualité technique, le toucher de balle, l'aspect technico-tactique, compétiteur à outrance, obsédé de la compétition, gagneur, à la limite un peu méchant parfois, même un peu dur à gérer dans le caractère parfois, mais c'est notre rôle. Moi je préfère avoir des joueurs comme ça. Aubame, Loïc, Jérémy Clément, Brandao, on peut en citer d'autres, à la fin certains c'est presque des amis. Moi, j'étais vraiment proche des joueurs, mais s'il ne fallait en citer qu'un, je dirais Fabien quand même.  

 

Gardes-tu des contacts avec des joueurs de l'ASSE ? (alexioninho)

 

J'avais de très très bons rapports avec tous les joueurs, Loïc, Stéphane Ruffier, qui était en plus mon voisin. On était proche avec nos compagnes et tout ça. Moi, je me suis obligé, pour ne pas mettre en difficulté, parce c'est mon tempérament, moi, je ne veux pas d'esclandre, et même si je veux appeler des joueurs par amitié, pas pour parler de l'ASSE, ce serait mal vu, donc je me suis forcé à couper, mis à part pour les voeux ou pour des choses comme ça. C'est plus facile quand ils partent du club. J'en ai revu certains, Jo, Aubame. J'ai recroisé plein de joueurs, j'en oublie peut-être. L'année dernière, j'en ai recroisé plein sur les bords de terrains en L2. Il y en a tellement qui sont passés par Saint-Etienne. J'en ai recroisé sur des matchs de L1. Je ne peux pas tous les citer.

 

Quelles sont pour toi les qualités et les défauts de Galtier en tant qu’entraîneur ? (alexioninho)

 

Je ne veux pas parler de ses défauts, ce serait malvenu. Christophe a des qualités énormes. D'abord la première, c'est lui qui m'a lancé : c'est une chance énorme pour un jeune entraîneur comme moi, d'arriver en L1 dans un grand club, avec tout ce qu'on a fait, c'est à ressortir. C'est quelqu'un qui a l’œil, qui fonctionne beaucoup sur le visuel, qui a besoin de voir les choses pour se rendre compte. Il voyait sportivement ce qu'il fallait faire et surtout il est très bon pour manager ses joueurs. Il a tout compris quand on dit d'un joueur qu'il doit être bien à la maison pour être bon sur le terrain. Lui, il a tout compris. Il faisait très attention à ça. C'est un grand entraîneur, on ne va pas parler de toutes ses qualités parce qu'il y en a beaucoup. S'il est là et qu'il dure dans ce club, c'est que c'est un des grands entraîneurs du championnat de France.

 

Quel(s) entraîneur(s) adverse(s) t'ont marqué durant ta période d'adjoint à l'ASSE ? (Naar)

 

Je ne vais pas tous les citer. J'en ai côtoyé beaucoup, même en Ligue 2, Pablo Correa, que je vois, Rudi Garcia. Je sais comment il travaille avec Claude Fichaux, son adjoint. Il y a beaucoup d'entraîneurs français, mais aussi des étrangers. Moi je prêche peu-être pour ma paroisse, moi, je sors de  deux ans de DEPF de très haut niveau, j'ai passé beaucoup de temps, et on est reconnu en France pour avoir une formation d'éducateurs très bonne, et au final, les jeunes entraîneurs français, même les plus âgés n'ont pas toujours la confiance des présidents. Moi, je défendrai toujours les entraîneurs français, j'en ai côtoyé beaucoup et j'en ai vu des .....à l'image de Rudi par exemple, Pablo. Mais j'ai des collègues pour qui c'est dur aussi, comme Sylvain Ripoll qui était avec moi en formation, c'est un ami, qui vient de partir de Lorient. Lui, en termes de connaissance de jeu, c'est très très costaud, et on voit que ça ne suffit pas. C'est très dur ce métier : on a mis les pieds dans un métier très dur.

 

Le 10 juillet 2015, tu as déclaré dans les colonnes de la Pravda : "En fin de saison, le club a acté que je ne pouvais plus être l'adjoint de l'équipe pro. Ça m'est tombé dessus sans raison, ni explication, après avoir été le bras droit de Christophe pendant quatre ans. Notre séparation à l'amiable a été conclue la semaine dernière. L'ASSE m'a réglé ma dernière année de contrat." Honnêtement, n'avais-tu rien vu venir ? (Stéphanois)

 

Moi, je n'ai pas changé. Mon caractère n'est pas à faire des histoires, même si j'ai énormément souffert de ce départ, car il s'est fait très rapidement. J'ai vécu une histoire fabuleuse, comme j'ai dit en parlant de Christophe, avec le coach pendant quatre ans, voire cinq, parce que la dernière année, en moins de 17, j'étais très proche de lui déjà. Après, on a eu deux derniers mois difficiles. Il ne faut pas retenir que ça. C'est l'histoire du foot, ce sont des cycles, les passages dans les clubs. Moi, je ne suis pas là, c'est le plus important, pour casser du bois, ce n'est pas mon état d'esprit. C'est la vie qui est comme ça. Après, je ne peux pas mentir : si, à un moment, tu te sépares,  et moi c'était avec le coach, parce que avec Roland et tous les gens du club, j'avais de très bons rapports, c'est bien qu'il y avait des désaccords, parfois infimes dans l'organisation, dans la façon de travailler, dans la personnalité. Donc l'histoire s'est finie un peu vite et soudainement sur une fin de saison. C'est ce qui a été très dur, finalement, avec du recul, par rapport à ce que j'avais donné pendant 4 ans et 8 ans, 14 ans au club si j’additionne tout.  Mais, on le sait, c'est la loi du milieu.

 

C'était dur, j'avais donné beaucoup même si j'ai toujours été gracieusement payé par le club. Attention, je ne me plains pas, mais j'avais donné même pour le coach, dans la compétence et l'investissement. Mais il ne faut pas leurrer les gens, moi j'avais des désaccords et lui, sûrement, des reproches aussi. Moi, je sentais qu'il y avait des désaccords dans le travail et il m'a reproché, en gros, d'être un peu à l'écoute des autres clubs qui s'intéressaient à moi qui étais un jeune entraîneur qui montait. Moi, j'écoutais des clubs d'une oreille, mais je n'étais pas fou. C'est la vie du foot, des « conneries » finalement qui font, un peu chacun avec sa personnalité, à un moment tu t'énerves, tu envoies tout « chier » et tu te sépares.  Voilà. Après, je ne vais pas entrer dans les détails, de dire pourquoi, concrètement, dans le travail. Ça peut être dans le jeu, dans l'organisation de travail. On n'est pas là pour parler de ça. Moi je veux surtout dire que c'est l'histoire du foot et je veux insister sur le fait qu'il m'a donné ma chance. On n'est pas des bêtes. Mais c'est vrai que c'est difficile parce que, derrière, avec un mauvais choix de club tu te retrouves .....Mais ce sont les aléas de la carrière. Moi, je veux être numéro 1 : depuis ce temps-là, ça m'a renforcé dans cette idée. Je sais qu'il faudra bouger, c'est le charme de la vie qui va m'amener ailleurs.   

 

Depuis, as-tu des explications sur les raisons de ton éviction ? (Stéphanois)

 

Ce sont des problèmes relationnels sur la fin, qui font qu'à un moment, lorsque c'est tendu, sous la pression, avec le temps tu t'énerves et tu te sépares. C'était lui le boss, et c'est normal, c'est comme ça. Ce n'était pas à moi d'imposer mes idées de jeu, d'entraînement, de crier plus fort, j'avais crié assez fort et je passais pour un caractériel, ce qui n'était pas le cas. A un moment, il tranche et c'est normal. Il n'y avait rien de grave. C'est la vie du foot et c'est comme ça.

 

Penses-tu que Christophe Galtier ait pu voir en toi un rival, celui qui voulait être calife à la place du calife ? (Stéphanois)

 

Non, non, je ne pense pas. Il me connaît bien, il savait le travail que je faisais avec lui. J'étais son adjoint, j'aurais peut-être même pu l'être ailleurs, dans d'autres clubs. Ce n'est pas moi qui peux répondre, c'est sûrement plus lui qui peut y répondre, mais je ne crois pas.

 

Lors de ta dernière année stéphanoise, as-tu postulé pour devenir numéro un dans un club moins huppé ? Quid de la rumeur Féjus-Saint-Raphaël ? (Stéphanois)

 

Je ne vais pas rentrer dans les détails sur ça, parce qu'il se dit beaucoup de choses maintenant avec les réseaux sociaux. Mais, c'est vrai, du moment que les deux derniers mois étaient tendus, c'est le foot, des clubs te sollicitent. Tout le monde l'est chaque saison. Moi, j'étais entraîneur-adjoint de Saint-Etienne, ma carrière était là, c'était mon club. Moi, je suis vraiment stéphanois dans l'âme, je suis né à Saint-Chamond, mon dernier garçon, le petit, est né à Saint-Chamond. Je connais bien Saint-Etienne, au-delà du foot. Mes parents ont de la famille à Rive-de-Gier, je connais du monde à Saint-Chamond, je connais tous les recoins de la ville. Je connais les gens, je sais ce qu'ils pensent, je sais la mentalité des Stéphanois, leurs défauts, leurs qualités. J'ai toujours un pincement au cœur, c'est mon club de cœur, même si moi, et c'est pour ça que cette interview est très intéressante, je suis passé à autre chose. Je veux être entraîneur numéro 1, je vais bouger. Je ne suis pas là dans un état d'esprit de....revanche. Je vais faire ma carrière. La vie du foot fait qu'à un moment tu reviens ou pas dans les clubs, mais, je ne suis pas un fou, je savais ce que j'avais, je vais quand même remettre les choses dans l'ordre, il ne faut pas non plus dire que j'avais des envies de partir si tout se passait bien pour moi. Il y avait deux ou trois points de détails qui n'allaient pas à la fin, on en a assez parlé.

 

Es-tu fâché avec Christophe Galtier ? Vous êtes-vous parlé depuis ton départ de Sainté ? (hcatteau) 

 

Non. Dans le foot, c'est comme ça, quand tu as de grands copains, tu les perds de vue. Moi, c'était trop frais, sûrement pour lui comme pour moi. Après le foot fait que, tout le temps, tu te recroises. On se recroisera sûrement un jour. Le temps fera son œuvre. Chacun prend son chemin, moi je suis supporter de Saint-Etienne. Je sais ce que j'ai dit. Si j'avais quelque chose à lui dire, je lui dirais plus à lui, mais je ne l'ai jamais revu. Chacun a pris sa route. On me dit qu'on ne me voit plus au stade, moi, je regarde les matchs de tout le monde et de Saint-Etienne. Déjà, je suis loin de Saint-Etienne, mais je ne m'y vois pas : ça mettrait les gens mal à l'aise, Roland, Christophe. Ce n'est pas mon état d'esprit, moi, j'adore parler foot. Je réponds à ton interview, mais ce n'est pas à moi d'alimenter....Je veux les laisser tranquilles. Sportivement, c'est lui le boss, il fait son truc, il avance. Je n'ai plus à être là, au milieu, à regarder, à parler du club.

 

Es-tu resté en bons termes avec les dirigeants ? (marée verte)   

 

J'ai eu un très bon départ avec Stéphane Tessier, Roland et Dominique Rocheteau. J'ai reçu des messages de tous les gens du club, de tous les salariés, beaucoup de messages de supporters. Je n'ai eu que ça comme souci, de digérer mon arrêt. Ça a été magnifique avec tout le monde. 

 

Merci à Romain pour sa disponibilité et à Stéphanois pour la retranscription.