Par la grâce de compagnons d’infortune ayant réservé de longue date leur place dans la charrette, l’ASSE, miraculeusement, bouclera la saison prochaine un septennat en Ligue 1.
Sept ans, ça suffit !
« 7 ans ça suffit » pouvait-on lire à l’aube de la présidentielle 1988 dans nos rues sur les autocollants fébrilement acollés par des ados boutonneux sur des panneaux idiots. Ils s’inventaient un engagement, se donnaient l’illusion d’une rebellion, s’enfievraient pour une cause qui les dépassait.
Au moins savaient-ils qu’ils auraient par les urnes le pouvoir de peser sur les choses. Au spectacle de l’effondrement progressif et apparemment inéluctable de notre club, on en vient toujours à regretter que le modèle espagnol n’ait pas cours à Sainté. Pas de socios, pas de pouvoir de renverser les dirigeants du club. Juste le droit de vomir par banderoles, cris et sifflets interposés notre rancœur (dans le meilleur des cas) ou notre haine (dans le pire).
Des six saisons consécutives qu’on vient de vivre en Ligue 1, seule la première aura été vécue sans grosse crise. Les suivantes auront vu le club balancer sa fin de saison au mépris du public (sous Baup version 2), flinguer une autre saison en gérant comme un manche la notoriété grandissante de ses joueurs (l’affaire Piquionne), savonner la planche d’un entraineur sain et performant (Hasek) puis fragiliser son successeur en le prolongeant à contre cœur avant de le lourder (Roussey), confier les rennes du club à des proclamés grands professionnels avant de les lourder pour incompétence (Perrin, Tong Cuong, Comolli demain), vendre les joyaux de la courronne à notre pire ennemi (Gomis), ré-écrire la stratégie du club selon le sens du vent (l’introduction en bourse jadis inenvisageable car contraire aux valeurs du club, aujourd’hui seule bouée de sauvetage)… N’en jetez plus.
Fossoyeurs ? Vraie crainte
Deux fois 17ème consécutivement, l’exploit est assez rare. L’ASSE en 2010 à de faux airs de Paris SG, Nantes ou Strasbourg. A quelques détails près : contrairement à Paris, l’ASSE s’éternise dans la crise mais n’égaye pas son quotidien par des coupes. Contrairement à Nantes ou Strasbourg, l’ASSE se donne l’illusion d’un renouveau rapide en conservant sa place en Ligue 1.
En 2006, les Nantais partagaient peut-être cette illusion. Ils venaient de décrocher une médiocre 14ème place qui succédait à l’indigne 17ème place de 2005. En 2007, Nantes descendait en L2 en finissant 20ème du championnat. Trois ans plus tard, à la Beaujoire, ça sent toujours autant le (marcel) sapin.
L’ASSE pourrait échapper au sombre destin des Canaris. Elle pourrait oui… si elle profitait de l’intersaison pour nettoyer les écuries d’Augias. Car il faut se rendre à l’évidence. Celui qui fin 2003 se targuait par sa charte en 11 points d’avoir la clé du renouveau du club a tout fait pour que ce renouveau ressemble sept ans plus tard aux 12 travaux d’Hercule.
Seul, jusqu’ici, l’état des finances du club compensait le médiocre bilan sportif des six années en L1 du duo Romeyer-Caïazzo. Ce n’est plus le cas aujourd’hui et le club affiche le profil complet du navire à la dérive :le niveau sportif est déprimant, celui des finances est inquiétant, et l’image de désunion à tous les étages (entre dirigeants, entre supporters et joueurs, entre supporters et dirigeants) que renvoit le club est pitoyable.
L’amour nous a faussé compagnie
Alors que le club pouvait finir dignement la saison, alors que l’illusion d’un élan pour la saison prochaine semblait naître, les deux derniers fiascos dans le Chaudron ont largement balayé cette légère brise (à défaut de vent franc) d’optimisme. Lens et Toulouse ont révélé l’étendue du désamour des supporters pour ce club. L’ambiance à Geoffroy Guichard est désormais un savant cocktail de honte, de colère, de dégoût et d’ironie.
L’essence d’un supporter c’est certes la frustration (dixit Nick Hornby) mais également l’espoir (son corollaire naturel). Donc, à l’issue de ce nouveau long pensum de dix mois, nous, incorrigibles rêveurs, nous raccrochions aux quelques faibles signaux positifs émis cette saison : la qualité du discours de Galtier, les premières traces de leadership (incarné par le Diak) entrevues depuis des lustres sur cette pelouse, les retrouvailles réussies de Perrin avec le ballon, et l’éclosion de Rivière.
Las, l’un semble s’engager sans enthousiasme dans une 2ème saison dont il devine qu’elle restera minée par les querelles intestines, le départ du deuxième est le fruit de la gabgie financière, le troisième se lasse des errements éternels de son club de cœur et le quatrième forcément très sollicité, ne restera que si le club fait des efforts.
Des dirigeants sensés feraient tout pour s’appuyer sur ces quatre là pour bâtir le renouveau et redonner envie au public d’aimer son équipe. Des dirigeants sensés…
Crevez l’abcès
Habituellement l’intersaison offre un répit salutaire aux fous furieux que nous sommes. L’enchaînement des matchs laisse la place au bal des rumeurs sur les prochaines recrues. Puis monte cette douce excitation d’avant saison où chacun se prend à rêver d’un crû exceptionnel. Tout est encore possible.
Cette année, nos dirigeants seront même parvenus à nous priver de ce plaisir là . Ils ont inventé une nouvelle forme d’intersaison : une intersaison déprimante dont on avait eu un avant (mauvais) goût dès Juin 2004 avec le départ d’Antonetti. Après l’éclaircie de l’annonce de l’arrivée de Marchal, la chronique verte n’a en effet été qu’un festival de démissions accompagnées de déclarations aigries. Déclarations où chacun prend soin de dénoncer les comportements nuisibles à l’ASSE sans jamais donner de nom. Ou quand la peur de compromettre sa propre carrière l’emporte sur les intérêts du club…
Anto, en son temps (début 2008) fut le seul parmi les connaisseurs de la chose verte à dire clairement ce qui, selon lui, cloche (« avant de partir en 2004, j’avais dit avoir fait une mauvaise rencontre, mais que c’était surtout l’ASSE qui l’avait faite. Je ne le renie pas. Pour avoir un bon club, il faut à la tête une personne qui tienne la route.(…).On ne peut pas définir une politique de trois ans et se tirer dans les pattes au bout de trois mois. » Evoquant Caïazzo, il enfonçait le clou : «Pour résumer, il suffit de faire un florilège des déclarations. Les plus grands humoristes auraient de quoi faire. »).
Il faudrait enfin que les masques tombent. Que les responsables soient identifiés, que les amoureux des Verts ayant un tant soit peu de poids dans le monde du foot (Jacquet, Sagnol, Santini, si vous nous lisez…) prennent leurs responsabilités, qu’ils demandent publiquement le départ de ceux qui nuisent au club. Et que le(s) concerné(s), enfin tire(nt) sa(leur) révérence
Car ils auront beau présenter tous les organigrammes du monde, on en revient éternellement au même constat : c’est la case du haut qu’il faut ré-aménager, et rapidement, afin d’éviter que six ans après le départ d’Anto on ne boucle la boucle par une rechute en Ligue 2.
Heckle et Jeckle seraient alors capables de se targuer d’avoir laissé le club là où ils l’ont récupéré.
Parasar