Pierrick Cros : "C'est du 50-50 !"

Finaliste de la Coupe Gambardella en 2011, le défenseur de Bastia-Borgo Pierrick Cros s'est confié en cette toute fin d'année à quelques jours de ses retrouvailles avec son club formateur en Coupe de France.

Quelle a été ta réaction quand tu as pris connaissance du tirage au sort des 32es de finale de Coupe de France il y a trois semaines ?
A vrai dire j’avais oublié que le tirage avait lieu ce soir-là mais quand j’ai vu que j’avais eu pas mal d’appels et de sms de proches et d’amis, j’ai compris que j’allais retrouver Sainté. Je suis content de rejouer contre mon club formateur, je n’oublie pas bien sûr que c’est avec les Verts que j’ai joué mon premier match en pro. Les quatre tours précédents, on a joué contre des équipes jouant à un niveau inférieur au nôtre. Cette fois on a tiré une belle équipe de L1. Après avoir éliminé Corte (R1), L’Ile Rousse (N3), Noeux-les-Mines (R1) et Nanterre (R2), on va avoir un gros match à jouer face aux Verts. On connaît les capacités de cette équipe mais sur un match tout est possible. On donnera le maximum.

Il y a cinq saisons, tu avais déjà retrouvé les Verts dans cette compétition…
C’était dans un autre contexte, en huitième de finale, avec le Red Star au Stade Jean-Bouin. On a fait à l’époque une belle saison en National 1, ponctuée d’une montée en L2. Et en parallèle on avait fait un beau parcours en Coupe de France. C’était en 2015, moins de trois ans après mon départ de Sainté. C’était le match des retrouvailles avec un club dont j’ai porté les couleurs pendant 6 ans. Comme je l’avait dit à l’époque avant la rencontre sur Poteaux Carrés, j’étais un peu revanchard.

Et en guise de revanche tu avais mis un csc qui avait qualifié Sainté.

Arf ! Un vrai coup du sort, à la 80e minute, sur un centre de Yohan Mollo… Je me souviens qu’on avait joué près de 70 minutes à 10 contre 11 suite à l’expulsion de Julien Ielsch. Les Verts menaient déjà 1-0 suite à l’ouverture du score de Ricky Van Wolfswinkel mais on avait réussi à égaliser grâce à Hameur Bouazza. Malgré notre infériorité numérique et les deux divisions d’écart, on avait joué crânement notre chance, on avait eu des occases. Mais plus le temps passait plus ça devenait difficile, je pense qu’en prolongation on aurait encore plus souffert.

Du coup t’as décidé d’abréger vos souffrances et de donner la qualif au Verts, c’est tout à ton honneur. Tu remets ça dimanche oeuf corse ?
(Rires) Non, je ne pense pas faire un autre cadeau, faut quand même pas abuser !

Même si on a relayé depuis ce match ton parcours via les potins carrés, peux-tu nous le résumer ?
Après deux saisons pleines en Ligue 2 avec le Red Star, j’ai signé en 2017 un contrat de 3 ans avec Platanias, un club de D1 grecque. Mais je ne suis resté que six mois là-bas. Au début ça se passait bien là-bas, mais ensuite il y a eu des retards de paiement puis plus de paiement du tout. Je ne pouvais pas rester là-bas, j’ai été mis à l’écart et j’ai décidé de résilier mon contrat. J’ai eu alors d’autres opportunités à l’étranger mais cette expérience en Grèce m’a un peu refroidi, je ne voualis pas repartir dans une galère. J’ai donc fait le choix de retourner à Andrézieux, où j’avais joué quand j’étais enfant. Il y avait un projet intéressant avec Romain Revelli. Hélas ça ne s’est pas passé comme je l’espérais, je me suis blessé et Andrézieux n’est pas monté en National. J’ai ensuite vécu une période compliquée car j’ai été au chômage pendant six mois. J’ai eu l’opportunité de signer à Bastia Borgo l’hiver dernier, fin janvier. Le club était à l’époque en National 2, on a réussi à monter en National 1 en finissant la saison en trombe par six victoires d’affilée. Du coup j’ai prolongé l’aventure cette été avec le club qui m’avait fait confiance quand j’étais au plus bas.

Le FC Bastia-Borgo n'est pas le plus ancien et le plus connu des clubs corses. Comment le décrirais-tu aux supporters des Verts qui suivent de loin le football insulaire ?
Le FC Bastia-Borgo est issu d’une fusion en 2017 entre d’une part le Borgo FC, qui a connu essentiellement le CFA et avait d’ailleurs eu l’occasion d’affronter la réserve de l’ASSE il y a quelques années, et d’autre part le CA Bastia qui a surtout connu le National comme actuellement mais a aussi évolué une saison en Ligue 2. Le FC Bastia Borgo est un club tout jeune mais déjà en troisième division.
Je trouve que le club est pas mal aussi en termes d’infrastructures. Je pourrais un peu les comparer à celles d’Andrézieux, qui a les ressources pour être en National 1. Même si notre terrain reste un synthétique, on n’a pas grand-chose à envier aux autres. Le club est bien structuré, bien organisé malgré son jeune âge et son ascension rapide à cet échelon. Le FC Bastia-Borgo est un club familial mais assez ambitieux, avec beaucoup d’objectifs, à court, moyen et long terme.
Le club sait où il veut aller et surtout comment y arriver. Dans notre effectif, il y a des Corses et des joueurs venant d’horizons divers et ayant joué à différents niveaux, certains ont un peu connu la Ligue 2, d’autres le CFA ou CFA2. On a un groupe assez homogène et on a gardé l’ossature de l’année passée avec des joueurs de qualité qui nous ont rejoints.

Tu as joué une dizaine de matches cette saison sur les 21 disputés par ton équipe. C’est dû à quoi ?
Je me suis fait une grosse entorse à la cheville en octobre, du coup j’ai été indisponible un mois et demi. Ensuite il a fallu retrouver le rythme, j’ai rejoué le dernier match de l’année contre Laval. On jouait habituellement à trois, comme l’a souvent fait Saint-Etienne cette saison, mais ce dernier match on a joué à quatre donc j’ai joué arrière gauche. Ce n’est pas spécialement mon poste mais c’était pour dépanner. Je ne sais pas à quel poste je jouerai contre Saint-Etienne, on verra dans quel dispositif on jouera contre les Verts.

Es-tu content de jouer ce match à Furiani ?
Personnellement j’aurais préféré que ce soit chez nous, sur notre terrain synthétique de Borgo mais je pense que la capacité du stade n’était pas suffisante pour une telle affiche. Le club espère beaucoup de supporters pour ce match. Pour le spectacle, c’est bien de jouer sur une belle pelouse à Furiani. On n’a pas vraiment d’indications à ce sujet, mais on peut supposer qu’il y aura une belle affluence pour ce match. On est le dernier club corse encore en lice en Coupe de France, on accueille une équipe de Ligue 1 et pas n’importe laquelle. Les Verts ça reste les Verts, c’est un club prestigieux et attirant. Je pense que cette affiche va attirer du monde, pas que les supporters du FC Bastia-Borgo. Est-ce qu’il y aura de supporters stéphanois qui feront le déplacement ?

Ce n’est pas gagné, la grosse commission ayant décidé de fermer le parcage des supporters stéphanois lors des deux prochains matches…
Je savais qu’ils n’avaient pas le droit d’aller au Parc pour le quart de finale de Coupe de la Ligue mais j’ignorais qu’ils étaient aussi privés de déplacement en Corse. Je suppose que ça fait suite à ce qui s’est passé lors du match à Geoffroy contre Paris. Les supporters savaient à quoi ils s’exposaient mais les fumigènes, c’est une fête. C’est toujours dommage qu’une équipe ne puisse pas venir avec ses supporters. Le football reste un spectacle, c’est toujours mieux que les supporters des deux camps mettent l’ambiance plutôt que d’avoir un seul groupe.

Il est fort probable que Wahbi Khazri fasse son grand retour à l’occasion de ce match de Coupe de France. Il sera dans son jardin à Furiani, pour y avoir claqué 26 pions. Le considères-tu comme le danger numéro 1 pour ton équipe en l’absence de Denis Bouanga ?
On connait tous les qualités de ce joueur mais on sait aussi que Saint-Etienne compte d’autres éléments dangereux. On verra quel onze Claude Puel va aligner contre nous. De notre côté il ne faut pas se focaliser sur les individualités de Saint-Etienne. On essaiera de se focaliser sur nous. Dans un match de Coupe de France surtout, tout peut se passer. Sur un match on sait qu’on peut l’emporter. Je pense que ce serait un tort de faire une fixette sur Wahbi Khazri. Claude Puel fera sans doute jouer aussi des jeunes joueurs offensifs de qualité.

Que penses-tu de cette jeune génération de joueurs de l’ASSE ?
Je connais certains de ces jeunes car j’ai pu m’entraîner avec eux quand j’étais au chômage, avant de signer à Bastia-Borgo. Grâce à Laurent Batlles et à la direction, j’avais pu m’entraîner pendant quelques semaines en octobre-novembre 2018 avec la réserve, comme ont pu le faire également d’autres anciens Verts comme Bayal Sall et Albin Enbondo. J’avais besoin de me maintenir en forme pour faire les matches de qualification de l’équipe de France pour la Coupe du monde militaire qui s’est déroulée en octobre dernier en Chine. Lorsque je me suis entraîné à L’Etrat, j’ai côtoyé des garçons comme Wesley Fofana, Charles Abi, Bilal Benkhedim, Marvin Tshibuabua… Pas William Saliba, qui jouait déjà avec les pros à l’époque. Je suis content que tous ces jeunes aient leur chance en équipe première. Ils ont de la qualité.

La génération Gambardella est mieux représentée en équipe première qu’à ton époque !
J’ai eu la chance de disputer comme eux une finale au Stade de France en 2011, on l’avait perdue à l’époque aux tirs au but contre Monaco mais ça reste une belle aventure. Eux ont remporté le trophée et ils ont aujourd’hui en équipe première un entraîneur comme Claude Puel qui fait confiance aux jeunes et n’hésite pas à les lancer. A notre époque c’était un peu moins le cas, c’était différent. Je pense qu’il y avait autant de qualités dans notre groupe mais à cette période-là il y avait une autre politique. Quoi qu’il en soit c’est bien que de nombreux vainqueurs de la Coupe Gambardella aient du temps de jeu avec les pros. Le club a l’ambition de faire jouer ses jeunes au plus haut niveau pour les faire progresser. Cela permettra à l’ASSE de sortir plus de joueurs que par le passé. Ce serait dommage de n’en sortir qu’un ou deux alors qu’il y a la capacité de faire le double ou le triple vu le centre de formation qu’il y a ici.

Aujourd’hui, quel est ton rapport avec l’ASSE ?
J’ai des amis qui supportent les Verts. Je ne suis pas le parcours de Sainté avec la même ferveur que certains de mes amis, mais je jette quand même un coup d’œil quand il y a des matches de l’ASSE. Je regarde le classement des Verts puisque des amis m’en parlent. Forcément, je suis un peu le parcours de Saint-Etienne. Je regarde les matches des Verts comme je peux regarder des matches d’autres clubs comme Paris. Pas tout le temps mais suffisamment pour avoir un avis sur cette première moitié de saison. Il y a eu plusieurs phases : la première avec Printant, où ça s’est mal goupillé, il n’y a qu’en interne qu’ils peuvent savoir quelles erreurs ils ont commises. L’arrivée de Puel a fait du bien aux Verts, ça leur a fait un électrochoc. Mais les Verts ont connu un mois de décembre difficile, avec plusieurs défaites. Sainté a donc replongé à la 14e place mais n’est qu’à quatre points du 5e Nantes, sachant que les Verts recevront les Canaris lors de la reprise de la L1. On voit qu’un paquet d’équipes se tient en peu de points. Cette 14e place des Stéphanois ne reflète pas le potentiel de leur équipe.

Tu évalues à combien les chances de ton équipe de créer l’exploit face à Sainté ce dimanche ?
Pour moi c’est du 50-50 ! Nous on a repris l’entraînement dès samedi, Sainté a réattaqué seulement ce mardi. Nous sommes déterminés et je considère qu’on a toutes nos chances. La Coupe de France, c’est particulier, les écarts de division ne se voient pas toujours sur le terrain. La saison passée, l’OM avait aligné sa grosse équipe dans le Chaudron contre Andrézieux, mais au final les Marseillais ont perdu 2-0 sans qu’il n’y ait rien à redire. J’estime que ce 32e de finale de Coupe de France contre Saint-Etienne est ouvert.

Ne crains-tu pas que Sainté prenne ce match très au sérieux ? Les Verts ne sont pas sûrs et certains de gagner leur quart de finale de Coupe de la Ligue au Parc et ils auront du mal à redevenir européens via le championnat, du coup la Coupe de France devient un vrai objectif. Par ailleurs votre défense ne semble pas imperméable, seul Le Puy a encaissé plus de buts que le FC Bastia Borgo cette saison en N1 !
J’en ai conscience mais je persiste à penser qu’on a toutes nos chances. Saint-Etienne sera logiquement favori ce dimanche, on reste le petit club de N1 contre le gros de L1 mais on va livrer une bataille. On est prêt à batailler 90 minutes ou 120, voire au-delà, et le meilleur l’emportera. On a des atouts et on va tout faire pour renverser le gros comme ça se produit parfois en Coupe de France. Je ne sais pas encore quelle tactique sera mise au point. On a une équipe basée essentiellement sur la possession. On peut faire des attaques rapides. Mais on peut aussi jouer plus bas et contrer. On s’adapte à l’adversaire mais on aime bien avoir le ballon. C’est le souhait du coach, il nous pousse à repartir de derrière.

Recevoir les Verts, c’est une belle affiche mais votre match le plus important n’est-il pas celui qui aura lieu cinq jours plus tard à Concarneau, un de vos concurrents pour le maintien en National 1 ?
L’objectif du club, c’est de se maintenir en National 1. C’est vrai qu’on va réattaquer le championnat chez un de nos concurrents directs. Le match contre Saint-Etienne va faire parler du club et de tout ce qui va avec. Mais on n’oublie pas la lutte qui nous attend pour le maintien. Ce match de Coupe de France reste un match très important pour nous car il nous permettra de préparer au mieux ce déplacement à Concarneau.

Pas de blague Pierrick, vous levez le pied dimanche, vous nous laissez gagner dans le temps réglementaire car vous devez garder vos forces pour le match capital qui vous attend dans le Sud Finistère !
C’est bien essayé mais je ne crois pas qu’on va faire l’impasse sur ce match contre Sainté ! Je serai là pour remobiliser tout le monde afin qu’on se qualifie pour les 16es de finale. Surtout que je me dois une revanche après ce match perdu avec le Red Star il y a cinq ans.

Tu es le seul joueur de l’effectif de Bastia-Borgo à avoir joué en Ligue 1, une vingtaine de minutes lors d’une défaite 3-0 à Lorient à l'époque où KMP était encore Merlu. Ambitionnes-tu de rejouer à ce niveau ?
J’ai mes objectifs en tête, je les garde pour moi. Je vais essayer de retrouver le monde professionnel. Mais je n’oublie pas d’où je viens et ce qui s’est passé dans ma carrière, avec des hauts et des bas il n’y a pas si longtemps… On connaît ce milieu mais quand on vit les choses, on analyse les situations différemment. C’est pour ça qu’aujourd’hui je prends encore plus de recul. A mon âge – je vais sur mes 28 ans – on prend de la maturité et on fait avec sa famille des choix différents que ceux effectués plus jeune. C’est vrai que rejouer au plus haut niveau reste toujours dans un coin de ma tête. Mais chaque chose en son temps. Tout vient à point à qui sait attendre. Le plus important dans l’immédiat c’est de bien démarrer cette deuxième partie de saison pour maintenir le FC Borgo-Bastia en National 1. Ensuite mes objectifs personnels viendront tout naturellement si ça s’enchaîne comme on le souhaite.

Bonne chance pour la suite de ta carrière et que le meilleur gagne dimanche !
Oui, que le meilleur gagne ! Je souhaite une bonne deuxième partie de saison aux Verts, j’espère que l’ASSE va remonter au plus vite au classement en Ligue 1.

Et qu’elle va remporter la Coupe de France, 43 ans après ?
Ah oui quand même, 43 ans… ça commence à faire long ! Mais le déplacement des Verts en Corse ne sera pas de tout repos à mon avis. Le contexte est toujours un peu là, ce ne sera pas une partie de plaisir pour les Stéphanois. S’ils veulent aller au bout et soulever le trophée, il faudra déjà qu’ils nous battent. Ce ne sera pas chose facile. Contre le Red Star ça n’avait pas été facile pour les Verts.

Merci à Pierrick pour sa disponibilité