C’est un canari pure souche.

Qui explique que son premier match marquant à la Beaujoire fut un Nantes-Sainté de 2001 de très sinistre mémoire. (Faux) passeport pour la D2 pour les Verts. Acte fondateur de l’histoire nantaise de Jordan Veretout.


Il a 8 ans, et ce soir-là, il envahit la pelouse de la Beaujoire pour fêter le titre.
15 ans plus tard, Nantes n’entrevoit plus que de très loin les sommets de la Ligue 1. Quant au supporter Vert, oublieux de ce que pouvait être une saison en enfer, il est parfois blasé. Bref, Bob avait raison, times, they are changing, au point que le dernier fleuron de la formation nantaise vient de poser ses valises dans le Chaudron.


Comme bien d’autres victimes très consentantes de ce foot fou, Veretout revient certes à la case départ mais non sans avoir au préalable touché 20 000F de l’autre côté de la Manche. Dans les choux avec Aston Villa, il consent à revenir faire ses (Birmin) gammes en Ligue 1, là où il y a à peine plus d’un an, à défaut de luxe, tout n’était alors pour lui qu’ordre et beauté, calme et volupté.
Son parcours semblait en effet immaculé jusqu’à juin 2015. Son ascension presque planifiée, inéluctable, annoncée par tous ceux qui l’ont guidé depuis son arrivée à 10 ans au club. Stéphane Ziani, son entraineur en U19 à Nantes lui répétait ainsi : « Tu y arriveras, tu seras un jour au plus haut niveau ».
Cette trajectoire régulière et balisée en club (Gambardella, réserve, puis premiers pas en pro à 18 ans) comme en bleu (u18, u19, u20 avec qui il sera champion du monde en 2013, Espoirs) est sans aspérité. Au point qu’elle inspire un journaliste qui décrira ce parcours dans un livre sobrement intitulé Jordan Veretout, profession footballeur.

Landry Chauvin, l’entraîneur de ses premiers pas en Pro en Ligue 2 décrit ainsi les qualités de Veretout : « Aujourd'hui, il court et tu ne peux pas être footballeur de haut niveau si tu ne cours pas 90 minutes. Il est en permanence en lecture du jeu. S'il continue dans ce registre, il est promis à un bel avenir. » Le même Chauvin ajoutait aussi : « Je sens que très vite, il se fixera devant la défense. »
Des compliments et une progression qui sentent bon la sueur et la détermination, plus que les facilités. Ce qui, pour un supporter stéphanois, rappelle la carrière d’un Juju Sablé. Même poste, même progression, même premier bonheur professionnel, avec pour Veretout, la remontée nantaise en 2013 («c’est un jour qui restera gravé. Le FC Nantes attendait cela depuis 2009. J’ai eu la chance de le vivre, de faire remonter le FC Nantes avec mes coéquipiers. Partager cette joie avec tout un staff, mes collègues, ma direction et les supporters qui nous ont soutenus toute la saison, c’est quelque chose de fort.»)


Seule petite vague dans la montée en régime de l’ex-canari, le douloureux épisode de l’élimination des Espoirs en Suède. En octobre 2014, Veretout assiste depuis le banc au naufrage des Bleuets (défaite 1-4 la privant de l’Euro. Il ne mâchera pas ses mots quelques jours plus tard au sujet du fameux chambrage de Kurzawa : «On n'avait pas à faire ces signes-là. On est l'équipe de France, une bonne nation, il faut rester humble. Normalement on devait gagner ce match et à cause de petits trucs comme ça on le perd».
Cette rare sortie médiatique, signe d’une assurance certaine intervenait au début de ce qui fut sa saison la plus aboutie, celle de la révélation aux yeux du grand public. Il boucle en effet sa 4ème saison en pro (2 en Ligue 2, 2 en Ligue 1) avec des stats prometteuses pour un relayeur : 36 matchs, 7 buts (dont 4 pénal).
De quoi attirer les regards Outre Manche. Même s’il tient absolument à le garder, Kita finit par céder, kita à s’asseoir sur quelques millions comme le révèlera le joueur lui-même à peine débarqué à Aston Villa : «Leicester a offert plus d’argent pour m’avoir. Quand j’ai parlé avec le président, il m’a compris et a agi très correctement. Je pense aussi qu’un joueur doit agir de façon responsable et s’entraîner correctement. Si on se comporte comme ça toute sa carrière, on finit par arriver où on mérite d’être. »
Une déclaration qui prête à sourire au regard des saisons extrêmes que vécurent les deux clubs Anglais l’an dernier… S’il n’a guère brillé et a beaucoup souffert à Birmingham, Jordan aura néanmoins eu du temps de jeu (21 titularisations en Premier League), en particulier suite à l’arrivée du vilain Rémi Garde au club.


A défaut d’avoir du nez, Veretout semble avoir la tête sur les épaules. Il a donc choisi le cadre approprié pour reprendre son ascension, calmement, posément. Seul hic, ce prêt sans option d’achat qui empêche toute construction sur le long terme pour le joueur, comme pour le club.

D’où cette interrogation : au pays des crassiers, Veretout vivra-t-il le court et funeste destin d’un canary in a coalmine ?