Les rendez-vous ratés avec le sommeil sont le lot des supporters verts le dimanche soir.
On tourne, dans nos lits comme dans nos têtes en cherchant des raisons de ne pas désespérer.
Les images défilent-de-fériste, le funambule vert vacille, s’accroche aux rares raisons d’y croire : la rentrée convaincante d’un Landrin tellement plus propre qu’Hautcoeur, les retours prochains de Matuidi, Payet et Dabo, la médiocrité certaine de nos compagnons de galère normands, (presque) bretons, et lorrains.
Et puis, dans cette quête forcément vaine de voir le vert en rose, mes pensées s’arrêtent sur l’image de cette gerbe de fleur déposée devant le Kop Nord et rebondissent du désespoir à l’ironie puis au cynisme.
Ironie sur cette expression dépôt de gerbe qui dit si bien le dégoût profond ressenti face à l’incroyable gâchis de cette saison. La nausée abonde d’assister impuissants au spectacle d’un collectif qui ne réagit pas face à l’urgence de la situation.
Cynisme, en songeant, qu’au fond les seules marques de réconfort dont ces joueurs sont capables à destination de leur public sont ces témoignages hypocrites d’une compassion de circonstance. Compassion routinière, compassion procédurière, tant ces minutes de silence sont devenues systématiques. A se demander si au club, il n’y a pas un chef de projet cérémonies et recueillement chargé de scruter la rubrique nécrologique du Progrès. Qui croira une seconde que la tristesse qu’affectent les joueurs est réelle ? Et si elle ne l’est pas, à quoi bon ? Et si le public n’attendait pas tout simplement autre chose de son équipe ? Qu’elle le respecte non pas simplement par une gerbe de fleurs, mais aussi, surtout, en montrant une combativité à toute épreuve, une envie de s’en sortir ensemble, quelles que soient les destinées individuelles de fin de saison ? Car le seul baume utile à notre cœur de sups meurtri reste la victoire.
Mais l’aigreur m’égare sans doute. En creusant un peu ce dépôt de gerbe aura au moins permis de valider notre titre de champion de France des minutes de silence. Ce recueillement parfait, rarement entrevu ailleurs fut le seul moment d’émotion et de fierté vertes de la soirée. On a les satisfactions qu’on peut.
A la fin du match, seuls Hautcoeur, Grax et Janot ont eu le courage de déposer leur maillot auprès des fleurs. Les autres avaient-ils déjà oublié le supporter décédé ou bien ont-ils eu peur d’affronter ce public, peut-être parce qu’ils ne s’en savent pas dignes ?
La caméra nous offre un dernier plan saisissant sur ce maillot d’Hautcoeur déposé à terre près de la couronne. Manquait plus que le sous-titre : ASSE 1933-2009.