Formé à Saint-Etienne où il est né et a débuté en première division, Willy Sagnol a été champion de France avec le Monaco de Claude Puel avant de devenir l'un des meilleurs latéraux droit du monde avec le Bayern Munich. Il s'est confié à Poteaux Carrés avant le match que les Verts joueront ce mercredi soir sur le Rocher.
Willy, que deviens-tu en cette fin d'année 2020 ?
J'ai quitté RMC Sport en mai dernier. J'y ai passé deux belles années. C'était une nécessité familiale de ne pas être sur un projet sportif pendant quelques temps. Maintenant j'aimerais repartir sur un nouveau projet. Le Covid a freiné certaines choses mais j'y pense pour les prochains mois.
Tu privilégies un banc en L1, à l'étranger ou bien un rôle d'adjoint comme tu l'as connu au Bayern en 2017 ?
On verra ! Au Bayern, j'ai eu l'opportunité de travailler avec Carlo Ancelotti qui est l'un des meilleurs techniciens du monde. J'ai pu apprendre beaucoup à ses côtés même si ça n'a pas duré autant que ce qu'on espérait. Mais cette période m'a permis de m'ouvrir à d'autres aspects du métier d'entraîneur. C'était une expérience courte mais positive.
Rien ne remplace l'adrénaline du banc, le rôle de numéro 1 ?
L'adjoint a aussi pas mal d'adrénaline ! C'est un rôle différent dans l'approche. Mais il y a beaucoup d'opportunités et pas forcément sur un banc. Il y a beaucoup de choses à faire.
Revenons sur tes débuts à Sainté. Tu intègres le centre de formation en 1990, est-ce que tu as l'envie de devenir pro au départ ?
L'envie, non ! Il faut se remettre dans le contexte d'il y a 30 ans. Les jeunes ne rêvaient pas de devenir joueur professionnel. Aujourd'hui, vous demandez aux gamins, il y en a plein qui vont te dire qu'ils veulent être joueur de foot. Il y a plus de médiatisation, d'argent. Cela représente une réussite, un ascenseur social. Cela attire beaucoup de convoitises, c'est un rêve pour les enfants.
Ce n'était pas le cas à l'époque. Puis, j'étais un local ! Je venais de Saint-Etienne et porter le maillot vert en équipe de jeunes c'était déjà génial. On ne pensait pas à l'avenir. En plus à l'époque, les joueurs locaux n'étaient pas forcément mis en avant. On entendait toujours cette rengaine "vous êtes de la région, soyez heureux d'être là, ne pensez pas à un contrat stagiaire ou aspirant ..." On ne me laissait jamais entendre que l'issue allait être ce qu'elle allait devenir. Mais d'un côté, ça m'a enlevé pas mal de pression et d'obligation de performance.
Qui repère ton potentiel au centre de formation ?
J'avais fait un ou deux bancs avec Elie Baup avant mon premier match. Il se fait licencier juste après, et c'est le tandem Bossis - Larièpe qui me met titulaire pour la première fois.
Et pas n'importe quel match !
Oui, un derby !! (ASSE 1-1 OL, 27 février 1996, ndp2) C'est bien parce que je ne convoitais pas forcément une titularisation et c'est arrivé comme ça. Je n'avais pas de pression ou de doute.
A l'époque, beaucoup de gens ont été importants pour moi. Je pense à François Blaquart, qui était directeur du centre de formation. Jacques Santini également qui, même s'il n'était plus coach, restait dans l'entourage du club. Et surtout, les éducateurs du club m'ont marqué. C'est eux que tu côtoies au quotidien, tu les vois tellement qu'ils deviennent des deuxième papa. L'un d'entre eux m'a particulièrement marqué, c'est Paquito Perez, le père de Sébastien. Je l'ai vu pour la première fois, je devais avoir 11-12 ans et j'ai adoré ce monsieur. Mais la formation était beaucoup moins structurée à l'époque par rapport à aujourd'hui.
Tu termines cette saison 1995-1996 avec 10 matchs au compteur, Dominique Bathenay est sur le banc et ça se termine par une relégation en D2, comment tu le vis ?
Je suis arrivé assez tard dans la saison, puisque mon premier match, le derby, est en février. L'équipe était déjà dans le fond du classement. Économiquement, on savait que le club était en difficulté. Il y avait beaucoup de jeunes joueurs, les anciens ne jouaient plus vraiment leur rôle à ce moment-là. La relégation était inévitable.
Et ce n'était pas mieux la saison suivante 1996-1997, puisque l'équipe se battra en D2 pour ne pas descendre en National.
Si on regarde bien, on avait bien débuté la saison. Les six premiers mois sont bons, on est dans le premier tiers du classement. Je me rappelle de Samba Ndiaye qui avait fait six mois en feu en marquant plein de buts. Mais à ce moment-là, les difficultés financières rattrapent le club. Grégory Coupet doit partir pour Lyon et moi je signe à Monaco dès le mois de janvier. En plus, Samba Ndiaye ne marque quasiment plus sur la deuxième partie de championnat. C'était très compliqué mais on s'est maintenus. Si le club avait connu une deuxième descente consécutive, ça aurait été dramatique.
Monaco vient te chercher dès le mercato hivernal ?
Oui, je signe entre décembre et janvier. J'étais très jeune donc je n'ai pas compris les montages entre les clubs mais ils se mettent d'accord dès le mois de janvier. En fait, il faut comprendre que je n'avais pas de contrat pro alors même que j'étais le capitaine de l'équipe. Sainté m'a donc fait signer mon contrat pro à ce moment-là pour pouvoir obtenir un transfert, sinon je partais gratuitement.
Et c'est un transfert qui sauve le club financièrement.
Oui, comme celui de Greg. Mais ça se fait très vite, moi je n'avais pas de conseiller, mes parents sont de la campagne, on était loin de tout ça. Quand on m'a dit "Monaco te veut", je ne me rappelle pas avoir dit que je voulais y aller. On m'a presque dit "il faut y aller", donc j'y suis allé.
Tu serais resté à Sainté malgré tout ?
Je ne dis pas ça. On était en D2, c'était compliqué. Monaco s'intéresse à moi au moment où ils vont devenir champions en 1997. Il y avait de grands joueurs. Mais il n'y avait pas de question à se poser en fait. Le président Philippe Koëhl m'a dit "il faut absolument que tu signes, on a des impératifs économiques, il faut que ça se fasse".
Comment on gère la transition entre Saint-Etienne, 17eme de D2, et Monaco qui vient d'être sacré champion de D1 quand tu arrives à l'été 1997 ?
Sportivement, oui même si je connaissais quelques joueurs de Monaco que je côtoyais en Equipe de France de jeunes comme Henry ou Trezeguet. Ils m'ont aidé à m'intégrer. C'était plutôt la vie en général qui était différente. Je suis né à Saint-Etienne, j'ai vécu à la campagne à 30km de Sainté. J'arrivais dans un monde de luxe, d'argent, de paillettes ... Les six premiers mois ont été compliqués pour moi dans ma construction d'adulte.
Beaucoup de joueurs pointent ce problème à Monaco, c'est parfois dur de se concentrer sur le foot.
J'y parvenais malgré tout. Mais je n'étais pas habitué à voir de belles voitures, à aller manger au restaurant et payer quatre fois ce que je payais à Saint-Etienne pour manger la même chose. Je n'avais pas été éduqué comme ça donc il m'a fallu un temps d'adaptation. Mais beaucoup de joueurs m'ont aidé à m'adapter comme Ali Benarbia, Fabien Barthez, Franck Dumas, Sylvain Legwinski ...
Tu gardes quand même le lien avec Saint-Etienne à l'époque ?
Je rentre voir mes parents mais c'est plus compliqué de voir les copains. On jouait déjà la Coupe d'Europe avec Monaco donc c'était dur de revenir. Mais à chaque vacances, je passais par Saint-Etienne.
Et c'est à Monaco que tu rencontres Claude Puel, quel souvenir gardes-tu du coach, de l'homme ?
Je l'ai côtoyé environ 1 an et demi. Avant lui, c'était Jean Tigana. Claude a pris la succession. Souvent, j'entends dire que Puel est un mec dur mais il s'est un peu assagi avec le temps, car au début c'était très dur avec lui (rires). Il avait une exigence extrême. Humainement c'est quelqu'un de génial. Il a des principes et des valeurs. Parfois il peut avoir du mal avec des gens qui ne partagent pas ses principes de loyauté, de sérieux, d'abnégation, d'honnêteté ... Mais moi je n'en garde que des bons souvenirs. On s'est recroisé quand il était à Nice et moi à Bordeaux, et c'est toujours avec beaucoup de plaisir.
C'est l'entraîneur qu'il faut aux Verts ?
Ah oui ! Même s'il y a une crise de résultats en ce moment. La victoire à Bordeaux leur a fait du bien comptablement et sur le plan de la confiance. Quand on regarde les Verts jouer, on peut voir quelques erreurs certes. Je trouve qu'on a du mal à finir certaines actions offensives mais il y a un très bel état d'esprit sur le terrain. Les joueurs essaient de jouer, de repartir de derrière même dans la difficulté. C'est très positif. Claude Puel a su créer cet état d'esprit et le symbole c'est la paire Camara - Neyou au milieu que je trouve très complémentaire et super intéressante.
Tu n'es pas inquiet pour l'opération maintien ?
Non. Sainté a de la consistance dans le jeu, dans l'état d'esprit, dans les efforts par rapport à d'autres clubs mal classés.
Tu penses quoi d'un joueur comme Yvann Maçon qui occupes ton poste de latéral droit ? Son début de saison - sur le côté gauche - a soulevé pas mal d'enthousiasme avant sa blessure.
Pour juger un joueur, il faut le voir sur la durée. Malheureusement, sa blessure fait qu'on peut difficilement le juger. Il démarre à ce niveau L1. Pour lui, le plus important va être de bien récupérer de sa blessure. Il faut du temps, du courage. Quand on revient après ce genre de blessure, on veut tout casser mais il faut faire attention. Il y aura des coups de mou, des coups de moins bien. Il ne faut qu'il soit trop impatient. Mais on sent qu'il a un vrai bon potentiel. Après, dans le foot, il y a plein de bons joueurs avec du potentiel ... mais ce qui fait qu'un joueur grandit c'est aussi les joueurs qui l'entourent.
Il y a Mathieu Debuchy pour ça !
Ah Mathieu, il connaît le poste parfaitement. Si j'étais Yvann Maçon, je passerais mon temps à observer Mathieu ! Il est toujours au niveau à 35 ans. Ce qui lui permet d'être encore performant à son âge, c'est aussi qu'il a un peu moins joué à Arsenal à une époque et le corps a pu possiblement moins s'user que certains autres joueurs.
Venons-en au match de mercredi, selon toi Monaco reste favori face aux Verts ?
Oui, Monaco est obligé d'être favori vu l'effectif, leur position au classement. Mais Monaco est un peu irrégulier depuis le début de saison. Défensivement, c'est friable. Je ne suis pas convaincu par leur défense actuelle. Il y a de la taille, ils sont bons dans les duels mais il y a beaucoup d'erreurs de naïveté, de jeunesse. Disasi et Badiashile sont des jeunes joueurs, ce n'est pas un poste évident à cet âge-là. Sur la lecture des trajectoires, des mouvements adverses, ils sont perfectibles. C'est là que Sainté doit insister. Ils sont souvent pris dans leur dos, ils se font aspirer. Une clé du match peut être là : exploiter l'espace dans le dos des deux centraux monégasques.
Tu es stéphanois pour ce match ou un peu partagé ?
Forcément un peu partagé mais je suis né à Saint-Etienne, formé à Sainté. Je ne suis pas autre chose qu'un stéphanois donc forcément, ça penchera un peu plus côté vert. J'ai passé 10 ans au club alors que je ne suis resté que 3 ans à Monaco. Forcément, mon cœur balance côté stéphanois, c'est une certitude. Je ne m'en suis jamais caché (rires) ! Mais ce sont deux clubs que j'aime énormément, je ne leur souhaite que des bonnes choses. J'espère que Monaco sera européen et que Saint-Etienne remontera au classement et aura plus de sérénité pour faire progresser ses jeunes.
Tu restes stéphanois malgré tout ! Tu as même eu ton siège au conseil de surveillance à une époque, c'était un plan de carrière de revenir à la maison ?
Non absolument pas ! Roland Romeyer et Bernard Caïazzo m'ont demandé si cela pouvait m'intéresser. Malheureusement, le club à l'époque était très instable tant sur le terrain qu'en dehors. Je sortais de 10 ans de vie au Bayern. J'étais devenu complètement allemand dans ma manière de faire et voir les choses. Et il y avait beaucoup de choses que je ne comprenais pas. Peut-être que j'aurais dû me laisser plus de temps ? Au bout de 5-6 mois, j'ai jeté l'éponge parce que je n'étais pas mûr pour accepter que les choses ne soient pas carrées (rires). Quand on vit en Allemagne aussi longtemps, a fortiori au Bayern où les choses sont carrées, c'est compliqué de se réadapter à une autre façon de voir le foot.
Sainté te semble plus "carré" aujourd'hui ?
Je n'ai pas le nez dans les comptes et l'organisation du club. Je sais que financièrement c'est compliqué comme beaucoup d'autres clubs en France. Mais Claude est un bâtisseur. Sainté a besoin de ça. Maintenant, est-ce qu'il doit avoir sa place au directoire ? Je n'ai pas forcément d'avis, ça semble un peu étrange vu de l'extérieur mais si ça marche comme ça, tant mieux. En tout cas, il faut bâtir quelque chose. Ces dernières années, il y a eu trop de mouvements, de personnes qui n'ont pas voulu construire à long-terme. Cela permettra d'éviter les saisons plus délicates. Si on ne voit que d'une saison à l'autre, à un moment, c'est la catastrophe.
C'est l'après Galtier qui n'a pas été bien géré ?
Galette a fait du très bon travail ! Mais quand on voit ses dernières années, l'effectif était composé de beaucoup d'anciens. Donc il n'y avait pas beaucoup de valeur économique. Vendre des joueurs était donc difficile et vu que les clubs français vivent sur leurs ventes, c'est compliqué. Pendant l'ère de Christophe, il aurait peut-être fallu quelqu'un en interne qui ait une responsabilité pour le futur. On s'est trop occupé du présent sans se soucier de l'avenir. Malheureusement, les années qui ont suivi donnent raison sur cette façon de voir les choses.
Et dans l'absolu, tu aimerais revenir jouer un rôle au club ou bien c'est terminé Sagnol à l'ASSE ?
Je ne dis pas que je ne veux pas. Mais aujourd'hui, je sais ce que je veux dans ma vie. Quand tu pars dans un projet, j'ai appris qu'il faut que tout le monde partage la même vision, les mêmes objectifs à moyen et long terme. Après, tu peux envisager certaines choses. Je ne peux pas m'épanouir dans des environnements instables. Quand on s'est séparés en 2010, il y a eu beaucoup de rancœur entre tout le monde mais de l'eau a coulé sous les ponts. Avec Roland, on est en contact, on s'écrit, on se parle toujours. Roland, je l'ai connu quand il était dirigeant de l'équipe réserve. Il m'a connu tout bébé ! Mais de là à dire qu'à l'avenir, il y ait une collaboration, pour l'instant ce n'est pas d'actualité.
Peut-être un jour ?
Le football est un petit monde, tout le monde se croise, se recroise ... Mais en ce moment, Sainté a besoin d'un seul chef et aujourd'hui c'est Claude Puel et c'est bien comme ça. Clémenceau disait : "Le pouvoir c'est une question de chiffres impairs et trois c'est déjà trop".
On notera qu'on a quand même deux présidents ...
(Rires) ! Oui mais bon ce ne sont pas eux qui sont sur le terrain et c'est l'entraîneur qui décide !
Merci à Willy pour sa disponibilité