Ancien défenseur des Canaris et ex-directeur sportif des Verts, le grand Max s'est confié à Poteaux Carrés avant le match qui opposera les deux clubs ce soir à Geoffroy-Guichard.


Sainté-Nantes, ça évoque quoi pour toi Maxime ?

C’était LE match, l’affiche pour nous Nantais la plus importante au niveau national et certainement aussi pendant de longues années pour les Stéphanois. C’était une opposition de style très intéressante entre des Stéphanois peut-être un petit peu plus forts physiquement, athlétiquement et le jeu à la nantaise d’antan. Cela faisait à chaque fois de beaux matches dans des ambiances extraordinaires, que ce soit à Marcel-Saupin ou à Geoffroy-Guichard. C’étaient toujours de grands moments.

Les supporters des deux clubs ne s’aimaient pas forcément, il y avait une certaine concurrence à défaut de réelle animosité. Nous les joueurs on était très amis avec les Stéphanois, on se côtoyait en équipe de France, on avait du plaisir à se retrouver. Sur le terrain par contre on ne se faisait pas de cadeaux mais ça se déroulait toujours dans un bon état d’esprit. C’était une saine rivalité même si on se disputait le titre pratiquement chaque saison.

Tu as joué 24 matches contre les Verts avec les Canaris. Nous étions tes adversaires favoris ?

Je n’avais pas fait le décompte mais ça ne me surprend pas d’en avoir joué autant car j’ai le souvenir d’avoir joué le premier lors de ma première saison en pro en 1973 à l’époque de José Arribas. J’ai dû jouer le dernier match contre les Verts la saison 1990-1991, quand je suis retourné à Nantes pour finir ma carrière de joueur.

J’ai eu l’occasion d'affronter les Verts entretemps avec le Racing Club de Paris y compris ma première saison dans la capitale. Les deux clubs avaient fini à la première place de leur groupe de deuxième division et les deux clubs se sont affrontés pour le titre honorifique de champions. On avait gagné au Parc avant d’être sacré à Geoffroy-Guichard en faisant 1-1 après prolongation. Au final je me rends compte que j’ai dû jouer plus d'une trentaine de matches contre les Verts dans ma carrière, on était fait pour se rencontrer ! (rires)



Pour l’anecdote, si j’ai choisi Nantes pour plein de rasions - géographiquement notamment car je suis né à Saint-André-Treize-Voies, un village vendéen situé à 40 km de Nantes – j’ai failli faire un stage d’essai avant la grande époque stéphanoise. À l’époque Pierre Garonnaire me suivait lors des pré-sélections, venait souvent à Vichy pour les cadets et juniors de France. Lors de la saison 1970-1971, il m’avait proposé de faire un essai. J’avais donné mon accord de principe au FC Nantes, sinon je serais allé là-bas et j’aurais pu peut-être – même si je ne regrette rien – faire partie de cette génération.

Quelles sont les confrontations entre Nantes et Saint-Etienne qui t’auront le plus marqué ?

J’en citerai deux. Le premier, c’était un match à Marcel-Saupin, la saison 1975-1976, deux mois avant la finale de Coupe d’Europe des Verts à Glasgow. Ce jour-là j’ai marqué, ça ne m’arrivait pas tous les jours ! (rires) je monte un peu côté gauche, je passe le rond central, en ne sachant pas trop quoi faire faute moi qui avais alors l’habitude de m’appuyer sur un partenaire, j’ai tenté ma chance de 25 bons mètres . Le ballon est bien parti. Je peux dire que j’aurai mis un but au mythique Ivan Curkovic !


On avait gagné 3-0 en championnat. C’était souvent le tarif pour les Verts chez nous mais par contre les Stéphanois nous battaient presque tout le temps à Geoffroy-Guichard. Je ne sais pas pourquoi on se rencontrait en définitive ! (rires) Ceci étant, je crois avoir gagné quand même une ou deux fois dans le Chaudron alors que je n'ai pas le souvenir d'avoir perdu contre Saint-Etienne à Marcel Saupin.

Ce que je garde aussi en mémoire, c’est la double confrontation en demi-finale de Coupe de France en 1977, l’année où j’ai gagné le premier de mes trois titres de champion de France. On avait gagné 3-0 à l’aller à Saupin et on perd 5-1 après prolongation à Geoffroy-Guichard dans une ambiance indescriptible. Même si c’est un souvenir qui reste douloureux pour nous Nantais, j’ai le souvenir d’un match de très haut niveau. Eric Pécout avait ouvert le score mais l’arbitre a refusé le but dans des conditions un peu limites. Derrière, on souffre énormément. Je me souviens, j’étais en face de Dominique Rocheteau, il était intenable.

Les Verts menaient 3-0 à la pause, le score n’a plus bougé en seconde période. En prolongation, Henri Michel met un coup franc en pleine lucarne. On pensait vraiment à ce moment-là aller en finale mais les Verts ont mis un quatrième but à cinq minutes de la fin. C’est Hervé Revelli qui a marqué le but de notre élimination à quelques secondes de la fin d’une improbable tête en arrière. À la fin on était atterré, c’était cruel d’échouer si près de la finale après un tel scénario.



Le pire c’est que tu as vécu ça à nouveau cinq ans plus tard avec les Bleus lors de la mythique et tragique demi-finale à Séville. Là encore ton équipe menait 3-1 après prolongation.



Mais je nous fais du mal, revenons à cette demi-finale retour contre Nantes.


Tu remues deux couteaux dans la plaie, là ! (rires) Le premier reste moins douloureux car on a été champions de France cette saison-là et derrière Sainté a gagné la finale de Coupe de France contre Reims. Et puis, tu sais, il n’y avait pas de honte à perdre contre les Verts ! De toute façon on a toujours été, nous Nantais, admiratifs des Verts et je pense que la réciproque était vraie. Évidemment on suivait tous les matches des Verts en Coupe d’Europe. Et on se retrouvait régulièrement en équipe de France. Dominique Bathenay, Dominique Rocheteau, Gérard Janvion, Christian Lopez et bien d’autres… Il y avait de l’admiration réciproque, une vraie amitié.

Tu viens de citer Christian Lopez. Il a marqué trois buts contre son camp lors des confrontations entre Sainté et Nantes. Il voulait jouer avec toi chez les Canaris, c’est ça ?

(Rires) On aurait pu faire une belle charnière à Nantes avec Christian ! Mais le problème c’est qu’à Nantes il y avait aussi du beau monde en défense centrale donc ça n’a pas pu se faire. Mais on a joué ensemble en équipe de France. Pas forcément en défense centrale du reste car je suis passé dans l’axe quand Marius Trésor a arrêté sa carrière, avant j’étais latéral. Mais je garde des souvenirs merveilleux avec Jeannot, pas seulement footballistiques car je m’entendais très bien avec lui.

On le taquine mais il a aussi marqué du bon côté contre Nantes.



À défaut d’avoir joué sous le maillot vert, tu as été le directeur sportif de l’ASSE et même son éphémère entraîneur lors de la triste saison 1995-1996.

Oui, j’avais accepté de relever ce défi même si j’avais conscience que le club n’était pas au mieux. J’ai accepté la proposition du président stéphanois de l’époque, Michel Vernassa. Bien évidemment, je ne suis pas arrivé à la meilleure époque des Verts. C’était toujours difficile pour un Nantais de se faire sa place chez les Verts. Et inversement je pense que ça aurait été difficile pour un Stéphanois de se faire sa place à Nantes. À l’époque en tout cas, car après beaucoup de choses ont changé même si je constate qu’il n’y a pas énormément de mouvements entre les deux clubs.

J’avais refusé pal mal d’offres après ma carrière quand j’avais 35 ou 36 ans : entraîneur, directeur sportif. Mais en allant sur la quarantaine, j’ai trouvé que c’étant un challenge intéressant de prendre la direction sportive de l’ASSE. Malheureusement, comme souvent quand un club est en difficulté, je n’ai pas eu le temps. J’avais signé un contrat de trois ans mais en définitive mon aventure stéphanoise s’est arrêtée au bout d’un an, le club est descendu en deuxième division.

Ma saison à l’ASSE, c’était la première année d’entraîneur d’Elie Baup en tant qu’entraîneur de l’équipe première. On sait la carrière qu’il a faite derrière. Il y avait beaucoup d’incertitudes à l’époque à Saint-Etienne mais je me souviens qu’on avait de très bons jeunes comme Grégory Coupet, Willy Sagnol, Sébastien Perez. On avait aussi quelques cadres intéressants comme Lubomir Moravcik. Mais la saison a été compliquée, pour moi comme pour tout le monde. Financièrement on va dire que le club n’était pas dans une situation exceptionnelle. Avec la descente qui se profilait, c’était difficile de construire à ce moment-là. Derrière Michel Vernassa s’est arrêté, Philippe Koehl a pris la suite.

Saint-Etienne a connu à l’époque ce qu’a connu Nantes et ce que connaît Nantes depuis une vingtaine d’années. C’était une période un peu difficile. Je me suis même retrouvé à devoir entraîner l’équipe un match. Je m’en souviens bien car c’était pour un derby à Geoffroy-Guichard. Elie Baup avait été remercié et le président m’avait demandé d’être entraîneur jusqu’à la fin de saison. J’ai refusé. Autant le rôle de directeur technique, de conseiller du président, ça m’allait totalement car j’avais des accointances pour ça. C’est vrai que j’avais refusé le poste de directeur sportif au TFC cinq ans plus tôt mais je me sentais mûr pour occuper ces fonctions à l’ASSE.

Autant entraîneur, ça n’a jamais été pour moi une vocation. J’ai dit à Michel Vernassa que je voulais bien dépanner juste pour un match mais qu’il n’était pas question d’aller au-delà, que je préférais rester directeur technique. Dominique Bathenay est arrivé, c’est lui qui a repris l’équipe jusqu’à la fin de saison. Mon « fait de gloire » à Sainté est d’avoir coaché – avec Christian Larièpe, qui était à la tête de la formation – Willy Sagnol. Je l’ai fait débuter en pro au poste d’arrière droit contre Lyon.

Il s’en était très bien tiré et a fait ensuite la carrière que l’on sait. Je l’avais déjà vu jouer auparavant plusieurs fois en équipe réserve, il m’avait fait une grosse impression. Je lui avais demandé s’il était un peu dans le stress d’un premier match mais pas du tout, Willy avait fait un match exceptionnel. Il avait eu l’occasion de jouer car je il me semble que Sébastien Perez s’était blessé assez sérieusement au genou cette saison-là. Je me souviens qu’on avait fait match nul 1-1, Jean-Philippe Séchet avait inscrit le but égalisateur d’un retourné magnifique.



Tu l’as rappelé, cette saison s’est hélas achevée par une relégation. Gardes-tu malgré nous du positif de cette expérience stéphanoise ?

Je me suis rendu compte qu’il est difficile quand on vient de l’extérieur, a fortiori de Nantes, de se faire une place, surtout quand le club va mal. Il y a le poids des anciens Séphanois, qui sont pour la plupart des copains voire des amis. Mais malgré ça, je garde un bon souvenir car il y a à Saint-Etienne une ambiance à nulle autre pareille. Peut-être à Nantes et à Lens. Il y a peu de clubs où l’ambiance est aussi forte. J’ai ressenti à quel point cette ville vivait et vibrait encore pour le foot alors que les heures de gloire étaient déjà très lointaines, comme à Nantes aujourd’hui. Saint-Etienne a quand même mieux géré l’après grande époque que Nantes depuis le titre d’il y a vingt ans.

Un Sainté – Nantes n’a plus du tout le lustre de ton époque. Les deux clubs qui s’affrontent ce mercredi ne sont plus candidats au titre mais au maintien. Ça t’inspire quoi ?

Cela me rend un peu triste. Aujourd’hui le 16e rencontre le 17e, les deux clubs sont en difficulté. Je me fais moins de souci pour les Stéphanois qui me semblent mieux armés et viennent en plus de gagner à Nice. Les Verts ont une petite marge de sécurité et peuvent mettre les Canaris à sept points. Je pense qu’ils vont jouer ce match en confiance. Je me fais plus de soucis pour les Nantais, qui n’ont plus gagné depuis treize matches.

On ne pouvait pas s’attendre à voir ces deux clubs aussi mal classés mais ça prouve que le foot évolue, que la vie évolue. Aujourd’hui les clubs qui ont un budget conséquent mais pas suffisant ne peuvent plus rivaliser comme on pouvait le faire autrefois avec les grosses écuries du championnat que sont aujourd’hui le PSG, l’OL et le LOSC. C’est un peu triste de voir l’ASSE et le FC Nantes dans une situation sportive difficile. Je pense qu'ils resteront tous les deux en Ligue 1 mais forcément on attend mieux de deux clubs qui ont trusté les titres pendant longtemps.

Quel est ton rapport aujourd’hui avec le FC Nantes ? Tu vas voir régulièrement les matches des Canaris à la Beaujoire ?

Non. Pour tout te dire, j’ai eu beaucoup de sollicitations de médias nationaux surtout depuis l’arrivée de Raymond Domenech. J’ai tout refusé, c’est la première fois que je réponds. Parce que je vois ça de très loin et que je n’ai pas vu jouer Nantes depuis un an ou un an et demi. J’allais très souvent à la Beaujoire car j’ai été consultant de beIN Sport pendant quatre ou cinq ans notamment sur les matches de l’Ouest : Nantes, Rennes, Angers, Guingamp, etc. Là j’ai pris un peu de recul, je n’ai pas trop d’avis sur les qualités et les défauts du FC Nantes.

Bien évidemment, j’aimerais que Nantes s’en sorte comme on aimerait tous que les Stéphanois s’en sortent. On ne pas à se réjouir de voir ces deux clubs dans la situation actuelle, on parle quand même de deux des plus grands clubs de l’histoire du football français. Même à la télévision, je ne regarde plus trop les matches. Évidemment, je suis Nantais à vie comme mes amis stéphanois restent Verts à vie. Je me tiens au courant, je regarde sur internet les résultats, à la mi-temps, je m’informe sur que ce qu’il se passe. Il y a toujours un intérêt « caché » pour le FC Nantes même si j’ai pris du recul avec le club.

Que t’inspire la venue du vilain Raymond Domenech au FC Nantes ?

Que ce soit Raymond Domenech ou un autre, on sait très bien qu’il n’y a pas de décision évidente quand un club est en difficulté et lutte pour la survie et pour le maintien. Quant à sa nomination, est-ce qu’il n’y aurait pas eu des Nantais plus habilités que lui… Je n’ai pas forcément envie d’avoir un avis sur la nomination de Raymond Domenech. Je préfère botter en touche. Je n’ai jamais été dirigeant au FC Nantes, je n’y ai jamais exercé de responsabilités donc à la limite ça ne me concerne plus, même si je reste évidemment un supporter du FC Nantes.

Raymond Domenech est le 15e coach nantais de l’ère Waldemar Kita. À ton époque, les entraîneurs restaient plus longtemps sur le banc des Canaris.

C’est sûr que les temps ont bien changé depuis l’époque des José Arribas, Jean Vincent et Coco Suaudeau. C’est très bon signe quand les entraîneurs restent longtemps même si c’est hélas de moins en moins le cas dans le football moderne. Il y a encore quelques rares exceptions, on l’a vu il y a quelques années à Saint-Etienne d’ailleurs, Christophe Galtier a entraîné les Verts sept ou huit saisons et le club a eu de bons résultats cette période-là.

La stabilité sur le banc, c’est important. Ce n’est pas ce qui caractérise le FC Nantes depuis le départ du Raynald Denoueix il y a vingt ans… Alors que pas très loin tu as un club comme Angers qui bosse très bien avec à sa tête un entraîneur en poste depuis dix ans. Stéphane Moulin, sincèrement, c’est un exemple. Il obtient des résultats avec des moyens résultats limités. Je constate que le SCO est actuellement 8e de Ligue 1 avec 15 points d’avance sur Nantes et 11 sur Saint-Etienne.

Que t’inspire le projet que Claude Puel est en train de mettre en place à l’ASSE ?

Claude Puel est certainement tributaire d’une équipe qui est en reconstruction, avec énormément de jeunes. On connaît les qualités de Claude. Moi je l’ai connu évidemment en tant que joueur, j’ai eu l’occasion de l’affronter à plusieurs reprises car il est de ma génération. Il est devenu ensuite un entraîneur assez exceptionnel et qui a fait de bonnes choses dans les différents clubs où il a officié. C’est quelqu’un qui a toutes les capacités pour restructurer un club, encore faut-il qu’il ait le temps. J’espère qu’il en disposera. Claude Puel est un entraîneur très expérimenté et très compétent, il a besoin de temps pour mener à bien son travail, ça me paraît plus que logique !

Bien sûr, il a connu au niveau des résultats des saisons bien meilleures que celle que vit actuellement l’ASSE. Mais c’est très bien qu’il s’appuie les meilleurs jeunes du centre de formation. C’est ce qui a manqué à Nantes pendant de longues années et c’est encore le cas dernièrement, on voit que la passerelle entre le centre de formation du FC Nantes et les pros n’est pas exceptionnelle. Mais quand tu prends la génération championne de France en 1995, les jeunes ont été mis là car le club était en grosses difficultés financières. Il faut dire qu’ils étaient extrêmement talentueux, ce qui n’est pas le cas de toutes les générations. Mais en définitive, ils ont eu des résultats exceptionnels.

C’est pour ça que je me dis qu’il manque peut-être un an ou deux à Claude Puel. C’est à ce moment-là qu’on pourra mieux juger son action à l’ASSE. En un an ou deux, on fait énormément de progrès au niveau professionnel. Le talent va parler très rapidement. Il faut s’en sortir cette année, c’est tout. Et peut-être qu’ensuite il y a aura des lendemains qui chantent pour les Verts. Je pense que Saint-Etienne a une belle génération de jeunes qui peuvent progresser très vite sous la direction de Claude Puel. Il est également important qu’il y ait au moins trois ou quatre cadres avec une bonne mentalité et toujours capables d’être au niveau pour encadrer les plus jeunes.

Ton prono pour le match de ce soir ?

Je crains un peu que le réveil stéphanois auquel on a assisté à Nice se confirme. Les Verts se sont éloignés de la zone rouge grâce à cette victoire à l’extérieur et ils abordent cette rencontre face aux Canaris en position de force. Mais je vais miser sur un sursaut nantais. Je vois donc un match nul 1-1.

 

Merci à Max pour sa disponibilité