Bauthéac : "Cette année, j'aime beaucoup Sainté"

Loin des yeux mais pas loin du coeur : évoluant depuis plus d'un an à Brisbane (Australie), Eric Bauthéac suivra avec attention les matches qui mettront aux prises ses anciens clubs en cette fin d'année.

L'ASSE va terminer l'année en affrontant l'OGC Nice puis le DFCO. En quoi ces trois clubs t'ont marqué ?
Sainté, c'est le club de la formation. J'y suis resté sept ans. Forcément, c'est un club qui m'a beaucoup marqué. Je garde de très bons souvenirs de cette expérience, sauf la fin car je n'ai pas signé pro là-bas. Dijon, c'est le club de la découverte. C'est là que j'ai signé mon premier contrat pro en Ligue 2. On est monté dès la première saison, du coup c'est le club qui m'a fait découvrir la Ligue 1, qui m'a lancé dans le grand bain. J'ai vécu deux très belles années là-bas, la mentalité des gens était vraiment top. Je me suis régalé là-bas. C'est un vrai club familial, j'ai adoré ça. Nice, c'est le club de la confirmation. C'est là où j'ai réalisé mes plus belles saisons. C'est là où je me suis le plus éclaté sur le terrain. On a eu des bons résultats, j'ai joué avec des supers joueurs. J'ai gardé pas mal d'attaches à Nice même s'il n'y a plus un seul joueur de mon époque. Il y avait Alassane Plea mais il est parti. Il y a encore Yoan Cardinale mais il n'est plus que deuxième gardien. Si je dois rentrer en France, j'irai vivre sur Nice. C'est une région que j'ai adorée, j'ai passé trois supers années là-bas.

Vois-tu des similitudes entre Dijon, Nice et Sainté ?
Dijon joue le maintien, il n'a pas le même statut que les deux autres clubs. C'est un club qui va peut-être devoir se battre jusqu'à la dernière journée pour assurer sa place dans l'élite. Nice et Saint-Etienne, ça se vaut même si les Aiglons sont un peu plus dans la difficulté que les Verts. Je pense que le choc entre les deux équipes va donner lieu à un bon match. Je vais essayer de le regarder mais ce sera sans doute en différé car chez moi il sera cinq heures du matin, ça fait un peu tôt !

Il y a en effet neuf heures de plus à Brisbane que dans l'Hexagone. Tu suis encore la Ligue 1 malgré le décalage horaire et la distance ?
Je suis beaucoup la Ligue 1, notamment mes anciens clubs. Je regarde tous les résultats le matin en me levant. Ce qui est dommage, c'est que je ne peux pas voir les matches en live. Se lever à trois ou quatre heures du matin pour voir un match et enchaîner avec l'entraînement, ce serait trop chaud ! (rires) Par contre je regarde les résumés vidéos des matches. Forcément, je regarde attentivement tout ce qui concerne les clubs où j'ai évolué.

Quel regard portes-tu sur l'équipe stéphanoise ?
Elle me plaît cette équipe. Cette année, j'aime beaucoup Sainté. Le club avait déjà très bien recruté l'hiver dernier et cet été le groupe a encore été bonifié. Sainté a fait un recrutement intelligent. Attirer un joueur du calibre de Wahbi Khazri, ça fait du bien à l'équipe. L'apport de Kolo est également indéniable. Les joueurs ont l'air de bien s'entendre. C'est difficile de se faire une opinion car je ne vois pas tous leurs matches dans leur intégralité, juste les résumés. Mais sur ce que je vois, les Verts produisent du jeu et montrent des choses intéressantes. Et de ce que je perçois, il y a toujours autant d'ambiance dans le Chaudron. Les supporters répondent présents, je trouve ça cool. Je ne me fais pas de souci pour Sainté, là-bas les supporters sont toujours fidèles.

Tu n'as pas eu la chance de pouvoir bénéficier de leur soutien chez les pros mais tu as su rebondir après avoir été invité à quitter Sainté. Si tu pouvais refaire ta carrière, ferais-tu les mêmes choix ?
Oui, je n'ai pas de regrets en tout cas. J'ai un parcours atypique. Quand j'ai quitté Sainté, je suis redescendu de plusieurs étages pour rebondir après. J'ai joué à Cannes en National. Ce parcours m'a forgé le caractère, ça m'a peut-être fait grandir plus vite. Je ne regrette rien du tout. Peut-être mon départ de Nice pour Lille... Ça partait bien car j'arrivais avec une nouvelle équipe, un nouveau coach. Mais ça s'est de suite écroulé et il y a eu beaucoup d'instabilité. Lille, c'est un peu le point noir de ma carrière en France. En à peine plus de deux ans là-bas, j'aurai connu cinq entraîneurs : Hervé Renard, Frédéric Antonetti, Patrick Collot, Franck Passi et enfin Marcelo Bielsa, qui a quitté le club à peine trois mois après moi... Cette expérience lilloise m'a un peu mis un coup derrière la tête. C'est dommage !

Es-tu content de voir Timothée Kolodziejczak s'imposer à Sainté ?
Oui, je vois que mon petit Kolo fait le bonheur des Verts. Je ne suis pas surpris. Souviens-toi l'été dernier, quand il était arrivé, je t'avais dit qu'il allait se faire sa place dans cette équipe. Je constate qu'il a déjà joué une quinzaine de matches en tant que titulaire depuis le début de saison, tantôt en latéral gauche, tantôt dans l'axe. Non seulement il défend bien mais il apporte aussi offensivement, comme le prouvent ses buts contre Caen et contre Nantes. Je lis les commentaires sur ses prestations, il a l'air apprécié et réalise une belle première partie de saison. Je suis content pour lui car c'est non seulement un bon joueur mais aussi un bon mec.

A Nice, tu as aussi côtoyé un joueur actuellement sous contrat avec l'ASSE et prêté à Clermont Foot : Franck Honorat ? Quels souvenirs gardes-tu de ce joueur ?
Il avait 17 ou 18 ans à l'époque. Il s'entraînait avec nous et je me souviens qu'il a fait quelques bouts de match. Ça a été sa première expérience de la Ligue 1, qu'il devrait retrouver la saison prochaine sous le maillot vert. J'ai le souvenir d'un joueur qui était très rapide. Franck allait très vite, il n'avait pas peur. Moi j'ai bien aimé son audace. C'était un petit jeune qui arrivait sans se cacher. Je me rappelle qu'il avait une belle frappe pied droit mais aussi une belle frappe pied gauche. Il tentait des choses, ce qui est assez rare quand un jeune monte avec les professionnels. Je m'étais dit que ce petit pourrait faire quelque chose s'il gardait la tête sur les épaules et s'il continuait à bosser. J'ai vu qu'à Clermont il fait des bons matches. Bien sûr, Sainté a actuellement de sacrés joueurs dans le domaine offensif mais Franck aura son mot à dire chez les Verts. Peut-être qu'il fera juste des entrées en jeu dans un premier temps mais il n'a que 22 ans. Il faut lui laisser le temps de s'installer et de progresser. Il a peut-être vocation à succéder à Romain Hamouma, que je vois moins jouer ces derniers temps alors qu'il avait fait de belles saisons.

Que penses-tu de la saison des Niçois ?
Les Niçois ont du mal à démarrer le championnat. Ils ont perdu leurs deux premiers matches à domicile, Dijon s'étant même imposé 4-0 ! Mais ils ont sur relever la tête en gagnant à Lyon. Après avoir alterné le bon et le moins bon, ils ont gagné quatre ou cinq matches d'affilée. Même s'ils restent sur deux matches nuls et vierges contre des équipes qui jouent le maintien, je trouve qu'ils sont de plus en plus en confiance. Vieira n'avait jamais coaché en France, il fallait qu'il impose son style de jeu. C'est normal que ça prenne un peu de temps. J'ai l'impression qu'il commence à avoir une identité, il a trouvé son groupe. Les Niçois ont déjà bien remonté au classement et ils ont l'opportunité de monter encore plus haut car ils dépasseront les Verts en cas de victoire vendredi. Ça promet d'être un beau duel entre prétendants européens.

Les Verts seront amoindris par de nombreuses absences. Penses-tu que les Aiglons vont en profiter ?
Je ne sais pas mais c'est vrai que ça peut peser dans la balance. Debuchy, Gabriel Silva, Subotic, Hamouma, Cabella et Khazri, ça fait beaucoup quand même d'autant plus que ce sont des joueurs importants ! Maintenant, les remplaçants et les jeunes auront une belle carte à jouer. A eux de saisir cette opportunité de grappiller du temps de jeu pour pouvoir prétendre par la suite à devenir titulaires.

Avant-dernière attaque de L1, Nice a marqué deux fois moins de buts que Sainté cette saison malgré de grosses individualités comme Mario Balotelli et Allan Saint-Maximin. Ça t'inspire quoi ?
C'est surprenant que Nice ait marqué aussi peu. Cette équipe a certes de grosses individualités mais est-ce que ces joueurs arrivent à se fondre dans le collectif ? Je me pose la question. Franchement, je n'en suis pas sûr. Je préfère avoir trois joueurs offensifs qui s'entendent très bien que trois individualités très fortes qui ne font pas de passes, qui sont personnels. O.K, Saint-Maximin et Balotelli sont de grosses individualités, mais ce ne sont pas les premiers à faire la passe quand ils sont devant le gardien.

Comme tu le sais, le VAR fait débat actuellement, l'ASSE en a fait les frais et a communiqué à ce sujet. Que penses-tu de son utilisation ?
C'est la première saison que le VAR existe en France mais ça fait déjà quelques années que ça existe en Australie. Perso je ne suis pas un grand fan de l'usage qui est fait de l'arbitrage vidéo. Je trouve que ça fait perdre beaucoup de temps. J'ai vu en effet qu'elle fait débat en France et je trouve qu'ils l'utilisent mal en Australie. Ils prennent beaucoup de temps pour prendre une décision. Entre le but et le coup d'envoi, t'as toujours trois, quatre voire cinq minutes, même si le but est incontestable. Ils décortiquent les images pour voir s'il n'y avait pas un hors jeu l'action d'avant ou un truc comme ça. Ils sont très lents à prendre une décision. C'est rageant pour les joueurs comme pour les supporters, t'es obligé d'attendre. T'es là, t'attends comme un couillon. Je trouve ça dommage. Je ne suis pas hostile par principe à l'usage de la vidéo. Bien encadré, ça peut être une bonne chose sur les buts, les penaltys, les simulations. Mais actuellement, c'est vraiment pas terrible. J'ai l'impression qu'on l'utilise pour tout et n'importe quoi. Ça casse le rythme des matches, c'est horrible !

Quel est ton stade préféré ? L'Allianz Riviera, feu le Ray, Gaston-Gérard ou Geoffroy-Guichard ?
Le stade où il y a le plus d'ambiance, le plus de monde et qui est toujours plein, c'est Geoffroy-Guichard, forcément ! Quand j'étais au centre de formation, j'allais voir tous les matches des pros. J'en prenais plein les yeux ! J'étais un gamin, j'avais 13 ans quand j'ai intégré l'ASSE. C'était en l'an 2000, l'époque des Alex-Aloisio.

Ton actuel entraîneur à Brisbane s'appelle John Aloisi. A-t-il quelque chose de José Aloisio ?
(Rires) Oui, c'est un ancien attaquant lui aussi. C'est un ex-international australien, il avait marqué lors de la Coupe du monde 2006. C'était un très bon joueur, qui a évolué en Angleterre et en Espagne.

Pour en revenir aux stades, tu préférais le Ray à l'Allianz Riviera ?
Ce sont des stades différents. Quand t'es un club qui veut grandir, tu ne peux pas rester au Ray. Même si le Ray avait une âme, avait quelque chose, avait un climat très différent.Mais c'est compliqué de rester dans un petit stade comme ça quand t'aspires à faire progresser un club. L'Allianz Riviera est plus moderne, il fait partie des grands stades du championnat de France. C'est toujours sympa de jouer dans des grands stades, sur des belles pelouses. Mais je trouve dommage que ce stade soit rarement plein. Il fait 35 000 places mais il y a 20 000 spectateurs de moyenne.

Les deux derniers matches à domicile, c'était même aux alentours des 15 000 alors que le Gym venait pourtant d'enchaîner de bons résultats...
Le truc, c'est qu'à Sainté, les trois quarts de la population vibrent pour l'ASSE. A Nice, c'est différent, il y d'autres centres d'intérêt, les gens sont moins réceptifs au football. Ceci étant, il y a quand même à Nice un beau noyau de vrais fans, de vrais supporters, qui mettent une belle ambiance. Mais c'est moitié moins qu'à Sainté.

Sainté va défier Nice à l'Allianz Riviera ce vendredi avant de recevoir Dijon. A quelles places vois-tu les trois clubs en fin de saison ?
J'aimerais bien voir Sainté et Nice européens et Dijon maintenu. Ce n'est pas que le choix du coeur, il y a des raisons objectives d'espérer. Je vois Paris champion, forcément. Je vois bien Lyon deuxième, je trouve que c'est une très belle équipe. Après, pourquoi pas Sainté qui viendrait pointer le bout de son nez sur le podium ? Ce serait pas mal, avec Nice juste derrière. Entre Sainté et Nice, je verrais plus Sainté sur le podium. En tout cas c'est ouvert cette saison vu la situation de Monaco et les difficultés de l'OM. On voit que Lille et Montpellier tirent aussi leur épingle du jeu. Autant il n'y a déjà plus de suspense pour le titre, autant la course pour l'Europe sera très intéressante à suivre. Dijon avait très bien démarré le championnat, a ensuite eu un gros trou mais malgré leur récente défaite à Rennes ils montrent des choses intéressantes, j'espère qu'ils s'en sortiront. Même s'ils ne sont pas très bien classés, ils ne sont pas dans la zone rouge.

Tes pronos pour les deux derniers matches des Verts de cette année ? Pour qui battra ton coeur lors de ces deux rencontres ?
Je serai partagé, je ne prendrai pas de position. Un petit 2-2 vendredi à l'Allianz Riviera, ce serait bien. Je vois plus Sainté gagner le match d'après à la maison contre Dijon. A Nice ça ne va pas être facile vu tous les absents côté vert. Mais on signe pour un 2-2, non ? Un match avec des buts, les supporters seraient contents.

Cela fait maintenant plus d'un an que tu as rejoint l'Australie. Comptes-tu rester là-bas ? As-tu fait une croix sur un retour en L1 ?
Je ne fais une croix sur rien. A 31 ans, je pense avoir encore de belles années devant moi car je me sens en pleine forme. Je fais de bons matches en Australie même si collectivement on a un peu de mal cette saison. On n'a pas une mauvaise équipe mais la mayonnaise a du mal à prendre. On peut faire un super match et le week-end d'après se chier dessus complètement. C'est dommage, les mecs se mettent de la pression alors qu'il n'y a pas de pression ici. Les supporters, c'est des anges. Quoi qu'il en soit, je suis en fin de contrat à la fin de la saison. J'étudierai les propositions. Ici je me régale, je ne regrette pas du tout mon choix. Il fallait vraiment que je découvre ça. Mais bon, après, tu connais le foot comme moi. Tu sais où tu es aujourd'hui, tu ne sais jamais où tu seras demain. Je suis encore jeune, j'ai encore de bonnes jambes, on verra ce que ça donne. On en reparle dans cinq ou six mois.

T'as une préférence ? Quelle suite entends-tu donner à ta carrière ?
Franchement, mon choix n'est pas encore fait, on verra le moment venu en fonction des sollicitations que j'aurai. Je peux tout aussi bien rester ici en Australie, partir dans un autre pays, revenir en France. J'en ai strictement aucune idée. Je ne me prends pas la tête avec ça. Je fais ma saison, je joue mon football. Je me régale, je me fais plaisir et après on verra.

La France et la Ligue 1 ne te manquent-elles pas ?
Avec ma petite famille, on est super bien ici en Australie. On vit une vie de rêve. C'est très différent de la France. J'aime la mentalité des gens et je mesure la chance dans une ville extraordinaire où il fait beau toute l'année. Il n'y a pas d'hiver ici. Après, c'est vrai que la famille et les amis me manquent parfois. Tu ne peux pas partir en week-end quand t'as envie de les voir car t'es au bout du monde. C'est compliqué. Au niveau du foot, c'est vrai que quand je vois à la télé des matches à Geoffroy-Guichard où c'est plein, où ça chante, où il y a une ambiance de fou... C'est vrai que ça me manque. Il n'y a pas l'équivalent en Australie. Les vibrations que je peux ressentir en écoutant les chants des supporters, j'avoue que ça me manque.

As-tu repéré en Australie des joueurs qui ont le niveau pour jouer en L1, pourquoi pas à Sainté ?
Il y a des joueurs de qualité en Australie, certains auraient le niveau pour jouer en Ligue 1, tranquille ! Je ne peux pas trop de dire les noms, je ne les retiens pas. Mais si je vois leur visage, je te dirai "lui, lui, lui !"  Ceci étant, j'ai remarqué que les joueurs qui percent ici, ceux qui sont très bons, partent souvent dans les pays asiatiques. Déjà parce que c'est moins loin que l'Europe, mais aussi car globalement il y a plus d'argent en Asie qu'en Europe. Ils vont en Chine, au Japon voire en Corée. Apparemment ce sont de supers championnats. J'ai échangé avec pas mal de joueurs qui ont évolué là-bas, ils m'ont dit que le niveau était très bon. Nous, en tant que Français, on ne connaît pas. Moi par exemple, je ne connaissais pas du tout le championnat japonais. Mais plusieurs joueurs m'ont assuré que le niveau était relevé là-bas. L'Europe n'est donc pas la destination privilégiée par les joueurs australiens les plus prometteurs et les plus talentueux. Il y a quand même une exception, c'est Daniel Arzani. Il jouait à Melbourne City et quand je l'ai vu je me suis dit "wow, c'est un crack, lui !" C'est un jeune joueur de 19 ans, vraiment très bon, qui était en sélection australienne lors de la dernière Coupe du Monde. Il avait joué quelques minutes contre la France et il est également entré en jeu contre le Danemark et le Pérou. Il a signé cet été à Manchester City, qui l'a prêté au Celtic. Mais il s'est hélas fait les croisés dès son premier match en Ecosse. Mais bon, il est très jeune et il va s'en remettre. Peut-être qu'un jour on le verra en Ligue 1 à Sainté, va savoir !

Merci à Eric pour sa disponibilité