Yohan Mollo c’est d’abord une souffrance. Un dimanche qu’on a haï par sa faute.
Nous sommes le 1er mars 2009.
Trois jours après avoir mangé l’Olympiakos, les Verts se déplacent à Monaco. La semaine s'annonce décidément magnifique et rare. Pensez donc, les Verts mènent 2-1 avec un but de Matsui !
Las, dans les arrêts de jeu, de la gauche de la surface, Yohan Mollo, jeune bleu-bite de 19 ans, profitant du marquage élastique de Dabo, reprend sans contrôle, du droit dans le petit filet opposé.
Certains joueurs nous laissent indifférents. D’autres nous marquent ad vitam parce qu’ils ont eu le mauvais goût de sortir LA prestation de leur carrière contre nous. Mollo, encore bourreau des Verts l’an dernier avec Nancy alors que l'Europe nous tendait les bras, fait clairement partie de cette catégorie.
Cela a au moins le mérite de lui conférer un certain crédit auprès des supporters stéphanois. Crédit pas forcément usurpé eu égard au talent du bonhomme que son président, le toujours exubérant, parfois drôle et souvent ridicule Rousselot qualifia sans rire en juin dernier de « Ronaldo de Nancy ».
Tout aussi laudateur, son désormais ex-entraîneur Jean Fernandez disait de lui en avril « Il a de la dynamite dans les jambes. Il va vite, il est précieux sur les coups de pied arrêtés, et techniquement, c'est un plus pour l'équipe. Mais il doit davantage travailler dans le jeu sans ballon, dans les déplacements et le travail offensif. Il a un très gros potentiel… ». Trois mois plus tôt au moment de la signature de Mollo à Nancy il évoquait en ces termes sa nouvelle recrue : « Du punch, de la vitesse. Il va faire avec nous des choses très intéressantes car au niveau football, il n’est pas fort, il est très fort ». Tout en ajoutant : « Il n’est pas forcément facile à gérer mais il n’a pas non plus forcément rencontré les bonnes personnes ».
Autre avis convergent, celui de Mombaerts qui l’a géré chez les Espoirs : « Il fait mal. Il a une puissance et une capacité à éliminer pendant tout un match » . Si vous n’êtes pas totalement convaincu, même Guy Lacombe qui l’a eu sous sa coupe à Monaco et n’a pourtant pas été épargné par le joueur insistait sur « sa qualité de perforation. Il est très bon en un contre un ».
Le doute n’est donc pas permis, Mollo, droitier fréquemment utilisé sur l’aile gauche, rapide, percutant et premier centreur du championnat, va apporter une plus-value technique à l’ASSE et pourrait bien s’avérer être une bonne affaire.
Mais derrière les compliments unanimes percent quelques réserves liées à l’état d’esprit d’un garçon qui va l’air de rien connaître son cinquième club pro à seulement 23 ans après Monaco (2 buts), Caen (4 buts), Grenade et Nancy (6 buts). un garçon qui s'est fait une spécialité des départs en mauvais termes avec ses entraîneurs. Ainsi Mollo s'est essuyé les crampons sur Jean Fernandez en commentant son départ de Nancy cette semaine : « j’ai serré les dents mais mon coach avait changé de comportement, il n’y avait plus de feeling. Il me pointait du doigt, du genre qu’il n’aimait pas les tricheurs, que je ne faisais pas les efforts (...) Il a eu des mots trop durs. Je faisais soi-disant la comédie quand j’avais mal au genou, je n’étais pas un compétiteur, j’étais un égoïste. »
Des déclarations à rapprocher de celles faites lors de son retour à Louis II en février 2011 sous le maillot Caennais: « Je marque contre Monaco, alors je réponds à quelqu’un qui a fait de moi un martyr la saison passée. Voilà , j’emmerde tout le monde et je prouve que j’avais ma place dans cette équipe l’année dernière. Il se reconnaîtra ! ». Guy Lacombe en a encore la moustache qui frémit...
Pas toujours en bons termes avec ses entraineurs -doux euphémisme-, Mollo ne semble pas forcément faire l’unanimité non plus parmi ses coéquipiers comme en attestent les déclarations d’André Luiz à l’issue du dernier Bastia-Nancy : « Il y a certains joueurs qui jouent pour leur gueule. Si ces gars ne sont pas heureux d’être à Nancy, eh bien qu’ils aillent voir le président et qu’ils demandent à partir. On n’a pas besoin d’eux ! C’est bien beau de dire qu’il faut toujours rester uni, solidaire, mais certains méritent qu’on dise la vérité sur leur mauvais comportement. Je pense à qui ? À Yohan Mollo qui ne court pas sur le terrain, qui ne fait pas les efforts. Et en plus, il n’est pas content quand le coach le sort ».
Il la jouerait trop perso Mollo ? Il faut admettre que certaines de ses déclarations interpellent. Ainsi alors que Caen se battait pour se maintenir avait-il balancé en mai 2011 : « Je ne suis pas utilisé comme Romain Hamouma à droite. Cela me frustre. À chaque fois, l'équipe bascule plus à droite... Sur des phases de jeu, c'est clair comme de l'eau de roche : tu dois me la donner mais je ne l'ai pas ! Ça me fait monter le bouillon et à un moment, ça pète. Quand tu ne touches pas le ballon pendant 10 ou 15 minutes, tu sors un peu du match. Mais je ne peux pas obliger mes partenaires (...) A Nice, quand j'ai marqué, je voulais faire un clin d'oeil à mes coéquipiers et montrer qui est le frappeur. Parfois, les gens me disaient que je m'en foutais car j'étais prêté. J'ai voulu démontrer que je ne calcule pas. J'ai vibré pour ce maillot. Le reste, c'est du pipeau. Malheureusement, je n'ai que 3 buts et 3 passes décisives. Mais mes partenaires ne convertissent pas mes centres, c'est frustrant. Vous allez voir contre Lens ! ».
Alors en résumé, très doué mais aussi très casse-bonbons Mollo ?
Peu d’éléments nous poussent à nuancer cette lapidaire conclusion concernant un joueur manifestement très à fleur de peau. Pour alléger l’aspect à -charge de ce portrait donnons la parole au joueur, qui se présentait ainsi en janvier 2012 lors de son arrivée à Nancy : « je suis quelqu’un d’affectif (...) Je me suis endurci à Genade. J’ai gagné en maturité en matière de football, mais aussi humainement. (...) Je suis quelqu’un qui provoque beaucoup. Je ne doute jamais et je vais toujours de l’avant. »
Mollo ne doute pas. C’est dommage, ce serait peut-être ça la maturité, non ? Car un an après ces déclarations, question coups d'éclats, il n'a clairement pas molli Mollo.
Si Mollo ne doute pas, nous non plus. Nous ne doutons pas que le contexte du prêt sur six mois pourrait, avec la science de la gestion humaine de Galette, laisser s’exprimer le meilleur du joueur, tout en nous préservant du pire.
Car s’il n’est pas le plus solide des piliers quand un collectif est dans le dur, Mollo sait s’imposer rapidement dans un club, car il aime la lumière et n’aura pas peur de prendre des initiatives. Et si son profil mental ne correspond pas vraiment à l'habituel cahier des charges de notre cellule de recrutement, son profil sportif semble le bon. Et la formule du prêt limite les risques.
Et si sur un coup de patte il a l’heureuse idée de nous remporter un gros match (derby, coupe...) le pari sera gagné.
Parasar