Cinquième extrait du spectacle de Corine Miret et Stéphane Olry. Retrouvez les odeurs de Geoffroy Guichard ...


L’actrice :

« Elle retrouvait les odeurs de Geoffroy-Guichard : fumée des cigares, des cigarettes, bouffées d’eaux de toilette, les eaux de toilette des hommes, des bon marché, des qui sentent très bon, des qui sentent pas bon du tout, odeurs de transpiration. Elle était assise entre son père et sa mère, ils n’étaient pas très loin des femmes des joueurs. Elle se souvient de la femme d’Hervé Revelli. Une femme très belle, blonde, qui portait un manteau de fourrure. Quand elle passait derrière elle dans les travées, ça sentait « Opium Â» d’Yves Saint-Laurent.

Il allait seul dans les gradins debout ; mais oui, bien sûr qu’il y allait. Une foule de culottes à boutons. Oui, une foule compacte d’hommes habillés en gris serrés sous la pluie. L’hiver, ça sentait le vin chaud, le tissu mouillé et la cigarette brune. Certains soirs, il avait été porté pendant toute une mi-temps sans poser un pied au sol.

La première fois qu’il était allé au stade avec son père, ils étaient dans cette tribune-là. Il avait mangé du cervelas pistache coupé en deux dans un morceau de pain. Il s’en souvient comme si c’était hier. C’était un dimanche après-midi d’hiver très clair, lumineux. Sa mère lui avait préparé un sandwich, il adorait le cervelas, ils n’en avaient jamais à la maison. Sa mère lui avait acheté le cervelas exprès, gentiment, pour qu’il soit bien. Â»

Le musicien :

« Assis à ma place. Tribune Henri Point, bloc 33, rang 24, place 193. Seul. Au stade. J’ai assez d’émotions pour être bien, même seul. Attendre. Deux heures d’attente avant le match. Attendre ces quatre-vingt-dix minutes. Ce soir je serai euphorique, je serai déçu, je serai transi, je serai écÅ“uré, je serai ravi. Je ne sais pas. Des fois, c’est dur. C’est comme ça. C’est le jeu. Je prends le risque.»

L’actrice :

« Il retrouvait les mêmes figures de match en match, un type avec un chapeau tyrolien Â»

Le musicien :

« Le temps passe. Le stade se remplit. Â»

L’actrice :

« Un autre chemise ouverte, qui racontait des blagues douteuses. Â»

Le musicien :

« Ce soir le stade sera plein. Â»

L’actrice :

« Il y avait un type surnommé « Le Rouge Â» Â»

Le musicien :

« J’espère toujours que le stade sera plein. Â»

L’actrice :

« Ce type apportait à chaque match une corne de brume en cuivre à laquelle il avait rajouté quatre tuyaux en caoutchouc. Â»

Le musicien :

« Regarder les tribunes supérieures se garnir. Â»

L’actrice :

« Quatre types soufflaient et tout le stade applaudissait. Â»

Le musicien :

« Je me dis, bon, déjà 25.000. Â»

L’actrice :

« Gamin, il montait avec ses copains sur les échelles des Gazedec de l’usine d’en face. Â»

Le musicien :

« Plus tard, regarder sur le tableau lumineux le nombre de spectateurs. Â»

L’actrice :

« Oui, agrippés aux barreaux, ils regardaient les matches de là-haut. Â»

Le musicien :

« Je sais estimer le nombre de spectateurs à une centaine près. »