Treizième épisode des confessions d'Helder Postiga à son docteur, par Rising42. A savourer sans modération !


Allooooo Docteuuuuur !

Oui ! C’est moi, Helder Postiga !

Oui… Je sais, Docteur… Nous sommes jeudi… Je ne suis pas fou, Docteur… Ce n’est pas parce que vous avez pris l’habitude que je vous appelle le samedi ou le dimanche qu’il faut, si vous m’entendez un autre jour, que vous croyiez que j’ai pété les plombs… Quoique, Docteur, je me demande bien si cette fois-ci je n’ai pas franchi le pas définitif vers la folie.

Vous savez la dernière, Docteur ???... Non… Vous allez rire !... Enfin, c’est une manière de parler… Hier soir, j’étais à Lyon… Incognito… Si, si… Vous comprenez, depuis le temps que j’entends parler de nos voisins, j’avais décidé d’aller les voir jouer un soir dans leur stade… Enfin, si on peut appeler ce truc un stade… Eh bien, l’occasion était trop bonne pour la venue du Milan A.C…. Je me suis dit, on va enfin voir ce que ces comiques seront capables de faire contre un grand d’Europe…
Mais, je ne vous dis que ça, Docteur, j’ai ramé à contre courant pour réussir à trouver deux billets… Eh bien non, je n’étais pas invité… Et puis, même si je l’avais été je n’y serais pas allé, de peur de tomber dans un traquenard… J'ai préféré y aller en douce, incognito, c'était plus prudent... Pourquoi deux billets ?... Parce que j’ai demandé à Fred Piquionne de m’accompagner… Incognito, lui aussi… Parce que vous savez, Docteur, à une époque pas très lointaine, durant laquelle il était tombé au plus bas de la déchéance , Fred ne bougeait pas de Lyon… Ainsi il connait très bien les lieux, et il aurait pu m’être utile en cas de fuite précipitée… Mais, j’ai bien mis une journée à le convaincre… Pas d’aller à Lyon… Il était trop content… Non, Docteur, il m’a fallu le convaincre de se déguiser en tiramisu, de n’embrasser personne qu’il aurait pu connaître là-bas — c’est-à-dire tout le monde — , ni de serrer aucune main, d’agiter un drapeau rossonero et de crier : Forza Milano avec conviction. Enfin, j’y suis arrivé. Moi j’ai longtemps hésité. Je voulais me déguiser en rien du tout. Je pensais qu’il me suffisait de prendre un air con, histoire de me noyer facilement dans l’ambiance générale. De plus il ne m’est pas difficile d’avoir l’apparence d’un abruti épais… J’ai un exemple vivant et gratuit tous les jours avec le petit frisé à l’écharpe verte et maintenant au maillot vert. Parce que, figurez-vous, Docteur, le petit frisé nous a engueulé la semaine dernière revêtu d’un maillot vert, pour nous convaincre que nous portions ce maillot et que nous devions y adhérer. Drôle de méthode… Heureusement qu’il n’a pas voulu nous convaincre de manger du poulet, car nous l’aurions vu déguisé en volatile avec un plume là où je pense. Bon, j’en reviens à ma tenue de camouflage. Finalement, Fred m’a dit que si je n’étais pas déguisé, je risquais de le faire repérer. Décidément, ce Fred, depuis qu’il suit son stage de réinsertion sociale dans la vie urbaine, est de plus en plus éveillé. Donc, il m’a suffit de juste passer un coup de fil au régisseur du Carnaval de Nice, un Portugais de mes connaissances, pour qu’il m’envoie le nécessaire pour me déguiser en salami géant rossonero. Vous auriez vu le tableau, Docteur… Fred et moi dans la Fiat 500… Oui, Docteur, une Fiat 500... Pour faire plus vrai. Remarquez bien qu’on aurait mieux fait de louer un Lamborghini, parce que je vous laisse imaginer la difficulté pour un salami de deux mètres cinquante de conduire une Fiat 500. C’est donc ainsi camouflés que nous quittâmes le parking de Geoffroy Guichard. Vous auriez vu la tête du coach lorsqu’il nous a vus passer… Il a cru nous reconnaître... Il est resté figé sous sa casquette. Si à cette heure-ci il n’est pas encore aux urgences en réanimation, je ne m’appelle plus Helder, Docteur…

Nos affaires se corsèrent sur l’autoroute, lorsque jetant un œil dans le rétroviseur, je vis Omar, le Rantanplan argentin, une race coupée entre un Labrador psychopathe et un recruteur à deux pattes, qui courait derrière la voiture la langue pendante… Je ne peux pas vous dire s’il nous avait reconnus, ou bien s’il était attiré par le salami, c’est-à-dire par moi… Vous suivez, Docteur ?… En tout cas, impossible de le semer avec cette foutue bagnole à la con, qui ne dépasse pas le 40 kilomètres par heure… Il a fallu atteindre la descente de Terrenoire pour prendre de l’élan et le distancer. Puis nous roulions tranquillement vers Lyon, lorsque Fred poussa un cri horrifiant, tout en se tenant la tête en secouant les oreilles, comme lorsqu’il tire en force vingt mètres à côté des cages. Il se tourna vers moi, et me regarda de ses deux yeux exhorbités, la bouche ouverte comme un tiroir caisse… Il venait de se rendre compte qu’on n’avait pas changé les plaques de la voiture, et que nous roulions en Italiens avec un 42 au cul… Si je puis dire… Présence d’esprit qui nous sauva… Nous avions tout juste le temps de nous arrêter chez Feu Vert à Givors, en terre mitigée, pour faire poser des plaques milanaises… MI 4242… Incognito, je vous dis, Docteur, nous étions là incognito !…

Nous approchions de Lyon sans encombre et nous étions aussitôt canalisés vers un parking spécialement réservé aux Milanais. Quelques voitures… Beaucoup d’autocars… Ils avaient tous un maillot rossonero, des drapeaux rossoneri, mais aucun salami, aucun tiramisu à l'horizon… Madonna !!!… On n’avait pas l’air cons tous les deux avec Fred… Les Italiens ont tous voulu nous prendre en photo… Je ne vous dis même pas… Il y en a même un qui voulait acheter la Fiat 500 pour son musée… Heureusement qu’ils étaient venus pour voir le match car nous serions encore là-bas à sourire bêtement devant les objectifs…

Alors, Docteur, Gerland… Quel stade miteux… Bien loin du mythe de chez nous. Ici, il n’y a pas d’âme… Tout juste un public qui vient voir un spectacle, et qui ne vibre un peu que si son équipe aligne trente passes consécutives. En plus, les gens ici ne font qu’imiter les supporters Verts. Ils chantent souvent les mêmes chansons mais ils ont des problèmes avec les paroles. Par exemple, vous connaissez, Docteur, le fameux chant :

Lyonnais, Lyonnais, Lyonnais, Lyonnais, Lyonnais, Lyonnais… etc…

la fin se termine par :

Oh fils de p***, Oh fils de p***…

Vous connaissez ?… Aaah vous me rassurez ! C'est beau, hein, Docteur ?... Eh bien, Docteur, ici, ils ne se souviennent pas de la fin et ils terminent par :

Lyonnais, Lyonnais…

Ce qui ne veut rien dire. Si vous terminez un chant ou un poème par une suite ininterrompue de mots vides qui sonnent creux, vous gâchez tout. En tout cas, c’est ce que je pense. Même Fred Piquionne était d’accord avec moi, c’est dire… En matière de néant, il est quand même très connaisseur. Et puis un autre exemple… Quand ils chantent :

Nous, nous sommes les Lyonnais…

En réalité les paroles sont :

Nous, nous sommes les Stéphanois…

Vraiment j’ai été déçu. De bien piètres imitateurs. Même à un moment, vers la fin, ils ont dû se rendre compte de leur médiocrité, puisqu’ils émirent le vœux de venir chez nous. Comment ? Vous ne me croyez pas?… Pourtant ils chantaient, je vous jure, Docteur :

Emmenez-moi à Geoffroy Guichard, emmenez-moi voir jouez ces bâtards…

Je ne me rappelle plus de la suite… Ils parlaient, si je me souviens bien, de misère… Je les plains… Pour certains la misère est une habitude, pour eux ça semble être un métier… Ils ont la mentalité misérable... Un sens de la supériorité étayé sur l'apparence... Beauseigne… Tenez, Docteur, ils m’ont fait de la peine. Par contre, je n’ai pas pigé ce que le pain venait faire dans cette chanson. Ben oui, le pain, Docteur !… J’ai demandé à Fred ce que c’était qu’un bâtard, il m’a répondu que c’était un pain. Sans doute ne mangent-ils pas à leur faim à Lyon ou alors leurs sandwiches sont dégueulasses. C’est sûr qu’un sandwich sans morue est très fade. Je me tue à le dire. Sinon, à part ça, je ne vois pas trop quoi vous dire sur ce public endormi. Aaaah, si… De temps en temps, quand ils commencent à s’assoupir devant le spectacle affligeant de leur équipe, ils sautent tous sur leurs pieds comme des kangourous, pour rester éveiller et relancer leur passion passive et ils chantent ces paroles débiles :

Qui ne saute pas n’est pas Lyonnais…

C’est tellement idiot, que, avec Fred, on ne savait pas ce qu’il fallait faire. Moi je disais qu’il fallait sauter, Fred disait qu’il ne fallait, et puis après il me disait que j’avais raison… Dans le doute, nous sommes restés immobiles… Comme tous les Italiens, qui d’ailleurs se posaient les mêmes questions que nous.

Sinon, Docteur, saviez-vous que Lyon et Milan AC ont un point commun???… Vous ne voyez pas ??????… Oh là là !!! C’est facile pourtant… Ils sont dirigés par deux comiques. Silvio Merlusconeri et Jean-Michel Hélas… Ils sont tous les deux persécutés… Sans doute canonisables en puissance… Le premier dirige aussi l’Italie comme un guignol… Le second, quant à lui, est le fils naturel de guignol… Avec une passion pour les coups de bâtons, les magouilles, les arbitres, surtout dans les vestiaires, c’est d’ailleurs à se demander ce qu’il peut bien faire avec trois mecs fermés à double tour dans les vestiaires… Il ne serait pas un peu… Euhhh… Vous suivez mon regard, Docteur… Enfin, chacun ses mœurs, Docteur !… Et puis il a aussi une passion pour le téléphone, la nuit, comme moi… Sauf que lui n’appelle pas son psychiatre… Aucun ne lui résiste.. Enfin je veux dire qu’il se suicident tous après le premier rendez-vous, à ce qu’on dit… Non, Docteur, il appelle toutes les nuits les joueurs adverses pour leur faire croire qu’il les aime et qu’il veut les faire venir à Lyon… Vous voyez le genre…
À part ça, Milan AC et Lyon ont plein de différences. Le palmarès… Les supporters : dans le Monde entier pour les Italiens, comme nous, alors que les supporters lyonnais sont concentrés dans un rayon de 10 kilomètres autour de la ville… Les joueurs… Le talent… Bon, Docteur, je m’arrête là car on y sera encore demain matin.

Bon, je vous raconte un peu le match.
La première mi-temps a été totalement à l’avantage des Milanais, avec des occasions flagrantes toutes annihilées par Coupet, un gardien formé, paraît-il, à Saint Etienne, et qu’on a vendu pour assurer les fins de mois… Ce gardien a le sourire ravageur d’un caïman qui se brosse les dents tous les matins avec Paic citron. Mais à mon avis ses prouesses lors de ce match relèvent du miracle occasionnel, puisque le Grand Vizir de l’Equipe de France lui préfère Barthez, à cause de son crâne luisant, et de son taux exceptionnel de pénétration dans l’air. Sinon, j’ai vu un assez bon joueur qui remplaçait Juninho… Vous savez, Docteur,celui qui fait gagner Lyon en enfilant les coups francs obtenus par les joueurs Lyonnais, qui ont suivis une formation professionnelle adaptée pour se casser la gueule à bon escient, au bon endroit, au bon moment… J’ai donc vu un bon joueur : Pedretti, qui est sujet aux angines car il joue toujours la bouche ouverte… C’est pourquoi il n’y a jamais de mouches à Gerland, il les a toutes gobées. Il a un air de gamin qui aurait oublier d’aller à l’école… Un Tintin qui n’aurait pas connu la croissance… En tout cas, moi je vous le dis, Docteur, sur ce que je connais de cette équipe, je pense que le milieu de terrain habituel étant brisé, la force de frappe en triangle n’a pas pu être performante. Mais j’ai quand même vu jouer un comique : Carew. Eh bien, Docteur, je peux vous affirmer que Piquionne est bien meilleur que cette grande asperge teigneuse. Certes, Piquionne tire à côté des cages comme Carew, mais il est bien plus vaillant, honnête et correct, car il ne joue ni avec les mains, ni avec les bras, et ne s’assoit pas sur la tête de l’adversaire quand il fait une tête. J’ai vu aussi un phénomène : Gatuso… Vous auriez vu ce joueur, Docteur, un condensé de Ribéry et de Laspalès… Toujours actif, toujours à terre, toujours en mouvement, toujours à faire des fautes… Mais toujours partout… Phénoménal… Il va falloir que j’en cause au coach...
En seconde période, les Lyonnais jouaient mieux … Déjà, ils avaient remplacé Carew par Fred. Noooon, Docteur, pas mon Fred, l’autre idiot d’en face… Ben oui, les Lyonnais ont aussi un Fred… Mais une vraie tête à claques… Enfin, Docteur, une tête à prendre des claques...Notre Fred à nous les met les claques, ne les prend pas… Puis il eurent quelques occasions, par Tiago, mon copain à qui je ne parle plus tant que je suis Vert et que lui est Lyonnais, qui s’est fait expulsé bêtement en fin de match. Cris, l’intellectuel du groupe, tentait quelques incursions à la Zokora, c’est-à-dire en perdant la balle comme un manche, mais sans obtenir pour autant de coup franc. Le match se dirigeait vers sa fin sur un score nul 0-0, qui laisse augurer d’un retour très difficile pour les Lyonnais, à San Siro, dans un vrai stade, avec un vrai public, .
Je pense que Milan a très bien assuré, s’appuyant sur une tactique sûre, dominant le milieu de terrain et en bloquant hermétiquement les couloirs. Et de plus, j’ai eu la sensation que les Italiens ne forçaient pas trop pour se réserver pour mardi prochain. Bref une bien belle équipe de gestionnaires froids face à des rêveurs de gloire.

Ce n'est pas tout ça, Docteur, j’ai un petit soucis… Quand on a voulu reprendre la Fiat 500 sur le parking, elle n’y était plus… Disparue… Sans doute la faute à un collectionneur d’antiquités romaines qui nous l’avait empruntée. Comme nous ne pouvions pas rester à Lyon, seuls, en terre ennemie, nous sommes partis dans un autocar milanais. Aussi, je vous appelle de Milan… De l'aéroport... Nous attendons le prochain vol pour la France… J'ai hâte de partir... Vous verriez l'ambiance... Les Italiens sont pliés en deux de rire à cause du Tiramisu au Piquionne... Moi, il me semble que je passe mieux en salami... M'enfin, ce que j'en dis... Rendez-moi un grand service, Docteur, je vous en supplie... Vous ne pourriez pas téléphoner au coach pour lui expliquer que nous sommes tous les deux en observation avec Fred, chez vous, à l’hôpital, à la suite d’une montée de fièvre soudaine, qui s’est avérée être sans danger et sans complication, et que nous rejoindrons l’entraînement demain matin, en parfaite santé. Parce que si je lui raconte la vérité, je suis sûr qu’il va être contrarié… Avec un petit certificat médical, l’affaire va passer comme une lettre à la Poste quand elle n’est pas en grève… Vous êtes d’accord, Docteur ?… Aaaaaah, Docteur, je savais que je pouvais compter sur vous…

Merci pour tous, Docteur… On se rappelle !!!...

Auteur : Rising42