Les foules vertes sont sentimentales. Et même tellement plus quand l’ennemi juré pointe son nez. 
Et même trop et de façon disproportionnée au regard de l’investissement tristement ordinaire des joueurs dans ce match.

Samedi, à la mi-temps du match me vinrent à l’esprit les images et les mots d’Aimé Jacquet. Souvenez-vous, 1998, demi-finale de la coupe du monde France-Croatie. Sans doute figés par l’enjeu, les Bleus passent à côté de leur match. Rien n’est perdu car le score est encore nul et vierge après 45 minutes. Mais le match est terne, et les Bleus ne semblent pas tout faire pour forcer le verrou. Retour des vingt-deux acteurs au vestiaire. L’instant, immortalisé par les Yeux dans les Bleus est magnifique : Aimé Jacquet, l’Aimé Jacquet raillé par la presse et par le grand public, l’Aimé Jacquet, que beaucoup aiment dépeindre en gentil plouc stéphanois, l’Aimé qui sera adulé moins d’une semaine plus tard, réveille bruyemment et brillamment ses joueurs : « Y a personne qui bouge, personne qui réagit. On est à dix mètres, amorphes. Vous avez peur de quoi ? vous avez peur de qui ? peur ? Vous allez perdre les gars, vous allez perdre, pas de souci à vous faire….» La suite est éternelle, figée comme Lilian à genoux sur la pelouse du SDF.

21h45, on joue des coudes aux pissotières. Bouffé par le stress, je n’entends pas les commentaires de mes voisins. Je pense juste à ce que Galette est en train de dire aux joueurs pour les sortir de leur torpeur. J’espère que ça ressemble aux mots de Jacquet, et qui sait, qu’Ebondo soit notre Thuram à nous. Las…

Quelques minutes plus tard, je constate la rage au ventre que nos Verts, malgré vingt minutes de flottement lyonnais, ont toujours peur. De qui ? De quoi ?? Du leader du championnat et d’Essien, Diarra, Caçapa, Junhino et Benzema ? Non. Du septième du championnat et d’Umtiti, Grenier, Dabo ou Kone. 

Galette a raison. Lyon est meilleur que nous. Leur budget est trois fois supérieur au nôtre et Ebondo n’est pas Thuram. Mais quand Cris sort blessé du terrain, Garde aligne alors une défense très jeune et inexpérimentée, une défense qui a pris un pion à chacune de ses dix dernières sorties, une défense qui va passer, c’est sûr, un sale quart d’heure face à un groupe en révolte, prêt à mourir sur le terrain pour sauver l’honneur. Oui l’honneur, car il s’agit de ça non ? L’honneur d’un club bafoué depuis 1995 sur ses terres, l’honneur des supporters toujours présents malgré tous ces camouflets, l’honneur des joueurs dont Galette disait lui-même qu’ils avaient subi la haine et l’humiliation à l’automne dernier.

Groupe en révolte prêt à mourir sur le terrain ? Très intériorisée alors la révolte. Au point que personne ne s’est ému de cette paire minuscule de minutes d’arrêts de jeu gracieusement accordée par l’arbitre. Pourtant Cris blessé, l’arbitre avait pris soin d’arrêter le jeu pour s’enquérir de sa santé. Même chose quand Gonalons est resté vautré dans notre surface. Pareil enfin quand Ghoulam s’est fait découper par Réveillère devant le kop des Magic Fans. Ni les joueurs ni les dirigeants après le match ne s’en sont plaints, laissant ce genre de saillies au joueur de playstation. Loin de moi l’idée de penser que quatre minutes au lieu de deux auraient changé la face du match, tant nos joueurs semblaient accepter la défaite (Au fait, combien d’occases vertes après le but de Gomis ?).

Néanmoins, tout cela traduit à la fois un coupable excès de bonne éducation, une gentillesse (trop bon, trop con) et une triste accoutumance à la défaite. Combien de stéphanois ont été expulsés dans un derby depuis notre remontée en 2004 (soit la bagatelle de 17 derbies) ? Hormis Diatta à Gerbeland en 2006 pour une vraie fausse faute, personne. 

On nous inflige ces discours qui nous affligent

Révélateur d’une équipe qui ne hait pas la défaite, d’une équipe qui ne compense pas son infériorité technique par un engagement hors norme. Révélateur d’un club dont le président et le Directeur sportif multiplient les déclarations « tue l’ambition », comme ce surréaliste « jouer la Ligue des champions ne serait pas une bonne chose » que Rocheteau a balancé cette semaine.
La culture de la loose est là, bien ancrée. Et au-delà du fossé financier bien réel entre Lyon et nous, subsiste un fossé terrible dans l’ambition manifestée dans les coulisses comme sur le pré. 

Après le match, pour entériner cette impression douloureuse de complexe d’infériorité, Galette, en conférence de presse admettait la supériorité lyonnaise dans tous les domaines, signifiant ainsi que la défaite était logique, rationnelle et inévitable au point qu’on peut s’interroger sur l’intérêt de le jouer, ce derby. Ce même Galette qui après le derby aller nous avait pourtant expliqué qu’il avait fait une erreur dans l’approche du match, et qu’il en avait tiré les enseignements.

Les Verts avaient samedi l’occasion de rentrer dans une dimension jamais atteinte depuis trente ans : celle d’un club aux portes du podium de la L1 à dix journées de la fin, et ce en terrassant notre ennemi héréditaire. Rater une telle occasion est en soi rageant, mais la rater sans avoir tout donné est impardonnable. Sortir d’un derby avec des regrets est proprement inadmissible, et tout le club doit faire son auto-critique sur ce rendez vous si lourdement manqué.

L’abcès est douloureux, mais il faut le crever pour repartir sur des bases saines et vers des horizons prometteurs. Car si le passé est là et figé par de très tristes statistiques, l’avenir reste prometteur. Les Verts ont encore les moyens de nous faire sourire. Ils peuvent nous sortir une saison historique. Et Galette peut nous démontrer encore qu’il est un vrai bon coach. 
Car si nous n’oublierons -hélas- pas cet affligeant spectacle de samedi, nous n’oublions certainement pas tout le plaisir que Galette et ses troupes nous avaient procuré jusque là. Tout ce qui aujourd’hui au-delà de la désillusion nous permet de regarder la suite avec gourmandise.

Allez les Verts, au boulot, dès samedi, y a les poubelles à descendre !
 
 
Parasar