Etienne Mendy, Pascal Despeyroux et Christophe Deguerville nous ont confié leurs impressions avant le derby. L'heure de leur succession a sonné !

Le 6 avril 1994, vous avez battu l’Olympique Lyonnais 3-0 à Geoffroy-Guichard. C’est à ce jour le dernier succès stéphanois dans le derby. Quels souvenirs gardez-vous de ce match ?

Etienne Mendy : « C’est bien sûr un grand souvenir pour moi. Gagner un derby d’une telle manière, ça ne s’oublie pas. Certains ont beau dire que le derby est un match comme les autres, à mon sens ce n’est pas le cas. Sur le terrain, tu ressens que c’est un match particulier. Un derby ça se joue dans un climat passionné. Je garde encore en mémoire la superbe ambiance du Chaudron pendant le match, et la liesse au coup de sifflet final. Je me remémore également le doublé que j’ai réalisé ce soir là. En fait, je ne risque pas d’oublier ces deux buts car chaque année y’a quelqu’un pour me rappeler que c’est la dernière victoire stéphanoise contre Lyon ! (rires) J’ai eu l’occasion de revoir ça plusieurs fois. Je me souviens également du contexte du match. Notre saison était assez moyenne, personnellement j’étais en manque de réussite. Je me souviens que j’ai été sifflé et que j’ai eu des frictions avec des supporters lors des précédents matches. Marquer deux buts lors du derby, c’était à la fois une grosse joie et une petite revanche envers eux. »

Pascal Despeyroux : « C’est bien entendu un merveilleux souvenir, il reste gravé dans ma mémoire. Chaque derby est un évènement qui sort du lot. Celui là encore plus que les autres. Je me souviens que le match était diffusé sur Canal Plus. A l’époque, les matches étaient moins diffusés qu’aujourd’hui. Je me souviens qu’on avait perdu 1-0 au match aller à Gerland sur un but de Florian Maurice, alors que la saison précédente on avait gagné là-bas 2-0. On devait une revanche à notre public. J’ai le souvenir d’un match difficile, les Lyonnais avaient souvent la maîtrise du ballon en première mi-temps. On a marqué nos trois buts en deuxième période. J’ai eu le bonheur d’ouvrir le score suite à un beau centre en retrait de Tinou [ndlr : Etienne Mendy]. Je revois encore ma frappe enroulée au ras du poteau gauche d’Olmeta et tout ce Chaudron qui explose. Quelle émotion, putain j’en ai encore la chair de poule ! »

Christophe Deguerville : « Ce match fait partie des meilleurs moments que j’ai vécus sous le maillot vert. Je garde également un super souvenir de notre victoire à Gerland la saison précédente. On avait battu Lyon 2-0. A la fin du match, le public lyonnais était atterré, on n’entendait que le chant des supporters stéphanois. C’était énorme ! Mais pour en revenir au 3-0, j’ai le souvenir d’un match difficile qui s’est décanté assez tardivement en notre faveur. On a eu le mérite d’ouvrir la marque et on les a crucifiés sur deux contres. Gagner un derby 3-0, ça procure une grande joie, surtout quand tu as été formé à Sainté comme moi. J’ai eu l’occasion de jouer le derby avec Lyon mais ce n’est pas comparable, ça ne m’a pas vraiment marqué. »

Le derby, ça représente quoi pour vous ?

Etienne Mendy : « Le derby est un match différent des autres car il est particulièrement attendu par les supporters. Quand j’ai signé à Saint-Etienne, j’ai rapidement compris que ce match comptait plus que tout pour eux. Il y a une rivalité très forte entre Saint-Etienne et Lyon. Je n’ai jamais retrouvé cette atmosphère, ce climat de tension dans la suite de ma carrière. J’ai eu l’occasion de jouer des Caen/Le Havre mais ce n’est pas comparable, y’a moins de ferveur. Le derby Saint-Etienne-Lyon est un match hors normes, on le sent quand on le vit. Je pense que les matches de coupe d’Europe procurent le même type de sensations. »

Pascal Despeyroux : « Le derby se déroule dans un contexte à nul autre pareil. Attention, je parle du derby Saint-Etienne-Lyon, hein ! Pas des autres derbys que j’ai pu jouer lors de ma carrière. J’ai vite compris que le derby que j’allais jouer sous le maillot vert n’aurait rien à voir avec un Toulouse-Bordeaux ou un Toulouse-Montpellier. Déjà y’a moins de distance entre les deux villes. Et puis entre les supporters stéphanois et les supporters lyonnais, il y a une agressivité palpable, une animosité. Et dans « animosité » il y a « animal ». Les cars poursuivis, caillassés, j’ai connu ça ! Le derby, c’est vraiment chaud ! Y’a quelque chose de viscéral dans le rejet du voisin. On se transmet cette détestation du voisin honni de père en fils. Je crois que ça dépasse le strict cadre du football : Saint-Etienne et Lyon sont deux villes, deux cultures, deux mentalités différentes. »

Christophe Deguerville : « Le derby, c’est le match que tu te dois de réussir absolument par rapport aux supporters. La rivalité entre supporters lyonnais et stéphanois est exacerbée lors de ce grand rendez-vous. Pour les joueurs, c’est différents : certains d’entre eux se connaissent pour avoir évolué auparavant dans le même club, d’autres sympathisent via les sélection en équipe de France. Mais t’es obligé de faire un résultat pour les supporters. Pour résumer, un derby à domicile, ça se gagne quelle que soit la manière. A l’extérieur, il ne faut pas perdre. »

A l’heure où les deux clubs ont d’importantes échéances européennes, le derby suscite-t-il toujours la même ferveur qu’à votre époque ?

Etienne Mendy : « Un derby ça reste un derby. C’est vrai qu’à notre époque il y avait peut-être davantage de petites phrases, de déclarations et ça pimentait un peu le derby. Domenech était un orfèvre en la matière ! (rires) Mais aujourd’hui encore le derby reste un rendez-vous incontournable, un choc qu’il ne faut pas perdre. Lyon a l’occasion de jouer de gros matches européens depuis plusieurs années, les Verts retrouvent la coupe d’Europe après une trop longue absence, mais le derby reste un match unique et important. Après tout, c’est aussi une histoire de suprématie régionale. »

Pascal Despeyroux : « Même si les clubs ont d’autres priorités, le derby est indémodable et continuera selon moi de susciter toujours autant de passion. N’oublions pas que pendant longtemps la France entière venait en pèlerinage A Saint-Etienne. Geoffroy-Guichard reste une référence pour tout passionné du ballon. Le derby reste un évènement exceptionnel pour profiter pleinement de la magie du Chaudron. On parle toujours autant du derby, dès la sortie du calendrier les supporters regardent en priorité les dates des matches entre Saint-Etienne et Lyon. Il y a toujours la même ferveur. »

Christophe Deguerville : « Je suis ravi que Saint-Etienne retrouve la coupe d’Europe car je suis resté un inconditionnel supporter des Verts. Je sens bien qu’il y a une effervescence, ça fait tellement longtemps que les supporters n’ont pas vu de matches européens ! Malgré ce contexte, le derby restera toujours le derby. Par rapport aux autres matches du championnat, le derby a une autre dimension. En France, Lyon est vraiment au-dessus de toutes les autres équipes depuis plusieurs années. Les supporters stéphanois ont du mal à supporter cette hégémonie lyonnaise et rêvent de faire tomber l’OL. »

Depuis cette fameuse victoire de 1994, les Verts restent sur une triste et longue série de 17 matches sans victoire contre les Lyonnais. Comment expliquez-vous cette malédiction stéphanoise ?

Etienne Mendy : « Le rapport de force a changé par rapport à mon époque. Lyon a construit au fil des ans une équipe de plus en plus solide alors que dans le même temps Saint-Etienne a connu une histoire mouvementée et deux relégations en deuxième division. Les 17 derbys que vous évoquez ont souvent été serrés. C’est vrai que la balance n’a jamais penché en faveur de Saint-Etienne mais les Verts ont été plusieurs fois très proches d’un succès. L’an dernier, ça n’est vraiment pas passé loin mais Benzema a égalisé sur coup franc à la dernière minute. Mais il n’y a pas de fatalité, toute mauvaise série a une fin ! »

Pascal Despeyroux : « A force de trop y penser, de trop "transférer" sur ce match, peut-être que les Stéphanois le jouent avant. Les Lyonnais, eux, savent qu’ils sont attendus mais ils sont blindés. Mentalement ils sont très forts. Ils dominent le foot français depuis de longues années, ils ont sans doute abordé le derby avec plus de sérénité toutes ces dernières années. »

Christophe Deguerville : « L’explication est simple : depuis que je suis parti, Saint-Etienne ne gagne plus ! (rires) Je plaisante bien sûr. 17 matches, ça fait vraiment beaucoup, il est temps que cette série prenne fin ! A mon époque, les deux clubs avaient un niveau assez proche. Il faut reconnaître que la situation a changé depuis. Lyon a progressé lentement mais sûrement alors que Saint-Etienne a eu un parcours plus chaotique. Lyon a pris beaucoup d’avance sur Saint-Etienne et sur les autres clubs de Ligue 1. Lyon fait peur, cette équipe archidomine le championnat depuis plusieurs saisons. Même sur un match il est devenu difficile de contrarier sa suprématie. Mais Lyon n'est pas imbattable. »

Comment voyez-vous le prochain derby ? Quels sont vos pronostics ?

Etienne Mendy : « Je suis quasiment sûr qu’on ne verra pas un grand match. C’est rare qu’il y ait du spectacle dans ces confrontations entre Stéphanois et Lyonnais. Même si les deux camps n’osent pas l’avouer, je pense que tout le monde a un peu peur de perdre ce match. Beaucoup doivent se dire qu’après tout, avec un nul, on limite les dégâts. L’OL semble un ton au-dessus mais je pense que cette supériorité ne va pas se ressentir lors du derby. Les Stéphanois seront particulièrement motivés, je les vois bien s’imposer 1-0 grâce à un but de Pascal Feindouno. »

Pascal Despeyroux : « Tous les ingrédients semblent réunis pour que cette année les Verts gagnent le derby. Ils ont perdu deux fois depuis le début du championnat et se doivent de réagir. Les Verts ont des ambitions, il faut qu’ils recollent au classement. Laurent Roussey a envoyé des piques à ses joueurs, ils auront à cœur de lui démontrer leur détermination. L’OL m’a semblé costaud à Lorient mais la cohésion de l’équipe lyonnaise n’est pas encore optimale. C’est peut-être la chance de Saint-Etienne : j’ai l’impression que le derby arrive un peu plus tôt que les précédentes saisons, Lyon me semble donc prenable. Mon pronostic : 2-1 pour les Verts, buts de Gomis et Feindouno ! »

Christophe Deguerville : « Même si j’ai joué deux saisons à l’OL, je souhaite de tout cœur une victoire des Verts. Saint-Etienne connaît un début de saison difficile, mais ce derby est l’occasion rêvée de lancer pour de bon la saison. Sainté, c’est vraiment du costaud à domicile depuis un an ! Même si je suis ancien défenseur, j’espère voir pas mal de buts donc je vote pour une victoire des Verts 3-2. Gomis marquera au moins un but. »