La parole est à la défense dans le deuxième volet du long entretien que Robert Nouzaret nous a accordé.


Robert, continuons le jeu des comparaisons entre l'effectif de la saison 1999-2000 et l'effectif actuel. Passons aux latéraux. Sur le côté droit, François Clerc donne satisfaction aujourd'hui, comme Bjorn Tore Kvarme à ton époque. Quel souvenir gardes-tu de lui ?

C'était un très bon joueur. Je garde un super souvenir de tous, comparativement à ce bloc stéphanois actuel, il y avait beaucoup de similitudes. Kvarme était Norvégien, il jouait en équipe nationale. Clerc a joué en équipe de France aussi. Kvarme était un très bon défenseur et il participait beaucoup offensivement comme Clerc maintenant. Pour moi il n'y a pas beaucoup de différences. Kvarme c'était un grand professionnel, sur le terrain et en dehors.

Sur le côté gauche, il y avait Lionel Potillon. Si on devait le comparer aujourd'hui avec Faouzi Ghoulam et Jonathan Brison, tu dirais quoi ?

C'est difficile de donner un avis en dehors de ce que je vois lors des matches. Lionel Potillon c'était le joueur type du club, je pense que les joueurs actuels sont du même profil. J'ai le souvenir d'un bon professionnel, un gars sérieux. Son départ de Saint-Etienne ne l'a pas arrêté, il a enchaîné une très bonne carrière. Il est parti dans un club totalement opposé au niveau de l'état d'esprit. Il s'est bien adapté, il n'y a que des bons souvenirs avec des joueurs comme ça.

Popote continuer d'œuvrer dans le giron de l'ASSE aujourd'hui en tant que président de l'association Cœur Vert. Faire une place aux anciens, tu trouves que c'est une bonne chose et que cela contribue à la bonne image du club ?

Oui ! Je peux prendre l'exemple de deux clubs dans ce domaine. D'abord Montpellier, via son président Louis Nicollin, qui a toujours su donner des possibilités de reconversion à tous les joueurs qui sont passés, quelle que soit la saison, quelle que soit la période. Il leur a toujours donné la possibilité soit de réintégrer le club, soit d'intégrer son entreprise. Cela ne se passe pas dans tous les clubs. Je ne sais pas exactement ce qui se passe à l'ASSE mais si on retrouve la même configuration, c'est une très bonne chose.

Le deuxième club, à l'échelle européenne, c'est le Bayern de Munich qui montre l'exemple de la tête jusqu'en bas. Ce ne sont pas nécessairement des éducateurs, entraineurs ou autres, mais ce sont des présidents. Quand vous avez un club où il n'y a que des anciens joueurs, cela démontre une véritable intelligence de ceux qui permettent de faire fonctionner ce système. C'est peut être les actionnaires mais ils sont intelligents en tout cas. Ils mettent de l'argent mais ils se contentent de tout faire pour avoir un bon club sans que l'on parle d'eux. Alors que peut-être chez nous, le seul souci que l'on a quand on rentre en tant qu'actionnaire, c'est l'envie de faire parler de soi dans les médias, l'envie d'intervenir dans tout pour exister. Ce n'est pas toujours la meilleure des solutions…

Le club sait faire une place aux anciens, on le voit avec Dominique Rocheteau

C'est toujours bien de s'entourer d'anciens joueurs qui ont marqué le club et qui ont une bonne image. Quand tu prends un gars comme Dominique Rocheteau, la seule inquiétude que l'on peut avoir, ce n'est pas celle de son image. C'est celle de sa compétence. C'est l'homme idéal pour montrer que dans un club on ne fait pas n'importe quoi, qu'il y a un état d'esprit d'un certain niveau. Dominique c'est un gars qui parait à la fois intelligent, calme, sain, serein, posé. C'est peut-être lui qui a contribué à ce que Romeyer et Caiazzo soient beaucoup plus proches l'un de l'autre et ne cherchent pas à tirer la couverture chacun de de leur côté.

On va maintenant passer en revue les défenseurs centraux. On se souvient de la charnière Lucien Mettomo et Jean Guy Wallemme, aujourd'hui on a Perrin et Salln sans oublier le jeune Kurt Zouma.

Lucien Mettomo et Jean-Guy Wallemme étaient complémentaires, on estimait qu'ils avaient le niveau après avoir succédé à la charnière Leclerc-Mettomo. Lucien était plus dans la continuité, Gilles était davantage atteint par la limite d'âge que par sa valeur. Je me souviens qu'on avait gardé presque toute l'équipe au complet l'année de la remontée à titre de récompense.

Lucien Mettomo faisait très forte impression à cette époque sous ta direction, on s'attendait peut être à une plus grande carrière …

Il y a deux aspects dans la carrière d'un joueur : il y a ce qui se passe sur le terrain et ce qui se passe en dehors du terrain. Si les deux ne sont pas complémentaires et sont disproportionnés, parce qu'on est bon sur le terrain et qu'on ne fait pas les mêmes efforts en dehors… On peut être bon sur le terrain pendant un certain temps parce qu'on a du talent, mais si on oublie certains principes on est très vite rattrapé par le métier. Inversement on peut avoir des difficultés sur le terrain mais garder en dehors un comportement très professionnel et les difficultés disparaissent beaucoup plus vite et vous arriverez à faire une très bonne carrière. Je pense que chez Lucien, à un moment donné, il a dû se passer quelque chose qui l'a empêché de concrétiser toutes ses qualités.

Sur la charnière actuelle, quelque mots sur Loïc Perrin qui est très apprécié à Sainté par sa fidélité, son intelligence, son talent, sa polyvalence. Quel regard portes-tu sur ce joueur ?

C'est LE joueur idéal pour un entraîneur dans un club. Il s'est remis de ses nombreuses blessures. C'est un mec qui a la volonté, le professionnalisme et l'état d'esprit pour se battre dans n'importe quelle situation. Par contre il me semble que Sall a eu beaucoup de difficulté la saison dernière … il a eu des difficultés contractuelles.

En effet, il faisait partie du fameux loft avec Boubacar Sanogo et Sylvain Monsoreau …

Le fait qu'il se retrouve titulaire aujourd'hui, ça prouve que c'est quelqu'un qui a dû réagir sainement et qui a fait beaucoup d'efforts. A la sortie il est compétitif. Beaucoup de joueurs devraient suivre son cas car c'est une situation qui peut arriver à n'importe qui.

Qu'as-tu pensé du loft, de la mise au placard de plusieurs joueurs ?

Si cela correspond à une volonté suite à des contrats que le club considérait trop élevés et que les joueurs n'avaient pas le rendement voulu… Je pense qu'un joueur vient signer un contrat parce qu'il a une certaine valeur et que les recruteurs l'ont vu. A partir de ce moment-là, il ne vient pas avec un revolver pour dire il faut me signer ceci ou cela … Donc les gens lui ont offert un contrat qui correspondait à sa valeur à un certain moment. Après, le joueur n'a plus la même valeur, le même comportement.
La seule chose qui peut amener un club à être vraiment intransigeant ou sévère, c'est si le joueur ne possède pas une hygiène de vie à la hauteur du professionnalisme qui doit aller avec contrat qu'il a signé. Un contrat justifie la valeur d'un joueur, mais il doit justifier aussi son professionnalisme 24 heures sur 24. Si un joueur ne fait plus d'effort, mène une vie en dehors qui correspond pas à son métier, crée des problèmes dans le vestiaire … et n'est plus compétitif, il est évident qu'on est amené obligatoirement à avoir des attitudes qui ne sont pas dignes mais qui paraissent acceptables pour les gens défendant les intérêts d'un club.

Kurt Zouma a préféré prolonger son contrat alors qu'il était sollicité par des grands clubs anglais. A l'inverse, Vincent Péricard avait cédé aux sirènes étrangères très jeune alors qu'il était aussi très prometteur.

La cause de toute sa carrière foutue en l'air, elle est là ! A un mois près, les parents de Péricard et le joueur étaient agréablement surpris que je puisse lui dire qu'il allait être la doublure de José Aloisio vu son âge et son manque d'expérience. Cela prouve la confiance que je pouvais lui accorder avec mon staff. Que ce même joueur un mois après avec ses parents soient passés d'une exigence d'étude à une exigence financière, démontrait bien que quelqu'un était passé là au milieu. Ce quelqu'un c'était un agent français qui travaillait pour la Juventus. Le joueur est tombé dans le panneau. C'est le gros risque que la plupart des jeunes joueurs ne doivent pas prendre malgré les sollicitations lorsqu'ils commencent à pointer le bout de leur nez dans un club pro français. Il faut être patient, s'installer dans son club, jouer et être titulaire. Le jour où vous partez, d'abord vous allez gagner plus d'argent mais surtout vous allez jouer. Vous ne partez pas pour finir votre formation ou faire du banc de touche ou pour être prêté dans un autre club. Je pense que Péricard a rêvé pendant quelques temps, car au moment où il est arrivé à la Juve c'était la Coupe du Monde et tous les internationaux étaient absents. Il a fait quelques matchs amicaux maiq quand tout le monde est revenu, il a disparu, on a fini par le prêter. Il n'a pas supporté cette concurrence et les efforts qu'il devait faire, il est parti complètement à la dérive. Il a eu tout faux et ses parents ont eu tout faux.

Qu'est ce qui peut aider un jeune joueur à faire le bon choix : avoir un bon environnement familial, un bon agent ?

Déjà, c'est d'être soi-même intelligent. Mais selon l'âge on peut être intelligent mais ne pas toujours avoir la vision qui correspond au moment où on a des propositions. Ce n'est pas évident car quand tu passes d'un salaire à 2000 euros à 20 000 euros à cet âge-là. On ne sait pas comment n'importe lequel d'entre nous peut gérer. C'est là que le jeune a besoin d'être entouré. Je ne pense pas que l'agent qui s'occupait de Péricard à cette époque ait pu avoir cette influence, car il a eu une influence plutôt commerciale qu'axée sur son plan de carrière. Et ça c'est très dangereux. Il ne le connaissait pas, il l'a rencontré le jour où on a joué à Strasbourg le dernier de match de championnat. J'avais fait jouer Péricard. Donc il ne pouvait pas avoir vis-à-vis du joueur un plan de carrière car il avait juste envie d'envoyer Péricard à la Juventus pour gagner du pognon. C'est dangereux car à cet âge-là il y a les parents … Les parents n'ont pas été à la hauteur. Chaque fois que j'ai pu parler à un jeune, je lui disais de faire attention à ces situations-là. Je pense qu'on ne met pas assez l'accent là-dessus, même s'il y en a de moins en moins qui parte. Si on faisait une véritable enquête sur les 20 dernières années, sur les jeunes qui sont partis trop tôt et ce qu'ils sont devenus, je pense que ça ferait réfléchir beaucoup de jeunes.

 

Merci au potonaute Jérémyy pour la retranscription de ce deuxième volet.