Ancien capitaine de Saint-Pol-de-Léon éliminé par l'ASSE en Coupe de France en 1979, Pierre Bégot nous a reçu pendant les fêtes dans son agence immobilière à Carantec (Finistère) pour nous parler des plus forts, évidemment les Verts !


Quel a été votre parcours personnel avant d'affronter les Verts en Coupe de France ?

J'ai commencé à jouer au foot à Landivisiau. Ensuite j'ai évolué à l'A.S. Brestoise pendant quatre ou cinq ans. Saint-Pol est venu me chercher, un copain qui jouait dans ce club m'a incité à venir. Le club me proposait du boulot, de travailler avec le président qui était le directeur financier de la SICA de Saint-Pol, le premier groupement français de producteurs de légumes. Quand je suis arrivé au club, Saint-Pol était en DHR. Ensuite on est monté en DSR. Et là, un Anglais est arrivé en tant qu'entraîneur-jouer. Il a grandement contribué à l'essor du club. Page-Jones.

Vous l'avez trouvé dans l'annuaire ? Il se prénomme Vincent, Pages-Jones ?

Non, il se prénomme Nigel et n'a rien à voir avec votre milieu de terrain Vincent Pajot ! (rires)

Vous avez fait des plans pour Nigel ? Il était heureux dans son travail ?



Oui, il était rigoureux et on a été heureux de l'avoir avec nous. Il nous a apporté son expérience. Nigel Page-Jones venait du Stade Brestois, où il a joué pendant plusieurs saisons en deuxième division. Il nous a apporté le physique. On a beaucoup progressé dans ce domaine car il nous concoctait de sacrées séances d'entraînement. Comme on avait également de bonnes qualités techniques, on est monté de DSR en DH. En DH on a été invaincu. Cette saison-là on a été battu que par les Verts et… Cléder, notre concurrent local ! (rires)

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Avant de défier les Verts, vous aviez réussi un sacré exploit au tour précédent !

Effectivement, on avait réussi à éliminer le Stade Rennais, qui évoluait à l'époque en deuxième division. On aurait dû jouer à Rennes car à l'époque c'est la première équipe tirée qui recevait, quel que soit son niveau. Mais Antoine Polard, patron du Leclerc de Saint-Pol-de-Léon et initiateur des foires aux vins en France a dit au président de Rennes : "Venez à Saint-Pol, il y'aura plein de monde, on vous donnera une partie de la buvette…" Les Rennais sont venus à Saint-Pol trop confiants, d'autant plus qu'ils avaient passé neuf buts à Blois le tour précédent. On leur a mis un but, puis deux, puis trois… Ils ont commencé à s'énerver à l'image de Laurent Pokou, qui s'est d'ailleurs fait expulser.

Ce joueur avait fait très mal à Saint-Etienne en 1974 en trompant Ivan Curkovic d'un enchaînement contrôle –frappe imparable. Michel Vautrot, qui arbitrait la rencontre, déclarera plus tard : "J'ai dirigé les plus grands : Pelé, Platini, Cruyff mais je n'ai rien vu de tel que Laurent Pokou..." Fair-play, Robert Herbin avait dit : "C'est l'un des plus beaux buts que j'aie jamais vus." On peut le voir à partir de la 22e seconde de cette compilation.

 




Quel joueur ! J'aimais beaucoup Pokou. J'étais en admiration devant lui. C'était un joueur extraordinaire. Il nous a hélas quittés en novembre dernier.

Quelle a été votre réaction en prenant connaissance du tirage des 32es de finale ?

Quand on a appris qu'on allait jouer contre Saint-Etienne, on a tous exprimé une immense joie. Affronter les Verts, c'est extraordinaire ! C'était la meilleure équipe de France, celle qui nous avait tous fait rêver en Coupe d'Europe. Il y avait cinq divisions d'écart entre les Verts et le Stade Léonard Kreisker. D'ailleurs ils ont gagné 5-0, la logique a été respectée ! (rires) Mais on n'a pas été déçu de se faire éliminer ainsi. Pour nous c'était un aboutissement de tomber contre Saint-Etienne, on savait qu'on n'irait pas plus loin. On a joué à Penvillers, le stade de Quimper, devant 23 000 spectateurs. Le président de Saint-Pol-de-Léon François Le Fustec avait dit à l'époque : "Ils ne verront plus jamais ça !" Il avait raison. Quimper a joué dans les années 70 et 80 en deuxième division, mais désormais le club évolue en DSR. Les Verts avaient attiré un monde fou, le stade était vraiment plein à craquer. Il y avait même des spectateurs perchés et agrippés à des pylônes.

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Dans quel état d'esprit avez-vous abordé ce match contre les Verts ?

Ce n'est pas évident d'être opposé à des joueurs qu'on admire. J'ai quand même fait ou deux tacles mais je ne voulais pas leur faire mal. Comment voulez-vous qu'on gagne ? (rires) On était contracté et impressionné d'affronter les Verts. Il y avait dans le onze de départ de nombreux joueurs qui avaient joué deux ans et demi plus tôt la finale de la Coupe d'Europe à Glasgow : Piazza, Lopez, Janvion, Farison, Repellini, Santini, Rocheteau... J'avais en face de moi des idoles qui m'avaient enthousiasmé et m'ont fait vibrer. J'avais d'ailleurs traversé La Manche pour venir les encourager à Glasgow pour la finale contre le Bayern. J'ai vu de mes yeux vus les tentatives de Dominique Bathenay et Jacques Santini repoussées par les fameux poteaux carrés d'Hampden Park…

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Il y avait aussi Bernard Lacombe, qui vous a fait très mal lors de son unique saison sous le maillot vert.

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Effectivement, il nous a fait mal ce Lyonnais ! Il a fait un triplé dès le premier quart d'heure. Ensuite Saint-Etienne a déroulé. On s'était dit que si les Verts ne marquaient pas dans les vingt premières minutes, on pouvait espérer faire un exploit. Lacombe a été très opportuniste mais ce n'est pas l'attaquant qui m'a le plus impressionné ce jour-là. Dominique Rocheteau m'a plus marqué par sa conduite de balle et sa vitesse de couse. Mais le joueur stéphanois qui m'a le plus impressionné, c'est Osvaldo Piazza. J'ai encore en mémoire une action où mon copain Jacky Bidot qui jouait avant-centre se présente seul face au gardien Jean Castaneda. Piazza revient à fond, lui passe devant et repart avec le ballon. Waouh ! J'ai eu l'occasion de le revoir lors d'un match d'anciens à Brest. Ça m'a fait un choc, il a perdu tous ses cheveux ! (rires) Mais pas sa mémoire, on a eu l'occasion de reparler de ce match. Jean-François Larios m'avait aussi fait forte impression par sa puissance au milieu de terrain.

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A la fin de la rencontre, avec quel joueur avez-vous échangé votre maillot ?

J'ai échangé mon maillot avec Osvaldo Piazza justement. J'ai conservé précieusement le sien. Ce gars m'avait fait rêver à la télé à une époque où il y avait peu de matches diffusés. Il a été très sympa, comme tous les Stéphanois d'ailleurs ! Les joueurs ont été accessibles, disponibles. Le président Roger Rocher aussi avait fait le déplacement. Il était sur le banc aux côtés de Robert Herbin et Pierre Garonnaire.

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De notre côté on s'est tous retrouvé au restaurant après le match pour fêter la fin de notre belle aventure en Coupe de France. Je suis resté en contacts avec eux. Ils habitent encore pour la plupart dans le coin. Certains ont pris leur retraite mais d'autres sont encore en activité comme Michel Penn, qui tient le Leclerc de Morlaix. Ce qui nous attriste, c'est de voir que le club est tombé bien bas, il joue désormais en district alors qu'à une époque il jouait les premiers rôles en D3. Le club aurait pu avoir une trajectoire à la Guingamp et aujourd'hui il évolue à tout petit niveau, c'est un peu désolant. Je vais de temps en temps sur leur site, ils ne parlent même pas de notre épopée en Coupe de France. Je trouve ça étonnant !

Que vous inspirent les Verts d'aujourd'hui ?

J'aime toujours Saint-Etienne, il m'arrive de regarder les Verts à la télé et je suis leurs résultats. Mon fils Pierre-Yves avait fait un essai chez eux à l'époque de Christian Villanova mais ils ne l'ont pas gardé. Il a joué en National et en CFA avec Plabennec. Il a failli lui aussi affronter les Verts en Coupe de France il y a trois ans. Il se faisait une joie de les retrouver en 16es de finale mais il tombé sur Cannes, qui a éliminé les Verts aux tirs au but en 32e. La saison d'avant, mon fils a eu l'occasion d'éliminer Reims puis de perdre avec les honneurs contre Lille. Ce sont deux bons clubs mais ça ne vaut pas Saint-Etienne. Rien ne vaut Saint-Etienne ! C'est un club mythique, qui a retrouvé des couleurs ces dernières années. Les Verts vont bientôt affronter Manchester United en Coupe d'Europe, c'est fantastique. j'aimerais bien qu'ils gagnent la Coupe de France car ça fait longtemps qu'ils ne l'ont pas remportée. Près de quarante ans, c'est anormal pour un club aussi prestigieux... Certes, ils ont remporté la Coupe de la Ligue il y a quelques années mais ça n'a pas la même saveur. La Coupe de France, c'est autre chose; c'est vraiment une compétition magnifique à laquelle tous les clubs participent, petits et grands, amateurs et professionnels !

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Quels sont vos joueurs préférés dans l'équipe actuelle de l'ASSE ?

Le premier joueur qui me vient en tête, c'est le capitaine, Loïc Perrin. J'aime beaucoup ce défenseur central, il est complet, très propre dans ses interventions. C'est le patron de la défense. Il a un très bon niveau et aurait mérité de jouer en équipe de France. J'apprécie également Stéphane Ruffier, il en impose. Lui aussi a le niveau international. J'aime notre Breton Fabien Lemoine, un milieu de terrain généreux et combatif même si on l'a peu vu à l'œuvre ces derniers mois à cause de ses blessures. Il y a également Romain Hamouma. Ce joueur a du ballon, il est intéressant. Les autres joueurs offensifs ont plus de difficultés. Nolan Roux par exemple semble à la peine alors qu'il était performant au Stade Brestois.

Un Stade Brestois actuellement leader de L2 grâce à Neal Maupay, prêté par Sainté !

Pour le voir régulièrement jouer au Stade Francis Le Blé, j'apprécie beaucoup ce joueur. Il manquait de temps de jeu à Saint-Etienne mais il vient de faire une grosse première moitié de saison. Il a déjà mis une dizaine de buts. Il dépasse à peine 1m70 mais il est solide sur ses appuis, très tonique. C'est un battant qui fait de bons appels et sent très bien les coups. Je l'ai même vu marquer de la tête contre Strasbourg. J'aime bien ce style d'attaquant. Ça prouve bien que dans le foot moderne, les petits gabarits ont encore leur mot à dire. On le voit au niveau international avec Antoine Griezmann, qui aurait sans doute mérité d'être ballon d'or cette saison. Et dire que plusieurs centres de formation dont celui de l'ASSE l'avaient recalé car il était jugé trop frêle ! Pour en revenir à Neal Maupay, j'espère qu'il poursuivra sur sa lancée lors de la seconde partie de saison. Je pense qu'il a les qualités pour faire une belle carrière. Je le pensais un peu plus vieux car ça fait quelques années qu'on en entend parler mais en fait il n'a que vingt ans !

 

Merci à Pierre pour sa disponibilité, au potonaute chrismagnus et au footnostalgique Pilgrim29 pour leurs photos.