La palme de la meilleure interprétation des signatures en pro de Chapuis, Nyemeck, Bamba et Dekoké est attribuée à leur ancien entraîneur en U19 Abdel Bouhazama


Evoquons tout d'abord les signatures de Maxence Chapuis et Jerrold Nyemeck, deux garçons que tu as eu sous tes ordres près de deux ans et demi. 

Ce sont des garçons qui ont fait une finale Gambardella. Ils sont issus d'une génération 1994-1995 peut-être un petit moins talentueuse que la génération 1992-1993. Maxence et Jerrold sont de bons gamins. Ils faisaient partie des joueurs de 16-17 ans qui jouaient souvent en U19. C'était l'année où du fait de la grande jeunesse de notre effectif, on était un peu en difficulté dans notre championnat. Je pense qu'avec du recul, ça a été un mal pour un bien, ils se sont un peu endurcis puisqu'ils ont tout de suite été mis en difficulté, ça leur a forgé un peu plus le mental. Le fait que Maxence signe pro n'est pas une surprise pour moi, on en parlait déjà avec Jean-Philippe Primard à une époque où personne ne croyait en lui. Nous, on l'a vu au quotidien en U19 puis en CFA, on avait décelé chez Maxence une grande qualité technique, une intelligence. Mais on remettait un peu ça en cause du fait de sa taille jugée par certains trop modeste pour un défenseur central. Je sais qu'il a été à un moment replacé en milieu de terrain, même s'il a une petite VMA. Maxence a une telle technique et une telle lecture de jeu que l'on peut le mettre n'importe où, il s'en sortira. Là-dessus, il n'y a pas de souci et en plus c'est un Stéphanois, c'est très bien !

Maxence n'est pas Kurt mais son garabarit n'est pas rédhibitoire pour s'imposer dans l'élite, si ?

Il doit faire 1m82, 1m83... Après, quand je vois Loïc Perrin, je pense que Maxence est un peu dans les mêmes critères athlétiques et techniques, il a lui aussi une vraie intelligence de jeu. Mais c'est vrai que nous, lorsqu'on les a en formation, on a les joueurs au quotidien, et ensuite, on est toujours rappelés par rapport au haut niveau. C'est vrai que lors des échanges que l'on pouvait avoir avec Christophe Galtier, la question se posait sur le plan athlétique... Aujourd'hui, quand on voit en ligue 1 le morphotype d'un défenseur central moderne, on demande à avoir des défenseurs qui soient assez athlétiques et très costauds. Mais je pense malgré tout qu'on peut faire un peu le parallèle avec Loïc Perrin. On peut le mettre arrière droit, on peut le mettre 6... Ce sont des joueurs qui s'adaptent très vite au poste dans lequel ils sont car ils sont très intelligents. Je pense que Maxence est un peu dans cette filière-là. 

Son poste préférentiel est défenseur central ?

Il peut évoluer milieu défensif mais je pense que son poste de prédilection reste en effet défenseur central. Avec Jean-Philippe Primard, on l'avait mis à ce poste. Thierry Oleksiak qui découvre le gamin le met aussi à ce poste. On a un peu la même analyse, les mêmes sensibilités. Son meilleur poste, c'est quand même défenseur central et je pense qu'il a une carte à jouer à ce niveau-là. Aujourd'hui, il va surtout falloir voir qu'il va donner chez les pros en termes de prestations. La ligue 1, c'est quand même le summum du football en France.

Quels sont ses principaux atouts, ses principaux points forts ? 

Il a une excellent lecture du jeu, qui lui permet d'anticiper les passes de l'adversaire, les appels, de couper les trajectoires. Après, il a une grosse qualité technique, c'est vraiment un joueur de football comme on les aime, capable de jouer long, court. Il est capable de tout faire avec un ballon, il est doué. Sur le plan du jeu de tête, comme il a une bonne lecture de jeu, il a un bon timing. Je ne dis pas qu'il a une bonne détente sur l'aspect athlétique pur, mais il est capable de sauter au bon moment. Le seul petit défaut qu'il a, c'est son léger manque de vitesse et d'explosivité sur les démarrages. Dans l'impact physique, on a toujours l'impression qu'il est un peu nonchalant, mou. Mais c'est un garçon qui à mon époque avait commencé à s'endurcir, à prendre confiance en lui. En le nommant capitaine, je lui ai donné quelques responsabilités. Il avait à une époque peut-être un petit manque de personnalité, pas assez de commandement. Le fait de lui avoir remis le brassard, ça l'avait obligé à s'extravertir un petit peu, de prendre ses responsabilités. Comme il a un excellent état d'esprit, le capitanat s'est fait de manière très naturelle. C'est un Stéphanois, un pur produit de l'ASSE, ça doit faire dix ans qu'il est au club. 

Sur le terrain, Maxence dégage une certaine sérénité.

C'est vrai. Je parlais de nonchalance mais il est tellement doué qu'avec lui, ça parait facile, et la première qualité d'un défenseur c'est d'abord de bien défendre... Et lui c'est vrai que c'est l'inverse : il aime le foot, il aime le jeu et par moment il peut nous faire peur. J'ai une petite anecdote à ce sujet, lors de notre demi-finale contre Brest en Coupe Gambardella. A un moment donné, que ce soit avec le vent ou contre le vent, il avait décidé de toujours repartir court. Je lui ai dit qu'on avait le droit d'utiliser le vent, et c'est lui qui marque le but de la victoire sur corner dans les arrêts de jeu. Bon, il n'avait pas marqué de la tête mais il avait été très présent. Dans les deux zones de vérité, que ce soit offensivement ou défensivement, quand il doit se comporter comme un défenseur, il se comporte comme un défenseur. Et quand il est sur le plan offensif, il se transforme en premier attaquant. Il a de la détermination. C'est un défenseur propre. Quand on le voit jouer, j'aime bien faire le parallèle avec Loïc Perrin, ce sont des garçons très calmes, très posés, très réfléchis et ils apportent de la sérénité autour d'eux. 

Quid de Jerrold Nyemeck ?

C'était un milieu défensif, je l'ai reconverti arrière latéral parce qu'on était un peu déficient dans ce poste-là. Jerrold est en effet un garçon très intéressant sur le plan athlétique, combatif et généreux, très bon dans le un contre un. Et il était sans doute plus précieux derrière qu'au milieu de terrain par rapport à ce qui était préconisé en termes de qualité de joueurs sur le plan technique, dans les déplacements et dans beaucoup d'autres critères. Je suis content qu'il signe pro. C'est un garçon sur lequel on avait quelques petits doutes et peut-être que maintenant il a pris de la confiance, il a dû assimiler le poste de latéral et toutes les techniques requises dans son plan défensif.

S'il avait parfois évolué au milieu de terrain avec Jean-Philippe Primard, il semble s'être fixé au poste de latéral avec Thierry Oleksiak.

A l'époque, on jouait comme l'équipe première, en 4-3-3, son poste de prédilection c'était milieu défensif, en sentinelle, ce travail de l'ombre, de récupération, de harcèlement... A ce poste-là, il faut quand même un joueur qui sur le plan de l'impact physique et du volume de jeu donne de l'intensité au milieu de terrain. Dans un 4-3-3 avec une sentinelle, Jerrold s'en tire très bien. Après, il est moins à son aise dans un système avec deux milieux de terrains, où on demande un peu plus de complémentarité, des joueurs de football qui savent un peu plus jouer... Sur des choses très simples, de travail de récupération et de relance, Jerrold est un garçon très performant. A l'époque, je pensais que son léger manque de technique allait le gêner. Par moment, dans la densité, quand il y a beaucoup de joueurs et du pressing adverse, il lui faut un peu d'espace pour aménager son jeu et pouvoir faire des bonnes passes. Mais quand il a le jeu face à lui, au poste de latéral ou même défenseur central où il peut dépanner, il a un gros volume de jeu... Quand il participait au jeu, il prenait souvent le couloir mais ce que je lui reprochais, c'était sa qualité de centre sur le plan technique. Je lui en avais parlé, Jerrold n'était pas trop d'accord, mais j'avais fait le parallèle avec son cousin, Umtiti. Il en souriait mais je lui avais dit : "Jerrold, si tu as une chance de devenir pro à Saint-Etienne, ce sera au poste de latéral". Bon, il n'y croyait pas trop mais au fil du temps il s'est imposé naturellement, il avait des qualités pour s'épanouir à ce poste. Sur les techniques défensives, le un contre un, il avait au début un peu de mal, quelques problèmes d'appui, d'orientation, de cadrage du porteur, surtout si son adversaire direct le prenait un peu de vitesse. Il avait ses défauts, mais il a su travailler pour les corriger.

Tu as surtout fait jouer Jerrold latéral droit, mais il a souvent évolué latéral gauche cette saison. A quel poste te semble-t-il le plus à l'aise ?

Au poste de latéral droit, comme ça il est sur son bon pied. Sur son mauvais pied, la qualité des centres s'en ressent. Au poste de latéral gauche, Benoît Trémoulinas a succédé à Faouzi Ghoulam. Ce sont de purs gauchers qui apportent le danger par leurs centres. Jerrold a un bon pied droit, mais il a un pied gauche qui lui sert surtout à monter dans le bus ! Bien sûr, il peut dépanner à ce poste de latéral gauche, mais ensuite je pense qu'il vaut mieux le mettre à droite pour qu'il se familiarise à ce poste là et qu'il prenne surtout de la confiance parce que Jerrold a besoin de repères dans son jeu. Le piège de toujours changer de poste pour un joueur, c'est qu'on ne sait plus où le mettre. Ça devient un peu un couteau suisse pour l'entraîneur et ça peut aussi être une arme supplémentaire. Le fixer au poste de latéral droit, ça peut être une très bonne surprise et il pourrait avoir une carrière professionnelle digne de ce nom. 

Quelques mots sur la mentalité de Maxence et Jerrold ?

Ce sont deux supers garçons, deux gros travailleurs, très respectueux et qui deviennent attachants au fil du temps. Si l'ASSE a décidé de les faire signer pro, c'est qu'au-delà de la qualité des joueurs, il y a aussi des jeunes hommes sur qui l'on peut compter. Ils aiment le foot, ce sont des passionnés. Eux ils vivent football, ils aiment le football, ils dorment football, ils pensent football. Après les entraînements, on échangeait beaucoup avec Maxence et Jerrold, on discutait. Ils venaient souvent me dire : "coach est-ce que je peux travailler un peu plus ça ?" Ils me rappelaient un peu Idriss Saadi dans la façon de revenir à la charge et par moment ça devenait presque usant, fatiguant pour nous, mais je trouvais la démarche exceptionnelle. C'est ce que l'on attend de garçons déterminés à réussir. L'un comme l'autre étaient déjà de jeunes pros dans leurs attitudes.

Venons-en à la signature de Nathan Dekoké et Jo Bamba.

Les deux, je les appelais "les frangins" ! Ils étaient inséparables. Ce sont deux profils différents bien sûr. Nathan est défenseur tandis que Jo est un milieu. Avec moi, ils étaient surclassés et jouaient titulaires. Mais lorsque les U17 ont eu besoin d'eux pour s'assurer le titre de champion, ils sont allés renforcer l'équipe de Gilles et Lionel, avec Allan également. Tous les trois ont apporté leur expérience des U19 et leur maturité dans le jeu pour aider les U17 à décrocher le titre.

Comment décrirais-tu Jo Bamba ? Quel est son meilleur poste ?

Jo est un milieu excentré. En équipe de France, il a joué arrière droit mais c'est clairement un joueur offensif. Jo a un petit gabarit, il est très percutant. C'est un ailier de poche comme on les aime, très déroutant. Il est véloce, dispose d'excellents appuis et a, aussi, un bon jeu de tête. Là où il devait progresser, c'était dans la finition et la gestion des temps forts et des temps faibles. Il était parfois dans la précipitation, il a fallu le canaliser. Il aime manger la ligne, dribbler, percuter. C'est son truc, il est un peu fou-fou, sans que ce soit péjoratif ! Si on le met dans l'axe, il faudrait peut-être le mettre derrière un attaquant pivot. Mais dos au jeu, avec la densité, Jo est un peu en difficulté. Mais il est capable de décrocher. Sur le côté, en un contre un, il est impressionnant ! D'autant qu'il peut jouer sans problème côté inversé, auquel cas il peut faire parler sa très bonne frappe de balle. Il avait inscrit plusieurs buts sur des frappes de loin ! Si je devais le comparer un des joueurs de l'effectif actuel de l'ASSE, ce serait un mélange entre Hamouma et Mollo. La vitesse et la percussion du premier, la technique arrêtée du second. Et puis, il a un très gros volume de jeu. S'il faut défendre en fin de match, il le fera. 

Peut-on comparer Jo Bamba et Allan Saint-Maximin ?

Non, Allan c'est le talent à l'état pur. C'est le geste qui peut parfois paraître superflu, c'est le dribble qu'on n'attend pas, c'est la passe inattendue. Allan est un joueur d'instinct. Il est déroutant pour ses adversaires comme parfois pour ses partenaires ! Jo connait ses qualités, il sait que s'il n'est pas exigeant avec lui-même sur un match, ça peut ne pas passer. Alors qu'Allan, par moment, peut penser que son talent suffit. C'est ce qui peut à un moment donné lui porter préjudice. A tout moment dans un match, Allan peut faire péter le verrou de l'adversaire. Il est capable de marquer, de délivrer une passe décisive. Il est imprévisible. Jo a plus de régularité, offre plus de sécurité. On le met tout de suite dans l'équipe. Nathan c'est un peu pareil. 

Quelles sont les principales caractéristiques de Nathan Dekoké ?

C'est un défenseur assez complet, athlétique et doté d'une bonne technique. C'est un excellent joueur de tête et il dispose d'une bonne qualité de relance. Et puis, il est gaucher ! C'est un profil rare. Il devait travailler dans les un contre un, quand son attaquant décrochait. Nathan jouait un peu trop comme un libéro à l'ancienne, très serein. Mais il ne faut pas se tromper, c'est un faux calme ! Il aime le combat physique, mais quand il tombait sur un attaquant malin, qui jouait sur les appels/contre-appels, en profondeur, il était plus en difficulté. Il montrait parfois une certaine nonchalance. Autant Jo il fallait le canaliser, autant Nathan il fallait lui botter un peu les fesses de temps en temps, car il avait du mal à être concentré jusqu'au bout d'une rencontre. Un défenseur doit avoir une endurance psychologique dans la concentration. Nathan avait parfois des sautes de concentration sur des actions anodines, un placement ou un replacement. Mais c'est ce qu'il y a de plus dur, surtout pour un défenseur ! Il a dû aussi travailler sur ses appuis arrière pour mieux gérer la profondeur.

Nathan Dekoké est capable de jouer axe gauche ou latéral gauche. Quel est son meilleur poste à tes yeux ?

C'est un gaucher défenseur. Nous nous sommes demandés s'il fallait le faire jouer à gauche ou dans l'axe. Son manque de vitesse le handicape un peu trop pour un côté. Sauf évolution notable, pour moi, c'est plutôt un joueur d'axe. S'il est aligné latéral gauche, son manque de vitesse risque de poser problème au plus haut niveau. Pour se lancer, il lui fait un peu de temps, il est par moment en difficulté. Maintenant, c'est le constat que je faisais quand il évoluait avec moi, peut-être qu'il a progressé dans ce domaine. En U19, il n'avait pas trop cette faculté de prendre le couloir. C'est un garçon qui a un petit moteur, une petite VMA. Je le vois plus comme un joueur axial. Personnellement, ça ne me ferait pas peur d'aligner une charnière Chapuis-Dekoké. Ça tient la route.

Es-tu surpris de voir Nathan et Jonathan signer pro aussi tôt ?

Leurs signatures en pro est une heureuse nouvelle. Je suis assez surpris, non pas de la signature en elle-même, mais plutôt de la nature du contrat. Je pensais qu'ils allaient plutôt se voir proposer un contrat stagiaire. Ça s'est un peu précipité pour eux mais ils ont probablement fait l'objet de sollicitations extérieures. Euc aussi sont de bons garçons, avec un super état d'esprit. Ce sont deux Parisiens. En Ile-de-France, on sait qu'il y a un gros vivier de joueur Cela correspond à ce qui avait mis en place, c'est à dire la surveillance de trois régions bien précises. Le local et le régional évidemment, on est en plein dedans car Maxence est un pur Stéphanois et Jerrold est un Lyonnais qui est devenu Stéphanois, on l'a bien adopté. On est dans une politique de régionalisation. Maisn on ne se cantonne pas à ça. Les meilleurs joueurs, s'ils viennent d'autres régions, il ne faut pas hésiter à les prendre. Outre la région Rhône-Alpes, on avait comme axe le bassin parisien et la région PACA. Il y a vraiment de bons joueurs dans la région marseillaise. Je pense qu'on ne s'est pas trompé dans le recrutement en ciblant ces trois régions. L'ASSE arrive à sortir de nombreux joueurs pros, c'est remarquable ! Le club est dans la bonne moyenne statistique nationale. Je félicite tout le monde au club pour ce beau travail ! La signature de ces quatre joueurs est une très bonne nouvelle pour la formation stéphanoise.

 

Merci à Abdel pour sa disponibilité, à Philim et Naar pour la retranscription.