Guion : "Le Chaudron, c'est mythique !"

Entraîneur du promu rémois, David Guion nous a livré ses impressions avant de faire son retour dans le Chaudron ce samedi soir lors de la 13e journée de L1.

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Cela fait 59 ans que le Stade de Reims ne s’est pas imposé à Geoffroy-Guichard. Penses-tu que Thomas Fontaine va succéder à Just Fontaine et réaliser un triplé victorieux ce samedi dans le Chaudron ?
Ce serait un beau clin d’œil. Maintenant, le triplé… ça paraît quand même quelque chose de démesuré, sachant que Thomas est un défenseur. Ce serait vraiment exceptionnel mais dans le football il se passe parfois des événements irrationnels. C’est tout le mal que je pourrais souhaiter à Thomas ! (rires)

Quels sont les arguments dont dispose ton équipe pour contrarier voire faire chuter Sainté ?
Il faudra déjà qu’on soit à notre niveau, qu’on fasse preuve de beaucoup de caractère car on voit bien que ce n’est vraiment pas le bon moment pour prendre Saint-Etienne. Les Verts ont retrouvé de la confiance avec la victoire spectaculaire de ce week-end. Ils n’ont pratiquement plus de blessés, ils ont récupéré toute leur artillerie offensive. On voit bien que cette équipe au complet est vraiment redoutable.

Ton équipe a la troisième meilleure défense du championnat mais l’avant-dernière attaque. Ça t’inspire quoi ?
C’est vrai qu’on se repose sur une organisation, sur une discipline. On a fait venir dans le domaine offensif de nouveaux joueurs. La saison dernière, on a fini deuxième attaque de L2 avec 74 buts marqués et meilleure défense avec 24 buts encaissés. On avait le bon équilibre. Cette saison, on a fait venir des nouveaux joueurs en attaque : Suk, Doumbia, Ojo. On a aussi changé nos latéraux. A mon sens, on a encore besoin d’automatismes. Maintenant, on a fait des matches très cohérents, mais qui se sont soldés malheureusement par des 0-0. On aurait pu en valider certains par des victoires, on aurait mérité plusieurs fois d’ouvrir le score mais il y a eu soit des poteaux, soit des renvois sur la ligne. C’est vrai qu’on a manqué d’efficacité offensive.

Il ne faut donc pas déduire des stats très contrastées que ton équipe bétonne en L1 ?
Non, non, non ! Dès qu’on en a la possibilité, les garçons le savent très bien, l’idée est toujours de poser des soucis à l’adversaire, de lui faire mal, de le surprendre. C’est toujours le plan !

Avant d’affronter Sainté, ton équipe est 8e avec 17 points en 12 journées. Un bilan très honorable pour un promu…
En effet. Mon écran de contrôle, ça reste les points. C’est ce que je surveille. 17 points, ça me semble un minimum par rapport à ce qu’on a produit. On aurait pu gagner des matches où on n’a pris qu’un point, mais je n’oublie pas qu’on a remporté quatre de nos cinq victoires par un but d’écart. Notre début de saison est très cohérent par rapport au contenu de nos matches, ce que l’on fait, ce que l’on propose. On reste sur deux victoires en championnat, on a retrouvé de l’efficacité, de la réussite offensive. On est en progrès même s’il en reste encore beaucoup à faire. Je trouve que mon groupe est réceptif et progresse bien.

Comment te décrirais-tu en tant qu’entraîneur ?
C’est vraiment très difficile de parler de soi, ce n’est pas trop mon truc. J’essaie surtout de proposer un football qui convient le mieux aux caractéristiques de mes joueurs mais aussi au contexte et à l’environnement rémois. J’accorde beaucoup d’importance au caractère, à la personnalité, à l’état d’esprit de mon équipe. Selon les joueurs que j’ai, selon les formes des uns et des autres et selon les adversaires, je mets en place un plan à travers des principes de jeu. Mais ce qui est primordial à mes yeux, c’est le caractère de mon équipe, il doit véritablement exister à travers tous les matches.

Qu’as-tu retiré de tes six ans et demi passés à l’ASSE ? En quoi cette expérience est profitable aujourd’hui dans tes fonctions d’entraîneur de l’équipe première du Stade de Reims ?
On avait eu l’occasion d’en discuter ensemble il y a quelques années, cette expérience stéphanoise a été primordiale. Quand tu restes autant de temps dans un club populaire et historique comme l’ASSE, ça te marque à vie. J’ai occupé de nombreuses fonctions dans ce club, que ce soit directeur de centre, responsable d’équipes nationales ou adjoint chez les pros. Cette expérience a été très enrichissante, c’était pour moi une mine d’or. L’année et demie passée avec les pros notamment m’a permis de voir beaucoup plus clair. Je m’en sers encore aujourd’hui car lorsqu’on a connu un vestiaire comme celui de Saint-Etienne, un club très populaire avec un environnement interne et externe, on est obligé d’en tirer des enseignements. Dans la façon dont j’ai fonctionné, dans la façon où j’ai pris l’équipe il y a un an et demi, pour moi tout était clair. Dans ma façon de vouloir constituer mon staff et mettre en place toute ma méthodologie sportive, mon passage à Saint-Etienne m’a beaucoup influencé.

Tu étais l’adjoint de Laurent Roussey. Qu’as-tu appris à ses côtés ?
J’ai beaucoup appris avec Laurent parce que c’est un talentueux du football. Il a cette chance, la fée du talent est tombée sur lui en tant que joueur. En tant qu’entraîneur, il avait une approche notamment au niveau de l’animation offensive vraiment très pointue. Je garde un souvenir exceptionnel de nos derniers mois de la saison 2007-2008 ponctués par une qualification en Coupe d’Europe. J’ai notamment en souvenir ce dernier match de la saison contre Monaco. On avait gagné 4-0, on a fait la fête avec tous les supporters à l’Hôtel de Ville. A cette époque-là, je pense qu’on n’était pas loin d’offrir le plus beau football du championnat. On avait un groupe exceptionnel avec Dimitri Payet, Bafé Gomis, Pascal Feindouno, Ilan… Je pense qu’on avait un groupe qui aurait mérité certainement d’aller chercher un titre les années suivantes.

Las, la saison suivante a mal tourné au point d’entraîner ton départ de l’ASSE. La fin de ton expérience stéphanoise te laisse un goût d’inachevé voire d’amertume ?
Ouais, car je trouve qu’on avait quand même des joueurs de talent. Malheureusement on a vécu une période très difficile avec énormément de blessés et cinq défaites consécutives. Les dirigeants ont souhaité prendre leurs responsabilités. Comme je le dis parfois, ça permet de bien analyser, de prendre du recul, de se remettre en question. C’est ce que j’ai fait. J’ai continué de travailler. Je me suis dit qu’il y avait encore plein de choses qu’il me fallait parfaire pour progresser. J’ai beaucoup bossé et j’ai su rebondir. Même si mon expérience à Sainté ne s’est pas terminée comme je l’espérais, elle me sert encore aujourd’hui.

Tu as côtoyé là-bas Loïc Perrin, qui est encore capitaine de l’ASSE aujourd’hui.
Je ne vais pas être original en ne tarissant pas d'éloges sur Loïc. On était très fier de le voir s’imposer déjà à l’époque car il était un pur produit du centre de formation. C’était un local mais surtout un garçon hyper équilibré, très accessible. Pour nous c’était un garçon modèle, on s’appuyait dessus pour « vendre le projet » au centre de formation. Après, quand je l’ai côtoyé avec les pros, Laurent en fait de suite son capitaine. A l’époque, on avait commencé à le reconvertir arrière droit alors que c’était un milieu de terrain de formation. Il avait commencé à faire aussi quelques piges déjà en défense centrale et je ne suis pas surpris qu’il se soit imposé à ce poste. C’est un joueur tellement intelligent ! Il suffisait qu’on lui dise une seule consigne, une seule correction, et Loïc l’appliquait dans la minute qui suit. Je suis content qu’il ait pu faire cette longue carrière dans son club formateur. Je pense sincèrement que si son corps l’avait laissé un peu plus tranquille, il aurait été international régulièrement.

Un autre joueur que tu as connu lors de ton passage à Sainté est resté fidèle à nos vertes couleurs : Jessy Moulin.
En effet ! J’aime beaucoup Jessy. Ce n’est pas facile pour lui, il n’a jamais pu percer car il a toujours eu devant lui des gardiens de très grande qualité. Mais Jessy a toujours fait son job de façon très professionnelle. C’est surtout un homme de vestiaire, un homme bon, qui a des valeurs, sur qui on peut s’appuyer. C’est quelqu’un d’utile voire indispensable dans un groupe. Je ne suis pas étonné qu’il ait pu faire toute sa carrière à Saint-Etienne. Il apporte beaucoup au groupe. Loïc et lui ont de telles valeurs humaines que je ne suis pas surpris de les retrouver encore à Sainté dix ans après.

Que penses-tu du début de saison de l’ASSE ?
L’ASSE fait un bon début de saison. C’est tout sauf surprenant de voir les Verts à la 5e place car ils ont un groupe de qualité et très expérimenté dans toutes les lignes. C’est un effectif qui est bâti au minimum pour le top 5 et qui à mon avis peut aller chercher le podium. Et Saint-Etienne peut compter aussi sur un entraîneur d’expérience pour manager tout ce beau monde. Tout est réuni encore cette année pour vivre de belles émotions à Geoffroy-Guichard. Je m’aperçois que le public stéphanois est toujours très présent et joue plienment son rôle de douzième homme. En regardant le match des Verts contre Angers dimanche, j’avais l’impression dans mon canapé que c’était pratiquement lui qui avait marqué le but de l’égalisation à 3-3. Quand on a un public aussi fervent qui supporte, crie et encourage, ça galvanise les joueurs. On l’a vu et entendu à 2-3. Il n’y a pas eu de sifflets, les joueurs se sont sentis avec beaucoup de force. Le mérite en revient aussi à ce magnifique public.

Tes joueurs sont émoustillés à l’idée de venir dans le Chaudron ce samedi ?
Ah oui, bien sûr ! Tu sais, c’est toujours un événement de se déplacer à Geoffroy-Guichard, de goûter à cette ambiance. Le Chaudron, c’est mythique. Certains de mes joueurs ont déjà eu la chance d’y évoluer, d’autres vont le découvrir ce week-end. Tous ont hâte d’y être. Comme je le leur ai dit, c’est avant tout un plaisir de se déplacer à Geoffroy-Guichard. Je souhaite que mes joueurs profitent pleinement de ces moments-là. On a bataillé toute la saison dernière pour vivre des matches, des affiches comme samedi soir. J’ai totalement confiance en mes joueurs pour croquer dans ces 95 minutes.

Tu vois les Verts jouer le podium malgré une défense loin d’être imperméable et une animation offensive certes en progrès mais encore perfectible ? As-tu relevé quelques faiblesses dans le jeu stéphanois ?
Aucune équipe n’est parfaite, il y a toujours quelques failles, quelques lacunes. L’ASSE n’échappe pas à la règle. Mais c’est une équipe qui règle beaucoup de choses grâce à son expérience, elle peut compter sur des garçons qui sont très intelligents et qui sont énormément dans l’équilibre. Dans toutes les lignes, que ce soit avec Ruffier dans les buts, Loïc derrière, M’Vila au milieu et Khazri devant, ils ont déjà une épine dorsale de garçons très responsables et investis. Ils sont capables de régler beaucoup de soucis. Face à eux, ce sera à nous d’être nous-mêmes, de montrer nos qualités, d’être en capacité de créer le danger…

Tu as l’équipe qui a réussi le plus de clean sheets en Europe cette saison. Ton objectif est d’en obtenir une neuvième samedi soir à Geoffroy-Guichard ?
Comme je te disais, on a une équipe bien organisée, disciplinée. La saison dernière, on a dû faire 17 clean sheets en Ligue 2. C’est vrai qu’on poursuit un peu sur notre lancée dans ce domaine cette saison. Mais en toute honnêteté, avant le match, je ne dis pas « les gars, aujourd’hui on fait un clean sheet. » J’ai un groupe concentré, à l’écoute. C’est vrai que tous mes joueurs sont attentifs, concernés, animés de la volonté de défendre ensemble. Ils ont conscience qu’il faut bien défendre pour mieux attaquer. C’est à chaque fois le discours que l’on tient avant les matches. C’est vrai que ça ne nous réussit pas trop mal. Le nombre de clean sheets est quand même appréciable pour un promu, d’autant plus que pas mal de garçons découvrent la Ligue 1.

Tu as mis en exergue l’expérience de nombreux joueurs stéphanois. De ton côté, tu seras privé à GG d’un joueur expérimenté, que tu avais titularisé tous les matches cette saison.
C’est vrai qu’Alayxis Romao s’est imposé d’emblée comme un cadre de l’équipe. C’est un garçon d’expérience qui manquera en effet ce déplacement à Saint-Etienne car il a été expulsé le week-end dernier lors de notre victoire contre Monaco. Il a l’habitude des gros matches, il s’est déjà imposé à Geoffroy-Guichard que ce soit avec Lorient ou avec Marseille. Il nous apporte toute sa détermination et son vécu. A nous de le remplacer. J’ai la chance d’avoir un effectif complet, à son poste j’ai des garçons qui ne demandent qu’à jouer. Depuis le début de saison, je n’ai pas trop fait de turn-over au milieu de terrain. J’ai totalement confiance dans les garçons qui seront susceptibles d’intégrer le milieu de terrain. Quoi qu’il en soit, ils n’auront pas les mêmes qualités, l’expérience, le vécu qu’Alayxis, mais ils en ont d’autres qui peuvent donner des choses intéressantes sur la pelouse.

Toi qui as battu les vilains cette saison, peux-tu nous donner la recette pour gagner le derby dans la banlieue le 23 novembre prochain ?
On a rencontré les Lyonnais chez nous dès la deuxième journée. Comme tu le sais, c’est un peu plus facile d’affronter des gros tout de suite car souvent ils ne sont pas tout à fait prêts en début de saison. On s’est aperçu depuis que les Lyonnais sont irréguliers dans leurs performances. Ça leur arrive aussi d’être irrégulier dans un même match. Ils ont des temps forts et des temps faibles, on fait partie des équipes qui ont su exploiter leurs temps faibles. Il y a la possibilité de profiter de leurs temps faibles, de leur faire mal. Je m’attends à un gros derby dans un peu plus de quinze jours car l’ASSE a cette année toutes les armes pour embêter l’Olympique Lyonnais.

Le meilleur moyen d’y parvenir, c’est d’emmagasiner de la confiance en écrasant ton équipe. C’est d’ailleurs contre le Stade de Reims que l'ASSE a remporté le plus large succès de son histoire en championnat. Le 25 août 1971, la bande à Albert Batteux s’était imposée 9-1 grâce à un quadruplé de Salif Keita, un triplé de Jean-Michel Larqué et un doublé de Patrick Revelli. T’es prêt à nous laisser gagner sur le même score samedi ?
9-1 ? Houlà ! Je suis un gentil garçon mais je n’irai quand même pas jusque-là ! (rires) Même si j’apprécie l’ASSE, je vais venir pour défendre les couleurs du Stade de Reims. Je respecte beaucoup le maillot vert car j’ai travaillé six ans et demi pour Saint-Etienne. Mais mine de rien ça va faire sept ans aussi que je suis à Reims. On va venir dans le Chaudron avec beaucoup d’humilité mais aussi avec de l’ambition car c’est ce qui nous caractérise. J’espère surtout que le public verra un beau match.

Merci à David pour sa disponibilité