Deuxième volet du long entretien qu'Araujo Ilan a accordé aux potonautes avant de défier l'ASSE samedi à Farnçois-Coty.


Il t'a souvent été reproché de jouer trop bas. Est-ce vraiment ton style de jeu ou bien ne fais-tu que suivre les consignes de tes coachs ? (Mick)

Cela tient à un peu des deux. Parce que depuis quelques années, en France, le jeu est plus défensif, que je joue en deuxième attaquant et que je suis obligé de redescendre pour effectuer le marquage. Si je jouais avec Bafé ou Piquionne qui sont des attaquants plus statiques, plus fixes, en pivot, on se rentrait dedans, on se fermait les espaces tous les deux. Donc, je m’adaptais en venant chercher un peu plus de ballon, pour trouver des occasions et être l'homme surprise.

Certains supporters ont eu le sentiment que tu ne jouais pas à sa place, que tu prenais trop de libertés par rapport aux consignes de l'entraineur. Qu'en penses-tu ? (Parasar)

Des fois, tu y arrives, des fois je devais aussi suivre les consignes du coach. Mais les coaches n’ont pas toujours raison. Nous, les joueurs, nous sommes sur le terrain et on voit mieux les choses. Si je jouais en attaque et que je ne voyais pas le ballon, j’essayais de revenir pour le toucher et essayer de créer quelque chose. Mais ce n’était pas toujours évident. Quand tu attends devant et que tu n’as pas le ballon, c’est énervant ! Moi, je n’arrive pas à rester statique devant sans voir aucun ballon. Beaucoup de gens disaient, et je les ai entendus : « Tu joues trop bas, etc. », mais si on est devant et qu’il n’y a pas de création derrière, c’est un peu dur !

Penses-tu que le fait de trop décrocher t'as fait perdre ta place de titulaire ? Après une lourde défaite concédée à Strasbourg, Laurent Roussey a décidé de te reléguer sur le banc et de repositionner dans l'axe Féfé. Ce changement a porté ses fruits. Comment as-tu vécu cette période ? (José)

C’était un peu cela. Je voulais faire trop bien, et je l’ai payé. Je décrochais pour essayer de créer, en effectuant le marquage, mais j’y laissais beaucoup d’énergie et du coup, pour finaliser, je n’étais plus à 100%, je n'étais pas souvent là pour conclure, c'est vrai.. Feindouno a été repositionné au milieu mais sans rôle défensif. C'est moi qui ai payé mais nous étions un groupe, et nous nous sommes qualifiés pour la coupe d’Europe. J'ai retrouvé ma place la saison suivante.

Merci pour tous les buts inscrits sous le maillot vert, et surtout pour ceux inscrits lors des matchs retours de la saison 08-09, ce fut une saison galère et sans tes buts, on ne s'en sortait pas. Durant les années 2006-09 (lorsque tu étais chez nous), on a eu plusieurs périodes d'embellie avec des résultats très prometteurs: à chaque fois s'en est suivie une dégringolade totale. Comment expliques tu qu'à chaque fois que Saint Etienne semble en mesure de retrouver l'élite de la Ligue 1, on se ramasse complètement derrière ? Est ce que l'attente autour du club est trop forte pour ceux qui sont à l'intérieur du club ? (Lopez & Supersub)

C’est peut-être un peu l’attente, c'est aussi les gens qui étaient autour des joueurs, qui ne faisaient pas partie du staff, qui dérangeaient plus qu'ils n'aidaient. Il y a eu des invasions de supporters au centre de formation. Le vrai problème à Saint-Etienne, ce n’est pas le vestiaire, mais ce qui gravite autour. Il y a une attente, que Saint-Etienne soit champion, etc., mais cela ne se fait pas come ça du jour au lendemain. Certains joueurs n’avaient pas la capacité d'absorber cette pression. Il faut savoir supporter cette pression, essayer d’être serein et tranquille. Mais plus on avait la pression, plus on était embêtés. Et après, les gens faisaient des crises d'énervement et ça ne nous aidait pas…Un vestiaire doit rester en dehors de l’influence des gens qui sont autour. Des supporters, des dirigeants, de la presse, un peu tout le monde. Un vestiaire, ça doit être blindé !

En 2009, lors du 8e de finale contre le Werder de Brême, Alain Perrin a choisi de ne pas te faire jouer lors de la double confrontation. Tu étais pourtant le 3e meilleur buteur de la compétition et 5 jours auparavant tu avais signé un doublé victorieux contre Nantes. Personnellement, cette double non titularisation m'avait fort agacé. Et toi, comment as-tu vécu cela ? (Deadken)

Moi aussi, mais son discours était que l’on avait un match très important pour le maintien et il voulait me préserver. Je ne pouvais pas lutter contre ça, je n’allais pleurer et me jeter par terre, ce n’est pas moi qui décide. Je lui ai dit "je suis bien pour jouer mais il m’a dit "Non, non, non, je te mets sur le banc, je veux que tu joues surtout le week-end". C’était vraiment un match important pour moi aussi parce qu’on était bien dans la compétition, j’étais bien, j’avais retrouvé mes marques devant le but. Comme tu l’a dis j’étais le troisième marqueur de coupe d’Europe. Moi aussi je n'ai pas trop compris mais voila, c’est des choix d’entraineurs et l’on doit malheureusement écouter et ne rien dire.

Merci pour tous tes buts, bonne continuation, et en tout cas c’est toujours un plaisir de te voir évoluer au plus haut niveau. Madame ne dira pas le contraire, elle te kiffe !

C’est super !

Avec le recul, à ton avis qu'est-ce qui a manqué ou a été raté au moment de la qualif européenne pour que Sainté embraye sur un cycle positif ? (Max Gusztávelaar)

C’est difficile à expliquer, mais pour parler de la Coupe d'Europe, le match aller à Brême était la clé pour pouvoir passer parce qu’on savait qu'à la maison on aurait ensuite été porté par les supporters. Mais on n’est pas arrivé à faire un match nul là-bas, on a perdu. Dans le championnat, c’était quelque chose de vraiment différent, des fois on était très bien en coupe d’Europe et moins bien en championnat.

Et le fait qu’il y ait eu deux visages aussi différents, tu l’attribues à quoi ? (José)

Ce sont des choses surtout psychologiques. On avait pas mal de joueurs qui venaient d’arriver et qui ne connaissaient pas la ferveur et le contexte de Saint Etienne, ils venaient d’équipes un peu plus modestes. Ils ont été confrontés directement à ça avec la pression derrière. En coupe d’Europe, on n’avait pas la pression, parce que c’était un "exploit" de se qualifier, on se disait "c’est du bonus" et on jouait des équipes qui jouaient aussi pour gagner. Le championnat français, ce n’est pas pareil, on jouait des équipes qui ne voulaient pas perdre, donc ils étaient souvent derrière, et nous étions obligés de faire le jeu pour jouer la gagne. Or c’est beaucoup plus difficile de faire ça. Donc on a vu vraiment deux visages.

Quelles sont les causes réelles de ton départ de l’ASSE en plein mercato hivernal ? (Lematru)

J’avais donné une interview que les dirigeants n’avaient pas trop appréciée. C’était concernant la frustration entre le discours qui était « On va renforcer l’équipe » et la réalité des quatre ou cinq défaites d’affilées. J’ai simplement dit, « J’espère qu’il y aura un bon recrutement afin que l’on puisse jouer les 5 premières places, car à Sainté il y a tout ce qu’il faut pour jouer le Top 5 tous les ans ». Mais on dirait que le club ne voulait pas avancer à ce moment, qu’ils étaient contents avec ça, et je n’avais pas le même objectif. Du coup il y a eu plusieurs matchs quand Christophe Galtier a repris l’équipe où je n’ai pas joué alors que la saison précédente j’avais fini meilleur buteur et capitaine. Donc je me suis dit "voila, c’est peut être quelqu’un qui a une autre façon de voir", mais ce n’était pas vraiment ma dynamique, pas vraiment mon objectif de rester à Saint Etienne en sachant qu’ils allaient de nouveau jouer le maintien alors que j’avais une possibilité de partir en Angleterre.

Et avec le recul est-ce que tu regrettes de pas être resté jusqu’au bout de ton contrat, voir même de ne pas avoir prolongé ton aventure à Sainté ? (michon)

Si je regarde le côté stabilité, le côté familial, tout le monde m’a dit : « Mais tu es fou, ta femme est d’ici ». Je venais d’avoir une petite fille ici, ils m’ont proposé de prolonger et je n’ai pas voulu. Je ne regrette pas mais c’est peut être un peu bizarre de ne pas avoir prolongé. D’un autre côté, quand tu vas travailler, quand l’ambiance n’est pas bonne, est un peu chargée, est un peu lourde, et que tes objectifs sont différents de ceux qui travaillent autour de toi, comment tu peux faire ? Donc je me suis dit "ce n’est pas grave, je vais partir", et aujourd’hui je ne regrette pas parce que j’ai connu l’Angleterre. La-bas ça s’est très très bien passé donc je ne regrette pas du tout.

Pourquoi tu n’es pas resté à West Ham alors même que tu t’es vite intégré la bas en ayant marqué plusieurs buts importants ? (Parasar)

Ça, je crois que c’est une chose que je n’arriverais jamais à comprendre dans ma carrière. J’avais encore un an de contrat, on arrive à maintenir le club, et en fin de saison ils changent tout le staff technique, et annoncent que l’objectif du club serait de descendre en deuxième division afin de pouvoir renégocier les dettes. Les propriétaires étaient les anciens de Birmingham qui avaient vendu Birmingham avant de racheter West Ham qui était déjà endetté, et ils voulaient recommencer à zéro. Et pour faire ça, la seule solution était de descendre en ligue 2 pour ensuite remonter. Je n’ai jamais compris ça, je venais d’arriver, avec un staff qui m’avait bien intégré, et ils ont annoncé « on va changer de staff, d’entraineur, et l’objectif est de recommencer de zéro ». Je me suis dit, "ce n’est pas possible, avec un objectif comme ça je n’ai plus rien à faire ici". Et du coup je suis parti et ils sont descendus et sont toujours en L2 aujourd’hui.

 

Le deuxième volet de l'entretien a été retranscrit par Greenwood et Ulysse42. Merci à eux !