Faisant désormais le bonheur du Racing Club Olympique Agathois (N3), Geoffrey Dernis nous parle de son ancien entraîneur lillois Claude Puel, le nouvel homme fort des Verts.
Peux-tu nous rappeler le contexte de ta collaboration avec Claude Puel ?
Il m’a entraîné trois saisons chez les Dogues, de 2003 à 2006. Quand j’ai signé pro au LOSC, il y avait encore Vahid Halilhodzic mais j’ai été prêté une première saison à Wasquehal. Quand Claude Puel est arrivé, il ne me connaissait pas et comme il ne comptait pas sur moi, j’ai enchaîné une deuxième saison en prêt à Wasquehal. Comme ça s’est bien passé là-bas, Claude Puel m’a demandé de rester au LOSC les saisons suivantes. En 2006 j’ai quitté Lille pour Sainté tandis que Claude Puel est resté encore deux saisons dans le Nord avant de partir à Lyon.
Quels souvenirs gardes-tu de Claude Puel ?
Je garde le souvenir d’un gagneur. C’est un compétiteur-né. A Lille, il participait quasiment tout le temps aux séances avec nous. Que ce soit les séances athlétiques, les fractionnés, les séances de musculations, les séances de jeu, même les sorties à vélo qu’on faisait lors des stages. Non seulement il voulait tout faire mais il voulait tout le temps arriver dans les premiers. Il inculquait l’esprit de compétition et de gagne à toute l’équipe. Il était au taquet. Parfois j’avais l’impression que ça l’arrangeait qu’il manque un joueur car il pouvait jouer lors des séances. Bon, il n’est pas allé au bout de sa logique, il ne s’est jamais fait entrer en jeu lors d’un match de championnat ou de Coupe mais à mon avis ça le taraudait ! (rires) Bon, c’était il y a quinze ans, maintenant je pense qu’il participe moins aux séances. Il a acquis de l’expérience, il a acquis depuis un gros vécu d’entraîneur et il s’appuie sur son staff.
Quel type d’entraîneur était-il ?
C’est quelqu’un qui faisait énormément travailler tactiquement et physiquement. Il connaissait parfaitement les qualités techniques de chaque joueur, il les utilisait à bon escient, il savait tirer la quintessence de son groupe. Il partait du postulat qu’un joueur qui n’était pas bien physiquement ou qui ne comprenait pas ce qu’on lui demandait tactiquement ne lui servait à rien. J’ai le souvenir de certaines séances où l’on ne touchait pas le ballon, on ne travaillait alors que la tactique. Ça nous permettait de progresser, d’avoir un bagage de footballeur bien plus complet. Claude Puel nous a vraiment aidés à monter en puissance.
Moi ça m’a fait du bien, j’étais un jeune joueur, je ne demandais qu’à apprendre. Je constate que sa méthode a été couronnée de succès. Quand je vois les résultats que nous avons eus… Même les anciens ont progressé à son contact. Les deux ou trois premiers mois de la saison, on bossait beaucoup la tactique pour bien assimiler ce qu’il nous demandait. Après on avait des séances plus portées sur le jeu, des spécifiques attaquants/défenseurs. C’était plus varié. Quand on arrivait sur le terrain pour les matches, on était au top physiquement et tactiquement. Il avait parfois un côté rugueux voire colérique quand on ne lui donnait pas satisfaction mais avec le recul je me suis rendu compte qu’il m’a fait beaucoup progresser.
Tu étais déjà un boute-en-train à l’époque alors que Claude Puel est plutôt austère. Ça a matché entre vous ? Il appréciait ton humour potache ?
On n’a pas tout à fait le même caractère et on entretenait une relation classique d’entraîneur à joueur. J’étais respectueux mais tu me connais bien, parfois je ne peux pas m’empêcher de faire des blagues. C’est vrai que ce n’était pas quelque chose qui l’emballait. Du coup j’essayais de faire ça un peu discrètement ! J’étais un peu obligé (rires) La seule fois que je l’ai fait très ouvertement, on était en stage d’hiver. Pour animer une soirée, on avait dit qu’on allait mettre des noms dans un chapeau et en fonction des noms qu’on tirait, on lui offrait un cadeau. Je te le donne en mille, j’ai tiré Claude Puel. J’étais sur la pointe des pieds, je lui ai fait une blague plutôt sympa. C’était l’époque du film Starsky et Hutch avec Ben Stiller, et comme Claude Puel lui ressemblait, j’avais monté une photo de Claude Puel en Starsky, je lui avais offert des flingues, des menottes. Je ne savais pas trop comment il allait le prendre mais finalement il l’a bien pris ! Après, dans le travail, ce n’est pas forcément quelqu’un qui aime trop l’humour.
Après Benjamin Corgnet, c’est la deuxième fois qu’on a un sosie de Ben Stiller à Sainté ! Quel regard portes-tu sur sa carrière d’entraîneur ?
Quand tu analyses son parcours, tu te rends compte qu’il a obtenu de bons résultats. A Lille, on ne peut pas dire qu’il avait une équipe pour jouer le haut de tableau, et il a emmené le LOSC en Ligue des Champions. C’est vrai qu’à Lyon ça a été un peu plus compliqué. Le fait qu’il ait eu des stars et des joueurs qui ont été champions pendant plusieurs années peut l’expliquer. Claude Puel ne fait pas la différence entre les anciens et les jeunes. Avec tous il a ce côté gagneur, compétiteur, il demande à tout le monde de s’arracher à l’entraînement.
Peut-être que son discours est mal passé à Lyon. Y’en a qui ont dû lui dire : « je suis cinq fois champion, je suis international, qu’est-ce que tu viens me prendre la tête ? » Ensuite il a permis à Nice d’obtenir de très bons résultats, il a fait du très bon boulot là-bas, un peu comme à Lille. Et son bilan en Angleterre est loin d’être déshonorable, même si ça s’est mal fini pour lui à Leicester. Quand j’observe sa carrière, je dis « respect ! » A chaque fois qu’il a pris un club, il a fait progresser pas mal de joueurs.
Que t’inspire sa nomination à l‘ASSE ? Claude Puel va permettre au club de franchir un palier ?
Oui mais d’abord j’ai une pensée pour Ghislain Printant, un mec adorable que je connais bien. Il a été jeté sur la place publique par les deux présidents, qui n’ont pas mâché leurs mots. Leur attitude a été d’un ridicule monumental, ils n’ont aucun respect, ça me fait de la peine pour Ghislain. Claude Puel arrive avec ses idées, avec sa façon de travailler. Il a récupéré une équipe qui mentalement et mathématiquement était en difficulté mais la victoire lors du derby va faire du bien aux Verts. Claude Puel va remettre les joueurs à niveau. Il va partir sur ce qu’il aime faire, les faire travailler énormément. Je ne dis pas que Ghislain Printant ne le faisait pas mais il avait peut-être une approche beaucoup plus joueuse et affective.
La trêve internationale va permettre à Claude Puel de connaître encore mieux ses nouveaux joueurs. Il va les refaire travailler physiquement les joueurs, il va voir comment il peut être à même tactiquement de mettre la meilleure équipe en place. Claude Puel a cette capacité à garder les mecs qui jouent un peu moins sur le qui-vive. Dès qu’un mec qui joue moins doit remplacer quelqu’un, il est prêt. Avec Claude Puel, ceux qui ne jouent pas bossent deux fois plus dans la semaine. Comme ça, dès qu’on a besoin d’eux, ils sont prêts et on ne voit pas de différence.
La notion de bloc équipe est très importante pour Claude Puel ?
Effectivement, c’est très important pour lui. Il tient à ce que ses équipes soient parfaitement en place. Avec lui on fait beaucoup de travail tactique sur le replacement. Claude Puel met en place un bloc défensif quand on n’a pas le ballon. Mais en aucun cas je ne l’ai entendu dire que les attaquants ne devaient pas trop attaquer. Par contre, on savait ce que chacun avait à faire. Mais bien sûr Claude Puel demandait aux attaquants de se libérer et de marquer des buts. Il tient à ce que les onze joueurs aient un travail défensif mais offensivement il n’a jamais bridé personne, c’est pour ça que l’étiquette d’entraîneur défensif qu’on lui colle parfois ne me plaît pas trop.
Je suppose que tu as suivi son premier match avec les Verts !
J’ai bien sûr regardé le derby. On ne va pas se mentir, sur le plan du jeu, ça n’a pas été le plus beau derby de l’histoire, il m’est arrivé d’en jouer de meilleurs. Mais un derby, ça se gagne, et les Verts ont réussi à le faire. Il n’y a pas eu de gros duels, les deux équipes se sont respectées. Il faut dire qu’elles avaient besoin de se rassurer. On n’a pas senti deux équipes se lâcher. Mais c’était le meilleur dénouement. Claude Puel débute de la meilleure des façons.
Sa composition d’équipe en a surpris plus d’un, il a beaucoup fait tourner. On pouvait se demander avant le coup d’envoi de ce derby ce qui lui était passé par la tête. Claude Puel fait des choix forts qui peuvent paraître déroutants vu de l’extérieur. Il se base vraiment sur ce qu’il voit à l’entraînement et sur ce qu’il a envie de faire.Il ne fait pas de cadeau, il n’a pas d’équipe type. Je me souviens qu’à Lille, ça arrivait souvent qu’il change trois, quatre ou cinq joueurs d’un week-end à l’autre. Mais par contre dans le rendu ça ne se voyait pas. Il savait précisément ce qu’il voulait faire et il préparait les joueurs à ça. Encore une fois, Claude Puel a analysé la situation du mieux possible avant le derby, il a fait des choix en conséquence et les faits lui ont donné raison. Ce but de Robert Beric à la 90e minute, c’était énorme. J’ai bondi de mon canapé, j’étais heureux.
Au-delà de ce derby, je pense que Claude Puel est un très bon choix d’entraîneur. Et je trouve ça très bien qu’il soit venu avec Xavier Thuilot. Ils ont déjà collaboré à Lille, ils s’apprécient. Ils ont la même façon de voir les choses. Xavier Thuilot est quelqu’un qui maîtrise son sujet dans la gestion du club. Avec Claude Puel et lui, ça a toujours été intelligent, carré. Quand on s’est qualifié pour la Ligue des Champions, ils n’ont pas fait n’importe quoi. J’espère que les deux présidents vont les laisser travailler comme il faut. Claude Puel sait très bien où il veut aller. Depuis des années, il y a des problèmes à la gouvernance de l’ASSE. Les gens partent pourquoi ? Parce qu’il y en a toujours un qui s’embrouille avec l’autre. Quand il y en a un qui ramène quelqu’un, ça ne va pas à l’autre. A un moment donné, ça suffit, laissez les mecs travailler ! C’est pour ça que Claude Puel a conditionné sa venue à celle de Xavier Thuilot, qui va servir de tampon. J’espère que ça va bien se passer, c’est de l’intérêt de tous qu’il en soit ainsi !
Merci à Geoffrey pour sa disponibilité