Suite et fin du long entretien que Jean-Philippe Primard a accordé aux potonautes. Au menu de ce dernier volet : l'arrivée de Bernard David, les relations avec les pros et l'avenir de JPP.

Que penses-tu du fait que tu ne sois plus directeur du centre de formation ? Était-ce en accord avec toi ? A ta demande ? (Sorbiers) Le choix de Dominique Rocheteau et Roland Romeyer ? (José)

Le choix d’avoir un directeur de centre sans équipe, c’est un choix de la direction, forcément. On en avait parlé en début de saison avec les présidents : c’est vrai que de plus en plus, tous les clubs en France ont un formateur détaché d’une équipe. C’est très difficile d’être à la fois entraîneur de la CFA, c’est-à-dire les sept entraînements par semaine, le suivi des joueurs, les week-ends avec des grands déplacements, etc. En fait, je fais la même chose que ce que n’importe quel entraîneur ici fait, et en plus, y a le boulot de directeur de centre. C’est quand même un boulot important, même si on délègue : René Richard s'occupe de l'administratif, Gérard Fernandez s'occupe du recrutement. Mais normalement le directeur du centre il est impliqué dans tout ça : la scolarité, l’administratif, les réunions, on est dans tout. Je l’ai fait, mais…dans la mesure de ce que je pouvais faire.

A un moment donné, ils ne m’ont pas demandé ce que je voulais faire. Par contre, ils m’avaient dit : « si jamais on devait séparer les deux rôles, toi, que préfèrerais-tu ? » J’ai répondu : ma priorité, c’est le terrain. Maintenant, si le club m’avait dit : « on prend un entraîneur de la CFA, on te met que directeur du centre », j’aurais peut-être accepté, mais… Je n’ai pas choisi, mais j’avais dit que mon souhait, si on devait séparer les deux rôles, c’était de garder une équipe. Je crois que le club a tout simplement pensé qu’il fallait quelqu’un de détaché d’une équipe pour que le centre de formation fonctionne encore mieux qu’actuellement. On fait déjà de bonnes choses, mais on peut toujours améliorer ; je pense que le club a bien étudié la question et pense améliorer les choses en faisant ce choix. Bien évidemment, quand on m’a proposé de rester au club (on était tous en fin de contrat), pour entraîner la CFA, je n'ai pas hésité parce que c’était mon objectif. Maintenant, si on m’avait dit « tu continues d’entraîner la CFA et de diriger le centre », j’aurais dit oui, j’ai été capable de le faire pendant deux ans et demi !

Tu l’as fait, mais peut-être au prix d’arbitrages difficiles ? (José)

C’était beaucoup plus difficile. Bon, la charge de travail on est là pour ça, mais il y a certaines fois où on allait moins au fond des choses que d’autres. En ce sens, le fait que le club souhaite avoir quelqu’un pour gérer tout ça de manière spécifique, et moi pour gérer encore mieux le groupe CFA, y a pas de souci. Les deux ne m’auraient pas gêné, parce que je l’ai déjà fait et que je suis au service du club. Maintenant, si on peut améliorer ; le club a bien réfléchi, on doit pouvoir améliorer les choses avec quelqu’un d’autre, y a pas de souci là-dessus. Je suis content d’entraîner la CFA la saison prochaine.

Comment vis-tu ce changement ? (hcatteau)

Je suis très serein.

N'était-ce pas devenu trop chronophage pour toi de porter les deux casquettes entraîneur de la réserve / directeur du centre ? (Poteau droit)

C’était plus compliqué. Disons qu’en délégant, c’était possible. Après, un directeur de centre, logiquement, il doit être décisionnaire de tout ! A un moment donné…Le rôle du directeur de centre, c’est déjà tout ce qu’on a dit mais c’est aussi connaître les joueurs des autres équipes. Bon, ça c’est faisable parce qu’on essaie au maximum de voir tous les matches des autres équipes. Par contre, aller sur les entraînements des autres équipes, pour voir, pour observer, pour discuter, vu que j’avais aussi mes entraînements, je pouvais beaucoup moins le faire. Y a plein de petites choses comme ça, qui peuvent en effet, en ayant quelqu’un de détaché, être un peu plus pointues.

Dans de nombreux clubs formateurs, les deux missions sont confiées à deux personnes distinctes. A Rennes par exemple, il y les anciens Verts Patrick Rampillon (directeur du centre) et Laurent Huard (entraîneur de l'équipe réserve). Dans d'autres clubs, c'est la même personne qui gère les deux. A Bordeaux par exemple, Patrick Battiston a les deux casquettes. Quel est le meilleur modèle à tes yeux ? (Poteau gauche)

Patrick Battiston, quand on a joué Bordeaux ici, il n’est pas venu. C’était son adjoint. Moi, je n'ai pas d’adjoint. J’ai juste Gilbert Ceccarelli, qui est avec moi sur les séances pour les gardiens. Mais Battiston a un adjoint, il peut déléguer sur le terrain. Après pour un club, avoir un directeur et un entraîneur de CFA, il faut plus de budget : ça fait une personne de plus ! A un moment donné, un club qui a moins de moyens, il peut se dire que le directeur de centre va entraîner une équipe, ça fait moins de charges. Tout est possible. Maintenant, je pense que si le club veut améliorer les choses, ce qui est le cas, il a pris cette décision-là, et c’est certainement une bonne décision.

Quelles sont les principales missions d'un directeur de centre de formation ? (José)

C'est gérer le groupe d’éducateurs, c'est très important, il faut arriver à faire une osmose avec les éducateurs : c’est un groupe, la formation ! Je pense que ça ne s’est pas trop mal passé. Après, c’est prendre des directives sur les programmations, la façon de jouer, les relations avec les pros, avec les présidents, les différentes personnes ; le recrutement, la scolarité, beaucoup les relations avec les parents…Nous on le fait, mais quelqu’un de détaché peut avoir plus de recul. C’est très, très large. C’est un rôle qui est très prenant… J’ai été très pris, on va le dire ! (rires) Mais c’est passionnant aussi.

Connaissais-tu Bernard David avant qu'il te succède au poste de directeur du centre ? (osvaldopiazzolla)

Je le connaissais à travers des matches de CFA, parce qu’on avait fait des amicaux l’un contre l’autre. Et puis, j’ai appris à le connaître un petit peu mieux lors des stages de directeurs de centre. Ça fait quatre ans que je suis directeur de centre, ça fait quatre fois que j’y vais. On passe quatre ou cinq jours là-bas. C’est quelqu’un avec qui j’ai eu des discussions, des échanges…Ce qui est important pour moi, c’est que c’est quelqu’un qui a de l’expérience, un bagage : il a fait 12 ans à Auxerre ! Il va sans doute apporter au club et à nous plus que quelqu’un qui arrive sans expérience. Il a le DEPF, il a entraîné un peu avec les pros avec Laurent Fournier, il a un vécu… Je trouve que c’est très important pour que ça marche bien tous ensemble.

As-tu eu des échanges constructifs avec lui depuis sa nomination ? Quels sont les principaux axes de la politique qu'il compte mettre en place pour améliorer la formation déjà performante à l'ASSE ? (Barre transversale)

Je pense qu’il en parlera quand il arrivera. On va dire que pour l’instant, il n’est pas arrivé : il n'est venu que deux fois, sur deux journées, pour nous rencontrer. Je l’ai eu au téléphone aussi, je lui ai envoyé des documents par mail, il a besoin d’avoir des choses… L’échange a été très positif. Il part dans l’idée qu’il va arriver dans un nouveau club, après 12 ans à Auxerre… Il a plein d’idées certainement, mais déjà on va redémarrer la saison. Je ne pense pas que dès le départ, il va dire « on change tout ». Petit à petit, il va amener sa patte et ce qui semble être le meilleur pour progresser le plus au niveau du centre de formation.

Doit-on s'attendre à de gros bouleversements dans la politique de formation avec l'arrivée de Bernard David en tant que directeur de la formation ou va-t-on continuer à garder une certaine continuité ? (dadouasse)

Je ne peux pas répondre à sa place. Mais sur ce que j’ai ressenti, et il l’a déjà dit d’ailleurs, a priori, il ne veut pas tout changer, il veut juste améliorer. Il a dit que le centre de formation peut être noté 14/20, on va essayer de le faire passer progressivement à 18/20 ! Augmenter la progression de quelque chose qui est déjà mis en place, voilà, avec sa patte bien évidemment, et toute son expérience.

Y a-t-il une réflexion en cours pour faire jouer toutes les équipes selon les mêmes principes de jeu ? (Olaf)

C’est très lié aussi à une politique club, peut-être aussi à une politique pro, si l’entraîneur pro souhaite ça… C’est quelque chose qui sera à définir.

Envisages-tu de passer ton DEPF ? (Aloisio) Serais-tu tenté un jour de devenir coach d'une équipe une ou souhaites-tu rester dans la formation ? (Olaf, Parasar)

J’ai déjà le DEF, et j’ai le certificat de formateur, qui est un diplôme sur deux ans, qui est assez lourd mais très intéressant et qui me permet de diriger le centre. Le DEPF est fait pour entraîner une équipe professionnelle. Je le dis clairement : je n’ai pas du tout l’aspiration de travailler en pro. J’ai 50 ans, alors on pourrait dire que ça va peut-être venir, parce qu’un moment on peut se lasse de la formation. Franchement, je ne pense pas : je suis intéressé par les jeunes, la progression, la formation…

Le monde pro, c’est autre milieu. Ce n'est pas le même boulot. Le métier de formation et d’entraîneur pro, c’est très lié bien sûr ; mais ce n'est pas complètement la même chose. Et moi ce qui m’intéresse, c’est la formation. Donc le DEPF, pour l’instant je ne suis pas attiré pour le passer. C’est une formation qui doit être très intéressante, mais qui est très, très lourde, beaucoup plus que le certificat de formateur. Si je n'en ai pas l’usage…

Certains entraîneurs d’équipes réserves, comme Laurent Huard, semblent y tenir ? (José)

Je pense que c’est très lié à la volonté d’avoir à un moment donné une équipe professionnelle. Ce n'est pas mon objectif ; mon objectif, c’est de continuer la formation, et à Saint-Etienne si ça peut durer !

Quelle relation as-tu avec Galette ? (Parasar) De tous les entraîneurs de l'équipe une que tu as côtoyés, est-il l'un des plus attentifs aux jeunes du centre de formation ? (Poteau droit)

On a tout eu, on a eu des entraîneurs pas intéressés du tout, d’autres un peu plus. Ça doit aussi être une politique club, qui doit venir des présidents. Je crois que là, on le sent de plus en plus.

Dans les discours de Dominique Rocheteau et de Roland Romeyer, c’est très clair (José)

C’est très clair, la formation prend une part très importante. Donc forcément, si l’entraîneur des pros dit : « la formation, j’en ai rien à foutre ». Ça ne va pas du tout avec le discours du président ! Si lui et D. Rocheteau ont ce discours, c’est qu’ils en ont parlé forcément avec le staff pro, et que Christophe Galtier est d’accord avec ça. Je pense qu’il est en phase totale avec le projet du club, qui est de s’appuyer sur la formation.

On le voit : il assiste régulièrement à des matches de la réserve…(Aloisio)

Et puis il a lancé des jeunes quand même, Ghoulam, Diomandé, Néry, Zouma… Pour moi, c’est une politique club.

Et les échanges que tu as avec lui, c’est informel, ou y a-t-il des débriefings très pointus à tel jour ? (Poteau gauche)

On se voit forcément pour faire les équipes ! Parfois ça se fait au téléphone. Mais parfois aussi il y a des orientations dès le jeudi, pour savoir ce qui va se passer, « tiens, t’auras peut-être lui ou lui… ». Après, on parle du match précédent, etc. Il y a des échanges ; après on peut dire qu’il y aurait pu y en avoir plus, bon... Maintenant, peut-être que le futur directeur sera plus libre pour être plus disponible aussi. En tout cas, des échanges y en a eu, et ça s’est fait de façon très correcte.

Penses-tu effectuer toute ta carrière à l'ASSE ? (Sempre Sainté)

Toute ma vie a été là ! Je suis arrivé à 18 ans, en 1980. Je vais attaquer ma 33ème année au club. Dans ma tête, je n’ai aucune pensée de partir. Maintenant, on ne sait pas ce qui peut se passer de mon côté, et du côté de club, qui peut très bien à un moment donné avoir d’autres orientations par rapport à moi. Cette année j’étais en fin de contrat, je resigne, je suis très content. Je n'ai jamais été un mercenaire. Je suis quelqu’un d’assez fidèle, on va dire. C’est vrai qu’en tant que joueur ça se fait de moins en moins, parce qu’à l’époque y avait pas tous ses agents, ses changements de club, on avait un contrat, on allait au bout. Ca m’allait très bien, et en tant que formateur également. Je suis bien ici. Tant que le club aura besoin de moi, et que je me sentirais bien ici, eh bien…pourquoi ne pas continuer le plus longtemps possible ici ?

Le mot de la fin pour Galibois, nouveau "pédident" du forum de poteaux carrés : "Un mec qui a joué avec Platini et Lubo est forcément un grand ! JPP est une légende du club ! J'espère que tu y tiendras une place toute ta carrière."

C’est une belle phrase, ça me va très bien ! (Rires)


Merci à Jean-Philippe pour sa disponibilité et au potonaute Olaf pour la retranscription de cette quatrième partie de l'interview.