Romain Revelli : "On ne s'en sort que par le jeu"

Dans la troisième partie du long entretien qu'il a accordé aux potonautes, Romain Revelli répond aux questions sur l'ASSE d'aujourd'hui.

Es-tu revenu à Sainté depuis ton éviction ? (Naar)

 

A Sainté oui, parce que c’est ma ville donc j’y suis revenu forcément, j’ai encore de la famille là-bas, et puis j’adore Saint Etienne, je connais tout de Saint-Etienne, toutes les rues, tous les coins, mes enfants y sont nés, j’ai des amis dans la Loire, dans la Haute-Loire. Cette semaine je pars deux jours en séminaire dans la Haute-Loire d’ailleurs, faire un rassemblement avec des éducateurs, c’est aussi très Stéphanois là-bas. Je ne suis jamais revenu au club depuis mon départ, pour laisser travailler les gens, même si bien-sûr qu’on a envie … Je suis toujours supporter quelque part, l'ASSE est mon club de cœur …

 

Seras-tu présent lors de la double confrontation contre Manchester United ? (Naar)

 

Non malheureusement, pour les raisons que je viens d'évoquer, mais je ne vais pas manquer de voir les matchs à la télé. Je me suis déplacé dernièrement en Europe, à Turin et dans d’autres coins. Je pourrais faire le déplacement à Old Trafford, même si c’est peut-être plus compliqué pour les places. Comme je suis toujours en recherche à fond, même si je pense que je vais sûrement ne bouger que l’été prochain comme entraineur, j’ai toujours peur de partir trop loin, je reste un peu à proximité. Et maintenant avec la télé c’est vrai que tu vois quand même tout. Dimanche dernier j’ai vu quatre matchs dans la journée, tous les matchs de Ligue 1 plus le match de la CAN.

 

Est-ce que tu suis toujours le parcours de l'ASSE ? Qu'en penses-tu de la première partie de saison des Verts ? (Pilou)

Je le suis, même si bien sûr je suis supporter, comme un technicien pour progresser, pour ne pas m’arrêter de réfléchir. Je vais en parler comme un supporter. Ce serait très malvenu de parler, du fait que j’ai été dans le staff, et que je n’aurais pas aimé que l’on fasse ça, surtout que je ne les vois plus travailler à l’entrainement, je ne vois que les matchs. Il y a eu beaucoup de blessés donc comme tout le monde, en ne voyant pas les entrainements au quotidien, j’ai du mal à voir une idée du jeu, ce n'est pas évident étant donné que l’équipe bouge beaucoup.Le problème est peut-être dans l’animation offensive. Je pense qu’il faut avoir le temps de la travailler. En ce moment, ça ne vaut pas que pour Saint-Etienne, je trouve qu’on parle beaucoup des joueurs qu’il faudrait recruter.

 

On s’aperçoit qu’il y a des joueurs qui sont moyens, mais parfois ils arrivent dans une histoire de projet de club et ça se passe très très bien. Prenons l’exemple, même s’il revenait de blessure, d’un garçon comme Paul Baysse, il était parfois un peu décrié à Saint-Etienne sur ses relances ou d’autres choses, et pourtant il est titulaire dans un club, capitaine d’une équipe qui n’est pas une équipe de bourrins, qui fait un football magnifique. Donc ça prouve bien qu’au-delà de recruter des joueurs, c’est aussi une question de travail. Si on parle des Verts, ils ont un problème offensif parce qu’ils n’ont peut-être pas le temps de travailler comme ils le souhaiteraient vu tous leurs blessés … Parce que pour connaitre un peu le staff, ils doivent y réfléchir, ils doivent travailler.C’est comme ça que je vois les choses.

 

Pour aller un peu plus loin, l’animation offensive pour moi c’est surtout de quelle manière on va sortir la balle et arriver à se positionner. On parlait tout à l’heure de Fabien Lemoine, mais ça vaut pour tous les clubs, car je regarde ça avec un œil de technicien ; c’est important pour moi, la manière d’arriver à positionner les joueurs entre les lignes, dans l’interligne. Du moment que tu arrives à trouver les joueurs à 30 mètres du but entre les lignes, que ce soit des attaquants ou des milieux, tu verras que derrière tu auras énormément de situations. Le nœud du problème quand tu as une équipe, c’est sortir les ballons, et bien tourner entre les lignes. Après ça te multiplie les situations. J’en reviens au niveau des joueurs : quand ils travaillent, peu importe leur niveau, bien que certains soient plus talentueux que d’autres, ils marquent des buts. C’est le nombre de situations qui compte.

 

Que penses-tu de la saison actuelle et des carences offensives qui correspondent peu ou prou à ton départ ? (Naar)

 

Non, ça n’a rien à voir avec mon départ, et je pense y avoir répondu. L’animation, c’est ce qu’il y a de plus dur dans le foot, plus dur que de bien défendre, que l’organisation défensive … Il faut beaucoup travailler, et je pense qu’il faut un guide, une ligne directrice. Par exemple, mon dada serait de sortir les ballons et positionner mes joueurs. Après, je serais moins inquiet, au vu du nombre de situations, pour marquer des buts.

 

Des joueurs comme KMP ou Roux sont plus que critiqués pour leur rendement. Sont-ils aussi limités que leurs prestations le laisse paraître ? (Naar)

 

Je ne peux pas répondre à ça. Les joueurs travaillent, ce sont des garçons que je connais bien. Comme on l’a dit, il y a des tas de paramètres, et je ne suis pas présent pour parler des joueurs.

 

Quelles sont les méthodes pour rendre l'animation offensive plus efficiente ? (Naar)

 

C’est le plus dur, il faut essayer d’avoir deux ou trois principes de jeu. Il y a deux éléments à intégrer : ne pas noyer les joueurs avec trop de choses différentes, et comprendre que les joueurs, quel que soit le niveau, ont toujours besoin d’un cadre. Il ne faut pas croire qu’on met des bons joueurs et qu’ils jouent tout seul, même au Barça ou à Manchester City. Le bon exemple, c’est le Marseille-Monaco de dimanche soir. Jardim, peu importe le système de jeu d’ailleurs, il a une idée du jeu par rapport au positionnement dans l’interligne, qui est de faire rentrer Lemar et Bernardo Silva comme deux n°10, et en fait, il excentre ses deux attaquants. Quand on voit le match face à l’OM, tous les buts et toutes les situations dangereuses viennent de quoi ? Les latéraux ne savent pas comment gérer ces deux n°10 qui rentrent, et Germain et Falcao sont partis sans cesses dans le dos, sur le côté. Quand tu as l’œil de technicien, ça tu le vois tout de suite, c’est frappant ! Quels que soient les joueurs, ce sont des principes de jeu, ça montre bien que ces joueurs sont guidés, c’est frappant en voyant les images, ça me plait beaucoup. Je pense qu’il faut deux ou trois principes comme ceux-là, et quels que soient les joueurs, plus ils sont talentueux et mieux c’est, ils doivent s’exprimer là-dedans, et il faut le travailler à outrance avec différentes méthodes, avec ou sans oppositions, avec de l’attaque-défense, avec de la répétition en mimétique ... Chaque entraineur aura son idée car il y a des courants. Moi j’ai mes propres idées, ce serait très long de développer tout ça.

 

Peux-tu quand même nous exposer ta conception du football ? (Aloisio)

 

Ma conception, plus encore avec le recul d’Evian, parce qu’on fait un peu son autocritique, il y avait forcément beaucoup de choses à gérer, de l’autocritique sur des problèmes de clubs, de choses à faire, j’aurais peut-être dû plus couper des têtes, plus faire ci ou ça. Mais j’ai aussi fait mon autocritique dans le jeu, où ce n’était pas le plus dur pour moi quand j’étais numéro 1. Moi mon idée c’est un football total, défendre très haut, d’être assez directif avec mes joueurs par rapport aux principes de jeu, et de les faire évoluer là-dedans. Dans l’animation offensive mon dada se base sur les sorties de balles, sortir tous les ballons. Je ne suis pas pour ce que je vois dans les premiers matchs de la CAN, où ça dégage … Pour moi, ce n’est pas possible. Par exemple à Evian, j’ai fait 18 matchs en championnat, et on était la troisième défense sur les 18 matchs. Tout le monde disait qu’on avait un « football » en quelque temps, car je n’ai même pas fait de préparation, j’ai réussi à les mettre là-dedans. Moi je continuerai, j’enfoncerai le clou. Après je n’ai peut-être pas été assez bon sur le choix des joueurs. J’arrivai à sortir les ballons entre lignes, mais bon … Mon meilleur joueur, c'était le petit Kévin Hoggas, qui a mis sept buts, il est à Bourg-Péronnas maintenant. Par contre dans l’organisation j’avais la troisième défense de Ligue 2 sur mon passage, donc ça me conforte dans mon idée. 

 

C'est quand même incroyable le nombre des blessures musculaires des Verts cette saison, mais aussi celle d'avant. Tu as pris dans tes valises les bonnes idées de préparation physique ou bien il y a autre chose qui peut expliquer ça ? (Pilou)

 

Pareillement, je ne peux pas parler de ça, je ne les vois pas travailler. C’est impossible de répondre à ça. C’est vrai que ce n’est pas évident, car il y a des clubs qui font quand même des matchs en arrivant toujours à jouer avec leur équipe type. Ça fait poser des questions. N’étant plus là-bas, je ne peux pas voir, il faudrait que j’ai tout pour pouvoir répondre à cette question.

 

Pendant ta période en tant qu'adjoint de Galtier, as-tu ressenti le besoin d'un team manager ? Que penses-tu de la nomination d'Eric Blondel à ce rôle ? (Pilou)

 

Je connais bien Eric, c'est un très bon mec. Je le côtoyais déjà car il était dans l'entourage de Bernard Caïazzo, on le voyait souvent. Moi je l'appréciais, c'était quelqu'un en plus de discret, les rares discussions qu'on avait sur le foot était bien. Sans langue de bois, je n'ai pas assez de recul ou d'expérience d'entraineur de haut niveau comme Christophe pour répondre. S'il souhaitait un  team manager, c'est que ça doit être important. J'étais entraineur de Ligue 2, on n'en avait pas vraiment besoin. C'était un peu différent, je ne peux pas juger.

 

Penses-tu  que l'ASSE va pouvoir maintenir le niveau qui était le sien ces dernières années avec ces clubs qui semblent augmenter leur puissance financière : QSG, Monaco, Lyon, Lille, l'OM, Nice ? (alexioninho)

 

Je crois qu'ils peuvent maintenir le niveau auquel ils sont. Après, il y a plein de paramètres à prendre en compte. C'est vrai, l'argent, c'est très important pour l'infrastructure, le recrutement des joueurs, pour le salaire des talents, etc. J'ai lu qu'ils voulaient partir sur un vrai projet de formation. Voilà, ils doivent s'inscrire dans un projet de club formateur. Après, il faut vraiment mettre les bonnes personnes. Et il ne faut pas que le dire, il faut le faire. Mais oui, je crois en ça. Déjà tu as un potentiel de formation énorme à Saint Etienne, ça a toujours été dans l'histoire du club. Et puis surtout c'est le seul moyen aujourd'hui, si t'as pas d'autres rentrées d'argent, de sortir des joueurs, les faire jouer et puis après les vendre. Les plus grosses ventes, à part Aubame, elles ont été faites avec des joueurs formés. C'est comme ça que certains clubs ont basculé parfois. Si tu ne peux pas trouver d'autres sources de financements, ce que je comprends, à un moment tu atteins ta limite. Il faut un véritable projet de formation, bien géré de A à Z, des petits à en haut.

 

L'ASSE a-t-elle touché son plafond de verre en matière de performance ? Quelles décisions prendrais-tu si, d'aventure, tu devenais entraîneur n°1 pour continuer à jouer le top 5 ? (Naar)

 

Je ne pense pas qu'ils aient atteint leur limite. Parce qu'on a beau dire, y a que le présent qui compte. Bien sûr pour nous à Sainté c'est important le passé - mais c'est le moment présent qui compte. Chaque saison est différente et chaque match est différent. Et puis avec du travail…On voit que c'est très serré. C'est ce qui est surprenant en France par rapport à d'autres championnats. Ligue 1, Ligue 2 tout le monde peut battre tout le monde. Actuellement tu vois des équipes comme Toulouse qui baissent, d'autres comme Nantes qui remontent. Faut pas croire qu'on est au taquet ou quoi que ce soit. Après je ne peux pas répondre à la question de si j'étais numéro 1, comme ça, à la volée...

 

Chaque nouvelle saison est désormais présentée comme la dernière de Galtier. Le penses-tu arrivé au terme de son histoire avec les Verts ? (Naar)

 

Oui et non. Il n'y a que lui qui peut répondre. Comme dit précédemment, c'est le moment présent qui compte. Y a des entraineurs qui durent très longtemps car ils arrivent à changer des choses. Lui pour ça Christophe il est très bon, il est en perpétuelle recherche, il le fait constamment. A lui de trouver les bons trucs pour continuer parce qu'il est quand même dans un club important, llui-même il le dit souvent. Après, il n'y a pas de vérités, c'est plus tes résultats qui font que... C'est à lui de répondre s'il a encore envie ou pas. Je pense qu'il a encore envie, vu comme il aime ça, et dans le club où il est... Ses résultats montrent qu'il est quand même présent. Son départ en fin d'année, il n'y a que lui qui pourra le dire.

 

Quel entraineur verrais-tu succéder à Galtier à l'ASSE ? (alexioninho)

 

Impossible de répondre à ça. Dans un club comme Saint Etienne, par à rapport à l'histoire de la formation, la mentalité, il faut un peu coller à cette image-là, c'est pareil dans d'autres clubs. Si tu vois Bastia, Strasbourg, Paris, en Bretagne c'est encore un autre caractère. Je crois que Christophe comme l'avaient été Robert Herbin ou Jean Snella, est un homme de projet, un bâtisseur. C'est ce qu'il faut dans ce club, à mon avis. Mais je ne peux pas donner de nom de successeur.

 

Quel rôle joue exactement Dominique Rocheteau ? (Naar)

Dominique joue un rôle très important parce qu'il y a deux choses fondamentales dans une équipe pro que les gens, le public, ont du mal à percevoir. D'abord le travail sur le terrain, le sportif, le niveau des joueurs, les principes de jeu - comment l'équipe joue. Parce qu'on ne s'en sort que par le jeu. Et après, ce qui m'a moi sidéré lorsque j'étais à Evian dans ce que j'ai vécu, c'est l'atmosphère autour d'une équipe. C'est très important. Et Dominique au-delà de ses missions de tous les jours dans le recrutement, les coups de fil, les discussions... On pourrait se poser la même question pour les gens du Bayern Munich. Que font Beckenbauer, Uli Hoeness ? Président d'honneur, président délégué ? On ne sait plus ce qu'ils font. Mais en même temps c'est hyper important des gens comme Dominique. Surtout avec le caractère qu'il a, il apaise. Dans l'atmosphère de l'équipe, dans les moments difficiles, sentir sa présence... c'est difficile à exprimer. Mais ça fait grand club, justement. En plus il connait énormément le football. C'est vrai qu'on le voit toujours introverti, discret mais quand on le voit en tête à tête, que tu le connais bien c'est différent. Moi j'ai eu de très longues discussions avec lui, j'appréciais ça. Il a toujours le mot et l'oeil justes sur l'analyse d'un match en plus. C'est super !

 

Etais-tu impliqué dans le recrutement lorsque tu étais adjoint, ici ? (Naar)

 

Le recrutement c'est plus le coach quand même. On s'impliquait plus dans l'aspect technique, on l'aidait quand il avait besoin de voir des matchs en plus pour un joueur, passer des coups de fil, regarder des matchs ensemble. C'était beaucoup ou se déplacer, ou voir des vidéos. Mais ça vaut dans tous les clubs, ça va tellement vite dans ces périodes de recrutement, qu'il ne peut pas tout expliquer à tout le monde. On était au courant de tout bien sûr, mais le recrutement c'est surtout le coach et les dirigeants, et c'est pareil dans tous les clubs;

 

Toi qui regarde beaucoup de matchs, est-ce que des joueurs t'ont tapé dans l'oeil ? Quels joueurs conseillerais-tu à l'ASSE de recruter lors du mercato ? (Poteau gauche)

 

Il y a plein de joueurs, énormément. Mais je ne vais pas les donner. On me fait souvent le reproche, et je me le fais aussi, de parler beaucoup car je suis un passionné. En grandissant, je m'aperçois que très naïvement je donnais toutes mes idées du jeu, toutes mes idées de joueurs à tout le monde, puis on voit un petit peu ce que ça donne puisqu'aujourd'hui, c'est moi qui cherche un club... Tout le monde prenait les idées de Romain, autant en termes de joueurs, qu'en termes surtout de jeu et d'entrainements. Bien sûr je vois beaucoup de choses, mais bon je garde mes idées... Dans le recrutement tu t'aperçois qu'il y a plein de paramètres: le choix des postes, faut regarder si le joueur est fiable, s'il ne se blesse pas, faut presque enquêter, ce que ne font pas les clubs. Voir le joueur comment il est avec son épouse, comment il est avec sa famille. Quel jeune vient derrière dans l'équipe. Je ne peux pas te donner des noms comme ça. En plus je garde un peu pour moi toutes ces idées-là en vue de mon futur poste, c'est de bonne guerre.

 

Merci à Romain pour sa disponibilité et à Grand Rub et Leg42 pour la retranscription.