Avec seulement deux défenseurs de métier dans le onze de départ, avec un seul qui en restait après 30 minutes de jeu et encore une blessure musculaire, on pouvait craindre le pire. Et pourtant, ce groupe a un caractère extraordinaire qui lui permet d'obtenir des résultats dans les conditions les plus improbables.
Improvisation et stérilité
Après l'hécatombe de Nantes, il a été difficile pour Galtier de former un groupe compétitif pour ce match : 9 absents au coup d'envoi, 7 blessés, un malade et un suspendu. Sur les 21 joueurs de champ confirmés de l'effectif, ça fait vraiment beaucoup et on a retrouvé ainsi plusieurs jeunes dans le groupe. Mais surtout, on a retrouvé plusieurs joueurs à des postes inhabituels, comme Selnaes et Dabo en défense centrale, Veretout aussi après la sortie du dernier, ou bien comme KMP et Tannane (après la sortie de RPG) en latéraux.
Le choix du 3-4-3 peut sembler bizarre, mais probablement le coach a voulu une solution supplémentaire dans l'axe de la défense, vu le manque d'expérience à ce poste de Selnaes et Dabo. Aussi, KMP est plus à l'aise dans le rôle de piston sur le côté que dans celui de latéral dans une défense à 4, ce qui est valable pour Tannane aussi. Cependant, ce système n'est pas le plus adapté contre une équipe qui joue en 4-2-3-1 : on est en sous-nombre au milieu, mais aussi sur les côtés.
Les attaques stéphanoises ont été assez stériles lors de la première période : avec 68,6% de possession de balle et 84% des passes réussies, on a clairement contrôlé le jeu. Mais en vain, on a tiré 3 fois, sans cadrer. Le contraire de Lille qui a préféré défendre et jouer des longs ballons sur leur grand avant-centre. Un jeu direct qui a eu comme résultat 6 tirs, dont 2 cadrés et une barre.
Après la pause
Tout a changé à la mi-temps. D'abord, le carton rouge lillois a modifié la donne, leur "10" est sorti et une équipe en 4-4-1 n'a plus de surnombre au centre du terrain :
L'autre changement intervenu à la pause a été la permutation des centraux dans notre défense : Lacroix est passé central pour mieux museler l'avant-centre adverse, Selnaes est passé à gauche et Dabo à droite, chacun sur son bon pied, donc. Le but initial était de placer notre meneur de jeu norvégien en plein axe, pour mieux orienter le jeu - avec ce changement son influence diminue un peu, mais Dabo a la possibilité de se projeter plus facilement vers l'avant, profitant ainsi de l'espace laisser libre par le joueur expulsé.
Pour mieux illustrer tout ceci, prenons un exemple d'une longue action stéphanoise. Tout part d'un long ballon pour Eder, qui le perd dans la surface. Veretout récupère le ballon, le sort à droite pour KMP qui a le champ libre devant lui :
KMP est finalement bloqué par un milieu, alors il repasse par le centre et Veretout qui ouvre tout de suite à gauche, dans le couloir de l'autre piston, Tannane. On peut voire que les couloirs lillois ne sont pas protégés par leur milieux latéraux, c'est donc normal d'essayer de passer par les côtés :
Le centre de Tannane est repoussé par la défense.. jusque dans les pieds de Selnaes. On voit sur l'image suivante l'importance d'un homme qui manque au milieu lillois : deux de nos défenseurs centraux sont bien haut dans la moitié adverse, tout le bloc lillois est dans leurs 20m, il y a énormément de place libre au centre du terrain :
Selnaes avance et centre, le sien est repoussé par la défense aussi, mais de nouveau récupéré instantanément, Dabo a le ballon :
Le bloc lillois est bas, mais bien en place (on verrait bien les deux lignes de 4 si leur milieu gauche montait sur KMP). De plus, ils ne sont pas en déséquilibre (4 défenseurs pour 3 attaquants, 4 milieux de chaque côté). Mais il n'y a personne pour empêcher la montée de Dabo, qui s'appuie sur KMP :
Comme il est pris par un milieu central, Dabo s'appuie de nouveau sur KMP qui ressort rapidement au milieu, à Veretout (comme en début de l'action). L'équilibre a un peu changé : Pajot s'est projeté dans la défense, occupant ainsi un défenseur central : il n'y a plus de surnombre défensif pour Lille, surtout que leurs milieux centraux ne peuvent pas descendre plus bas. Cette fois-ci, Veretout ne change pas de côté, mais reste dans le petit périmètre, en jouant de nouveau avec Dabo :
Le bloc lillois est cassé : à la place des deux lignes de quatre, ils ont une ligne de 6 et une de 2. Néanmoins, il n'y a pas de décalage trouvé, sauf que Beric et Roux vont s'en occuper. Tous les deux était hors-jeu, suite à des appels faits quelques secondes auparavant. Ils reviennent dans la ligne, mais chacun visant un défenseur central, leurs appels qui suivent cherchant à les attirer :
Ça marche très bien et ça laisse Pajot et Nordin seuls avec un seul défenseur latéral. C'est presque dommage que le centre de Dabo n'est pas pour eux au deuxième poteau, mais pour Beric dans la surface. Après, ça permet à ce dernier de montrer encore une fois son efficacité incroyable dans la surface et à l'équipe de débloquer le match...
Conclusions
Les résultats construits dans l'adversité forgent un groupe, et celui des Verts montre encore une fois un état d'esprit exceptionnel. Si on rajoute un brin de réussite, des faits de jeu et des ajustements tactiques, on obtient les ingrédients d'une belle histoire, comme celle de ce dimanche après-midi.
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