Quinzième épisode des confessions d'Helder Postiga à son docteur, par Rising42. A savourer sans modération !


Allo ! Docteur !

C’est moi ! Helder Postiga !…

Ding ! Dong !

Oui c‘est vrai, Docteur, vous ne rêvez pas, vous entendez bien une cloche… Non ce n’est pas encore Pâques… Noooon, Docteur, vous n’êtes pas comme le petit excité à l’écharpe verte... Vous n’entendez pas des voix… Il se prend pour Jeanne d'Arc, celui-là... D'ailleurs, maintenant quand il parle, ça sent le brûlé... Ce n’est pas Dieu qui vous sonne… Non, non… C’est juste ma cloche… Vous allez comprendre…

Vous vous rappelez, Docteur, que j’ai participé à un stage à Roquefort, dans le cadre de la formation professionnelle continue… Aaaah, je me suis bien amusé… Surtout qu’il y avait des collègues d’autres clubs… Mais eux étaient là pour un colloque sur l‘art de ne pas marquer de but tout en faisant croire à un talent caché et annihilé par une malédiction satanique… Bref des artistes qui évoluent cachés dans les nuages des fumigènes… Tous des professionnels déjà reconnus… Pancrate… Bergougnoux… Niang… Eux sont des habitués ; mais moi, je suis venu pour apprendre comment être une chèvre, une vraie, en une semaine de cours intensifs… Je suis content… J’ai bien travaillé… Tellement bien, que le moniteur m’a décerné la cloche d‘honneur, pour me récompenser… Une belle cloche rutilante, pour que je l’accroche autour de mon cou, afin que mes copains m’entendent bien sur le terrain et qu’ils aient ainsi plus de facilité pour me repérer et me donner le ballon. Ce qui est ennuyeux, Docteur, c’est que j’ai perdu la clef du collier, entre parenthèses bien trop serré, si bien que je ne peux pas le quitter. C‘est pourquoi… Ding…! Dong…! Dès que je bouge, ma cloche sonne… On dirait le tram… C’est pas génial pour dormir la nuit, mais bon… Moi qui voulais me noyer dans la masse, ce n‘est pas franchement l‘idéal… Vous comprenez, Docteur, je n’aime pas être différent des autres… Je suis modeste, moi… Jeudi matin, lorsque je préparais mon sac pour le retour vers Saint Etienne, nous avons tous été convoqués par le directeur qui nous a réunis dans la cour de la bergerie… Nous étions tous alignés avec les chèvres résidentes, lorsque qu’un autocar arriva… Un autocar en deuil… Avec des rubans noirs… Plein de rubans noirs… Les pneus dégonflés… Précédé par des pleureuses siciliennes ou sardes peut-être… Noooon, Docteur, je me souviens maintenant, les pleureuses avaient toutes un maillot rayé rouge et noir… Drôle de costume… Milanais, je crois bien… Bref… C’était le car de l’Olympique Lyonnais… Avec à l’intérieur plein de joueurs en costumes noirs, portant cravates noires et lunettes noires… Bref, Docteur, une vision de fin du monde. Au moment où le premier joueur descendit du car, le chœur des chèvres résidentes se mit à sauter en l’air, tout en entonnant cette chanson de bienvenue :

Qui ne saute pas n’est pas Lyonnais… Hey !
Rien que des tocards ces Lyonnais… Hey !
Ils tournent au Ricard les Lyonnais… Hey !
Ils ne passent pas les quart, les Lyonnais… Hey ! Bêêêêêêêêh !!!
Ringard, l’autocar des Lyonnais… Hey !
À mettre au placard, les Lyonnais… Hey ! Hey ! Bêêêêêêêêh !!!


Les Lyonnais n’ont, semble-t-il pas trop apprécié l’air… Les paroles je ne sais pas… En tout cas, ils n’avaient pas l’air très joyeux, sauf peut-être Wiltord et Govou qui tapaient dans leurs mains et qui sautaient sur leurs pieds, jusqu’à ce que Jean Michel Hélas les menace vertement de les transférer au Lokomotiv de Dniepropetrovsk… Moi, j’ai adopté une attitude neutre… L’air idiot naturel, comme un numéro 9 de mes connaissances, d‘ailleurs diplômé des lieux, et j’ai foncé dans ma chambre juste après la cérémonie pour récupérer mes affaires et rejoindre Saint Etienne auréolé de mon titre envié en France de Docteur es chèvre.

Docteuuuur ! Quelle émotion, lorsque je suis revenu dans la cour où mon taxi attendait. Le chœur des chèvres résidentes entonnait un chant à ma gloire :

Village au fond de la vallée,
Comme égaré, presqu'ignoré.
Voici qu'en un matin frais
Une nouvelle chèvre nous est donnée
Helder Postiga elle se nomme.
Elle est joufflue, tendre et rosée.
Après Piquionne, beau petit homme,
Ce jour tu as été accepté.

Une cloche sonne, sonne.
Sa voix, d'écho en écho,
Dit au monde qui s'étonne :
C'est pour Helder Postiga
C'est pour accueillir une âme
Une chèvre qui s'ouvre au jour,
À peine, à peine une flamme
Encore faible qui réclame
Protection, tendresse, amour.


Bon, Docteur, il faut que je vous dise que je suis quand même un peu déçu, car ma cloche n’est pas encore totalement efficace. Hier soir à Bordeaux, Docteur, ce n’est pas une cloche que j’aurai dû porter, mais une sirène ou une corne de brume, ainsi qu’un gyrophare sur la tête… Parce que des ballons, je n’en ai pas eu beaucoup… Numéro 14 et numéro 9 ont joué ensemble comme à l’habitude…Enfin surtout Numéro 9, qui a fini par jouer avec lui-même. Mais comme d’habitude leur prestation fut un mirage, une façade. Derrière les courses effrénées et la vaillance improductive de l’un, et le faux semblant, la fainéantise et l’esprit tordu de l‘autre, se cache en réalité une somme d‘incompétence, qui, s‘il n‘y eût quelques miracles dans l‘année, nous aurait conduits tout droit en Ligue 2… En tout cas, toujours aucun but à l’horizon… Nous nous rapprochons allégrement des dernières places, dans l’euphorie générale et la satisfaction béate du devoir accompli… Youpi !!!… Ding ! Dong !… Le petit excité à l’écharpe verte et son gourou frisé au maillot vert étaient heureux comme deux petits diablotins. Le maintien est assuré. Youpi !!! Ding… Dong…! J’essaie de comprendre le club, Docteur… Je fais des efforts… Croyez-moi… Mais je ne suis pas sûr de tout saisir.

Avant le match, notre capitaine nous avait dit de nous battre pour ramener le point du match nul pour faire plaisir à Numéro 14 qui est dans une passe difficile… Je ne sais pas ce qu’il a Numéro 14… Des soucis avec sa voiture qui tire à droite quand lui veut aller à gauche…Je crois bien qu’il lui fallait impérativement la prime du match nul pour payer les réparations. Tout ce que je sais c’est que ses problèmes de direction se reflètent sur la pelouse… Il lance ses pieds d’un côté quand le reste du corps part de l’autre… Voilà ce que c’est d’acheter des voitures allemandes ultra sophistiquées… Pourquoi croyez-vous, Docteur, que les gens roulent avec des petites voitures bien simples, hein ?!!! Ou bien pour certains roulent à pied… Hein ?… Nooon, Docteur, ce n’est pas un problème d’argent… C’est un problème de tranquillité d’esprit… Vous ne savez pas ce que c’est, Docteur, que d’avoir tout… De transpirer les Euros… L’argent en abondance, les nanas qui vous tombent dans les bras avant d’aller enfiler la bague du voisin, la voiture décapotable avec toutes les options, quatre roues motrices en cas de transfert imprévu en Finlande, pare-buffle en cas de prêt inattendu à Conakry, ou pour mener les enfants à l’école et s’ouvrir la route au milieu des lycéens en grève, sièges éjectable inclus, tout le confort moderne, les attentions, les adulations de tout le monde… Et tout ça en travaillant trois heures par jour… Eh bien, Docteur, cette vie-là vous refile un sentiment de culpabilité vis-à-vis des gens ordinaires qui travaillent toute une journée pour se payer une paire d’Adidas… Moi je vous le dis, Docteur… Et puis cette vie-là, elle vous donne la grosse tête… Et à cause de cela, vous êtes obligés d’acheter une grosse voiture parce que vous ne pouvez plus entrer dans une petite… La belle vie occasionne des frais imprévus.C’est un cercle vicieux, Docteur. Et numéro 14 n’a pas tenu le choc. Donc notre capitaine, notre Esprit Saint, le Grand Prêtre détenteur de la flamme verte a oublié un moment que cette flamme existe avant tout par les gens qui de générations en générations vont au stade,et se transmet sans que personne en soit propriétaire, et il a préféré penser à notre copain Numéro 14. Sans doute l’expression d'une solidarité sans faille entre fêtards. Donc, comme il fallait se battre pour lui, et ramener avant tout le point du match nul, nous nous sommes contentés de défendre, et, comme je ne comprends pas encore parfaitement le français, par sécurité, on ne m’a pas donné la balle pour que je marque pas de but, car si j’avais marqué, nous ramenions les trois points de la victoire, ce qui n’était pas prévu au programme… Vous me suivez, Docteur ?… Je sais, c’est très abstrait… Et puis, il ne fallait pas fâcher les Bordelais qui sont nos amis, comme les Lensois, à ce qu’on m’a dit… Cela promet un super spectacle pour la semaine prochaine… Comme hier soir avec nos amis... Je te donne… Tu me rends… Je t’emprunte sans intérêt… Je te remercie… Je t’aime… Tu m'aimes... Même pas de pudeur… Nous on s’aime en public... Et comme je manifestais beaucoup de zèle à courir, et à agiter mes bras et ma cloche pour me faire remarquer, le coach m’a sorti avant la fin du match… J’en faisais beaucoup trop… Je suis sûr et certain que si on avait bien voulu jouer avec moi, nous aurions pu marquer et gagner ce match… Mais je ne suis pas payé pour penser… Mais pour fermer ma gueule et faire ce qu’on me dit de faire… Sinon, dans le cas contraire, je ferais un stage chez Castorama comme Sébastien Mazure… Tenez, Docteur, cette semaine, le coach a eu toutes les peines du monde à l’emmener à Bordeaux… Seb a trouvé un nouveau travail, au noir, de jardinier-majordome-secrétaire-garde du corps du petit frisé au maillot vert… Moi, Docteur, je ne sais rien faire de mes dix doigts, sauf ceux de mes pieds…

JE SUIS UN PIETON… JE NE SUIS PAS UN MANUEL, moi, Docteur !!!…

Ah ben si, je m’appelle Manuel… Fouilla, je suis bête… Sans doute un signe prémonitoire… Finalement, j’aurais dû jouer au basket…

Enfin, une chose est sûre, Docteur, c’est que certains larbins arrivent à percer… Du moins, dans le cas où la nécessité impérieuse du club se fait sentir, et jusqu’à ce qu’on les rejète vers le banc de touche dans le meilleur des cas ou au Pays Basque, chez les terroristes de l’ETA pour d’autres, ou encore à Amiens chez les terroristes picards… Non, Docteur, pas à Sedan, ni à Caen… Quelle idée, Docteur ?… D’abord, c’est quoi Sedan et Caen ?… Docteur, fermez là, vous me faites perdre le fil de mon raisonnement… Ainsi, nous avons pu voir à l’œuvre notre gardien adorable, Jody Viviani… Il a réalisé un super match… Mais je crains qu’il ne rejoue pas de sitôt car il n’a pas été fichu d’arrêter un pénalty… Et croyez-moi, Docteur, quand un gardien n’arrête pas un pénalty, dans l’esprit cathare du coach, ça fait quand même mauvais genre… Et puis, tout ça c’est encore la faute de l’arbitre… C’est vrai ça, pourquoi il n’a pas sifflé de pénalty, ce con… Bon c’est vrai que pour obtenir un pénalty il faut se casser la gueule dans la surface, et Zokora se casse toujours la gueule là où ça ne sert à rien… En tout cas, tout ce que je sais c’est que Viviani n’a pas arrêté de pénalty… Et Gomis n’a pas marqué de but non plus… Mais là c’est normal puisqu’on lui avait dit de ne pas prendre exemple sur moi, et de ne pas chercher à marquer… Vous ne me suivez plus, Docteur ???… Je veux bien vous croire, car moi non plus je ne me suis plus du tout. J’ai déraillé… Ding…! Dong…!

Je suis fatigué, Docteur, cette cloche qui résonne… Ma tête qui raisonne en résonnant… Je suis fada, je crois bien… Un vrai beauseigne…

Je vais aller au lit… Demain, j’y verrai plus clair… Je vous rappelle sans faute en fin de semaine, si d’ici là je n’ai pas été prêté à Andrézieux.

En attendant, Docteur, portez-vous bien !

Auteur : Rising42