Ancien défenseur du Racing Club de Strasbourg et de l'ASSE, le viticulteur gardois Gilles Leclerc a fait une courte pause dans ses vendanges au Domaine Carmelisa pour évoquer le match qui opposera ses deux anciens clubs ce samedi soir à Geoffroy-Guichard.


Toi qui as joué à Strasbourg et à Sainté, quel club supporteras-tu samedi soir ?

Moi je suis Stéphanois de cœur. Je suis Stéphanois.

Quels souvenirs gardes-tu de ta période strasbourgeoise ?

J’ai vécu à Strasbourg une saison compliquée car il y a eu à la fois un changement de président et d'entraîneur. Au cours de cette saison 1989-1990, il y a eu un gros remue-ménage et comme j’étais arrivé avec l’équipe qui était en place… Tout a été chamboulé. C’est dommage car on avait un super projet. On avait une très belle équipe avec des joueurs en devenir comme Youri Djorkaeff et de grands joueurs comme le milieu Wolfgang Rolff, qui avait été finaliste de la Coupe du Monde avec l’Allemagne et qui avait gagné la Coupe d’Europe des Clubs Champions avec Hambourg et la Coupe de l’UEFA avec le Bayer Leverkusen. Il y avait aussi Thomas Allofs, le frère de Klaus, qui avait été meilleur buteur.

On a fini deuxième de notre groupe de D2 derrière Nancy. Lors des barrages, on a éliminé Rouen puis Valenciennes, qui avaient fini respectivement troisième et deuxième de l’autre groupe. Contre le barragiste de D1, l’OGC Nice, on a gagné 3-1 à l’aller mais on en a pris 6 au retour. Roby Langers nous avait fait très mal, il avait réalisé un quadruplé dès la première mi-temps. On avait un super groupe, c’est dommage qu’il ait explosé. Gérard Banide m’avait fait venir, Léonard Specht lui a succédé en cours de saison. Le président Daniel Hechter a dû également quitter son poste cette saison-là. Toutes les personnes qui voulaient que je vienne sont parties.

Même si on a craqué lors de ce dernier match de barrage, on a fait une super saison. On a failli monter. Malgré le grand chamboulement à la tête du club, on avait un groupe soudé. Je me souviens qu’on avait été vachement décriés tout au long de la saison mais on a raté de peu la montée. On avait un groupe qui avait des qualités techniques et des qualités de cœur. J’avais signé cinq ans à Strasbourg mais au final je n’y suis resté qu’une saison. J’ai ensuite été prêté à Alès, à Perpignan et à Nîmes avant de signer deux ans à Bastia.

J’ai vécu cette ferveur autour du Racing, c’est un club qui compte des supporters passionnés. C’est un club avec une âme, j’aurais aimé y rester quelques années. J’ai beaucoup aimé mon passage à Strasbourg aussi car c’est une ville magnifique située dans une région viticole qui est extraordinaire. Moi qui suis viticulteur, j’ai énormément apprécié. Je me souviens de dégustations des vins d’Alsace qu’on avait faites avec quelques joueurs. Il y avait Youri Djorkaeff, Eric Geraldes, Olivier Dall’Oglio… On était plusieurs à aimer le vin et on faisait des dégustations à l’aveugle, c’était super sympa ! C’était convivial, instructif. On se régalait et on passait de supers soirées ! On avait rencontré pas mal de vignerons, c’étaient vraiment de grands moments.

C’est à Strasbourg que tu as joué pour la première fois avec un certain Nestor Subiat…

C’est bien ça ! J’ai découvert un garçon chaleureux, convivial. J’ai apprécié son côté passionné, argentin. Nestor est un gars hyper sympa. C’était à l‘époque un joueur en devenir, qui a fait ensuite une très belle carrière en Suisse. Il a marqué énormément de buts avec Lugano et au Grasshopper Zurich. On s’entendait super bien et ça a été un grand plaisir de le retrouver presque dix ans plus tard à Sainté. D’ailleurs chez les Verts on était en chambre ensemble. On avait des affinités. Et on a vécu une saison super ponctuée d’une montée en D1.

Je me souviens qu’au début de sa carrière, il jouait défenseur quand je l’avais affronté. Nestor a eu un parcours atypique car c’était un défenseur de formation qui est devenu attaquant. La plupart du temps c’est l’inverse, des attaquants de formation se retrouvent défenseurs. Nestor était un bon attaquant tout en ayant le caractère, la mentalité d’un défenseur. C’était difficile de défendre sur lui. Nestor était un joueur très original et un garçon attachant. Lui aussi était un bon vivant qui s’intéressait au monde du vin. À une époque, il s’était lancé en Suisse dans la distribution et la dégustation de vins argentins.

À l’époque où on se côtoyait à Strasbourg, il ne participait pas aux dégustations mais par contre en soirée ce n’était pas le dernier à faire la fête ! (rires) Quand on s’est retrouvé à Sainté en 1998, j’ai vécu des moments festifs à ses côtés. C’était la Coupe du Monde, l’Argentine était à L’Etrat, il était fou dingue ! Quand on regardait les matches de l’Argentine, il avait la panoplie complète du supporter : le maillot, l’écharpe, le drapeau… Il était à fond notre Nestor, c’était un fou furieux ! (rires) On a vibré ensemble lors de ce fameux match Argentine-Angleterre à Geoffroy.

À Strasbourg, tu as également joué aux côtés d'un certain Jean-Luc Buisine…

Bien vu ! On s’entendait bien avec Jean-Luc. J’ai le souvenir d’un joueur sérieux avec un humour un peu anglais. Il était très athlétique et j’appréciais son intelligence de jeu. Jean-Luc était un joueur complet, il était doté d’un très bon jeu de tête. Il me semble qu’il avait été un peu embêté par quelques problèmes physiques. C’était un joueur sympa que j’aimerais bien revoir car je ne l’ai plus recroisé depuis notre période strasbourgeoise. Cela fait trente ans maintenant ! Je profite de cette interview pour lui transmettre ce message. J’aimerais le retrouver autour d’un bon verre.

On lui transmettra ton message, pas de souci ! Mais comme tu le sais sa priorité du moment est de gérer la fin de cet interminable mercato…

Oui, je sais qu’il travaille à nouveau aux côtés de Claude Puel dans un contexte financièrement contraint. L’ASSE a entamé un nouveau cycle, je pense que c’est la seule solution viable pour que le club puisse être performant. Miser sur la formation et recruter intelligemment, c’est une évidence. Tu n’as pas 36 solutions quand tu ne disposes pas de gros moyens. Le club a des moyens financiers un peu plus compliqués que certaines années, il faut faire très attention. La formation fait partie de l’ADN du club, c’est logique que l’accent soit mis là-dessus. Il faut partir sur des bases saines, la formation est primordiale pour un club comme Saint-Etienne.

Claude Puel est l’entraîneur idéal dans ce contexte-là. Il fait partie des entraîneurs qui font vraiment confiance aux jeunes. Il est prêt à leur apporter énormément. Après, il faut bien sûr qu’il y ait des joueurs capables de jouer au haut niveau. Mais l’ASSE ces dernières années a des générations qui ont prouvé certaines choses. Le club est le tenant du titre en Gambardella. Je pense qu’il faut faire confiance à la fois aux meilleurs jeunes formés au club mais aussi aux jeunes recrues comme Yvan Neyou. Cela va peut-être prendre du temps pour porter ses fruits. Le problème dans le foot, c’est le temps. Il faut quand même avoir des résultats, Sainté génère toujours autant de ferveur et d’attentes…

Les Verts, ça reste les Verts ! Il y a tellement de gens qui s’intéressent à Sainté encore… Il y beaucoup de concurrence avec d’autres clubs mais la ferveur est toujours là. Ce club bénéficie toujours d’un gros capital sympathie, d'une authentique popularité. Moi j’en parle dans mon Gard. Ce club ne laisse pas insensible, il ne laisse pas indifférent. Maintenant, c’est vrai que pas mal de fidèles supporters ont atteint la cinquantaine. Il faut faire des coups d’éclat comme en Coupe de France ou faire de belles saisons en championnat comme ça a été le cas il n’y a pas si longtemps.

Je n’ai pas vu le dernier match des Verts contre Lorient mais j’ai apprécié leur prestation en finale de Coupe de France. C’est vraiment dommage que Loïc Perrin ait terminé sa superbe carrière sur cette expulsion. Quel joueur ! C’était un grand joueur, intelligent, avec beaucoup de qualités humaines. Je l’ai croisé quelques fois. Je sais que lui aussi est un amateur de bons vins, j’espère qu’on aura l’occasion d’en déguster ensemble. J’aurais aimé faire une carrière comme la sienne. Pour revenir à cette finale, j’ai aimé la vie que les Verts ont mis dans ce match, j’ai apprécié leur prise de risques. C’était dynamique, c’était bien ! Ce n’était pas rien de mettre Paris aussi mal à l’aise.

Comment vois-tu le match de samedi entre tes deux anciens clubs ?

J’espère que ce sera un beau match. Il mettra aux prises deux clubs qui ont une âme. J’ai eu la chance de défendre leurs couleurs. À Sainté comme à Strasbourg, j’ai ressenti de la ferveur. Ces clubs m’intéressent car ils ont une histoire et on y parle avec amour de football. C’est évidemment le cas à Sainté mais aussi en Alsace, ils adorent le foot. Il y a de très belles affluences. Le Chaudron et La Meinau, ce sont des supers stades. Il y a de l’ambiance, c’est le foot qu’on aime ! Le Racing était tombé en National mais il a su retrouver l’élite. Thierry Laurey, contre qui j’avais joué pendant ma carrière, fait du très bon boulot là-bas. Alors que son effectif n’a pas beaucoup bougé à l’intersaison, Strasbourg a mal démarré le championnat en perdant ses deux premiers matches. De son côté Sainté a réussi ses débuts en disposant de Lorient.

Je n’ai pas vu tous ces matches, je suis en pleine vendange et obnubilé par ma récolte. Strasbourg avait aussi connu des difficultés en début de saison dernière mais avait su redresser la barre. Cette équipe aura à cœur de réagir et il n’est jamais facile de gagner deux fois de suite à domicile. J’espère que les Verts vont enchaîner et essayer de mettre le doute rapidement à cette équipe strasbourgeoise, qui doit quand même être marquée psychologiquement par ses récentes défaites. Il faudra que les Verts attaquent pied au plancher pour surprendre et déstabiliser leurs adversaires. Le but est d’éviter que les Strasbourgeois reprennent confiance dès samedi. Cette équipe finira je l'espère par reprendre confiance. Espérons juste que ce sera un peu plus tard ! Pour le groupe stéphanois et notamment pour la confiance des jeunes, une deuxième victoire serait bénéfique. Les Stéphanois vont certainement avoir des occasions contre Strasbourg, à eux de les concrétiser. C’est moi qui dois vendanger, pas les Verts ! (rires)

 

Merci à Gilles pour sa disponibilité