Sixième extrait du spectacle de Corine Miret et Stéphane Olry. Une marée de drapeaux verts et le match peut commencer ...


L’actrice :

« Il y avait juste une barrière blanche autour du terrain. Son père, elle le revoit accoudé à la barrière, et elle, se suspendait à la barrière : elle était petite, elle accrochait ses jambes, elle jouait à cochon pendu. Â»

Le musicien :

« Ã‰couter ce qui se passe autour de moi. Les gens s’interpellent. Parlent entre eux. Commentent les matches précédents. Tendre l’oreille. Â»

L’actrice :

« Elle écoutait les pubs : « Le ballon du match vous est offert par l’eau minérale Parrot, naturellement Â».
« Elle se dévissait le cou pour suivre les « Bienvenus Â» : « Bienvenue à nos amis Associés Supporters de Saturnin-les-Avignons, bloc 24, tribune Jean Snella ! Â». Ils se levaient et le public les applaudissait.

Le musicien :

« L’échauffement. Voir les joueurs entrer sur la pelouse. Revoir nos champions. Ça y est. Ils sont là.

Descendre jusqu’au terrain. De derrière les grilles, regarder les joueurs s’échauffer. Échanges de balles. Savoir. Sont-ils dans le coup ? Marcher le long de la grille. Suivre les joueurs. Saisir leurs expressions. Capter les sourires. Scruter les visages fermés. Retenir les moindres détails. La couleur de leurs chaussures, leur coiffure, leur allure. Pour, dans quelques minutes, quand ils joueront, les reconnaître sans hésiter.

Les joueurs retournent au vestiaire. Remonter à ma place.
Regarder les Kops. Les jeunes se lancent des boules de papiers. Dansent le pogo. Les Kops bouillonnent. Explosent quand les joueurs reviennent sur le terrain.

Fumigènes. Marée de drapeaux verts. Leaders montés sur leurs mâts un mégaphone à la main. Les tifos. Apparition d’images : paysages de mines, tête d’indien, portrait d’un supporter décédé. Ils chantent. Ils se tiennent par les épaules. Ils sautent tous ensemble. Ils ont travaillé deux semaines pour cette minute. Pour accueillir les joueurs. Je trouve ça beau.

L’actrice :

« Ils chantaient et ils soulevaient leurs écharpes, les ultras. Il avait eu peur. Il pensait aller voir un match de foot comme à la télé. Dans le stade, il trouvait ça beaucoup plus impressionnant. La peur passée, il avait eu envie de faire comme les ultras qui y étaient depuis longtemps, de chanter, de faire les chorégraphies. Â»

Le musicien :

« Coup d’envoi. Soudain gelé, bloqué, tétanisé. Deux semaines que j’attends. Dans une heure et demie j’aurai perdu tout ça. Alors, parler à mon voisin. Ne pas arrêter de parler. « Il joue comme ci, il va faire ça Â». Il faut que ça sorte. Exprimer tout ce que je ressens. À côté ça répond. Échanger. Me libérer. Personne ne me jugera. Parler fort.

Mais bon ! concentration maximum sur le jeu. Coup d’œil au voisin, et vite, revenir sur le terrain. Retourner aux joueurs. C’est pour eux que je suis là. Rester concentré sur le mouvement d’ensemble. Comprendre la construction du jeu. Analyser les stratégies des équipes. Trois coups de sifflet. Mi-temps. Un break. Tout s’arrête.
Recharger les batteries. Apprécier si on mène au score. Respirer si on est menés. Me dégourdir les jambes. Je ne me promène pas. Je ne vais pas aux toilettes. Â»