Misunderstood : Adj. Incompris, mal compris. Qui n’est pas reconnu, estimé à sa juste valeur. Exemple : Ã‚« Gomis et son gros cul il a même pas le niveau ligue 2, qu’il se casse et vite ».
A quelques jours du derby, revenons sur le parcours de celui qui sera au centre des discussions.


La panthère devenue bouc

Bafé s’en est allé en plein été quelques jours après un dernier coup d’éclat sous la forme d’un triplé en match amical contre Grenoble. Un triplé aux allures de parfait résumé des qualités du joueur et de son flair de buteur.
En partant, Bafé a sanctionné d’une double peine tous les siffleurs et les jeteurs de cartons à pizza l’ayant malmené la saison dernière. La première peine infligée, c’est tout simplement la perte d’un très bon attaquant, international, d’un vrai buteur comme Geoffroy-Guichard n’en avait pas connu depuis Alex. La deuxième peine, la pire, c’est sa destination. Comme un Maurice Pialat palmé sous les sifflets cannois, Gomis en partant se réchauffer sous le soleil du grand Satan du foot français a implicitement lâché un « si vous ne m’aimez pas, sachez que je ne vous aime pas non plus ».

Bafé Gomis, c’est l’histoire d’un éternel malentendu. L’histoire aussi, vieille comme le monde, du bouc-émissaire. Les Verts sont mauvais ? Il faut identifier un coupable dont le sacrifice permettra d’expier toutes les fautes commises par le club. L’an dernier c’est Bafé qui s’y est collé. Par quelle alchimie misérable, par quel enchaînement désastreux, un public arrive à prendre en grippe celui qui a contribué à sortir le club d’un si long hiver européen ? Où et comment grandit une si injuste ingratitude à l’égard du joueur le plus brillant formé au club depuis Willy Sagnol ?
Est-ce son statut de star et le salaire indécent qui va avec, est-ce son dérapage de l’été 2007, est-ce ce sourire désabusé qu’il affichait devant les sifflets ?


Je plantais, je plante et je planterai

Flash back : les premiers échos sur Gomis parviennent aux oreilles des supporters stéphanois les plus attentifs lors de la saison 2003/2004. L’ASSE par la grâce d’un berger corse ayant fini par transformer ses chèvres en pur-sang s’apprête à retrouver l’élite. Bafé, lui vient d’avoir 18 ans, et pour sa première saison à ce niveau claque 12 buts en 19 matchs de CFA. Les chiffres sont prometteurs pour un attaquant de cet âge, mais les observateurs de la réserve verte restent sur la leur (de réserve) au moment de commenter les prestations du Baf’. Ils lui préfèrent Ech Chergui qui enfile 14 pions, certes, mais en 26 matchs…
Anto, lui, est séduit et commence à intégrer Gomis au groupe Pro. Il fait quelques apparitions en fin de saison et confirme immédiatement les promesses entrevues deux niveaux en dessous : Bafé claque ainsi contre Créteil à GG (victoire 3-2) et à Valence (victoire 3-1 des Verts).
La saison suivante, Ech Chergui ne marque que 6 fois en 27 matchs de CFA. Gomis, lui est intégré au groupe Pro mais, la concurrence en L1 est sévère, Baup perpétue le 4-3-3 d’Anto à une pointe et joue –à juste titre compte tenu de ses qualité de pivot- la carte Piquionne devant. Bafé joue peu et demande à être prêté. Il atterrit à Troyes (dans l’Aube) en janvier et s’impose immédiatement aux côté d’un certain Sébastien Grax avec 6 buts en 13 apparitions. Il participe à sa deuxième montée en L1 consécutive et revient donc en confiance … mais avide de temps de jeu à Sainté.
Après la savoureuse mais trop éphémère parenthèse intertotesque, l’ASSE version Baup acte II (2005/06) s’enfonce dans la médiocrité après un excellent début de championnat, la saison se finit en eau de boudin créole, on demande à Piquionne d’arrêter de tuer les oiseaux et on accompagne le probable départ de Féfé de banderoles aussi drôles qu’ingrates (finalement il n’y a aujourd’hui que les barjes qui ne le regrettent pas). Bafé abonné au banc se contente de 7 titularisations et marque 2 fois. Sakho, puis Postiga dès janvier lui sont préférés pour épauler Piquionne.

Baup met les voiles et Hasek arrive mais rien ne change pour Bafé qui a vu partir Postiga et Sakho mais arriver Ilan. Sa première titularisation intervient lors de la 12ème journée à la place de Piniok suspendu. L’ASSE balaye Toulouse 3-0 et Bafé signe son premier doublé en vert. Une telle perf est rare pour un abonné au banc (imagine-t-on Gigliotti profiter des blessures de Sanogo ou Ilan pour jouer et en claquer 2 ?) mais Gomis retrouve vite son statut guarinesque sans qu’on puisse en faire le reproche à Hasek, la doublette Ilan-Piquionne affichant alors une complémentarité parfaite et les Verts sont 4èmes à la trève. Une seule titularisation pour deux buts, Bafé se contente de bouts de match mais l’esclave va s’émanciper et Bafé en profite. Entre la 21ème et la 31ème journée il marque 8 fois et finit la saison avec 10 buts pour 18 titularisations. Ils sont alors étonnamment encore nombreux à ne pas voir ce qui crève les yeux : Bafé est un buteur, un vrai. Mais les sceptiques, que rien n’arrête, avancent sur l’autoroute de la mauvaise foi en nous expliquant que dans cette 2ème partie de saison catastrophe, les buts de Gomis ne sont pas décisifs…

Hasek tombe à l’eau. Qu’est-ce qu’il reste ? La Rousse pour entamer la saison 2007/2008. Ses pulls torsadés et sa communication alaindelonesque laissent à désirer, mais il s’y entend en gestion d’attaquants. N’a-t-il pas contribué à la fulgurante (qui a dit miraculeuse ?) réussite d’un Moussilou au LOSC !
En attendant l’intersaison de l’ASSE est alourdie par une épidémie de bras de fer à (plus que) 10 sous. Gomis commet ce qui s’apparente à un crime de lèse-fidélité au peuple vert en refusant de reprendre l’entrainement, suivant en cela l’exemple de Zoum Camara. Contacté par le Lens de G.Roux, sans doute mal conseillé et séduit par une proposition sans commune mesure avec son salaire de jeune pousse verte, Gomis finira par faire amende honorable. Mais il a franchi la ligne blanche aux yeux de beaucoup qui ne pardonneront jamais ce dérapage tristement emblématique des dérives du foot business.
La bouderie oubliée, le début de saison des Verts est poussif et sanctionné d’une anonyme 11ème place à la trève. Mais Gomis, Féfé et les autres enflamment le printemps vert. Pour la deuxième saison consécutive, Gomis claque pion sur pion entre janvier et mai et le feu d’artifice est courroné comme il se doit (dans l’œil de ses détracteurs) de trois bouquets finaux pour notre prolifique n°18 : une convocation chez les Bleus, une qualification en coupe de l’UEFA, et une généreuse revalorisation.
Bafé vit un état de grâce symbolisé par son doublé contre l’Equateur dès son premier match en équipe de France. Ses pires contempteurs ont enfin fini par baisser leur garde.

Mais après l’Euro, Bafé passe de l’état de grâce à l’état de graisse. Vacances prolongées, préparation tronquée, il n’est pas prêt quand reprend le championnat en Août 2008. A peine revenu sur le terrain, on le prive en plus de son fournisseur officiel de passes décisives : Féfé se fait la malle et ça fait mal.
Privé de caviar, Bafé se rabat sur les hamburgers diront certains. Quel manque de goût. Oui, quel manque de goût de ne pas voir en premier lieu que la courbe des performances de Gomis suit celle d’un collectif fragilisé par les blessures, l’absence de leader technique (Féfé défaut…) et moral. Quel manque de goût de ne pas admettre que malgré ses défauts (jeu de tête insuffisant, qualité des contrôles dos au but), Bafé a ce talent si rare du vrai buteur : le flair et la confiance en soi qui, contre vents, marées et huées l’amène à ne pas baisser les bras.
Malgré la haine de certains, intelligemment alimentée par les déclarations de Romeyer sur sa supposées melonïte aigüe, Bafé n’a jamais lâché, il finira la saison sur un total plus que respectable de 16 buts, toutes compétitions confondues, et sur une ultime démonstration de son talent contre Valenciennes, doublé et maintien à la clé.

Sur les 3 dernières saisons, Gomis a ainsi marqué 36 buts en championnat, ce qui en fait le 3ème buteur de L1 de cette période derrière Benzema et Niang mais également le 21ème buteur de l’histoire de l’ASSE en L1 derrière Tibeuf (39 buts).
Gomis laisse ainsi le souvenir d’un joueur ayant su de façon impressionnante saisir sa chance dès ses premières apparitions (en vert comme en bleu), et surtout marquer en CFA comme en Coupe d’Europe ou en L1, qu’il pleuve ou qu’il vente, avec une infaillible régularité qui est la marque des grands attaquants.
Toutes compétitions confondues, il a marqué 49 fois sous le maillot vert.


Gomiss’you

Juillet dernier. Le peuple vert balance entre soulagement et espoir. Le bail en L1 est prolongé et l’équipe aligne les victoires en amical. Bafé semble enfin faire une belle préparation. Il claque pion sur pion. Mais le club n’est pas contre l’idée de s’en séparer. Après tout, la fracture avec le public est profonde et la vente pourrait rapporter un joli pactole malgré un crédit, semble-t-il entamé aux yeux des recruteurs. Puis, maudite journée, Lyon, qui enchaîne rateau toulousain (Gignac) sur rateau niçois (Rémy) finit en désespoir de cause par décrocher son téléphone. Nos dirigeants préfèrent s’asseoir sur l’honneur du club que sur le pactole promis par le voisin honni et la trahison est vite scellée.

Comme à son habitude, Gomis s’acclimate vite et empile les buts. Comme prévu il est rappelé en Equipe de France.
Qui s’en étonne sinon ceux qui n’ont jamais manifesté que mépris aveugle pour lui ?

Voir Gomis sous son nouveau maillot est une souffrance qui réunit probablement les Baféphiles comme les Baféphobes. Quand il pénétrera ce samedi, sur la pelouse qui l’a vu grandir et briller, chacun exprimera cette souffrance à sa manière. Certains le conspueront, certains resteront silencieux, d’autres applaudiront le meilleur attaquant formé au club depuis une éternité.

Choisis ton camp camarade !